La « quête de sens » est devenue un commerce de « psys » et de « coachs ». C'était jadis l'affaire de théologiens, qui cherchaient la main de Dieu dans l'Histoire. Entre les Lumières (XVIIIe siècle) et la Grande Guerre (début du XXe), le théologique a cédé la place au politique : dans l'Occident du « désenchantement » (Max Weber) et du retrait de Dieu, on chercha le sens dans ces « religions séculières » (Raymond Aron) que furent le communisme, le fascisme et le nazisme, mais aussi le libéralisme et ses avatars (ultra-, néo-...) ainsi que, toujours plus couru semble-t-il, le complotisme, depuis que les « grands récits » (Jean-François Lyotard) sont entrés en déshérence.
Chercher le sens est également une manie d'historien ¿ le sens des actes commis par les acteurs d'une époque, expressions d'une « vision du monde » propre à un temps, à un lieu, à un groupe humain (classe, race, nation, ou unité de police, corps de fonctionnaires, ordre religieux), qui légalise, légitime et justifie parfois le pire.
Introduction à l'histoire des XXe et XXIe siècles, ce livre expose les « récits du temps » (François Hartog) qui donnent sens, substance et consistance aux individus déterminés à vivre et faire l'histoire, et présente une manière de faire de l'histoire attentive aux univers mentaux et aux bonnes raisons que l'on avance toujours pour faire et défaire. Car l'histoire, au-delà de la discipline ou de la science, est un art de lire et de vivre le temps, un art littéraire sensible au cœur et à la raison.
Avec nous (sur la RTBF) : Johann Chapoutot, professeur d'histoire contemporaine à la Sorbonne. Spécialiste de l'Allemagne et de la modernité occidentale, il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages traduits en dix langues et distingués par de nombreux prix français et internationaux.
Alexandre Léger explique (dans son texte ci-dessous) que " Le romantisme politique consiste en une idéalisation du passé, de l’Etat et de la société. Ce qui caractérise la manière avec laquelle ces auteurs abordent la politique, c'est donc bien l'idéalisation. "
Le scientisme comme la croyance dans les prophéties du progrès technique relèvent du même rationalisme irrationnel. Ainsi également des mystiques identitaires, du complotisme, du racisme, des intégrismes, des discriminations, de la fabrication de l'ignorance, de l'ineptie dans ses formes nombreuses (prétention, orgueil, vanité, complexe de supériorité, théorie du ruissellement, (mauvaise) gestion de l'épidémie...).
Le romantisme politique que Zemmour instrumentalise pour justifier son discours ethnocentré a été promu et lancé en France par Napoléon Bonparte, également initiateur du libéralisme autoritaire qui caractérise toujours et encore la conception et l'exercice du pouvoir.
Prolonger :
Le Grand Récit - Introduction à l’histoire de notre temps
29/09/2021
Résumé
La « quête de sens » est devenue un commerce de « psys » et de « coachs ». C’était jadis l’affaire de théologiens, qui cherchaient la main de Dieu dans l’Histoire. Entre les Lumières (XVIIIe siècle) et la Grande Guerre (début du XXe), le théologique a cédé la place au politique : dans l’Occident du « désenchantement » (Max Weber) et du retrait de Dieu, on chercha le sens dans ces « religions séculières » (Raymond Aron) que furent le communisme, le fascisme et le nazisme, mais aussi le libéralisme et ses avatars (ultra-, néo-…) ainsi que, toujours plus couru semble-t-il, le complotisme, depuis que les « grands récits » (Jean-François Lyotard) sont entrés en déshérence.
Chercher le sens est également une manie d’historien — le sens des actes commis par les acteurs d’une époque, expressions d’une « vision du monde » propre à un temps, à un lieu, à un groupe humain (classe, race, nation, ou unité de police, corps de fonctionnaires, ordre religieux), qui légalise, légitime et justifie parfois le pire.
Introduction à l’histoire des XXe et XXIe siècles, ce livre expose les « récits du temps » (François Hartog) qui donnent sens, substance et consistance aux individus déterminés à vivre et faire l’histoire, et présente une manière de faire de l’histoire attentive aux univers mentaux et aux bonnes raisons que l’on avance toujours pour faire et défaire. Car l’histoire, au-delà de la discipline ou de la science, est un art de lire et de vivre le temps, un art littéraire sensible au cœur et à la raison.
Jacques Droz. Le romantisme politique en Allemagne, 1963 [compte-rendu]
Annales historiques de la Révolution française Année 1964 176 pp. 230-232
Voilà un recueil de textes, très original et très précieux; il s’agit de documents sur le romantisme politique en Allemagne de 1792 à 1835 environ, c’est-à-dire des textes les plus caractéristiques du mouvement contre-révolutionnaire en Allemagne. Dans son Introduction, Jacques Droz écrit fort pertinemment qu’ « il est impossible de dissocier le romantisme politique allemand de l’ensemble des mouvements suscités en Europe par la crainte de l’idéologie de la Révolution française ». Il ajoute « De même que la Révolution a été un phénomène général, qui a débuté vers 1770, pour se perpétuer jusqu’au cœur du xix® siècle, et s’est étendu à l’ensemble de l’Occident, de même la Contre-révolution a eu un caractère universel qui dépasse largement les frontières de chaque pays et qui a été l’expression de la terreur ou de la haine suscitées par le triomphe des idées nouvelles, au sein des anciennes classes dirigeantes. » En Allemagne, l’idéologie contre-révolutionnaire s’est rattachée plus rapidement qu’en France, et aussi vite qu’en Angleterre au vieux mysticisme sous-jacent et a pris ainsi sa place dans les débuts du romantisme. (...)
