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Billet de blog 23 avril 2024

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L’École selon Gabriel Attal : un outil pour faire marcher la jeunesse au pas

Le communiquant de Matignon a annoncé un « sursaut d’autorité » dont l’école doit être l’un des principaux vecteurs. Il s’est notamment déclaré favorable à ce que les élèves qui « perturbent gravement la vie de l’établissement » se voient « sanctionnés sur leur brevet, leur CAP ou leur bac » et à ce qu’une « mention soit apposée sur leur dossier Parcoursup ».

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Dans sa déclaration  de politique générale du 30 janvier, ce jeune Premier ministre aux idées rances annonçait la couleur : « L’école est la mère des batailles (…) et sera le fer de lance du réarmement civique demandé par le président de la République. » Au programme du « réarmement civique » : généralisation du Service National Universel (ces Chantiers de la Jeunesse macroniste encadrés notamment par d’anciens militaires ou policiers), travaux d’intérêt éducatif pour sanctionner les mineurs, travaux d’intérêt général pour les parents de jeunes délinquants, placement en internat des jeunes « sur la mauvaise pente ». Un florilège de mesures exclusivement répressives qui ravit les bourgeois âgés qui constituent l’électorat du régime et puise sans vergogne dans le programme de l’extrême-droite que ce gouvernement met en œuvre dans tous les domaines.

Le discours prononcé par Gabriel Attal le 18 avril dernier à Viry-Châtillon illustre à nouveau le grand bond en arrière idéologique du régime macroniste, avec cette annonce de « sanctions » sur les diplômes ou de « mention » dans le dossier Parcoursup des élèves qui « perturbent gravement la vie de l’établissement ». Le « crédit social » à la chinoise est à l’évidence un modèle pour ce gouvernement, comme il l’est pour tous les régimes autoritaires.

D’aucuns diront que ce qui précède est bien excessif puisque le Premier ministre a prononcé ce discours à Viry-Châtillon (Essonne), où un adolescent de 15 ans est mort début avril après avoir été passé à tabac près de son collège. Mais pour des actes d’une telle gravité, le code pénal prévoit déjà – et à juste titre - de lourdes condamnations et il n’est donc point besoin d’y mêler diplômes ou Parcoursup. Quant à la notion de « perturbation grave de la vie de l’établissement », elle est suffisamment vague pour, par glissements successifs, en venir à qualifier des « perturbations » d’une toute autre nature que des violences commises par des élèves. Pour apprécier ce risque, il convient de se rappeler l’utilisation qui a été faite des lois qu’on nous présentait sous l’angle de la répression de la délinquance, de la prévention d’actes terroristes ou de la lutte contre le « séparatisme ».

La loi n°2010-201 du 2 mars 2010 votée sous la présidence Sarkozy  a introduit dans le droit pénal un « délit de groupement » défini dans des termes vagues par la « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens ». Présentée dans l’exposé des motifs comme un outil visant à sanctionner des « actes de délinquance commis par des bandes violentes », cette loi a été utilisée pour des arrestations préventives de milliers de manifestants pendant le mouvement des gilets jaunes et lors des manifestations contre la réforme des retraites. Une telle dérive a été dénoncée par le Commissariat aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’homme et la Contrôleure générale des lieux de privation de libertés (voir ici).

L’état d’urgence a été décrété le 14 novembre 2015 au lendemain des attentats de Paris et de Saint-Denis et a été prolongé à de multiples reprises jusqu’en octobre 2017. La quasi-totalité de ses dispositions ont été intégrées dans le droit commun par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » (loi SILT). Alors que l’objectif affiché était la prévention d’actions terroristes, sa première utilisation a été l’interdiction de manifestations de mouvements écologistes contre la COP21 qui se tenait à Paris en décembre 2015. La loi SILT a ensuite été invoquée à d’innombrables reprises par le régime macroniste pour interdire des manifestations, autoriser la fouille et le contrôle d’identité des participants, permettre des perquisitions au domicile de militants ou leur interdire de se rendre dans certaines parties du territoire. On peut ajouter à ce dévoiement des lois « antiterroristes » le délit « d'apologie du  terrorisme » invoqué ces derniers temps pour réprimer le soutien aux Palestiniens. C'est notamment le cas du NPA, de Rima Hassan et du secrétaire départemental de la CGT dans le Nord récemment condamné à un an de prison avec sursis.

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 « confortant le respect des principes de la République » avait pour objet d’apporter « des réponses au repli identitaire et au développement de l’islam radical, idéologie hostile aux principes et valeurs qui fondent la République » S’inscrivant selon ses promoteurs dans la lignée de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, la loi « séparatisme » traduisait avant tout les obsessions islamophobes d’un régime faisant peu à peu le lit de l’extrême-droite. Elle remettait en cause la loi de 1901 sur la liberté d’association et a été depuis abondamment utilisée par le ministère de l’Intérieur pour s’attaquer à des associations n’ayant strictement rien à voir avec l’islam radical. C’est ainsi que le préfet de la Vienne a demandé à la ville de Poitiers le retrait d’une partie de la subvention accordée à une association de défense de l’environnement au motif qu’elle organisait des ateliers de désobéissance civile (voir ici).

Trois lois utilisées à des fins totalement différentes des objectifs initialement affichés et qui ont pour conséquence la remise en cause du droit de manifester, de la liberté d’association, de la liberté d'expression et la criminalisation des mouvements sociaux. Revenons donc à M. Attal et à son « sursaut d’autorité ». Les outils pour lutter contre les violences dans l'espace scolaire existant déjà (conseil de discipline, exclusion voire poursuites pénales), il est inutile d’en rajouter. A moins que les comportements visés par M. Attal ne se limitent pas aux violences. Une fois la loi votée par les godillots macronistes et leurs compagnons de route de l'extrême-droite, qui peut croire un seul instant que ce régime se limitera à sanctionner des jeunes qui se livrent à des actes de violence dans le cadre scolaire ? Venant d’un ancien ministre de l’Éducation dont la principale préoccupation à la dernière rentrée scolaire fut de s’attaquer aux jeunes filles portant l’abaya, on peut s’interroger sur ce qu’il entend par « perturber gravement la vie de l’établissement ». La tenue de propos sur les violences policières qui seront qualifiés d’anti-flics ? Une marque de soutien au peuple palestinien, immédiatement assimilée à une manifestation d’antisémitisme ? Des critiques contre le régime macroniste, évidemment contraire aux « principes de la République » ?

« Règle, discipline, obéissance passive, les yeux baissés, silence dans les rangs, tel est le joug sous lequel se courbe en ce moment la nation de l'initiative et de la liberté, la grande France révolutionnaire. » Voilà ce qu'écrivait Victor Hugo dans un pamphlet écrit en 1851 et intitulé  Napoléon le petit. Avec l’uniforme à l’école et le Service National Universel dans un cadre militarisé, il est à craindre que le « sursaut d’autorité » voulu par ce régime ne soit avant tout un sursaut d’obéissance et un paravent pour mettre au pas la jeunesse.

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