Dernière nouvelle : après sa défaite, Sonia Backès démisionne du gouvernement...
Juste quelques remarques, après quelques semaines de décantation, sur la deuxième visite de notre Président de la République en Nouvelle-Calédonie et ses suites. Quelques aspects de ces événements n’ont, à mon avis, pas été assez mis en relief par la couverture journalistique et politique ; on propose ici de mettre quelques points sur quelques i … La conclusion donnera la clef de ce sous-titre qui peut paraître provoquant : en faisant mine de négocier avec les indépendantistes pour préparer la paix, Macron joue avec le feu, et il le sait ; le « peut-être inconsciemment » est seulement possible.
Où va donc la Nouvelle-Calédonie fin 2023 ? Deux options.
Première option. Vers l’indépendance du pays que la plupart des indépendantistes[1] nomment maintenant Kanaky Nouvelle-Calédonie, une indépendance-association (plus exactement pleine souveraineté avec partenariat) avec la France ? Ce que proposait déjà Edgard Pisani en janvier 1985 (il y a deux petites générations) au début de la quasi-guerre civile dite « les Événements ». Période marquée par les premiers morts[2] ; période marquée par le premier référendum d’autodétermination de 1987 sur le Caillou[3], scrutin boycotté par les indépendantistes (plus de 98 % de Non à l’indépendance, mais avec un peu plus de 59 % de participation) ; période marquée par la tragédie de l’île d’Ouvéa en 1988, peu avant le second tour des présidentielles ; période qui se termine par les Accords Matignon-Oudinot grâce à Michel Rocard et la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou ; avec, un an plus tard l’assassinat de Tjibaou et de Yeiwéné Yeiwéné, son bras droit, par un indépendantiste (Djubely Wea) qui les accusait de trahison. Au sein même du mouvement indépendantiste, la démarche solitaire de Tjibaou en 1988 fut déjà mal comprise et même critiquée, pas seulement sous le manteau. Paul Néaoutyine, grand leader kanak (souvent évoqué plus loin dans ce texte) écrivit[4] par exemple qu’il n’était pas au courant que Tjibaou était parti à Paris ; il refusa cependant, contrairement à beaucoup, de parler de trahison : « Il faut rendre à Jean-Marie Tjibaou ce qui lui appartient. Je lui attribue le mérite d’avoir amené le FLNKS à la négociation. À dire vrai, il ne nous a pas convaincu. Il nous l’a imposé ».
Ensuite, plus de trente ans de paix, avec seulement quelques petits événements...
Seconde option. Vers le maintien dans la République, quitte à transformer un peu ou beaucoup ses institutions, que les loyalistes et sans aucun doute le Président Macron (ce dernier ayant abandonné le principe de neutralité : déjà beaucoup en 2018, passionnément en décembre 2021, peut-être à la folie en 2023[5]) soutiennent après le troisième référendum de décembre 2021 prévu par les accords de Nouméa. Ce référendum ressemble fort à celui de 1987 et, selon Macron, la Calédonie restera française ; point.
« Errare humanum est, sed perseverare diabolicum »[6]
« La France serait moins belle sans la Calédonie » avait dit le Président Macron à la suite du troisième référendum d’autodétermination de décembre 2021[7]. Il se répétait d’ailleurs ; en effet, pour clore son premier voyage en 2018, quelques mois avant le premier référendum du 4 novembre, le dernier jour de sa visite, le samedi 5 mai, au Théâtre de l’Île à Nouméa[8], il se garda de prendre parti, affirmant cependant : « Ce n’est pas au chef de l’État de prendre position sur une question qui est posée aux seuls calédoniens mais sans la Nouvelle-Calédonie la France ne serait pas la même… elle serait moins belle ». Et ce fut déjà répété en boucle.
En 2023, il persiste et signe ; certes, il fut plus ouvert devant le Sénat coutumier kanak, le premier jour de sa visite, indiquant que l’aboutissement du processus depuis les accords « ce n’est pas un point final mais un point-virgule ». Le point est cependant placé, semble-t-il plus que de coutume, bien au-dessus de la virgule... Entendre : il faudra bien se mettre d’accord sur un nouveau projet, mais au sein de la République. Les loyalistes locaux, les responsables du gouvernement français et le Président lui-même considèrent donc toujours qu’avec 96,50 % des suffrages exprimés pour le Non à l’indépendance, le résultat ne fait que confirmer la victoire du Non des deux premiers[9]. Pas loin de 100 % on vous dit ! Mais une abstention qui a atteint plus de 56 % des inscrits[10] (quatre fois plus que celui du précédent référendum de 2020 avec 14 % ; nettement plus qu’en 1987, avec donc moins de 41 %) ; seulement 3,5 % des votants ont voté Oui à l’indépendance ; moins de 2 % des inscrits. Circulez, il n’y a plus rien à voir, car ce référendum fut tout à fait dans les clous de la légalité républicaine (ce qui est incontestable selon la jurisprudence : un taux de participation ridicule – boycott ou non – n’y peut rien). Trois fois, les Calédoniens auraient ainsi répété un Oui et un Vive la Calédonie française.
Les indépendantistes avaient pourtant demandé, sans succès, le report du scrutin après les élections présidentielles françaises de 2022 avec au moins trois arguments : la Covid rendait plus difficile une campagne électorale avec réunions physiques ; le respect du deuil[11] après le nombre de morts de la maladie (plus élevé chez les Kanak et Océaniens que chez les autres ethnies) ; la nécessité de ne pas télescoper le débat sur l’indépendance avec celui des présidentielles et législatives suivantes, renforcé par les déclarations du Premier ministre Édouard Philippe en octobre 2019 excluant « que la troisième consultation puisse être organisée entre le milieu du mois de septembre 2021 et la fin du mois d’août 2022 […] pour bien distinguer les échéances électorales nationales et celles propres à la Nouvelle-Calédonie ». Ils appelleront donc à la non-participation, sans prononcé le mot de boycott, menaçant en outre de ne pas participer aux discussions concernant l’avenir institutionnel du territoire si le référendum était maintenu en 2021. Ils annonçaient qu’ils n’en « respecteront pas le résultat » et se tourneront devant l’ONU, en évoquant les propos d’Édouard Philippe, et ainsi « les manquements d’un État qui ne tient pas parole ».
Ils considèreront donc le troisième référendum sans portée politique (ce qui est évident après le succès de leur mot d’ordre de non-participation) contestant ainsi (avec raison, selon beaucoup d’observateurs ; et j’en suis) les résultats de ce troisième scrutin. Depuis, le dialogue est officiellement rompu par les indépendantistes avec l’État.
Une entrée en matière curieuse à Nouméa : « L’ordre, l’ordre, l’Ordre » répété dans le premier bilan des « Cent-Jours », mais loin de La Bastille
Le bilan de ces cent jours de Macron, « cent jours d’apaisement … et d’action », annoncé milieu avril 2023, devait être effectué à une date historique : le 14 juillet, le jour de la fête nationale commémorant l’Émeute-Révolte-Révolution de 1789[12]. Les émeutes-révoltes de juillet 2023, parties, après la mort de Nahel, des « banlieues difficiles » mais qui se sont propagées ailleurs, n’étaient pas prévues. Ce bilan fut fait depuis Nouméa sur les deux grandes chaînes télévisées nationales, avec 10 jours de retard sur le programme : le premier jour de sa visite, le 24 juillet. Remaniement ou pas ; maintien d’Élisabeth Borne à Matignon ou passage au Premier ministre suivant ? Comme le chantait Jacques Brel dans Au suivant : « Ce ne fut pas Waterloo[13] mais ce ne fut pas Arcole ».
On parlera peut-être un jour de l’Appel de Nouméa du 24 juillet ? Lieu inattendu en effet ; message en même temps pour rappeler aux indépendantistes que l’ordre sera, là aussi, sifflé trois fois ?
