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Billet de blog 9 janvier 2024

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Gabriel Attal à Matignon : la cure de jouvence de la France réactionnaire

Le 22 juillet 2020, le Premier ministre Jean Castex sortait du Conseil des Ministres en tenant à la main une note manuscrite sur laquelle on pouvait lire : « Finalement, on a trouvé un os à ronger supplémentaire pour le jeune Gabriel ? » Trois ans plus tard, c’est fait.

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Le président de la République a donc décidé de donner un gros os à ronger au « jeune Gabriel » en le nommant Premier ministre. Et les gazetiers de la Cour de s’ébaubir. « Une ascension fulgurante » s’enthousiasme France Bleu à propos du « plus jeune Premier ministre de l’histoire de la République ». Libération discerne « le signe d’une France qui progresse » dans la nomination à Matignon du « premier Premier ministre gay ». La pauvreté qui explose ? La chasse aux chômeurs ? La haine des immigrés érigée en politique publique ? La police la plus violente d’Europe occidentale ? Allons, allons, chaussez donc les lunettes roses de Libé : la France progresse puisque le Premier ministre est gay.

Né avec une cuillère d’argent dans la bouche, « le jeune Gabriel » a accompli sa scolarité dans l’école des rejetons de la grande bourgeoisie parisienne, l’École Alsacienne, puis est entré à Science Po. A sa sortie, il devint l’un des conseillers de la ministre de la Santé Marisol Touraine, comme préposé aux discours. Puis il prit le train En Marche dès 2016 et fit son entrée au gouvernement en octobre 2018 comme secrétaire d’État chargé de la Jeunesse auprès de Jean-Michel Blanquer. Il fut ensuite nommé porte-parole du gouvernement Castex en juillet 2020, ministre délégué chargé des Comptes publics en mai 2022 et ministre de l’Éducation Nationale en juillet 2023. L’École Alsacienne, Science Po et les ministères : une jeunesse macroniste.

Qu’a fait le « jeune Gabriel » depuis qu’il est entré dans la vie publique ? Si certains (de moins en moins nombreux) s’y distinguent par leur savoir-faire, lui, s’est surtout fait remarquer par le faire-savoir. Des annonces qui font la Une des gazettes, des punchlines de publiciste en guise d’idées politiques, l’œil rivé sur les sondages, toujours prêt à défendre aujourd'hui ce qu'il condamnait hier. Dans cet article, Libération rapportait qu'en octobre 2016, il aurait été « heurté par le raidissement de Manuel Valls sur les questions d'identité et d'immigration ». Sept ans plus tard, il faisait partie du gouvernement qui a fait voter la loi la plus xénophobe et la plus raciste depuis le régime de Vichy sans que cela ne le dérange. Il est jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées, la volte-face n'attend point le nombre des années.

Auprès de Jean-Michel Blanquer, il s’est occupé de la mise en place des Chantiers de la Jeunesse macroniste, alias le Service National Universel (SNU). Ah ! ce délicat fumet du pétainisme et ce fantasme d'une jeunesse qui marche au pas et dont on forge le caractère par les propos racistes, les humiliations et le harcèlement sexuel (voir ici et ) ! Il parait que le SNU a pour vocation de former les jeunes aux « valeurs de la République »...

Comme ministre délégué au budget, l’évasion et la fraude fiscales des amis oligarques de M. Macron ont moins retenu l’attention du « jeune Gabriel » que la « fraude sociale ». Alors que 70% à 80% de celle-ci est le fait des entreprises et des professionnels de santé, ce sont évidemment les allocataires des aides sociales qui étaient en priorité dans son viseur. Renforcement des contrôles par la CAF, conditions de résidence plus contraignantes pour les étrangers extra-communautaires (entendez les Maghrébins), le nouveau Premier ministre a su se montrer faible avec les forts et fort avec les faibles. Voilà qui méritait d’être récompensé.

Aux manifestants contre la réforme des retraites, il opposa le mépris et la morgue qu’il a appris de son maître. Ainsi, alors qu’il était accueilli par un concert de casseroles dans l’Hérault le 25 avril 2023, il s’en prenait à « ceux qui ont le temps d’accueillir des ministres de 14h à 18h en pleine semaine, à priori, ce ne sont pas les Français qui travaillent, qui ont des difficultés à boucler les fins de mois ». Car, voyez-vous, des Français qui ont des difficultés à boucler les fins de mois et des salariés qui travaillent tard le soir, la nuit ou très tôt le matin et peuvent donc manifester l’après-midi, il en côtoie tous les jours « le jeune Gabriel ».

A la rentrée scolaire de septembre 2023, le Thomas Diafoirus de l’Éducation Nationale lançait sa croisade contre le port de l’abaya dans les lycées et collèges. Manque de professeurs, classes surchargées, établissements délabrés, enseignants mal payés ? Mais non, ignorants, c’est de l’abaya que l’Éducation Nationale est malade ! Et au mois de décembre, il annonça des mesures dont tous les chercheurs en sciences de l’éducation dénoncent les effets inégalitaires mais qui plaisent tant à la petite bourgeoisie de la France rance : redoublement et groupes de niveau.

Son bilan n’aurait pas été complet sans l’annonce d’une « expérimentation de grande ampleur » sur le port de l’uniforme, cher à Brigitte Macron. L’uniforme à l’école, d’après celle qui cornaque les ministres de l’Éducation depuis 2017, « cela gomme les différences ». Cacher les inégalités sociales sous un bout d’étoffe, une idée qui plait à la patronne, voilà qui ne pouvait que séduire « le jeune Gabriel ».

Le nouveau Premier ministre est un authentique réactionnaire. Et comme aurait pu dire Goerges Brassens, « réactionnaires d'la dernière averse ou réactionnaires des neiges d'antan », le temps ne fait rien à l’affaire. Il reviendra à ce jeune politicien aux idées rances de parachever la fusion du néolibéralisme autoritaire qu’incarne le macronisme avec le néo-fascisme dont M. Macron prépare méthodiquement l’arrivée au pouvoir.

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© Christian Creseveur (@creseveur@mamot.fr )

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