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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Billet de blog 1 février 2024

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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Le Ministre des Finances en Calédonie : contre la "doctrine nickel". Pipeau ! (Thèse)

Thèse, exporter toujours plus de minerai, activité estimée rentable alors que la métallurgie ne le serait pas : "préalable minier à l’envers" contre les indépendantistes qui préfèrent la seconde créant plus de valeur ajoutée. Antithèse, la thèse n’est étayée que sur une période fort particulière. Et, "pot aux roses", oublie surtout la cause fondamentale de la non-rentabilité des usines ; suspense…

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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce billet comporte trois parties : cette première partie est la thèse ; la seconde est l’antithèse ; la troisième n'est pas une synthèse mais « la découverte du pot aux roses ».

Résumons tout de go le cœur de l’antithèse contre le ministre des Finances, Le Maire : pas de politique sous couvert d’économie ; tu parles[1] ! Le « préalable minier », le vrai, l’original, avait été emporté, avec l’accord de l’État (le pouvoir de la Métropole) aux Accords de Bercy[2] de 1998, par les indépendantistes demandant une nouvelle usine pour le Nord dans l’optique d’un rééquilibrage économique nécessaire à la paix civile. Ce préalable  permit l’Accord de Nouméa qui repoussa le référendum d’autodétermination prévu dix ans après par les Accords Matignon-Oudinot de 1988, et permit une bonne vingtaine d’années de relative paix civile.

Du coup, naquit aussi alors le principal aspect de la « doctrine nickel » précisé dans le préambule de cet Accord de Nouméa de février 1998 :  que, dans tous les cas de figure, l’allocation des ressources néo-calédoniennes en minerais garniéritiques et latéritiques soit orientée dans un sens privilégiant la création de valeur ajoutée sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie à l’horizon le plus rapproché possible ». S’est ensuite développée, à partir de 2005, une extension de cette doctrine : exporter vers des usines offshore (à l’étranger) des minerais pauvres à condition que le Nouvelle-Calédonie soit majoritaire dans ces usines. Ce fut le fameux projet POSCO en Corée (du Sud)[3]. Cette doctrine a été faite loi de Pays (Code minier) en 2009.

Le ministre des Finances, reprenant les directives du Président Macron, s’est affirmé lors de sa visite sur le Caillou fin novembre 2023, contre ces deux acquis indépendantistes et a avancé en revanche (le terme sied ici parfaitement…) ce que l’on peut nommer la thèse du « préalable minier à l’envers »[4]  : revenir sur la doctrine devenu code minier en favorisant les exportations de minerai. Il fut rejoint sur ce sujet par la plus grande partie (mais pas tous !) des loyalistes, adeptes de la Calédonie française pour faire plier politiquement les indépendantistes sur le thème central de la réforme des institutions (Indépendance remise aux calendes grecques) après le troisième référendum du 12 décembre 2021… dont la légitimité politique interroge, même si la légitimité juridique semble ne faire aucun doute. Cependant pas tous les loyalistes : le parti centriste Calédonie ensemble (CE) l’un des seuls militants actuels du nationalisme calédonien[5] et relativement progressiste en matière économique, soutient la doctrine nickel. CE eut ses heures de gloire avant sa déroute électorale de 2019, après qu’il fut taxé par les loyalistes radicaux de « socialiste » et de « suppôt des indépendantistes »

Et la thèse économique de Macron-Le Maire ne tient pas la route : elle se fonde sur une période particulière, très particulière : celle de la récession économique de 2019 à 2021 causée (outre la Covid 19 ; et peut être la chute du tourisme sur cette période) par le grave écroulement de la métallurgie (et de ses résultats économiques) remplacée par les exportations de minerai. Et avec bonheur pour lesdits « Petits mineurs »[6] » surtout (mais travaillant également pour les métallurgistes) exportateurs de minerai[7] dont les rentabilités se sont envolées.

Cette thèse ignore en outre bizarrement l’étonnante reprise économique de 2022, avec un taux de croissance du PIB en volume de + 3,5 % (et + 7,5 % en francs courants !) digne de la période de Boom ; reprise due, comme un effet miroir de la cata précédente, par le remarquable rebond des volumes de la métallurgie, certes dopé par des cours exceptionnels du nickel. Et le nickel retrouvait en 2022 sa part des très beaux jours dans le PIB (14% : du jamais vu depuis le pic de 2017 à 17 %) après plusieurs années d’érosion sinon d’écroulement. Et c’est donc la principale cause du rebond du PIB.

Et la thèse de la mort annoncée de la métallurgie oublie un phénomène fondamental, justement caché du temps des vaches grasses dont les maisons-mère des trois usines sont responsables. Mais n’allons pas trop vite…

C’est aussi simple que cela ; tout est dit et il ne reste plus qu’à le démontrer.

NB. Pour souffler un peu, ce billet est présenté en trois blocs  (et surtout par ce qu’il est trop gros pour passer en un seul...) ; il y a beaucoup (trop ?) de notes dites de bas de page, présentées ici en fin de texte, ce qui ne facilite pas la lecture. Il y a plusieurs méthodes pour s’en sortir, dont celle consistant à recopier le texte et celui des notes... ou à utiliser le papier... 

La réflexion sur l’avenir et la stratégie du nickel n’est pas nouvelle[8] : quelques flash-backs.

En novembre 2022[9], Jean-François Carenco, le ministre délégué aux Outre-mer, annonça que « la problématique nickel » ferait l’objet « d’un atelier dédié » :  « La situation n’est pas bonne. N’est pas bonne dans le Sud, n’est pas bonne à Nouméa, n’est pas bonne dans le Nord […] Il nous faut réfléchir. Le ministère des Finances, le ministère de l’Intérieur et moi-même essayons de trouver la bonne formule là-dessus ».