Ce fut surtout Macron en Indo-Pacifique…
Le Président s’est autant préoccupé, en juillet dernier, de l’Axe Indo-Pacifique (se rendant au Vanuatu et en Papouasie-Nouvelle Guinée) et (objet de sa première journée) des dérèglements climatiques[14] sur le Caillou, que de l’impasse politique ouverte en décembre 2021.
Déjà, la menace chinoise avait été clairement évoquée lors du discours du 5 mai 2018 ; l’annonce à Sydney, en Australie qu’il avait visité avant Le Caillou, de l’Axe Indo-Pacifique ne fut évidemment pas anodin. Le concept, déjà ancien pour le Japon, l’Australie et les États-Unis d’Amérique, était nouveau en Europe et en France. Macron avait alors insisté combien était importante « une ambition géopolitique … dans cette région du globe, la Chine est en train de construire son hégémonie pas à pas … La France est une grande puissance de l’Indo-Pacifique à travers tous ses territoires. Il y a un axe Paris-New Delhi-Canberra, mais cet axe-là se prolonge de Papeete à Nouméa et à travers tous nos territoires. Je crois dans le futur de ce territoire et je crois dans la place que ce territoire occupe dans une stratégie plus large que nous devons avoir dans toute la région ».
Tout avait donc déjà été fait dès le premier référendum de 2018 pour brandir la menace chinoise ; la date de l’annonce du lancement juste avant ce premier voyage en Nouvelle-Calédonie n’était sans doute pas anodine. Macron a persévéré ; tout fut fait en 2023 pour que l’on regarde un peu ailleurs que les changements institutionnels du Caillou ; et Macron mit à cet égard de gros points sur les i dans son dernier discours : « Si l’indépendance, c’est de choisir demain d’avoir une base chinoise ici ou d’être dépendant d’autres flottes, bon courage ! ». Simple hypothèse, bien sûr ; ou nos services, plus efficaces qu’au Niger, savent que les indépendantistes du Caillou proposent une base aux Chinois !
Entre 2018 et 2023, un gros grain de sable (en fait plutôt un fort vent de sable) est pourtant arrivé en septembre 2021 : il se nomme l’accord AUKUS (Australia, United Kingdom et United States). Exit le contrat d’achat de sous-marins d’attaque à propulsion non-nucléaire à la France[15] ; l’Australie bénéficiera de sous-marins britanniques à propulsion nucléaire de haute technologie états-unienne. Pas un mot en 2023 en Indo-Pacifique sur ce couac ; mais la France n’est ainsi plus qu’un petit pion dans cette zone ; cependant, ce petit pion sert encore à faire du bruit à Nouméa ; peut-être ne sert-il plus qu’à cela...
Passage assez classique à la politique extérieure pour régler des problèmes de politique intérieure ; mais là, le cas d’école devient une caricature. Les indépendantistes ont-ils vu cet aspect ? Peut-être ; mais lors de l’ouverture fin août 2023 du 22e sommet du groupe Fer de lance mélanésien[16] à Port-Vila au Vanuatu, le représentent du FLNKS, Victor Tutugoro (président d’un petit parti indépendantiste proche de l’UNI et ainsi opposé à l’UC) a simplement remarqué que « Les préoccupations du président Macron, ce sont les préoccupations de la France. Ce ne sont pas celles des pays du Pacifique. Les pays de la région recherchent des financements pour satisfaire leurs besoins. Que ce soit de l’Europe, de la Chine ou d’ailleurs, ça ne veut pas dire que vous épousez les enjeux ou les stratégies que défendent ces pays prêteurs. Le FLNKS est venu demander, à ce 22e sommet, aux pays indépendants du Groupe le soutien de sa contestation du 3e référendum auprès de la Cour internationale de Justice pour que l’ONU maintienne la Nouvelle-Calédonie sur la liste des pays à décoloniser et juge, ajoute Tutugoro, si « le droit du peuple autochtone a été bafoué ou non lors du referendum du 12 décembre 2021 »[17].
Dialogue officiellement rompu donc sur l’avenir institutionnel depuis décembre 2021 ; mais pour Macron, tout va très bien : y’a qu’à, faut qu’on…
Édouard Philippe gérait de fait le dossier calédonien, et avec doigté jusqu’à son éviction début juillet 2020 ; le ministère des Outre-mer étant cependant attribué à Annick Girardin. Cette éviction est-elle en partie due à un désaccord sur la gestion du dossier calédonien[18] ? La neutralité du chef de l’État était déjà écornée dès 2018, mais la véritable rupture est celle de la nomination, au gouvernement Castex, de Sébastien Lecornu (un fin politique, toujours le plus jeune de sa catégorie – donc toujours le plus malin – et aux dents à rayer les parquets, venu de la droite) qui devint ministre des Outre-mer (c’est la première fois depuis 2009 que le ministre chargé des Outre-mer n’était pas lui-même ultramarin) et gérera pour le compte de Macron dont il est très proche, le dossier calédonien qui échappe à Castex, lequel connaissait probablement mal le dossier. Avec les gouvernements Borne, Lecornu est promu ministre des Armées et Gérald Darmanin coiffe maintenant l’Outre-mer, à l’intérieur de la République. Belle cerise sur le gâteau et clin d’œil évident de Macron aux loyalistes du Caillou, Sonia Backès est nommée secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté auprès de Darmanin[19]. On ne peut pas ne pas mentionner la véritable farce[20] de la nomination (éphémère) de l’un de ses très proches au poste de conseiller spécial : le gouvernement avait oublié que ce conseiller avait soutenu Zemmour… Mais Backès ne donne pas que dans la farce[21]. Elle alla jusqu’à affirmer : « Je tiens à un remerciement particulier à Sébastien Lecornu qui m’a fait confiance à tous les moments : pour l’usine du Sud, pour le référendum, et aujourd’hui en m’accompagnant dans ces nouvelles fonctions. Je sais que là où il est, au Ministère des Armées, il garde un œil tout particulier sur nous ». Est-elle consciente de la portée de cette sortie ? Veut-elle dire que Le Sabre veille sur les loyalistes ?
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes du Caillou, celui des colons loyalistes et de leurs affidés, alors que le dialogue est rompu entre les indépendantistes et l’État ; avec certes quelques entretiens ici et là, mais pas de négociation. Dans son discours déjà mentionné place des Cocotiers[22], Macron a, dès le début de sa prise de parole, répété que « La Nouvelle-Calédonie est française parce qu’elle a choisi de rester française », disant en même temps ne pas « mésestimer les aspirations déçues de ceux qui défendaient un tout autre projet »[23] ; il s’est souvent fait lyrique (mais aussi guerrier, insistant lourdement sur le danger chinois ; on l’a vu plus haut) en proposant le chemin du « pardon » et de l’ « avenir » ; et il a regretté que certains indépendantistes (les élus du parti indépendantiste Union calédonienne, dont Rock Wamytan, le président indépendantiste (du parti de l’UC, du Congrès de Nouvelle-Calédonie) n’aient pas voulu le rencontrer (non pas pour des négociations en trilatérale, mais pour de simples échanges de vue) ; et il s’en est dit « blessé ».
Ce voyage de Macron n’a en fait pas apporté grand-chose ; après les missions du ministre de l’Intérieur Darmanin.
Il a proposé la révision de la constitution début 2024, autant dire demain[24], « sur la base d’un consensus ». L’accord local est politiquement nécessaire, mais l’est-il juridiquement ? Ce ne serait pas la première fois que la légitimité juridique l’emporterait sur la légitimité politique... Macron oublie de dire que ce n’est pas gagné… Les journalistes du Caillou le pensent [25] : « Le délai paraît ambitieux, presque irréaliste » peut-on lire ; le Sénat français le murmure[26].
