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Billet de blog 29 février 2024

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Des troupes au sol en Ukraine ? Macron macronne, une fois de plus

Le président de la République s’est une nouvelle fois ridiculisé en annonçant ne pas exclure l’envoi de troupes européennes en Ukraine lors de la conférence de presse qu’il a tenue en clôture de la conférence de soutien à ce pays organisée à Paris le 26 février 2024.

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M. Macron a affirmé qu’« il n'y a pas de consensus aujourd'hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. » Bel euphémisme puisque les dirigeants européens se sont tous démarqués des propos tenus par le président français. Le chancelier allemand n’a pas pris de gants pour recadrer le gouverneur de la province France : « Il n'y aura aucune troupe au sol, aucun soldat envoyé ni par les États européens, ni par les États de l'OTAN, sur le sol ukrainien ». Les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie, la Suède et l’Espagne ont également écarté cette éventualité. Olaf Scholz a donc pu affirmer qu’il y avait « une très grande unanimité sur cette question » parmi les pays alliés de l’Ukraine, contredisant frontalement les propos de M. Macron.

Quelle mouche a donc piqué le président de la République ? « La défaite de la Russie est indispensable à la sécurité et à la stabilité en Europe » a-t-il déclaré lors de la conférence de presse du 26 février. Pourtant, en octobre 2022, le même affirmait que « s’il y avait une attaque balistique nucléaire [russe] en Ukraine ou dans la région, d'évidence, nos intérêts fondamentaux ne seraient pas en cause ». On comprend pourquoi le président français a été surnommé la « pendule » par les Ukrainiens, tant ses positions balancent d’un côté, puis de l’autre. Ce mouvement de balancier a aussi été observé sur Gaza. En visite en Israël en octobre 2023, M. Macron réclamait la création d’une coalition internationale pour détruire le Hamas (en réalité Gaza). Aucun dirigeant, pas même M. Netanyahou, n’avait alors jugé bon de relever la proposition incongrue de M. Macron. Quelques mois plus tard, il réclame un cessez-le-feu.

Le président de la République aime faire le buzz et s’efforce surtout de masquer son inaction et son impuissance diplomatique par des déclarations tonitruantes, qui ne sont jamais suivies du moindre effet. On se souvient de l’équipée du président français à Beyrouth en août 2020. Entre deux virées en jet-ski au large du Fort de Brégançon (dont se moquait le Times), il appelait le peuple libanais à renverser ses dirigeants et sommait ces derniers de lui présenter un plan de réformes sous un mois, comme au bon vieux temps du mandat français sur le Levant. Trois ans et demi plus tard, les dirigeants libanais se portent très bien et le peuple libanais toujours aussi mal. M. Macron, lui, est passé à d’autres « séquences médiatiques » comme disent ses conseillers. On se souvient aussi des rodomontades du président de la République au lendemain du coup d’État au Niger et du départ piteux de l’ambassadeur de France et des soldats français quelques mois plus tard.

« Ach Macron » s’esclaffe le Frankfurter Allgemeine Zeitung dans un article au vitriol consacré à ce nouveau fiasco diplomatique et intitulé « Il ne peut pas être sérieux ». Le journal des milieux d’affaire allemands appuie là où cela fait mal : « La France ne pourrait pas se passer d'un seul char Leclerc pour l'Ukraine, et maintenant le président français parle d'envoyer des troupes au sol. (…) La proposition de Macron revient au fait que la France et d'autres pays européens (non nommés) entreraient en guerre contre la grande puissance russe, dotée de l'arme nucléaire et toujours forte conventionnellement, sans le soutien de Washington. Est-il vraiment sérieux ? Le quotidien de Francfort rappelle cruellement les statistiques sur les livraisons d'armes à l'Ukraine : « La petite Estonie, dont Macron fait tant l'éloge, y dépense plus d'argent que la France, puissance nucléaire, qui siège au Conseil de sécurité de l'ONU. » Et de conclure : « En fin de compte, ce sont les actes, et non les mots, qui comptent. Il n'était pas inadmissible que le gouvernement allemand le rappelle à Macron à plusieurs reprises ces derniers temps. Le continent n'a plus besoin de conférences.»

Telle est bien la réalité que les gesticulations de M. Macron peinent à masquer. En proportion de sa population, la France est l’un des pays de l’Union Européenne qui a accueilli le moins de réfugiés ukrainiens (69 495 en France, 375 590 en Tchéquie, 956 635 en Pologne, 1 125 850 en Allemagne au 31 décembre 2023). Rapporté à son PIB, la France est l’un des pays de l’Union Européenne qui a apporté le moins d’aide militaire à l’Ukraine (0,07% pour la France, 0,57% pour l’Allemagne et … 3,55% pour l’Estonie). Enfin, la France est le premier pays importateur de gaz naturel liquéfié russe en Europe. Les importations françaises de GNL russe ont même augmenté de 41% entre janvier et septembre 2023 par rapport à la même période en 2021. Mais M. Macron est formel : « Nous ferons tout ce qu'il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre. » Voilà pourquoi le président de la République s’agite, pourquoi il « macronne » comme disent les Ukrainiens. Macronner – verbe intransitif : se montrer inquiet d’une situation, mais ne rien faire. Quoi que l'on pense de la guerre en Ukraine et de la position à adopter vis-à-vis de la Russie, comment ne pas être effaré par l'amateurisme et l'inconséquence du président de la République en matière diplomatique ?

Dans le portrait que Victor Hugo dressait de Louis Napoléon Bonaparte dans son pamphlet de 1851, il n’y aurait pas un mot à changer pour dépeindre son lointain successeur à l’Élysée : « Certes, [il] s'agite, rendons-lui cette justice ; il ne reste pas un moment tranquille ; il sent autour de lui avec effroi la solitude et les ténèbres ; ceux qui ont peur la nuit chantent, lui il se remue. Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c'est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide. »

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