Elle avait auparavant rebondi quand le groupe Vale décida de jeter l’éponge en 2020 pour céder (et avec du fric offert à la clé !) son usine dite du Sud à Goro. Mais tout avait commencé[10], au milieu de 2015, avec des revendications qui auraient pu se transformer en « Évènements »[11] comme la quasi-guerre civile d’avant 1988 : ce fut  le premier coup de canif dans la doctrine nickel et le code minier. il y a près de dix ans donc, la fermeture d’une usine australienne et la fin des exportations vers elle a déclenché le mouvement des « rouleurs » (les camionneurs transportant le minerai des mines vers les ports) mouvements en fait à l’initiative desdits « Petits mineurs »[12] pour revendiquer des exportations de substitution, singulièrement vers la Chine, les rouleurs ayant une arme de choc : les barrages routiers. C’est assez amusant quand la Chine est maintenant désignée comme le plus grand danger ; « heureusement », la France s’est engagée dans l’Axe IndoPacifique…

Comme par hasard, une simple revendication économique au moment où les cours du nickel s’écroulaient, devint un débat politique. Des indépendantistes et la province Nord en alliance avec le parti Calédonie Ensemble s’opposèrent à cette rupture et, dans un premier temps, conformément au Code minier, la revendication des Petits mineurs, avec leur bras armé des rouleurs, fut rejetée. Les rouleurs avaient attaqué la politique de la SMSP (Société Minière du Sud Pacifique, bras financier de la Province Nord en matière de nickel, filiale de la SOFINOR, la société financière du Nord) en la personne d’André Dang (le vieux patron de la SMSP) qui, menacé de mort, dut s’exiler un temps en Australie (comme en 1984). Après une forte tension sociale comme le Caillou en connaît souvent, avec barrages routiers et débuts d’affrontements physiques, après un mort par accident suivi d’une déclaration des indépendantistes du Nord menaçant, pour répondre aux blocages des rouleurs, de bloquer les mines de la SLN, le conflit prit fin. Mais il a fallu attendre le mois d’octobre pour que le Congrès (l’Assemblée législative locale) accepte, à une faible majorité, l’autorisation d’exportation[13] ; et avec des alliances curieuses : les pour furent des loyalistes, les Républicains, alliés à l’Union calédonienne, l’UC (des indépendantistes) ; les contre d’autres indépendantistes, ceux de l’UNI-Palika (Union nationale indépendantiste-Parti de libération kanak) dominante en Province Nord avec Paul Néaoutyine que l’on va bientôt retrouver…) votant avec Calédonie ensemble (CE).

Remontons encore le temps. Le débat avait déjà rebondi en 2013 lors de la Conférence internationale sur le nickel[14] organisée à Nouméa, en 2013. Paul Néaoutyine joua alors, jeu qui peut apparaître à contre-emploi[15], contre la Présidente de la Province Sud Cynthia Ligeard. Il défendit avec vigueur les choix de la Province Nord de s’associer avec le Chinois Jinchuan pour une nouvelle usine off shore où la Province serait majoritaire avec 51 % des parts : jeu « gagnant- gagnant » car il aurait permis de valoriser des latérites qui ne sont pas utilisables par les usines implantées en Nouvelle-Calédonie. Cynthia Ligeard, avait pesté la veille : « ll n’est pas dans l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie d’exporter le minerai de nickel vers des pays à bas coûts de production (Chine) parce que nous risquons de tuer notre industrie et ce n’est pas ce que nous voulons ! ».

Le projet de Néaoutyine n’a pas abouti ; pas plus que le suivant avec un autre Chinois, Yichuan, projet qui vient également de rendre l’âme en 2023[16]. Probable refus des Chinois, après moult hésitations, d’accepter la majorité d’un opérateur étranger dans une Joint-venture ; sans doute aussi la montée en puissance de l’Indonésie comme métallurgiste. Pourtant la Province Nord et les responsables politiques chinois avaient mis les petits plats dans les grands lors d’un mémorable voyage[17]...

Enfin, ou presque, en 2009, date charnière, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie (dit Gouvernement Gomès, du nom du patron de Calédonie ensemble, de fait soutenu par les indépendantistes) proposa un Schéma de mise en valeur des richesses minières qui, approuvé par le Congrès transforma la « doctrine nickel » en loi[18].

Mais, si l’on veut bien comprendre tout ce qui suit, un vieux rapport (bien long mais très riche) est incontournable[19] : celui du Sénateur Henri Torre, Rapport d'information n° 7 (2005-2006) fait au nom de la commission des finances, Le nickel en Nouvelle-Calédonie : une opportunité enfin saisie ? Il rappelait la situation d’il y a maintenant un quart de siècle et détaillait surtout ce que fut le préalable minier de 1998 et les difficultés de mise en place des deux nouvelles usines.

Enfin, le grand rebondissement de la critique de la doctrine nickel date de 2023 ; c’est le sujet de ce qui suit.

...

Les très mauvaises nouvelles sont arrivées en escadrille pour la métallurgie du nickel dont les trois usines sont tout simplement considérées comme au bord de la faillite, rien que ça[20]. On avait compris qu’elles étaient en difficulté mais on pouvait être rassuré par le remarquable rebond du secteur en 2022 et 2023 dû justement à la métallurgie qui a également boosté la production de minerai pour transformation sur place.

Que nenni ! Les trois maisons-mères ont émis, presque dans un parfait trio à cordes grinçantes, une série de messages forts. Soit qu’elles ne mettraient plus un sou dans le tonneau des danaïdes de leur filles : coup de tonnerre à l’usine du Nord, KNS (Koniambo Nickel SAS, filiale à 49 % du grand groupe Glencore[21]) et annonce plus discrète d’Eramet[22] (l’actionnaire français très majoritaires de la SLN, la Société Le Nickel dont l’usine est presque au centre de Nouméa). Soit, premier oiseau de mauvaise augure, qu’existent à Prony Resources[23] (ayant remplacé, à l’usine du Sud de Goro, Vale NC) de graves problèmes de coûts de production et surtout de trésorerie.

Cette série suivait le Rapport de l’IGF, l’Inspection générale des finances, publié opportunément lors de la visite de Macron sur le Caillou fin juillet[24], qui mettait en exergue les difficultés (et pire) des trois usines métallurgiques et prônait le développement des exportations de minerai.