Ne serait-ce que la question du dégel du corps électoral où il « constate sur ce point que vos représentants ont tous accepté de faire un premier pas en avançant sur le dégel du corps électoral pour les provinciales de 2024 ». Macron n’a pas tout à fait tort, mais il n’a pas tout à fait raison… Rock Wamytan avait, un peu forcé par Darmanin, accepté de signer qu’il était d’accord pour en discuter, mais sans donner un accord formel[27].
Le nickel, le retour ; et enfin le Rapport nickel de l’Inspection générale des finances (l’IGF) tant attendu
Autre point important soulevé par notre Président, la question du secteur nickel ; Macron a donné son point de vue quant à la « doctrine nickel »[28], en affirmant : « Pour être compétitif, il faut faire deux choses : il faut bouger la doctrine nickel, parce que s’il y a zéro export, il y a peu de chances que ce soit compétitif pour ces trois usines ; et il faut un peu bouger les équilibres de production ». Il a oublié de préciser (probablement un simple bug…) qu’il s’agit de zéro export de minerai et non de zéro export des trois usines sidérurgiques du Caillou plus celle de Posco : le Caillou exporte bien du minerai de nickel, depuis toujours et pas seulement vers la coentreprise avec Posco[29].
Cette sortie tombe bien pour critiquer les indépendantistes et, du coup, fortement les agacer. D’autant plus que les conclusions du rapport de l’IGF[30] (Avenir de la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie) terminé en juillet et publié le 1er août, avaient été présentées à Nouméa « aux parties prenantes, acteurs institutionnels, entreprises du secteur et syndicats ». D’autant plus qu’un énième conflit lié à la question des exportations de minerai était en cours d’éclatement depuis des mois[31].
Paul Néaoutyine, dont la parole se fait pourtant de plus en plus rare, a vertement critiqué la prise de position de Macron, précisant en substance[32] que ce n’était pas à la doctrine nickel à laquelle avait fait allusion le président de la République mais au code minier lui-même, c’est-à-dire à la loi du Pays adoptée à l’unanimité par le Congrès en 2009 et qui encadre les exportations de minerais bruts. Là, Macron a commis une erreur et une faute politique ; et le Rapport de l’IGF aura jeté un peu plus d’huile sur le feu. La critique de la doctrine nickel peut s’entendre ; elle paraît même très bien étayée dans ce dernier rapport, concluant que le modèle offshore n’est pas supérieur à celui des « petits mineurs » (mineurs sans usine métallurgique). La critique de cette critique peut également s’entendre, par exemple dans un article[33] du nouveau quotidien (La Voix du Caillou) qui tente depuis juin de prendre la place désormais vide de l’ancêtre Les Nouvelle calédoniennes (LNC), mort en début d’année. C’est en fait une vieille histoire ; même la Chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie étrillait, en 2021, à la fois la doctrine nickel et la stratégie des acteurs de la province Nord ; j’avais répondu[34] par un petit billet…
Se mouiller, mais pas trop
Macron évoque discrètement le départ de beaucoup de calédoniens à partir de 2014[35] (alors qu’il s’agit en fait d’une véritable catastrophe) qui s’aggraverait encore, selon l’ISEE, de 2019 à début 2023 (mais avec donc une méthode critiquable car à risque). Ce n’est cependant pas un problème pour le corps électoral : l’écrasante majorité des départs concernant des migrants nouveaux (des Métros) ; d’autant plus que l’ISEE va peut-être se rendre compte lors du recensement de 2024 (dont on parle peu) que les départs sont peut-être en train de s’arrêter avec l’ambiance Calédonie française euphorique…
Le plongeon dans le grand bain du soutien politique aux résultats du troisième référendum mis à part, couvert par sa légalité juridique, Macron a su ne pas dépasser certaines lignes rouges : il n’a pas enfourché les principaux chevaux de bataille des loyalistes, par exemple la modification de la structure du Caillou avec la réforme de la provincialisation, très radicale selon Pierre Frogier (une sorte d’hyper-provincialisation) un peu moins selon les autres loyalistes[36]. Mais ce sera fait en septembre…
Il n’a en outre pas défendu bec et ongles la volonté de la plupart des loyalistes de développement de la propriété foncière privée, restant volontairement dans un flou artistique ménageant à la fois les indépendantistes kanak attachés au droit coutumier de la propriété collective de la terre (par les clans) en rappelant « la restitution d’une partie des terres » (sans mentionner qu’il s’agit des terres coutumières spoliées pendant la plus grande partie de la colonisation puis en petite partie restituées) grâce à l’ADRAF[37], laquelle a, selon Macron « vraiment réussi sa mission mais on a aujourd’hui un immense défi qui est celui de l’aménagement foncier… et ça peut passer par des négociations ». Entendre, développer la propriété privée ou des formes intermédiaires[38] ; mais Macron se garde bien d’aller au-delà du flou.
La seule autocritique de Macron (« l’erreur que j’ai faite ») est d’avoir, en 2018, « pris l’initiative pour montrer la volonté de l’État d’avancer de vous remettre ici solennellement l’acte de prise de possession de 1853 ». On comprend mal où était l’erreur, malgré l’explication[39].
Fin mal barrés[40] les Calédoniens ! Au fait, que pense la bourgeoisie kanak ?
Fin mal barrés ! est une géniale et hilarante pièce de théâtre de la Caldoche Jenny Briffa (éditions Madrépores, 2018) : tout le monde en prenait pour son grade. Briffa a bien changé ; ce n’est qu’un détail mais il me pèse car Macron creuse le même sillon : elle participa (en septembre 2020) à une tribune du journal Le Monde signée par quatre personnalités du Caillou, dont Emmanuel Tjibaou (le fils de Jean-Marie Tjibaou) critiquant un article d’Edwy Plenel. Je fus choqué par la saillie qui résumait la profonde pensée[41] de cette tribune, pensée peut-être marquée par un nationalisme calédonien, mais anti-indépendantiste se terminant toujours par l’acceptation de la Calédonie française, selon lequel la décolonisation a bien eu lieu, mais au sein de la République. C’est la position de tous les loyalistes qui prétendent que le rééquilibrage économique entre le Nord et le Sud (lire entre les Kanak et les Caldoches et Métros) est un succès, après la construction de l’usine du Nord qui a dynamisé la région de Koné (plus exactement celle de VKP, les trois bourgades de Voh, Koné et Pouembout). Rééquilibrage en petite partie seulement : les inégalités spatiales et ethniques sont encore considérables[42]. Cette décolonisation sans indépendance est d’ailleurs une possibilité selon l’ONU elle-même si un référendum d’autodétermination en prend acte ; d’où la question de la légitimité juridique et/ou politique du troisième référendum.
Edwy Plenel avait simplement écrit une postface au livre de Joseph Confavreux et Mediapart, Une décolonisation au présent, avec pour sous-titre Kanaky Nouvelle-Calédonie : notre passé, notre avenir[43] ; peut-être avec une vision trop universaliste et donc européocentriste. Il est courant, de la part des loyalistes d’être critiqué quand un Métropolitain, un Zoreil, émet des idées indépendantistes, avec des « Vous ne comprenez rien à rien, car vous n’êtes pas d’ici ! », souvent conclus par « Retourne en Métropole ! ». Edwy Plenel, président de Mediapart, ne laissa pas passer, comme à son habitude : il rétorqua[44] par une tribune du même journal (du 1er octobre).
