http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-202716
161. La Cour est d’avis que, par le « signalement pour suspicion de maltraitance » de la directrice de l’école en date du 19 juin 2008 (paragraphe 11 ci-dessus), les autorités ont été mises au courant de l’éventualité que M. ait subi des mauvais traitements et d’un risque potentiel qu’elle en endure d’autres. Ce signalement a ainsi déclenché l’obligation positive de l’État de procéder à une investigation afin d’apprécier l’éventualité de mauvais traitements et, le cas échéant, de déterminer qui en était l’auteur, ainsi que de protéger l’enfant de futurs traitements de cette nature (voir, mutatis mutandis, M. et M. c. Croatie, no 10161/13, §§ 140‑142, CEDH 2015 (extraits).
Un classement sans suite est impossible dès lors que le procureur de la République est informé d'une menace à un droit humain consacré par un traité du droit international de protection des droits de l'Homme et qu'il ne se soit assuré qu'il n'y a pas eu grief. Cela soulève la question d'une nécessaire motivation du classement sans suite.
Le ministère public dirige et contrôle la police judiciaire (art. 12 et 13 du code de procédure pénale).
Une procédure seulement formelle n'est pas conforme non plus aux exigences de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Le signalement d'un grief à l'article 3 de la Convention impose aux autorités publiques (Justice, police, collectivités locales), chacune dans ses prérogatives, d'agir efficacement.
Cette décision signale particulièrement que le ministère public ne peut pas faire échec au principe de légalité, aux obligations impératives posées par la loi (Art. 1 de la Convention).
Le principe d'opportunité des poursuites s'efface devant, est subordonné à l'obligation positive de garantir l'efficacité des droits de l'Homme.
Cette décision de la Cour européenne des droits de l'Homme, que renforce l'énoncé de l'ordre public procédural dans l'article préliminaire du code de procédure pénale, renforce l'obligation de gardien impartial la loi du procureur de la République et d'agir comme garant du respect de la loi dans les poursuites, notamment dans les enquêtes préliminaires, où le ministère public veille à garantir le respect, notamment, du droit à un procès équitable, du droit à un recours effectif, etc.
Prolonger :
La France : coupable et condamnée
- 5 juin 2020
- Par Denys Laboutière
- Blog : Le blog de Denys Laboutière
En dépit de preuves accablantes qui auraient dû les mobiliser pour empêcher des actes de violence commis sur une enfant jusqu'à sa mort, la justice et les services sociaux de 2009 viennent d'être réprouvés par la Cour Européenne des Droits de l'Homme qui condamne ainsi la France et la juge coupable de négligences.