Mais on ne trouvera pas un seul mot de l’IGF et Le Maire pour indiquer qu’en 2022 et 2023, après trois années de récession économique sur le Caillou, l’économie semble repartir de plus belle ; et justement grâce au fabuleux rebond de la métallurgie ! Aucun des nombreux énarques chargés de missions n’aurait vu cela au milieu et à la fin de 2023 ? Ne jouons pas les naïfs : ils le savaient pertinemment mais se sont bien gardés d’en parler[25] ! (Voir l’annexe 1; NB : toutes les annexes se trouvent à la fin du troisième billet). Et allons plus loin : selon l’ISEE[26] (l’Institut de statistiques et d’études économiques, l’INSEE locale) avec tous les effets induits, l’impact du nickel serait, du moins en 2019 (au début de la récession) du double de la part directe. C’est dire le moteur important qu’est le nickel : avec 14 % de part réel en 2022, sa part avec effet induit pourrait être de 28 %[27] ! (Voir annexe 2).

Le plan de ce billet (en trois blocs successifs donc) peut paraître curieux ; mais il s’explique…

On commencera en effet (point 1), en feignant d’oublier d’importantes éléments chiffrés et positions qui interrogent (comme on dit pour rester bien élevé…) du Rapport IGF (expertise censée étayer la directive de Macron[28] et les éléments de langage repris par le ministre de l’Économie, des Finances, Etc.) par exposer la thèse de Bruno Le Maire : il ne reprend que cette directive et se fonde sur les conclusions de ce Rapport IGF, sans trop insister et en indiquant rarement les données chiffrées implacables pour la métallurgie. Autrement dit, ceux qui avaient suivi ses déclarations ne savaient pas grand-chose de ce qui étayait ses opinions : ce qui explique notre plan curieux. On critiquera certes les évidentes prises de position partisanes (avec son jeu peu discret du bâton et de la carotte), mais le lecteur devra attendre l’antithèse pour comprendre ce qui étaye (mal) ces prises de position.

Ce point exposera ensuite les réactions négatives de la plupart des indépendantistes alors que les loyalistes ont adoubé les conclusions de Le Maire. Car le problème est bien politique. Et politique au plus haut point : notre Président avait donné son point de vue quant à la doctrine nickel[29] en affirmant : « Pour être compétitif, il faut faire deux choses : il faut bouger la doctrine nickel, parce que s’il y a zéro export, il y a peu de chances que ce soit compétitif pour ces trois usines ; et il faut un peu bouger les équilibres de production ». Il a oublié de préciser (probablement un simple bug…) qu’il s’agit de zéro export de minerai et non de zéro export des trois usines sidérurgiques du Caillou : on exporte bien du minerai de nickel depuis toujours et pas seulement vers la coentreprise avec le Coréen (du Sud…) POSCO[30].

Cette sortie tombait bien pour critiquer les indépendantistes et, du coup, fortement les agacer. Paul Néaoutyine, indépendantiste encore patron du Palika et de la Province Nord, dont la parole se fait pourtant de plus en plus rare, avait vertement critiqué la prise de position de Macron, précisant en substance[31] que ce n’était pas à la doctrine nickel à laquelle avait fait allusion le président de la République mais au code minier lui-même, c’est-à-dire à la loi du Pays adoptée à l’unanimité par le Congrès en 2009 et qui encadre les exportations de minerais bruts. Là, Macron a commis une erreur[32] et surtout une faute politique ; et le Rapport de l’IGF, reprenant la position de Macron (à moins que ce ne soit le contraire…) aura jeté un peu plus d’huile sur le feu.

Bien que Le Maire ne veuille pas le reconnaître, évidemment, sa thèse prend l’exact contrepied de la doctrine nickel des indépendantistes et est tout simplement, répétons-le, un véritable « préalable minier à l’envers » : une arme de guerre contre les indépendantistes, une réaction au sens de réactionnaire.

Ensuite (point 2, le second bloc de ce billet) l’antithèse où l’on contestera cette thèse justement grâce au Rapport IGF où se cachent donc des éléments qui interrogent sur sa pertinence. La non-rentabilité des métallurgistes du nickel calédonien est évidente depuis une dizaine d’années, quand les cours se sont effondrés par la surproduction mondiale (à laquelle le Caillou a participé, après le boom jusqu’au début des années 2010, en construisant deux nouvelles usines s’ajoutant à la Vieille Dame SLN du centre de Nouméa à Doniambo). Mais la situation fut encore pire depuis 2017, et surtout depuis 2020 : le pays « roi du nickel », singulièrement en métallurgie, c’est maintenant l’Indonésie devenu le principal sous-traitant de la Chine. Ce phénomène, fondamental s’il en est, est l’une des causes (mais pas la seule…) du désastre récent [je souligne récent, PC] de la métallurgie du Caillou. On note bien (IGF, Le Maire, etc.) que l’Indonésie, avec ses bas coûts de production, est maintenant le principal concurrent de la Calédonie ; mais on se garde bien de souligner son ampleur (un véritable changement d’ère) et qu’il s’agit d’un phénomène qui certes, couvait, mais n’éclata à la figure qu’hier : en 2019-2021 ! Répétons-le, l’expertise des énarques de l’IGF prend pour un phénomène structurel, non pas ce changement d’ère de 2017-2020, mais la période très récente et atypique de 2019-2021 ! Simple erreur technique ? Je n’y crois pas, pas plus que la mise en exergue des rentabilités négatives des métallurgistes (avec, en contraste, le bond de celles des « Petits mineurs ») criantes surtout dans la courte période de déprime.