Emmanuel Tjibaou, alors encore patron du Centre culturel (il a été remercié fin 2022) qui porte le nom de son père, m’accorda début 2021 un entretien
qui porte le nom de son père, m’accorda début 2021 un entretien[45]
et m’avoua alors qu’il s’était en effet fait rouler ; en fait il n’avait que survolé l’article. Et il pesta contre son ancienne amie Jenny Briffa qui d’ailleurs allait se « barrer » en Métropole. Lors de cet entretien, l’une de mes questions fut : « Existe-t-il une bourgeoisie kanak, et quel est son rôle dans l’indépendance ? », il éclata de rire et répondit : « Là n’est pas la question ; on est dans la même bagnole, et on veut simplement prendre le volant ! ». Je lui fis remarquer que dans FLNKS, il y avait le S de socialiste.
Il est vrai que la vision socialiste de certains indépendantistes[46] (se disant marxistes-léninistes, tendance Mao) est compatible avec l’indépendance sans socialisme, du moins dans un premier temps ; cependant pas grand-chose à voir avec les luttes nationales anti-impérialistes et socialistes de la belle époque où (singulièrement au Viêt-Nam, après l’exemple de la révolution chinoise) une alliance de classe était censée se développer, en tant que première étape (révolution nationale anti-impérialiste) de la révolution prolétarienne, entre le prolétariat et la bourgeoisie nationale contre les propriétaires fonciers et la bourgeoisie compradore alliés à l’impérialisme[47]. Il est vrai que si la bourgeoisie compradore (celle de l’économie de comptoir) existe bien sur le Caillou, la bourgeoisie nationale de l’industrie et des services est surtout caldoche, métro et anti-indépendantiste… Mais une bourgeoisie kanak est en train de se développer, sans aucun doute, autant dans la bureaucratie liée au secteur public que dans le secteur privé, quelquefois, paradoxalement, en utilisant les syndicats de salariés. Mais rêve-t-elle de prendre le volant[48] ? Entre d’un côté un avenir indépendantiste socialiste que les loyalistes et le gouvernement français peignent en noir sombre[49] et, de l’autre, BAU (Business as usual) sous le drapeau de la République, un cœur peut balancer.
Macron semble préparer la paix ; mais elle est inacceptable par les indépendantistes
Pour le moment, les négociations entre indépendantistes, loyalistes et État sont au point mort. Les réunions de début septembre 2023 à Paris, en présence de tous les courants du FLNKS, dont la première (depuis 2019) vantée par le gouvernement français comme une première trilatérale, est cependant considérée par l’UC comme une simple prise de connaissance du document[50] présentant les propositions du gouvernement. Et il est déclaré inacceptable par l’UC qui ne participera à aucune réunion avant novembre : lors du voyage programmé en octobre par Darmanin, ce dernier en sera pour ses frais…
Le droit à l’autodétermination est gardé, mais pour un futur très éloigné[51] ; autrement dit : « Dans trente ans ou cinquante ans, on indépendantise gratis… » ; remake de 1988 et 1998. Le document est plus courtois : « … plus de date ou de durée pour l’atteindre » ; une « révolution » pour Gérald Darmanin, pour qui cela retire une « épée de Damoclès ». Le document suggère que le projet de référendum d’autodétermination le soit « par les Néo-Calédoniens eux-mêmes » et pas avec « une question binaire oui/non à l’indépendance » ; plus exactement la demande devrait être votée par les « deux tiers du Congrès » et un « droit de pétition pourrait être créé, accessible à partir de 50 % du corps électoral ». C’est moins simple qu’avec les accords de Nouméa… Et, évidemment, avec ou sans l’accord des indépendantistes – c’est dit discrètement mais fermement – le corps électoral sera dégelé.
Ce document reprend en effet la plupart des positions loyalistes, dont – ce n’est pas un détail – la fin des discriminations positives, financières et politiques : les provinces à majorité indépendantiste touchaient plus de sous dans la répartition des rentrées d’impôts et envoyaient plus d’élus au Congrès que leur part dans la population. Dans ledit document, c’est fini ; mais les choses sont plus joliment dites, en substance : « modernisation des institutions de la Nouvelle-Calédonie ; changements dans la répartition des compétences entre les trois provinces et le gouvernement ; élection du président directement par le Congrès, avec un nombre d’élus des provinces au Congrès répondant aux évolutions démographiques[52]». On voit mal, dans ces conditions, se reproduire les scénarios qui ont donné souventes fois la présidence du congrès à l’indépendantiste Rock Wamytan.
Paix est le maître-mot ; mais la paix proposée est donc inacceptable…
On a le désagréable sentiment que Macron et son gouvernement mélangent l’adage habituel selon lequel « Si tu veux la paix, prépare la guerre ! » avec son inverse, « Si tu veux la guerre, prépare la paix ! », en proposant cette paix évidemment inacceptable. Je crois peu que le bouchon ait été jeté très loin pour mieux reculer dans une négociation ; je pense (comme Alphonse Allais et Alfred Jarry) « qu’une fois qu’on a passé les bornes, il n’y a plus de limites ». Toujours le en même temps ; mais si la grossière carotte est bien visible, le bâton reste (mal) caché. Fin juin 1988, après la tragédie d’Ouvéa, Rocard préparait la paix (et il y réussit avec la fameuse poignée de main) mais n’avait pas caché, lui, qu’il préparait aussi la guerre : il avait prévenu à la fois Lafleur et Tjibaou et l’affirma même solennellement à Matignon : « Nous sortirons [d’ici] avec la paix ou la guerre ». Pire[53], il précisa pour ceux qui n’auraient pas compris le message, et ce qu’il dit est plus précis et en fait effrayant : d’une part, il affirma que la négociation ne serait qu’un compromis qui ne donnera satisfaction, ni à un camp ni à l’autre (ce qui n’était qu’une évidence) ; d’autre part il se livra à un véritable chantage : « Nous sortirons d’ici sans autre rendez-vous, et à la sortie, ce sera la paix ou la guerre. Je pense que la paix est possible, je pense que nous devons la faire ; mais si la République française devait se retrouver avec la guerre, sachez simplement que si nous devons nous retrouver avec la guerre (toussotement…) la République française la fera sans faiblesse. Nous avons naturellement les moyens d’augmenter notre puissance militaire là-bas. Ce n’est pas ce que je souhaite, et nous avons la capacité de faire beaucoup mieux ».
Souvent, l’histoire bégaie…
… la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce, rajoutait Marx[54]. I
l est vrai que les farces se portent bien sur le Caillou : le 24 septembre 2023 se tenaient en Métropole comme en Nouvelle-Calédonie, des élections sénatoriales.
Premier hasard fort rare, cette date est l’anniversaire de la prise de possession, par le contre-amiral Auguste Febvrier-Despointes, de la Nouvelle-Calédonie au nom de l'Empereur Napoléon III. Cette date fut d’abord, instituée en 1953, année du centenaire, une fête pour les loyalistes et un jour de deuil pour les indépendantistes kanak. Lors du 150e anniversaire du rattachement à la France, en 2003, fut érigé dans la cour de l’Hôtel de la Province Sud à Nouméa le Mwâ kâ (« poteau central de la case » en langue drubea) maintenant sur la place de la Moselle. Un peu plus tard, cette date est devenue officiellement celle tentant de réunir les deux peuples du Destin commun, quand, grâce à Déwé Gorodey, romancière et femme politique indépendantiste souvent membre du gouvernement du Caillou, cette journée d’opposition fut censée devenir un jour chômé et « Fête de la citoyenneté ». Pas vraiment une réussite : les loyalistes continuent de la considérer comme une fête de la victoire, les indépendantistes comme un jour de deuil qu’ils ont cependant toujours tenter de mettre en valeur (déjà du temps de Tjibaou).
