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Billet de blog 30 juin 2023

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Souillac : Napoléon, les Résistants et... le béton

Dimanche 25 juin était célébré le deux centième anniversaire de l’ouverture du pont Louis Vicat qui enjambe la Dordogne entre Souillac et Lanzac. Curieuses festivités qui célébraient dans un même mouvement Napoléon envahissant l’Espagne et y prenant sa première raclée, la Résistance de juillet 1944 et... le béton !

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Illustration 1
el tres de mayo

Quelle histoire ! Le décret de Napoléon signé 1808 à Montauban ordonne la construction d’un pont sur la Dordogne. En effet l’empereur commence à en avoir assez de perdre du temps, lui et ses armées bien sûr, à passer la rivière sur un alignement de barcasses. 

Il confie donc la mission au polytechnicien Louis Vicat avec ordre que tout soit terminé à son retour d’Espagne. Las ! Les travaux, en raison de difficultés de tous ordres ne pourront commencer que bien des années plus tard ce qui donne à Vicat le temps de réaliser sa grande découverte en 1817 à Souillac : le “ciment hydraulique artificiel” à partir duquel sera conçu le béton qui va bouleverser les techniques de construction dans le monde entier. 

Le pont qui jusque-là était tout bonnement le Pont de Lanzac, est ouvert au public en 1823, d’où la célébration de ce deux centième anniversaire du récemment rebaptisé pont Louis Vicat. 

Après la conférence du matin à la charge du “Souvenir napoléonien”, organisation dont je n’avais jamais entendu parler, qui se donne pour mission la glorification du grand homme et dont on ne peut douter de la clairvoyance historique, des défilés en costumes d’époque partent de la place Betz pour rejoindre le Pont. 

Les spectateurs pourront ainsi admirer les Grognards de Napoléon mais aussi les maquisards de 1944 également en costumes d’époque à la mode FFI, FTP, AS, avec leurs véhicules et leurs armes en souvenir des combats menés par les résistants en juillet 1944 pour interdire le passage de la sinistre division SS Das Reich. Sans compter le défilé de vieilles bagnoles de l’Association des “Vieux pistons périgourdins” célébrant les fameux “embouteillages de Souillac” sur la Nationale 20 au temps béni précédant les autoroutes (à l’heure où l’on sait mieux que jamais ce qu’il en est du CO2, il fallait tout de même oser !). 

Puis vint le temps des discours. Les personnalités sont alignées pour ainsi dire militairement sur la tribune : maire, conseillers, président de la communauté de communes, députée, etc. Personnalités oubliant (ou ignorant ?) de rappeler que la soldatesque impériale allait envahir l’Espagne pour y imposer la loi napoléonienne autrement dit dans une perspective purement impérialiste et qu’elle, cette soldatesque, allait y commettre les pires atrocités sous le commandement de Murat (tiens, un enfant du pays !), atrocités révélées au monde entier par le tableau de Goya “El tres de mayo”.  

Illustration 2
Pont Louis Vicat

En revanche la représentante de la société Vicat n’oublia pas de vendre son “ciment décarboné” depuis cette tribune car outre les multiples et parfois dramatiques inconvénients du béton, ce matériau produit du CO2 en quantité d’où la nécessaire “décarbonation”, miracle de la technologie auquel pour ma part je me garderai bien d’accorder le moindre crédit 

Et chacun(e) y va de son hommage à “nos aînés”, comme on dit, mais oubliant de préciser qu’ils n’étaient pas si nombreux les résistants à l’époque et que ceux qui tombèrent là, à quelques centaines de mètres, constituaient une de ces “minorités actives” grâce à l’action desquelles il arrive que le monde soit quelque peu révolutionné pour le plus grand profit de tous. Car, on le sait bien, ce sont toujours les minorités actives qui par leur engagement rendent parfois le monde un peu meilleur. 

A cet égard, je regrette que le maire de Souillac, Gilles Liébus, n’ait pas eu un mot (ni sur cette tribune, ni ailleurs) d’hommage à l’un de ces résistants, Jacques Laporte, engagé dans l’AS à pas dix-huit ans et décédé le 5 mai dernier. Pas un mot pour le résistant, le militant, le syndicaliste mais aussi l’artiste dont les œuvres de fer forgé ornèrent longtemps les façades des boutiques de Souillac, dont l’une orne encore le square J.J. Chapou et devant laquelle vient d’être célébré l’appel du 18 Juin, mais aussi l’écrivain amoureux de cette rivière “ma Dordogne” disait-il, qu’il aimait passionnément, le poète enfin qui écrivit, entre bien d’autres, ce poème lu par sa compagne face à son cercueil. 

Illustration 3

Crépuscule 

Le jour s’est enfui, le soir tend son voile,  

Un manteau de velours piqué de mille étoiles. 

Tout est calme soudain, l'oiseau vient de se taire, 

Et la brise du ciel vient caresser la terre. 

En ce moment de paix, la lune risque un œil  

Là-haut, au coin du bois où gitent les chevreuils 

Tandis que les grillons de leur chant syncopé 

Rythment du rossignol la douce mélopée. 

Un frisson me parcourt dans cette démesure, 

Mais je me sens heureux au cœur de la nature. 

Je ne suis pas curieux d’une autre galaxie,  

Je suis fils de la terre, mon bonheur est ici. 

A Saint-Etienne (Souillac), juillet 2002 

                                                      Pas un mot monsieur le Maire. N’avez-vous pas un peu honte ? 

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