Changement d’ère en effet (voir annexe 3) : sans l’Indonésie, les productions mondiales de minerai et de nickel métallurgique seraient restées à 2 MT ; elles ont augmenté d’1 MT (+ 50 % !) en cinq ans depuis 2017 ! Le nain calédonien (10 % du minerai mondial en 2017 et 6 % en 2022 ; 5 % et 2 % respectivement pour la métallurgie) est devenu un petit nain. Et, quand les volumes de production des trois usines se sont écroulés, de 2019 à 2021, les exportations de minerai se sont engouffrées dans la brèche en boostant les profitabilités des « Petits-mineurs » (et en maintenant ceux de la SLN qui voulait participer à la fête) alors que celles des usines s’écroulaient : la thèse de Le Maire reprenant Macron et l’IGF n’a aucun sens général : elle n’a de sens que sur cette courte période très particulière.

Comme on va souvent mentionner cette petite période très particulières, une vision en élargissant le champ  des courbes en cloche de la production métallurgique de début 2018 à fin 2023 peut être utile, mois par mois, mais en équivalent tonnage annuel (KT de Ni contenu) ; et ça nous rassurera en visionnant de plus près le creux de 2020-2021(dû surtout au mouvement social qui a secoué la cession de l’usine de Goro de ValeNC aux nouveaux actionnaires de Prony Resources - la production s’est arrêtée ou presque de décembre à avril - mais aussi au creux du Feronickel (FeNi) de la SLN et de KNS) avant la forte remontée fin 2021 et début 2022 jusqu’en 2023. Il faut ajouter les aléas climatiques, la pluie, etc. Mais ils ont souvent bon dos, les aléas climatiques...

Illustration 1

Mais on ne fait, avec l’IGF, Macron, Le Maire et nos commentaires, que tourner autour du pot. Le fond du fond ne sera divulgué qu’au point 3 qui n’a rien d’une synthèse, avec la découverte du pot aux roses.

1- Le Pacte nickel proposé par Le Maire en novembre 2023

11- Surtout ne pas faire de politique !

Au cours de son déplacement sur le Caillou, le ministre de l’Économie et des Finances, en couple avec le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, le premier n’a jamais cessé de répéter qu’il fallait dissocier l’économique du politique : « Si nous faisons de la politique avec les usines, nous courons tous à l’échec ». Leur numéro de duettiste au début de leur visite était fait pour cela[33], alternant les considérations sur l’avenir institutionnel et celles sur l’avenir industriel où les trois piliers de ce qui deviendra le Pacte nickel sont déjà présentés.

Pas faire de politique avec le nickel serait une nouveauté ; tout ce qui est proposé par l’État, depuis le discours de Macron en juillet 2023 jusqu’à la visite de Le Maire est bien, radotons, une préalable minier à l’envers qui revient de façon évidente sur la doctrine nickel des indépendantistes : si ce nouveau préalable est accepté par les indépendantistes, la porte sera ouverte à un accord sur les propositions de modifications des aspects institutionnels dans le cadre de la Calédonie française nouvelle mouture (réforme du rôle des Provinces ; suppression des discriminations positives, économiques et électorales, avantageant les indépendantistes ; remise en cause du gel des listes électorales, etc.). 

12- Le nickel sans politique de Le Maire : le bâton pour lever le tabou

Laissons quelques secondes la politique, comme le préconise Le Maire, pour revenir au seul aspect économique du secteur nickel…

D’abord : il y a le feu : « Les réponses ne doivent pas être apportées dans quelques mois, mais dans quelques semaines ». Car il y aurait danger de cessation de paiement, et, en un mot donc, de faillite des trois usines. Ensuite, certes l’État a transféré les compétences économiques, dont celles du nickel, mais la question de ce secteur est tellement importante[34] et la situation économique tellement préoccupante, avec les pertes colossales et l’endettement abyssal des métallurgistes (dont la faillite serait une catastrophe sociale) contrastant avec les brillants résultats des « Petits mineurs ». Mais l’État étant un important créancier du secteur (après les nombreux « chèques »…) il se doit d’intervenir, en espérant le consentement de tous les acteurs politiques locaux : un accord, le Pacte nickel à construire « ensemble »[35].

Pour le moment un simple « cadre de négociations » accepté, toujours selon Le Maire (qui feint d’oublier que tout le monde n’est pas d’accord ! ...) par l’ensemble des parties prenantes ; transformé en accord possible ; ce serait « un pas de géant »[36]. Pour contribuer à ce grand pas, un nouveau Groupe de travail sur le nickel a été mis en place, piloté par une mission envoyée par le ministre de l’Économie (dont Antony Requin et Didier Le Moine, deux auteurs du Rapport nickel de l’IGF). Des progrès seraient en cours[37] en décembre 2023...

Le premier volet, le premier pilier (en fait le centre) du Pacte du nickel calédonien avec ses trois piliers, est de lever un tabou (rien que ça…) reprenant les injonctions de Macron : supprimer les interdictions d’exporter le minerai des réserves métallurgiques[38] ; et c’est à prendre ou à laisser. Et Le Maire a tenté de mettre les salariés des trois usines (dont il a senti « la plus vive inquiétude ») de son côté : « C’est donc à tous ces ouvriers que nous devons, en priorité absolue, apporter des réponses concrètes et rapides ». Sans oublier les millions de travailleurs de l’Hexagone : « l’État ne fera pas de chèque » pour des activités économiques non rentables, car ce seront alors les contribuables français qui paieraient la note[39]. 

Je pense néanmoins que c’est le côté bâton du pacte (s’il n’est pas accepté : pas un sou…) ; le reste est la carotte et un vœu pieux. Pourquoi ? Le deuxième volet est celui de la promesse de résolution du point considéré comme majeur (il l’est, mais le principal - gardons encore le suspense - est oublié ou peu développé) : le coût de l’énergie qui serait à l’origine des graves déficits des complexes métallurgiques. Le Maire ne mentionne pas les promesses (serpent de mer depuis des lustres) toujours repoussées par la SLN d’investir dans une nouvelle centrale thermique en remplacement de celle complètement obsolète sur le site de l’usine. Ces promesses sont maintenant passées aux oubliettes[40].