Mais une nouvelle farce a pointé le bout de son nez ce dimanche 24 septembre : la déroute des candidats de droite ou macronistes aux sénatoriales locales : le LR Frogier, le Calédonie ensemble kanak Gérard Poadja, et surtout la ministre macroniste Sonia Backès sont sévèrement battus. Et pour la première fois, un sénateur indépendantiste kanak (Robert Xowie, Président de l’association des maires indépendantistes de Nouvelle-Calédonie et maire de Lifou) va siéger au Palais du Luxembourg ! Grande première : en Calédonie, pas de bégaiement de l’Histoire. L’élection du dissident LR, Georges Naturel, maire de Dumbéa (la première ville de banlieue du Grand Nouméa) est tout aussi surprenante mais moins chargée de symbole… Tout ça fait un gros buzz jusqu’en Métropole : peut-être pas encore Waterloo pour Macro, mais ce ne fut pas non plus Arcole.
Sonia Backès était la seule représentante du gouvernement à se présenter lors de ce scrutin : le vote fut-il surtout un vote anti-macron ? Louis-José Barbançon, déjà rencontré plus haut, va-t-il passer du nationalisme calédonien (mais, répétons-le) anti-indépendantiste, au soutien à l’indépendance ? On peut le penser en référence à ses commentaires suivant le scrutin du dimanche 24 septembre[56] : « Le fait que ce soit un ministre du président Macron, le seul qui se présentait aux sénatoriales, qui ait été battu, est une humiliation infligée au président de la République » ; ou encore : « La seule conséquence importante" est la question suivante : « l’État va-t-il entendre ce message, alors qu’il a toujours refusé d’entendre celui de la majorité des Kanak qui ne sont pas allés voter au troisième référendum ? ».
Le toujours patron du parti Calédonie ensemble (CE) Philippe Gomès (pourtant officiellement retiré de la politique, il est toujours dans tous les coups…) un autre nationaliste calédonien, fut tenté par ce que j’appelais en 2018[57] la Tentation du Guépard[58] (« Il faut que tout change pour que rien ne change »). Cette tentative qui aurait pu aller jusqu’à un accord avec le Palika pour une Indépendance-Association aurait pu éclaircir l’avenir du Caillou, car deux figures politiques majeures nous semblaient se profiler vers 2015 rappelant Lafleur et Tjibaou : Gomès, patron incontesté de CE ; Paul Néaoutyine, ex-gauchiste Foulards rouges post soixante-huitard puis patron du Palika et président depuis 1999 de la Province Nord. Les deux se parlaient donc et semblaient se comprendre, se rapprochant même (on l’a indiqué plus haut) sur la doctrine nickel ; le second comprenait probablement la stratégie du premier en le taxant de Líder máximo… Selon certains, c’est Gomès lui-même qui, avec humour, se taxait ainsi. On ne saura pas avant longtemps si cette tentation du Guépard ne fut qu’une chimère ou des accords cachés par des non-dits (existence de ces non-dits également évoqués, discrètement, par les instances de l’Etat) ; ce qui est sûr, c’est que rien ne s’est passé : Gomès, pourtant accusé par les autres loyalistes d’être un socialiste suppôt des indépendantistes, est toujours resté dans le camp loyaliste. Gomès va-t-il enfin viré sa cuti ? Il vient de commettre sur Facebook (quelques heures après le coup de tonnerre des sénatoriales) une analyse piquante de la situation, intitulée Anatomie d’une chute (clin d’œil au film Palme d’or à Cannes en 2023)[59].
Enfin, les loyalistes enragent et le FLNKS boit du petit lait[60]. Les indépendantistes en profitent pour mettre quelques points sur les i de la politique de Macron [61] et égratigner Sonia Backès et Gérald Darmanin, insistant sur la partialité évidente de l’État[62].
Revenons aux bégaiements de l’Histoire selon Marx.
Ce bégaiement commence en effet comme succession de farces, mais je ris de plus en plus jaune. Radotons : le parallèle entre, d’une part, le référendum de 1987 et ce qui a suivi, et, d’autre part, celui de 2021 interroge. Les indépendantistes accepteront-ils le grand projet de Macron avec la fin de la plupart des discriminations positives dont ils bénéficiaient ? Accepteront-ils en particulier d’attendre encore longtemps une possible indépendance ? La France[63] finira-t-elle par accepter la pleine souveraineté avec partenariat où l’Axe indopacifique trouverait évidemment sa place ? Farce ou encore une fois tragédie pour clore ce bégaiement ? On a connu de glorieux revirements après des « persévérer est diabolique » : après avoir dit « Je vous ai compris ! » aux partisans de la Calédonie française, Macron aura-t-il le courage du général de Gaulle ?
[1] L’Union calédonienne, l’UC, le principal parti du Front de libération nationale kanak et socialiste, le FLNKS, fait cependant à cet égard des allers-retours entre acceptation, refus et réticence ; le Parti de libération kanak, le Palika, et l’alliance électorale dont il est le leader, l’Union nationale pour l’indépendance, l’UNI, furent les premiers, il n’y a que peu d’années, à accepter cette pleine souveraineté avec partenariat. La division est l’une des marques de fabrique des indépendantistes ; grand classique des luttes anticoloniales ; et elle continue. Elle peut irriter…
[2] Il en eut quelques-uns avant, souvent des indépendantistes assassinés ; mais on ne parlait pas encore d’événements. Tuerie de Hienghène fin décembre 1984, qui compte, parmi les dix victimes des assassins loyalistes, les deux frères du leader kanak Jean-Marie Tjibaou, probablement visé ; mort début janvier 1985 du jeune Yves Tual (17 ans) fils d’éleveur tué par des indépendantistes, puis « neutralisation », sur ordre, par le GIGN, d’ Éloi Machoro (secrétaire général de l’UC et « ministre de la Sécurité » du gouvernement provisoire - semi-clandestin - de Kanaky présidé par Tjibaou) et de Marcel Nonnaro.
[3] Nom affectueux, rappelons-le, donné à l’archipel par tous ses habitants.
[4] Néaoutyine P. entretiens avec Jean-François Corral et André Némia (2005) L’indépendance au présent, Identité kanak et destin commun, Préfaces de Didier Daeninckx et Elie Poigoune, Collection Des paroles en actes, Syllepse, Paris. Les entretiens datent en fait de 2002, mais la ligne politique de Néaoutyine n’a guère varié.
[5] On peut voir et entendre le discours de clôture de Macron, à la fin de sa visite de 2023, avec quelques commentaires et micros-trottoirs, à :
Pas beaucoup de Kanak sur la place des Cocotiers (envahie de drapeaux tricolores et avec un seul drapeau kanak visible) toute proche de la place de la Paix avec en son centre la récente statue de la poignée de main entre Lafleur et Tjibaou ; statue qui a remplacé celle du gouverneur Olry qui avait maté en 1878 la Révolte des Kanak* du Chef Ataï. Toutes les interviews de la télé Calédonie la première se sont tournées vers les drapeaux français. La seule interview d’un Kanak orné d’un drapeau tricolore n’est pas la meilleure réussite de l’émission…
* Rappelons encore une fois (pour les chasseurs de fautes d’orthographe) que, pour les Kanak, le mot est invariable en genre et en nombre.
[6] Sénèque le disait en latin ; Macron aurait pu le dire dans l’une de la trentaine de langues kanak.
[7] Voir mon billet de blog dans Le Club de Mediapart :
Pourquoi un pied de nez à l’humanité ? Je le résumais en fin de billet : « Monsieur le Président, vous affirmiez en 2017 à Alger, avec un grand culot et un grand courage (vous n’étiez alors que candidat à la présidence de la République, et je croyais naïvement, ou faisais semblant de croire, au “ni à droite, ni à gauche” et à votre profond sentiment anticolonialiste) que “ La colonisation est un crime contre l’humanité”, vous ajoutiez même “C’est une vraie barbarie” […] La France et vous-même savent-ils lire les droits de l’homme en Kanaky ?
Monsieur le Président, votre amnésie qui, j’ose l’espérer, est la seule raison de ce faux pas, fait de votre décolonisation ratée, un pied de nez à l’humanité ».