Le romantisme politique - Alexandre Léger (décembre 2014)
(...) Il est caractérisé par un éclatement des positions, qui peuvent parfois aller jusqu’à la contradiction. Parmi les auteurs les plus caractéristiques, on compte notamment Friedrich Schlegel et Novalis, mais aussi Joseph Görres, Achim von Arnim ou Adam Müller. Autant d'artistes différents ayant des points de vue parfois opposés, mais que la critique rassemble sous la même catégorie du romantisme politique. (...) L’Allemagne, telle que nous la connaissons aujourd’hui, n’existait alors pas : elle n’était qu’un territoire fragmenté en de multiples états plus ou moins indépendants, réunis sous le « Saint Empire Romain Germanique », qui s’étendait au-delà de l’actuelle Pologne, jusqu’à la ville de Königsberg (connue plus tard sous le nom de Kaliningrad). Rappeler l’état fragmenté de cette aire germanique permet de saisir un fait majeur : avec l’occupation napoléonienne, dans l'Empire Germanique, c’est tout un mouvement de résistance qui naît et suscite une unification nécessaire, pour laquelle les Romantiques jouent un rôle majeur : unir les peuples allemands signifie leur trouver des points communs, au premier rang desquels la langue, mais aussi et surtout, l’élaboration d’un passé commun. C'est notamment ce que propose Novalis dans « La Chrétienté ou l’Europe », ouvrage dans lequel il construit un passé idéalisé : l’Europe était à l’époque unie par la religion et les peuples solidaires en vertu de celle-ci.
Radiographie de l’ennemi : Carl Schmitt et le romantisme politique
Christian E. Roques
https://doi.org/10.4000/asterion.1487
Résumé
C’est grâce à son essai Politische Romantik, publié en 1919, que Carl Schmitt fait une entrée remarquée sur la scène intellectuelle allemande. L’ouvrage se présente comme une charge systématique et radicale contre la tradition allemande du « romantisme politique », et fut vivement discuté dans les années qui suivirent sa publication. Mais aujourd’hui il se trouve relégué parmi les œuvres de jeunesse de Schmitt et reste rarement étudié par la recherche, qui le lit au mieux comme une belle contribution à l’histoire culturelle du xixe siècle.Pourtant, une étude approfondie de l’essai, ainsi que du contexte historique dans lequel il s’insère, fait apparaître que ce n’est pas dans une telle perspective que Politische Romantik manifeste toute sa portée : bien plus qu’une étude historique, cet essai constitue un élément de réponse à la crise du conservatisme allemand tel qu’il apparaît dans l’après-guerre. Le rejet du « romantisme politique » marque la rupture de Schmitt avec l’idéal « apolitique » des intellectuels allemands de l’époque, et par là constitue le premier moment du projet schmittien, tel qu’il se verra développé de manière croisée dans son étude sur le catholicisme et sa Théologie politique.
Date de publication : octobre 2005 - Auteur : Anne-Marie THIESSE
La celtomanie engendrée par les épopées ossianesque a donné lieu à la création sous l’Empire, en 1805, de l’Académie celtique, société savante qui voulait retrouver dans la culture populaire les vestiges des croyances de « nos ancêtres les Gaulois ».
Le plus étonnant est le tableau qui fait entrer directement Bonaparte et ses officiers dans l’épopée. Il s’intitule Ossian recevant les héros français. Girodet, qui a réalisé cette peinture pour la salle à manger de la Malmaison, lui a donné un long commentaire explicatif. On y apprend que l’aigle s’enfuit devant le coq qui symbolise « le Génie de la France » et qu’Ossian embrasse Desaix tandis que Kléber tend une main à Fingal, le guerrier fils d’Ossian, en signe d’alliance. Les généraux Dampierre, Dugommier, Championnet, Joubert, Desaix, etc., sans oublier le Premier consul, figurent sur le tableau…
L'ossianisme, mouvement poétique pré-romantique prend tout son sens dans le contexte de « l’éveil des nationalités » : les guerres napoléoniennes ont pour conséquence chez les nations vaincues une volonté d’affirmer leur indépendance culturelle et de rechercher leurs racines populaires le plus loin possible. L'ossianisme forge des épopées nationales qui trouvent leur apogée dans le nationalisme romantique.
Ainsi, sans les Poèmes d'Ossian, Wagner n'aurait sans doute jamais écrit sa Tétralogie. Walter Scott s’en inspira, J.W. von Goethe inséra une traduction en allemand du poème Les chants de Selma dans une scène des Souffrances du jeune Werther