Après une avance de trésorerie de l’État de 184 milliards de CFP (en gros 18 % du PIB calédonien quand même !) pour éviter les faillites, sont prévues des subventions de l’État pendant cinq à dix ans, avec cependant une part financée par le gouvernement et les Provinces, pour résoudre le problème du surcoût de l’énergie (les grands groupes propriétaires des trois usines ne sont pas mentionnés). Le troisième[41] est la proposition de trouver un nouveau débouché aux exportations de nickel issu des métallurgistes, se substituant à l’unique débouché actuel (l’Asie) : naturellement, l’Europe avec ses projets de Mégafactories d’usines de batterie alimentant les véhicules électriques dont le principal fournisseur est actuellement la Chine. Pas si facile…

13 - Un accord pas impossible, même celui du président du gouvernement, Louis Mapou

Si accord il y a, des sous vont donc arriver, avec un nouveau carnet de chèques bien rempli.  Ce qui n’est pas impossible car la plupart des acteurs y sont prêts : tous les loyalistes et même le patron indépendantiste de la Province des Îles. L’UC, l’Union calédonienne, l’autre important parti du FNLKS, le Front National de Libération Kanak et Socialiste, est moins disert... Le président du gouvernement, l’indépendantiste Louis Mapou (du Palika) participe aux discussions et, en se faisant tirer l’oreille, serait peut-être prêt à dire Banco, mais à certaines conditions… Dans ce cas, pas de coup de canif dans les accords de Nouméa (les compétences transférées, dont l’économie, ne pouvant être rétrocédées) c’est la loi de Pays qui serait modifiée, mais par le Pays lui-même. En outre, quoi qu’il arrive, le Pays devra étudier la décarbonations de l’industrie calédonienne (et surtout celle du nickel).

Dans l’éventualité d’un accord même après de vives oppositions (ça arrive souvent sur le Caillou…) la volonté politique affichée de remise en cause de la doctrine nickel serait largement amoindrie. Mapou semble le penser dans une interview de novembre 2023[42] : Nous sommes à un tournant de l’histoire du nickel. Il se dit en effet prêt à faire des « efforts » sur la question des exportations, mais en appelle à la responsabilité des industriels pour « jouer collectivement » ; il n’est pas contre la volonté affichée par Le Maire d’exporter du minerai vers l’Europe, « Chiche », mais non sans condition[43] ; là aussi, n’est-ce pas une manière de dire que les industriels devraient aussi mettre la main à la poche ? 

En outre, Mapou a sans doute tout compris en mettant en relation la question du nickel et celle de l’avenir institutionnel : « Nous sommes à un tournant dans l’histoire du nickel. Comme sur le dossier de l’avenir institutionnel, nous sommes à la croisée des chemins ». Évidemment, il ne peut pas dire à Le Maire que ce dernier joue la carte du « préalable minier à l’envers »… Il insiste en revanche sur les déficits publics du Caillou et de la France, et insiste ainsi, encore discrètement, sur le rôle incontournable des industriels[44]. Bref, si les industriels (en fait leurs maisons-mères) participent à l’effort financier, un compromis serait le bienvenu… et accompagné du fric de l’État. Et ce ne serait même pas « Paris vaut bien une messe » d’Henri IV, simplement de nouvelles dérogations au code minier venant s’ajouter aux petits coups de canif depuis 2016.

L’avenir nous le dira.

Les loyalistes sont plus directs : ils proposent tout simplement de changer ce code minier en passant par le Congrès, accord ou non sur le Pacte proposé par Le Maire[45]. Mapou, dans une interview de décembre 2023 sur Radio Océane (une radio du Caillou) regrette cette position alors que des discussions sont en cours autour de la proposition de Le Maire[46]. Pressé par les questions du journaliste, il déclare, avec calme et son sourire légendaire, comprendre l’opposition de Néaoutyine : il applique seulement la loi

14- L’opposition de l’UNI-Palika et de la Province Nord

À prendre ou à laisser… Si on le laisse (le Palika et son patron Néaoutyine, encore lui, ne veulent pas en entendre parler…) plus un sou ne sera donné ou prêté au Caillou ; ce n’est pas une menace, encore moins du chantage, car, donc, le temps presse. Tu parles !

La Province Nord est donc encore l’empêcheur d’exporter les réserves stratégiques des métallurgistes, ne voulant donc pas revenir sur sa doctrine nickel devenue code minier de 2009 : Néaoutyine (qui a refusé de rencontrer Le Maire et de participer à la réunion du Groupe nickel) fut cependant moins disert que contre Macron. Aucune réponse officielle à la proposition de Le Maire, même si le Palika affiche encore une fois son point de vue, mais sans se moquer (comme l’avait fait Néaoutyine contre la bévue de Macron confondant doctrine nickel et code minier) car Le Maire avait bien corrigé le tir.

Bien sûr, Sonia Backès, la patronne de la Province Sud et l’une des égéries des loyalistes les plus radicaux[47], est allée plus loin ; elle a « dit très clairement » à Le Maire que « si l’objectif de la province Nord était de fermer la SLN, nous ne laisserons pas faire avec tous les moyens qui sont en notre possession, et on en a, qu’ils soient juridiques ou autres. Et que si l’objectif du président de la province Nord est de remplacer la France par la Chine, nous ne laisserons pas faire non plus ». C’est quoi ces moyens « autres » que juridiques ? Elle ne faisait que répéter ce que Macron avait dit dans son discours mémorable au milieu de l’année place des Cocotiers : « Si l’indépendance, c’est de choisir demain d’avoir une base chinoise ici ou d’être dépendant d’autres flottes, bon courage ! »[48].

D’ailleurs, même si un accord était accepté par le Congrès de Nouvelle-Calédonie (l’organe législatif du Pays sur les compétences transférées) les présidents des Provinces peuvent encore donner ou non leur accord à l’exploitation de ces ressources métallurgiques.

Notes de bas de page

[1] Ce texte doit beaucoup à deux appréciables amis : Nestor Ravagué est l’un des spécialistes français de l’économie du nickel ; le second, un Breton presque Calédozor, a beaucoup roulé sa bosse en Nouvelle-Calédonie.