[8] Voir et entendre ce discours de 2018, avec analyses de la Télé Calédonia – télé qui se veut du pays mais sise dans le Nord et même un peu marquée indépendantiste :
Le discours au Théâtre de l'Île - EDITION SPECIALE E.MACRON - YouTube
L’invité de la rédaction fut Paul Fizin, un Kanak docteur en histoire, enseignant et écrivain ; il retient que le Président a affirmé ne pas prendre parti et est fort gêné quand son intervieweuse tente de lui montrer le contraire…
[9] Trois référendums éventuels étaient prévus par les accords de Nouméa de 1998 si le Non à l’indépendance l’emportait lors du premier. Le premier en 2018 fut déjà une surprise ; voir sur la Toile :
Référendum de 2018 sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie — Wikipédia (wikipedia.org)
Les sondages donnaient au début 60 % de Non ; le grand leader politique de centre droit, Philippe Gomès, du parti Calédonie Ensemble, était convaincu que le Non gagnerait avec 70 % des votants. Voir sur la Toile, son interview de septembre 2018 à Outre-mer Politique, Le référendum du 4 novembre est un moment de vérité :
Il se trompa lourdement : avec une forte participation (un peu plus de 81 %) les votants répondent Non à seulement 56,7 % à la proposition d’indépendance.
Le deuxième référendum de 2020 fut une seconde surprise ; voir :
Référendum de 2020 sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie — Wikipédia (wikipedia.org)
Il affiche une participation en hausse à 85,7 % et le Non recule à 53,3 % : le souhait de l’indépendance s’élargissait probablement aux non-Kanak. Les indépendantistes avaient bon espoir pour le troisième et dernier référendum : la dynamique arithmétique était là.
[10] Seulement 42,5 % des inscrits ont ainsi voté Non à l’indépendance.
[11] Le travail de deuil est fort important dans la culture kanak : il n’était ainsi pas pensable d’imaginer une campagne électorale en brousse kanak, même sans confinement. Les loyalistes locaux et l’État (le gouvernement français) eurent l’outrecuidance de présenter ce nécessaire deuil comme un vulgaire prétexte. Glaçant ! Isabelle Merle, historienne de la colonisation, spécialiste de l’histoire du Pacifique et plus particulièrement de la Nouvelle-Calédonie, l’expliquait plus calmement mais fermement peu avant le 12 décembre 2021 : voir :
[12] Voir :
Après les émeutes, Macron veut « l’ordre, l’ordre, l’ordre » (lemonde.fr)
[13] Les « Cent-jours » de Napoléon Bonaparte et Waterloo… Voir mes deux blogs des 17 et 18 avril sur Le Club de Médiapart où j’ironisais sur un éventuel Waterloo finissant ces nouveaux Cent-Jours.
[14] Dont la réponse doit être, selon lui, régalienne : c’est l’État qui doit la gérer.
[15] On se rappelle l’étonnement et le tollé de la réaction du gouvernement…
[16] Ce groupe, créé en 1988 (rejoint par le FLNKS en 1990) pour soutenir la revendication d’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, rassemble des représentants des îles Salomon, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, du Vanuatu, des Fidji et du FLNKS où, pour les pays maintenant indépendants, la Chine est en effet de plus en plus présente.
Le troisième référendum d’autodétermination et la stratégie indo-pacifique seront les principaux points à l’ordre du jour. Voir, par exemple :
[17] Il y rappelle (on y reviendra) que cette position sera celle des indépendantistes lors de la rencontre organisée à Paris début septembre 2023, dédiée à l’avenir institutionnel du pays.
[18] Cette hypothèse n’a jamais, à notre connaissance, été émise : les tensions fortes évoquées concernaient la gestion de la crise de la Covid. Mais rappelons que Philippe préférait une date du troisième référendum après les élections présidentielles et législatives de 2022.
[19] Venue de la droite calédonienne et maintenant sa cheffe de file incontestée, elle soutint Macron fin 2021. Depuis 2019, présidente de la province Sud (la plus blanche et la plus loyaliste ; elle conserve son mandat) ; elle est cash, mais ne pèse pas toujours la portée de ses déclarations en balançant la non-neutralité de ses nouveaux amis de Métropole : Macron est « le seul, affirme -t-elle, à posséder une réelle connaissance du dossier calédonien », ajoutant « si la Nouvelle-Calédonie est restée française, c’est grâce à l'engagement d’Emmanuel Macron et de Sébastien Lecornu ».
En janvier 2022, elle expliquait déjà tout dans une interview au journal Le Figaro :
[20] Voir, entre autres :
[21] Autre farce : le « regrettable imbroglio » de l’élection de Miss Calédonie 2023 ; mais celui-là, on peut en rire de bon cœur !
[22] Il n’est pas inutile de lire la totalité du discours public de Nouméa en juillet 2023.
Discours de Nouméa. | Élysée (elysee.fr)
[23] Grand classique depuis longtemps dans les discours.
[24] « Il est important et je souhaite qu’une révision de la Constitution de la Ve République puisse intervenir début 2024. Il s’agira d’une révision constitutionnelle dédiée à la Nouvelle-Calédonie parce que votre histoire originale au sein des institutions de la République le justifie et parce que la Nouvelle-Calédonie demeurera une collectivité à part, disposant de son propre titre au sein de notre Constitution ».
[25] ANALYSE. Révision de la constitution : son adoption ne se fera pas sans difficulté - Nouvelle-Calédonie la 1ère (francetvinfo.fr)
[26] Nouvelle-Calédonie : pourquoi la réforme constitutionnelle souhaitée par Emmanuel Macron s’annonce difficile ? - Public Sénat (publicsenat.fr)
[27] Fin juin 2023, Darmanin avait annoncé qu’un « grand pas » avait été fait par les indépendantistes, désormais ouverts à la discussion sur un « corps électoral glissant, c’est-à-dire faire rentrer (...) des gens qui étaient bloqués depuis très longtemps ». Wamytan n’a reconnu ce virage que du bout des lèvres : « Nous avons entamé des discussions mais nous n’avons pas encore donné un accord définitif », a-t-il déclaré à la presse. « On est encore loin d’un accord sur le corps électoral ». Dans une interview, le 6 juin 2023, par Élizabeth Nouar, très anti-indépendantiste et directrice générale de la radio fort loyaliste (mais parfois intéressante) Radio Rythme Bleu, Wamytan est bien embêté… On peut les écouter sur :
L'INVITE DU MATIN : ROCH WAMYTAN | Radio Rythme Bleu (rrb.nc)
[28] Cette doctrine nickel, soutenue par les indépendantistes, mais aussi par les loyalistes du parti Calédonie ensemble de Philippe Gomès, a trois objectifs : maîtriser la ressource ; limiter l’exportation de minerai brut, sauf vers les usines calédoniennes offshore, pour le transformer au maximum localement ; parvenir à une participation calédonienne majoritaire dans le capital de la SLN, la société Le nickel, filiale du Groupe français Eramet. Ne pas confondre cette doctrine (partisane donc) avec le code minier calédonien, confusion que fait Macron.
La seule usine offshore est l’usine de Gwangyang de La Société du Nickel de Nouvelle-Calédonie et Corée (SNNC) la co-entreprise du Coréen Posco (Pohang Iron and Steel Company) où la Nouvelle-Calédonie est majoritaire à 51% par la Société minière du Sud Pacifique (SMSP) détenue par le bras financier de la province Nord contrôlée par les indépendantistes. Un vieux projet équivalent en Chine, annoncé en 2018 et déjà bien avancé, a été abandonné en février 2023.
[29] 45 % vers la Corée en moyenne de 2017 à 2022, 30 % vers la Chine et 25 % vers le Japon. On est loin du zéro export de minerai cauchemardé par Macron. Et le méchant Chinois apporte ainsi des sous au Caillou pour ses minerais, mais pas que : depuis 2018, la Chine pèse autour de 50 % des exportations du Caillou, 10 % du PIB calédonien.
