Emmanuel Macron ne mobilise pas son intelligence au service du bien-être général ; comme sa fonction le lui impose. Il agit contre et méprise la décence ordinaire.
La mobilisation de la population du 7 mars 2023 signe un degré supplémentaire de la rupture entre le pouvoir et le corps électoral. L'entêtement du pouvoir ne permet d'en appeler à la légitimité des dernières élections. Les résultats reposent sur une victoire à la Pyrrhus pour la présidentielle et un rejet de sa majorité pour les législatives.
Les sondages donnent l'opinion résignée. Ce n'est pas le signe d'une acceptation. Elle subit depuis quinze ans un exécutif indifférent à la situation sociale de la plus grande majorité de la population ; que l'actualité ne cesse de le rappeler, au point de banaliser le scandale, en faire un scandale ordinaire, et d'anesthésier l'indignation. Momentanément.
L'aggravation des conditions de vie ou de travail, salaires insuffisants, accès aux soins et à l'éducation difficiles, inéquité fiscale, difficultés à se loger, à se chauffer, ... est la réalité de 70% de la population que les 30 autres ne peuvent pas renvoyer de mauvaise foi à la responsabilité individuelle. Ce mépris de la dignité et l'indifférence à la misère et aux inégalités trouve dans la réforme des retraites une dernière illustration de ce qui guide le pouvoir en France, une conception archaïque de l'action politique, dont le rejet est un facteur de la mobilisation.
La mise en scène législative va accentuer cette fracture et l'adoption législative formelle d'une réforme - en abusant de l'illusion des apparences procédurières - n'a déjà pas d'autorité puisqu'elle se fait notoirement au mépris du droit et des réalités économiques, démontrées et répétées.
Emmanuel Macron et ses majorités ont mangé leur pain blanc et ils n'ont pas de politique dans le sens que recouvre ce mot, c'est-à-dire garantir le bien être général.
Ils affirment faussement que le pouvoir peut se permettre n'importe quoi du fait d'un scrutin. Une élection n'est pas un blanc seing. C'est sinon justifier l'injustifiable, l'action politique d'un pouvoir autoritaire, dès lors qu'il est désigné à l'issue d'un vote.
Une élection n'est qu'un mode de désignation d'un mandataire temporaire auquel l'électorat confie la gestion des affaires publiques dans le respect des normes qui encadrent son exécution. Ce n'est plus respecté, réduisant le débat public à un bavardage, le formalisme à l'illusion des apparence. Emmanuel Macron s'en est fait le champion.
Il disqualifie la démocratie. Sa politique - réactionnaire et intransigeante - en fait le principal promoteur électoral de l'extrême-droite. Mais sa politique est contre productive y compris pour ceux qu'il pense favoriser. Il va devoir expliquer aux employeurs et aux investisseurs la perte d'intérêt pour le travail. Les phénomènes de rejet des bullshit jobs, ou boulots de merde, de Big quit ou Quiet quitting ne s'observent pas qu'aux Etats-Unis.
Les provocations et l'intolérance d'Emmanuel Macron n'échappent pas à la décence commune et conduisent logiquement le plus grand nombre à douter de l'utilité à travailler pour les intérêts, les prétendues valeurs, un baratin, en fait, de personnes qui démontrent surtout leur incapacité à concevoir la société - ou même la planète - au-delà de la satisfaction de leur seule personne.
La qualité médiocre de l'action publique - des déclarations éphémères, une communication reposant sur des effets d'annonces jetables, périmées aussitôt dîtes - font qu'un tout à l'ego s'est substitué à l'hubris. La pensée classique ne peut même plus être mobilisée pour donner du lustre à des comportements qui n'en ont aucun.
Emmanuel Macron impose ses injonctions, seul contre tous, ignorant son temps, l'évolution de l'opinion et ses attentes. Sa prétention a modifié le fonctionnement des institutions. Comme l'illustre le Sénat qui débat, comme si de rien n'était, pendant que la France est dans la rue. Cela illustre la rupture d'une certaine majorité avec la population, dont une cause est le dédain pour la plus grande partie des habitants du pays et dont l'effet est un déni persistant de l'aggravation des réalités sociales et humaines.
La loi sur les retraites passera peut-être, comme les restes de la grande armée sur le pont de la Berezina. Quant aux pontonniers...
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