[2] Voir cet accord :

https://www.senat.fr/rap/r05-007/r05-0079.html

[3] Voir :

POSCO – SMSP

[4] L’expression « préalable minier à l’envers » m’est propre (marque non déposée…) mais n’est bien sûr jamais donnée par ses thuriféraires.

[5] À ne pas confondre avec l’indépendantisme : Calédonie ensemble est son patron Philippe Gomès est (encore, mais pour combien de temps…) loyaliste.

[6] Il n’y a pas beaucoup d’études spécifiques sur cette catégorie ; on peut lire celle de 2018, Programme « PME Minières en Nouvelle-Calédonie, Petites et moyennes entreprises minières en Nouvelle-Calédonie », intéressante au niveau historique mais qui éclaire peu sur la question de leur rôle dans la doctrine nickel ; voir :

https://hal.science/hal-03379257/document

[7] Mais livrant aussi, travaillant comme tâcherons et autres types de contrats, des minerais aux métallurgistes, surtout à la SLN, la Société Le Nickel, filiale du groupe français Eramet.

[8] Voir l’article de DNC.NC (©afp/ Marc Le Chélard) du 15 octobre 2020 : Le gouvernement engage une réflexion sur le nickel :

Le gouvernement engage une réflexion sur le nickel – DNC.NC

« À noter, rappelle l’article, que la province Nord a refusé de participer aux échanges estimant, pour reprendre les mots de son président, Paul Néaoutyine, que cette démarche relève du « pipeau ». Fut cependant  mis en place un site sur la Toile :

Accueil | nickel

[9] Il fut reçu avec son ministre de tutelle, Gérald Darmanin, à la commission des lois du Sénat français.

[10] La meilleure explication se trouve dans le journal Le Monde :

https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/08/21/la-nouvelle-caledonie-paralysee-par-un-conflit-sur-l-exportation-de-nickel_4732961_3234.html

[11] Pour avoir une idée de l’ambiance, on peut voir :

https://www.youtube.com/watch?v=cK4OxUMIq0I

[12] Dont le vice-président du syndicat ContrakMine (des rouleurs), Wilfrid Maï (du mineur NKM, MAÏ KOUAOUA Mines, du Groupe MAÏ).

[13] Voir l’intervention télévisée de Philippe Gomès, le patron de Calédonie ensemble, à la fin du conflit :

https://caledonie-ensemble.com/2015/09/04/un-conflit-sur-un-choix-de-societe/

[14] Voir sur France Info, Conférence internationale du nickel: la Nouvelle-Calédonie doit définir une stratégie commune :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/2013/07/02/conference-internationale-nickel-la-nouvelle-caledonie-doit-definir-une-strategie-commune-45109.html

Et surtout, Conférence sur le nickel : province nord et province sud, deux stratégies opposées ; voir :

Conférence sur le nickel: province nord et province sud, deux stratégies opposées - Nouvelle-Calédonie la 1ère (francetvinfo.fr)

[15] Néaoutyine défendait simplement sa doctrine nickel en proposant de dupliquer avec la Chine l’opération POSCO : le jeu à contremploi n’est donc qu’apparent et est ainsi conforme à sa doctrine nickel.

[16] Avant qu’il ne rende l’âme, les indépendantistes de la Province Nord eurent beau jeu de se moquer de ceux qui confondait les deux projets. Voir :

https://www.blogsmsp.nc/la-chine-nouvelle-opportunite-ou-risque-pour-la-nouvelle-caledonie/

[17] Voir :

Visite du Président Paul Néaoutyine en Chine – SMSP

[18] Voir (et avec deux textes importants téléchargeables) cette transformation d’une doctrine en loi de Pays :

Le schéma de mise en valeur des richesses minières | Service de l'Aménagement et de la Planification (gouv.nc)

[19] Voir, et au moins feuilleter ce vieux rapport, lisible sur la Toile :

https://www.senat.fr/rap/r05-007/r05-007_mono.html

[20] Et certains journalistes économiques (par exemple le journal économique l’Opinion dont la ligne éditoriale est, écrit-il « libérale, pro-européenne, pro-business », annonçaient déjà la couleur début septembre 2023 en insistant sur les erreurs de la doctrine nickel des Kanak critiquée par un rapport de l’Inspection générale des finances, l’IGF (bien sûr, on y reviendra) ; voir et entendre :

https://www.lopinion.fr/economie/nickel-quand-la-france-se-tire-une-balle-dans-le-pied

Réponse du berger à la bergère, les Kanak étrillent le rapport de l’IGF, avec « ses omissions et ses contradictions ») et affirment, au même moment, que la critique de la doctrine nickel est tout simplement « … un retour vers la bonne vieille doctrine coloniale ? ». Voir :

https://presencekanak.com/2023/09/08/doctrine-nickel-ce-qui-doit-reellement-changer/

Le débat est ainsi lancé… J’apprécie plutôt le point de vue de Christine Demmer, qui met les points sur les i dans son article Nationalisme minier, secteur nickel et décolonisation en Nouvelle-Calédonie :

https://www.cairn.info/revue-cahiers-jaures-2018-4-page-35.htm?ref=doi

[21] Fin septembre est annoncée son intention de « cesser de financer les opérations de l’usine du Nord si aucune nouvelle solution de financement n’était identifiée » ; voir :

Koniambo Nickel : derrière l'annonce de Glencore, plus de mille emplois et des milliards de francs - Nouvelle-Calédonie la 1ère (francetvinfo.fr)

[22] Confirmation fin octobre de sa décision de ne plus octroyer de nouveaux financements à sa filiale calédonienne. Dès le mois de mai, Eramet précisait en effet ne pas souhaiter investir à la SLN et privilégier une dilution du capital (en vendant une partie de ses actions à un partenaire ?) pour ne plus consolider cette entité (Source : Q&A Investor presentation H1 2023). En septembre, Christel Bories, la PDG du Groupe, démissionnait du Conseil d’Administration de la SLN : « pour éviter un conflit d’intérêts » annonçait son DG Jérôme Fabre. En 2024, la SLN devra rembourser « un certain nombre de prêts à Eramet et à l’État. [… ] La situation financière ne va très probablement pas s’améliorer. Et donc on va demander à repousser le remboursement de ces prêts » ; ce qui aura pour objectif premier l’intérêt du groupe… qui ne coïncidera pas avec celui de sa filiale. Voir :