[30] Il est lisible sur le site de l’IGF :
[31] Il opposait le président de la province Nord, Paul Néaoutyine, et la SLN qui aurait développé sa mine de Poum, située dans cette province, sans autorisation. Parallèlement, la Société de navigation et roulage de Poum (la Sonarep) a été placée en liquidation judiciaire à la mi-juillet ; ce qui a mis le feu aux poudres. La SLN a annoncé début août la fermeture de ce site, ce qui s’est traduit par des incidents d’une rare gravité le 3 août sur le site de son usine de Nouméa, entre les salariés de la Sonarep et ceux de la SLN. Incidents probablement pires que ceux autour de l’usine du Sud à Goro fin 2020 où l’on parlait du retour des « Événements ». On peut en avoir une petite idée en regardant :
[32] Voir le communiqué de la Province Nord du 10 août (avec une regrettable faute de frappe qui n’entache cependant pas sa compréhension) :
Le Président de la province Nord emploie des mots très forts en critiquant en passant le Rapport nickel de l’IGF : « J’assume mes responsabilités et je reste opposé à l’exportation de minerai brut, et à fortiori de la part des métallurgistes, ici la SLN s’agissant de Poum. Ce n’est pas le rapport de l’IGF ni les déclarations du Président de la République qui changeront les choses. Aussi et à l’attention de mes collègues élus loyalistes et siégeant au Congrès qui se sont réjouis des déclarations du Président Macron “qu’il faut bouger la doctrine nickel”, je leur ferai remarquer que ce n’est pas à la doctrine nickel à laquelle a fait allusion le Président de la République mais à leur propre code minier, le code minier de la Nouvelle Calédonie adopté à l’unanimité par le Congrès de la Nouvelle Calédonie en 2009 … Le même code minier visé par l’un des axes de travail décidé à la réunion nickel du 25 juillet 2023 à Nouméa en présence du Ministre Darmanin, et qui préconise “la révision du cadre juridique des exportations de minerai”. Je ne suis pas d’accord pour que l’État se réapproprie, à ses desseins, une compétence déjà transférée et que les élus calédoniens en profitent pour détricoter le code minier. Je ne me prêterai pas à cette forfaiture ».
[33] Voir l’article très équilibré dans ce nouveau quotidien :
La doctrine nickel controversée - La Voix du Caillou
[34] Curieuse décolonisation : la "Chambre" attaque le Nord calédonien | Le Club (mediapart.fr)
[35] Bien analysé par l’ISEE nc (l’Institut de statistique et d’études économiques de Nouvelle-Calédonie) par la comparaison des deux recensements de 2014 et 2019, avec mouvement de migration négative nette qui continue ; j’ai aussi commis un petit billet sur ce sujet il y a moins d’un an : Après la ruée vers l’Eldorado, l’exode des Blancs de Nouméa la Blanche :
Après la ruée vers l’Eldorado, l’exode des Blancs de Nouméa la Blanche | Le Club (mediapart.fr)
Il s’agit en fait plus qu’un exode ! La population d’origine européenne a diminué de plus de 10 % entre 2014 et 2019 ; 10 % de départ, ça ferait combien en France avec 67 M d’habitants ? Et ça continue donc ! Elle continuerait même jusqu’en janvier 2023 selon l’ISEE nc. En un an, l’excédent des naissances sur les décès, environ 1 900 personnes, en baisse avec le taux de natalité moyen toutes ethnies confondues (taux de natalité de 1,4 % par an contre 1,6 % en 2016) ne compense plus le solde extérieur migratoire net (sorties moins entrées) évalué à plus de - 3 200 en 2022 : la population aurait donc diminué de la différence, soit - 0, 5 % de la population janvier 2022 ; ça ferait encore combien en Métropole ? Sauf que l’ISEE nc, connaissant que les entrées mais pas les sorties, évalue ces dernières en les estimant en prolongeant « les tendances des années passées » ; 2022 étant une année économique bien meilleure que les trois années précédentes, cette méthode me paraît bien farfelue ! D’autant plus que l’ISEE s’est toujours refusée à répartir la population, se refusant de déclarer son ethnie d’appartenance (21 % en 2019 : environ 57 milliers des 270 milliers d’habitants !). Bien sûr, je m’y suis risqué : j’estime qu’en 2024 il pourrait y avoir sur le Caillou 58 % de Kanak et assimilés, 25 % d’Européens (seulement 68 milliers), 11 % de Wallisiens-Futuniens et 6 % d’Asiatiques et autres Océaniens.
[36] En mai 2021, le sénateur Pierre Frogier alla jusqu’à critiquer le processus les accords de 1988 et 1998 ; et il proposa une réforme de la provincialisation allant jusqu’à une partition de fait. Certes, la provincialisation des années 80 et 90 était déjà une forme de partition où le « chacun chez soi » avait grandement permis le retour à la paix ; mais un ensemble de discriminations positives, politiques (dont le blocage des listes électorales) et économiques donnait des avantages évidents aux indépendantistes ; discriminations à supprimer selon Frogier et les autres loyalistes.
Le discours de Frogier au Sénat français vaut son pesant de provocations ; on peut l’entendre, suivi des réactions, la plupart négatives. Voir :
[37] L’Agence de développement rural et d’aménagement foncier, Cependant, sur la période de l’ADRAF (d’abord établissement public territorial fondé en 1986, peu dynamique car aux mains des Européens, puis revenant à l’État à partir de 1989 suite à l’accord de Matignon-Oudinot) la part des terres coutumières du Caillou n’est passée que de 12 % à 19 %.
[38] Par les Groupements de Droit Particulier Local (GDPL) créés en 1982, construction juridique conciliant le droit civil et l’organisation coutumière. Macron n’évoque pas cette possibilité technique.
[39] « J’ai compris, parce que j’apprends, c’est ce que j’aime à votre contact, que l’erreur que j’avais faite, c’était de penser qu’un acte unilatéral pouvait venir corriger un autre acte unilatéral. Ça ne marche pas comme ça. Ça ne correspond pas, ni à la cosmogonie mélanésienne, ni au récit, à l’histoire à la force Kanak et calédonienne. Et donc, j’ai compris qu’il fallait bâtir un chemin avec plus d’humilité, peut-être plus de temps ».
[40] En caldoche, Fin ne veut pas dire End, mais bien, très ou trop : elle est fin jolie veut dire, elle est bien jolie, très jolie ou trop jolie.
[41] « Nous sommes des intellectuels calédoniens – kanak et européens. Nous étions enfants pendant les “événements“ [1984-1988], chacun retranché dans son “camp“. Trente-cinq ans plus tard, nous nous apprêtons à voter au référendum. Dans des sens différents. Jolie revanche sur notre histoire : quand nos anciens ont pu prendre les armes les uns contre les autres, aujourd’hui nous prenons la plume ensemble et sortons du silence pour dire notre exaspération face à une pensée simplificatrice venue de métropole. Comme celle d’Edwy Plenel ». C’était l’existence même du phénomène colonial ou néocolonial qui était remis en cause ; la tribune continuait : « (Edwy Plenel) … Comme tant d’autres, continue d’observer notre archipel avec une grille de lecture datant des années 1980. Quarante ans ont passé ! Nous devons sortir de l’imposture intellectuelle réduisant l’analyse de la situation calédonienne à l’existence d’un système colonial institutionnalisé, où le peuple kanak serait aujourd’hui encore opprimé ». La tribune en rajoutait et j’étouffais de rage en la lisant : « Qu’on le veuille ou non, notre créolisation se tisse en silence. … Au moment où nous cherchons une solution inédite de vivre-ensemble, les analyses simplificatrices nous indignent parce qu’elles nous déresponsabilisent. Nourrir un discours de victimisation des Calédoniens d’origine kanak, qui, en 2020, seraient les délaissés de l’Etat colonial, est non seulement une contre-vérité absolue ... mais entretient l’idée que tout mérite réparation, que tout est un dû. … Selon eux, cette posture anticoloniale à la Plenel, nourrie d’une mauvaise conscience aussi compréhensible qu’inutile, entretient par sa prétendue bienveillance un paternalisme tout à fait colonial ».
