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Billet de blog 6 août 2024

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Les tièdes (coquecigrue).

En général je les nomme les réalistes. situés entre les idéalistes, “froids dedans, bouillants dehors”, et les réalistes, “bouillants dedans, froids dehors”.

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Les catégories “bouillants”, ”froids” et “tièdes” viennent de ce passage de la Bible:

«Que celui qui a des oreilles entende ce que l'Esprit dit aux Églises! Écris à l'ange de l'Église de Laodicée: Voici ce que dit l'Amen, le témoin fidèle et véritable, le commencement de la création de Dieu: Je connais tes œuvres. Je sais que tu n'es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant! Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni bouillant, je te
vomirai de ma bouche» (Révélation, 3, 13-16, traduction Segond  1910).

Comme je le mentionne dans le billet «L'entendant est sourd, le voyant est aveugle #2», un discours est une clé mais cette clé ouvre n'importe quelle porte. Je précise à la fin du billet que si la lectrice, le lecteur ouvre une porte autre que celle que prévoit l'autrice, l'auteur, le résultat sera le même cependant: ouvrir une porte. Je ne sais pas quelle porte ouvrait la clé qu'est ce passage pour l'auteur mais j'en use ici pour une porte, c'est-à-dire une interprétation qui “donne du sens” à ce qu'on y lit.

L'interprétation que je proposerai repose sur un certain nombre de présupposés pas toujours démontrables. En premier, que l'univers est fractal ou, pour le dire en termes rhétoriques, métonymique: ce qui vaut pour la partie vaut pour le tout et réciproquement. En second, que le terme “Dieu” désigne indifféremment “le tout”, quel que soit ce tout, et “la partie”, quelle que soit cette partie.

Mon objet principal de discours dans ceux de mes textes qu'on peut qualifier de théoriques est “la société”, dans le concret les sociétés humaines, qui sont “le tout” en tant que notion abstraite, et une infinité de “tout” imbriqués et en interaction en tant que notion concrète, l'ultime “partie” étant l'individu humain, l'ultime “tout” étant dans ce cas précis l'ensemble de l'humanité, qui elle-mêmes s'inscrit dans d'autres “tout” qui l'excèdent et d'autres “partie(s)” qui la composent, bref, “Dieu” est indifféremment “la société”, “l'individu humain”, “la nature”, disait Spinoza, c'est-à-dire l'ensemble de ce qui constitue et soutient le vivant (nominalement, “la biosphère” et son environnement), “les particules élémentaires” (les fragments de réalité les plus infimes).

En me limitant donc à cette partie de la réalité qu'est l'humanité, on peut dire que “Dieu” est à la fois “la société”, “les sociétés”, les groupes humains et les individus, et que “la société est à l'image de l'humain” et “l'humain est à l'image de la société”. Donc, “ce qui vomit les tièdes” est à la fois chaque humain “non tiède” et l'ensemble de la société, qui peut elle-même être froide, tiède ou bouillante, ou une combinaison des trois. Une “bonne” société est les trois en proportion variable et dans des limites mouvantes mais déterminées. Les tièdes sont nominalement les humains “parfaits”, des humains tellement socialisés qu'ils sont une parfaite “image de la société”, “les froids” et “les bouillants” en étant une image imparfaite, partielle, puisque limités dans leur capacité à “tiédir” (à se perfectionner) et ainsi à pouvoir quand nécessaire passer du tiède au bouillant ou au froid. Mes lectrices et lecteurs habituels connaissent ma typologie, la distinction entre les “cons fonctionnels” et les “salauds fonctionnels”, avec une catégorie pas très définie “entre les deux”. Un tiède qui serait “absolument tiède” apparaîtrait cependant “froid” pour les bouillants et “bouillant” pour les froids mais les tièdes absolus, les “parfaits”, à ce que j'en sais, n'existent pas, étant “l'image de la société” ils sont donc à la fois tièdes, froids et bouillants, en proportion variable selon leur caractère et selon les circonstances.

Les froids et les bouillants sont aussi des tièdes, mais n'en ont pas conscience. Quand je les décris comme “froids dedans, bouillants dehors” et “bouillants dedans, froids dehors”,  je constate justement qu'ils sont en quelque manière “tièdes” ou plus exactement mitigés, à la fois bouillants et froids. Je les décris de cette manière à partir de leur propre perception d'eux-mêmes, ils se représentent “essentiellement d'une certaine température” et “formellement d'une température opposée”, mais comme la forme détermine l'essence ils sont effectivement des froids se croyant bouillants ou des bouillants se croyant froids. Le problème qu'ont les froids et les bouillants avec les tièdes vient de ce qu'ils sont dans l'incapacité de, et bien, “discerner le vrai du faux” en ce qui les concerne, de déterminer si ce sont effectivement des tièdes, ou s'ils sont des froids masqués, des bouillants masqués ou une catégorie improbable (de leur point de vue toujours), des tièdes réels capables de simuler indifféremment la froideur ou le bouillonnement.

Les positions “froides” et “bouillantes” sont formellement confortables dans une société car stables, constantes, et dans l'ordinaire des choses, dans les contextes où l'on peut dire que la société “va bien”, aussi apparemment “vers le pire” ou “vers le mieux” soit-elle, deux écarts aussi grands à la norme, la majorité des humains tend à se comporter “en froids” ou “en bouillants”, tièdes compris, ce qui fait que “Dieu” en tant que “la société” rejette ceux de ses membres qui sont apparemment tièdes, trop bouillants pour les froids, trop froids pour les bouillants, trop indéterminables pour les deux ensembles. Ils sont toujours trop, ce qui les classe symboliquement “aux marges de la société”, et la société a tendance à rejeter ce qui est à sa marge. On a donc cette situation curieuse où les “excessifs” se perçoivent “mitigés” et perçoivent les “mitigés”, les tièdes, comme des “excessifs”, d'où cette tendance de “Dieu” à vomir les tièdes. Les froids et les bouillants ne comprenant que la moitié des choses, celles “de la bonne température”, qui est “non mitigée”; en temps ordinaire les tièdes disposent d'un avantage certain. Je vous indique la plaisanterie qui explique la méthode tiède pour le contrôle des bouillants et des froids, c'est dans le billet «“Dr Tant-Mieux et Mr Tant-Pis” et autres fables», la première fable, celle intitulée «Dr. Tant-Mieux et Mr Tant-Pis». La méthode? Dire à la fois “blanc” et “noir” dans le même discours, dans tous les cas on obtient l'un des résultats souhaités, “joie” ou “tristesse”, “plaisir” ou “peur”, “colère” ou “repli”, “dépression” ou “hyperactivité”. C'est un rapport entre le niveau de production de “la dopamine” et de “l'adrénaline” et la convergence ou la divergence dans la production des deux.

Je mets ces deux termes entre guillemets en ce sens que c'est effectivement plus complexe mais factuellement aussi simple: pour contrôler un individu, humain ou autre, il faut créer des contextes et des situations dans lesquels “il se donne du plaisir” ou “il se donne de la souffrance”, où il active des processus biochimiques suscitant un sentiment de plaisir ou de joie, ou suscitant un sentiment de douleur ou de crainte, des fausses sensations éprouvées comme vraies.

Le reste vous le connaissez, probablement vous le pratiquez: le repli sur soi dans l'addiction au plaisir auto-produit ou le repli sur soi dan la crainte d'une encore plus grande douleur auto-produite, et l'incapacité à comprendre qu'on est producteur de ces sentiments, qu'ils n'ont aucune cause extérieure déterminable. Fin de l'histoire pour moi, possible début d'une autre histoire pour vous.

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