Eramet. Pas de nouveau financement pour la SLN | Radio Rythme Bleu (rrb.nc)

L’actionnaire principal d’Eramet est encore la famille Duval (37 % mais près de 44 % des voix en raison de droits de vote doubles) suivi par l’État français (avant 2012 c’était le groupe du nucléaire civil AREVA…) par l’Agence des participations de l’État (26 % mais plus de 30 % des voix), lié à la famille Duval par un pacte d’actionnaires, et enfin la Société Territoriale Calédonienne de Participation (STCP) 4 % ; le reste est en bourse. La famille Duval voulut virer Christel Bories en 2021 mais Bercy s’y opposa. La cession par Eramet d’Aubert et Duval (acquise par Airbus, Safran et Tikehau Capital) a été finalisée fin avril 2023. Histoires de familles bien compliquées…

[23] Resources à prononcer à l’anglaise… Voir, avec un courrier reçu début août :

Inquiétudes sur l’avenir de Prony Resources - Nouvelle-Calédonie la 1ère (francetvinfo.fr)

[24] Voir ce rapport, Avenir de la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie :

Avenir de la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie - igf - IGF (finances.gouv.fr)

[25] Comme, nous l’avions relevé, le conseiller multi partisan de tous les gouvernements calédoniens depuis plus de dix ans, dont le gouvernement actuel dirigé par l’indépendantiste Louis Mapou, oubliait aussi cette belle reprise ; on peut, si l’on veut (pour préciser l’évolution économique récente) consulter notre billet d’octobre 2023 sur Le Club de Médiapart :

Les indépendantistes calédoniens sont-ils bernés par un conseiller du gouvernement ?

[26] Sauf indication contraire, toutes les sources de nos graphiques sont de l’ISEE nc. Les estimations (par exemple pour 2023) sont effectuées sur la base de la plus grande partie connue de l’année.

[27] D’ailleurs, on y reviendra, l’emploi salarié du secteur privé rebondit fortement en 2022 et début 2023 : tout va mieux !

[28] Voir aussi notre billet de septembre 2023, plus politique et général, mais où notre Président lance (maladroitement) le débat, Macron en Nouvelle-Calédonie : le retour en juillet 2023 ; la persévérance dans l’erreur de fin 2021 :

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/260923/macron-en-caledonie-le-retour-en-juillet-2023-et-la-perseverance-dans-l-erreur

Ce billet suivait un précédent, en décembre 2021 (suite au troisième référendum du 12 décembre…) : Votre décolonisation ratée, Monsieur le Président, est un pied de nez à l’humanité ! :

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/141221/votre-decolonisation-ratee-monsieur-le-president-est-un-pied-de-nez-l-humanite

[29] Cette doctrine nickel, soutenue par les indépendantistes mais aussi par les loyalistes du parti Calédonie ensemble de Philippe Gomès, a trois objectifs  : maîtriser la ressource ; limiter l’exportation de minerai brut, sauf vers les usines calédoniennes offshore, pour le transformer au maximum localement ; parvenir à une participation calédonienne majoritaire dans le capital de la SLN.  Ne pas confondre cette doctrine (partisane donc) avec le code minier calédonien, confusion que fait Macron.

La seule usine offshore est l’usine de Gwangyang de La Société du Nickel de Nouvelle-Calédonie et Corée (SNNC) la co-entreprise du Coréen POSCO (Pohang Iron and Steel Company) où la Nouvelle-Calédonie est majoritaire à 51 % par la Société minière du Sud Pacifique (SMSP) détenue par le bras financier de la province Nord contrôlée par les indépendantistes. Rappelons les deux vieux projet équivalents en Chine, dont le dernier annoncé officiellement en 2018, était pourtant déjà bien avancé, a été donc également abandonné en février 2023.

[30] 45 % vers la Corée en moyenne de 2017 à 2022, 30 % vers la Chine et 25 % vers le Japon. On est loin du zéro export de minerai cauchemardé par Macron. Et le méchant Chinois apporte ainsi des sous au Caillou en payant pour ses minerais, mais aussi pour les produits métallurgiques : depuis 2018, la Chine pèse autour de 50 % des exportations du Caillou, 10 % du PIB calédonien !

[31] Voir le communiqué de la Province Nord du 10 août 2023 :

Suite aux évènements survenus à l'entrée du site SLN de Doniambo le 3 août 2023 | Province Nord (province-nord.nc)

Le Président de la province Nord emploie des mots très forts en critiquant en passant le Rapport nickel de l’IGF : « J’assume mes responsabilités et je reste opposé à l’exportation de minerai brut, et a fortiori de la part des métallurgistes, ici la SLN s’agissant de Poum. Ce n’est pas le rapport de l’IGF ni les déclarations du Président de la République qui changeront les choses. Aussi et à l’attention de mes collègues élus loyalistes et siégeant au Congrès qui se sont réjouis des déclarations du Président Macron “qu’il faut bouger la doctrine nickel”, je leur ferai remarquer que ce n’est pas à la doctrine nickel à laquelle a fait allusion le Président de la République mais à leur propre code minier, le code minier de la Nouvelle Calédonie adopté à l’unanimité par le Congrès de la Nouvelle Calédonie en 2009. […] Le même code minier visé par l’un des axes de travail décidé à la réunion nickel du 25 juillet 2023 à Nouméa en présence du Ministre Darmanin, et qui préconise “la révision du cadre juridique des exportations de minerai”. Je ne suis pas d’accord pour que l’État se réapproprie, à ses desseins, une compétence déjà transférée et que les élus calédoniens en profitent pour détricoter le code minier. Je ne me prêterai pas à cette forfaiture ».

[32] Sa bévue confondant doctrine nickel et loi de Pays.

[33] Voir le résumé du contenu de leur interview du samedi 25 novembre 2023, Avenir institutionnel et industriel de la Calédonie : ce qu’ont dit Gérald Darmanin et Bruno Le Maire durant leur interview, sur :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/avenir-institutionnel-et-industriel-de-la-caledonie-ce-qu-ont-dit-gerald-darmanin-et-bruno-le-maire-durant-leur-interview-1446218.html

On peut les voir et les entendre sur :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/en-direct-suivez-notre-edition-speciale-entretien-avec-les-ministres-gerald-darmanin-et-bruno-le-maire-1446161.html

[34] Avec, selon Le Maire, un quart de l’emploi privé : il s’agit de la totalité de l’emploi direct et induit. L’emploi direct est bien plus faible ; mais quand on veut donner de l’importance au secteur nickel…

[35] La presse a abondamment couvert le sujet ; on peut se contenter ici de l’article du 27 novembre d’OUTREMERS 360 :

https://outremers360.com/bassin-pacifique-appli/nouvelle-caledonie-un-nouvel-accord-sur-le-nickel-est-a-portee-de-main-assure-bruno-le-maire

« … les usines de nickel ont besoin de 180 milliards de francs ‘‘dans l’immédiat’’ pour échapper à la faillite. Sauf que l’État ‘‘ne fera pas de chèque’’ si les partenaires calédoniens n’acceptent pas son ‘‘pacte du nickel’’ pour que ces outils industriels redeviennent rentables ».

[36] « C’est un pas de géant. Un nouvel accord sur le nickel est à portée de main », assure Le Maire qui a fait accepter par les partenaires locaux, la création d’un groupe de travail qui associe le Congrès, le gouvernement, les provinces et l’État, pour œuvrer « sept jours sur sept et 24 heures sur 24 » en vue d’aboutir à un « accord final » dans « les premiers jours » de janvier. Si tel était le cas, indique l’article (op. cit.) « Bruno Le Maire reviendrait alors sur le Caillou pour le signer en personne ».

[37] Voir l’article des Nouvelles Calédoniennes (LNC nouvelle version…) du 18 décembre 2023 :  Nickel : un projet d’accord « enrichi » après une série de réunions :

https://www.lnc.nc/article/mines/nickel/nouvelle-caledonie/nickel-un-projet-d-accord-enrichi-apres-une-serie-de-reunions

On n’en sait pas plus au début de janvier ; sauf par un Forum Eramet sur Boursorama ; voir :

https://www.boursorama.com/bourse/forum/1rPERA/detail/463922661/

[38] Les ressources en minerai en réserves provinciales actuellement inutilisées par les trois métallurgistes (car non utilisables avec les techniques actuelles) doivent être « déclassifiées » et exportées. C’est, selon Le Maire, la « condition sine qua non » pour rétablir les rentabilités des usines. « Du bon sens » selon notre ministre des Finances qui a accepté la « demande légitime » du président du gouvernement Louis Mapou : faire évaluer les montants financiers dont les acteurs pourraient bénéficier.

[39] « Je ne pourrais pas expliquer que l’État, qui finance grâce à l’argent des travailleurs gagné à la sueur de leur front, puisse soutenir des activités qui perdent de l’argent chaque mois. Ce serait totalement irresponsable et profondément injuste. Donc tous ceux qui pensent que l’on pourrait jouer la politique du pire et attendre le dernier moment et qu’au dernier moment, comme par miracle, l’État interviendrait, se trompent ».

[40] Depuis peu une centrale thermique flottante et louée la remplace.

[41] C’était l’objet de la mission explicite donné à l’IGF.

[42] Dans Les Nouvelles Calédoniennes (26 novembre) ; voir :

Louis Mapou : "Nous sommes à un tournant de l’histoire du nickel".

[43] « Aujourd’hui, on nous demande de faire des efforts. Nous allons devoir malgré tout en parler avec les industriels parce qu’il ne servirait à rien que nous définissions, nous, les collectivités y compris l’État, des modalités ou des axes de travail si des industriels jouent individuellement ou jouent des stratégies sur lesquelles nous ne sommes pas en phase. Nous avons besoin que les uns et les autres s’engagent ensemble sur la meilleure voie ».

[44] « Dans le contexte où la Nouvelle-Calédonie est exsangue et où la France, en matière de déficit public, ne peut pas se permettre de faire n’importe quoi, nous avons échangé pour trouver une trajectoire sur laquelle nous pouvons nous engager ensemble parce qu’il n’y a pas de solution toute faite : il y a des réflexions sur les procédés, il y a des débats autour de la question des exportations ainsi que des capacités des industriels à produire ».

[45] Voir l’article de LNC du 8 décembre 2023 :

https://www.lnc.nc/article/mines/nickel/nouvelle-caledonie/silence-vaut-acceptation-comment-des-elus-veulent-accelerer-l-acces-aux-ressources-de-nickel

[46] Ce n’est qu’une petite partie de son interview ; voir (au milieu) :

(5) Louis Mapou, invité de Radio Océane - Journal Kanak Palika | Facebook

[47] Rappelons qu’elle eut un maroquin éphémère dans l’un des gouvernements d’Élisabeth Borne ; après son échec (tout sauf prévu, mais c’est une autre histoire) aux élections sénatoriales de fin septembre 2023, elle fut contrainte de démissionner.

[48] Simples hypothèses, bien sûr ; ou nos services, plus efficaces qu’au Niger, savent que les indépendantistes du Caillou proposent une base aux Chinois où se préparent à faire appel à ces derniers pour remplacer la France ! je plaisante évidemment… Un grand historien du Caillou non indépendantiste (nous ne le nommerons pas, à se demande) aurait dit à Macron, juste après son discours, que sous couvert de préparer la paix, il préparait en fait la guerre civile et qu’il ne lui avait manqué, pendant son discours… "que d’avoir porté un casque colonial".

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