[42] On y reviendra dans un prochain billet : même un conseiller économique de la plupart des gouvernements précédents du Caillou, et qui conseille encore le gouvernement actuel présidé par un indépendantiste, reconnaît que ces inégalités actuelles sont frappantes.
[43] La Découverte, Cahiers libres, août 2020.
[44] Plenel écrivait : « L’écho rencontré par ce texte qui nous caricature tient en effet à la présence, parmi ses quatre signataires, d’Emmanuel Tjibaou, l’un des fils du leader indépendantiste kanak, devenu une figure notable de la vie culturelle sur place. Or ce dernier a tenu à nous faire savoir solennellement qu’il se désolidarisait de cette tribune "qui instrumentalise [son] nom en le portant caution d’un point de vue sur la question coloniale en Nouvelle-Calédonie qu’[il] ne [défendra] jamais". "Je suis découragé d’avoir été si naïf et en colère contre moi-même" nous écrit-il. … ».
[45] Ce fut long et compliqué à obtenir, car il était très pris ; mais il m’accueillit très aimablement. Et nous discutèrent des langues kanak – il est linguiste. Il n’y a pas moins de 32 langues et dialectes kanak ; selon tout linguiste dont Max Weinreich (linguiste yiddish du XXe siècle) qui affirme qu’une « langue est un dialecte avec une armée et une marine », il est montré montré qu’un dialecte devient une langue seulement avec un État puissant. Cela prouve qu’aucune tribu n’a réussi à dominer les autres (malgré les guerres), et pendant 3 500 ans ! Emmanuel Tjibaou ne fut pas d’accord avec cette hypothèse politique qui lui parut même bien saugrenue : la diversité des langues ne serait qu’une loi naturelle ; et le Caillou en était une parfaite illustration.
[46] On pense à Paul Néaoutyine.
[47] On apprenait cela à l’école maternelle du marxisme-léninisme…
[48] Combien de fois a-t-on entendu : « On n’est pas encore prêt ! ». Une petite minorité de Kanak, pour des raisons diverses, s’avoue loyaliste ; pour la bourgeoisie (n’en déplaise à Emmanuel Tjibaou) et la petite bourgeoisie, on peut avoir le sentiment que le Non-Dit existe : je généralise ici les analyses d’un autre nationaliste calédonien, Louis-José Barbançon, dans Le pays du Non-Dit, sous-titré Regards sur la Nouvelle-Calédonie, écrit de 1989 à 1991, après la quasi-guerre civile, et publié en 1992.
[49] Avec la fin des transferts de fric provenant des contribuables de Métropole, il est vrai considérables (encore autour de 12 à 15 % du PIB et pas loin des impôts prélevés sur le Territoire) mais après une forte baisse depuis vingt ans. On y reviendra dans un autre billet, car une solution existe pour les remplacer (avec ou sans indépendance) : une solution bien à la française…
[50] Et qui a eu l’idée d’affubler ce document du joli nom de « Martyr » ? Un document qu’un indépendantiste déclare qu’en effet il sera martyrisé ! L’humour noir fait florès…
[51] Une génération selon Darmanin, un demi-siècle selon un dirigeant loyaliste.
[52] Il est vrai que le Sud est soumis à une migration interne nette très positive des Kanak du Nord et des Îles ; mais aussi, on vient de l’évoquer, à une migration externe nette négative des Européens. Et, du coup, les Kanak qui sont maintenant (à mon avis, mais pas de celui de l’ISEE) majoritaires dans le pays et deviennent une minorité importante dans la province Sud, risquent de bouleverser ce plan rose des loyalistes ; sauf, ce qui est probable, si cette fuite s’arrête avec la disparition de l’épée de Damoclès et la possible reprise économique après la récession jusqu’en 2021.
[53] On propose de regarder une vieille vidéo (d’une heure et demi) : Les Médiateurs du Pacifique, de janvier 1996 :
MichelRocard.org - Détail document : VIDEOFJJ002135
[54] Évoquant les deux coups d’État, la première fois celui de Napoléon devenu Napoléon 1er, la seconde fois celui de Louis-Napoléon devenu Napoléon III.
[56] Voir sur la Toile (mais le virage de cuti n’est que possible…) :
[57] J’ai en effet commis un livre : Kanaky Nouvelle-Calédonie indépendante ? Écrit-Tic, L’Harmattan, Paris, 2018.
[58] Voir Le Guépard (Il Gattopardo) film réalisé par Luchino Visconti, sorti en 1963, adaptation du roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, où l’aristocratie italienne accepte, lors du Risorgimento, de perdre apparemment son pouvoir pour mieux le conserver.
[59] On en extrait ici les meilleurs morceaux :
« Le deuxième référendum [celui de 2020, PC] qui devait marquer l’apothéose du NON à l’indépendance, s’est transformé en Bérézina républicaine. Et le climat de confiance qu’on nous avait prédit est devenu anxiogène. Simultanément, les institutions tombaient une à une dans l’escarcelle des indépendantistes : le Congrès d’abord, le CESE ensuite, le Gouvernement enfin ».
[…]
« Certains ont cru que l’élection d’un président de Gouvernement indépendantiste constituait l’acmé de la déroute loyaliste… Que nenni ! C’était sans compter les élections sénatoriales… Nos généraux loyalistes en herbe avaient pourtant tout prévu. Une réunion secrète s’était tenue à la kommandantur de la province Sud. Sonia Backès, Pierre Frogier, Nicolas Metzdorf, Gil Brial et l’éminence grise de la présidente, Brieuc Frogier, avaient décidé de faire cause commune aux Sénatoriales. C’est toujours plus facile de se partager les postes en petit comité. Un ticket Backès/Frogier, adoubé au plan national par les Républicains et la majorité présidentielle, constituait, à n’en pas douter, une martingale électorale infaillible. Un ticket imbattable. L’élection était pliée d’avance ».
[…]
« Comment des grands électeurs non indépendantistes ont-ils pu décider de s’abstenir au deuxième tour ou de voter Robert Xowie au lieu de Sonia Backès ? Je crois que deux raisons majeures justifient cette attitude. D’abord, parce que le message porté par l’intéressée et ses soutiens s’est de plus en plus radicalisé, remettant en cause les accords signés depuis 35 ans, transformant la province Sud en camp retranché, érigeant la partition du pays comme modèle ultime pour notre avenir et jetant le destin commun aux oubliettes de l’histoire calédonienne. Si ce message à ses adeptes, il ne peut prétendre à lui seul incarner l’ensemble de la sensibilité non indépendantiste.
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C’est ainsi que dimanche, se sont retrouvés des grands électeurs non indépendantistes de Nouméa, Dumbéa, Bourail, Koumac et d’ailleurs, pour voter Robert Xowie et Georges Naturel. En réalité, ces deux candidats n’ont pas gagné cette élection. C’est Sonia Backès qui l’a perdue ».
[60] Voir :
Où le post de Gomès sur Facebook est rapidement résumé, mais aussi donné dans son intégralité, ainsi que :
[61] « C’est également la réponse au discours néocolonial du Président Macron qui persiste à ignorer que notre pays est engagé dans un processus irréversible de décolonisation. Le Président le plus mal aimé de la France n’a pas hésité à dénigrer le FLNKS, pensant sûrement sur les conseils de sa secrétaire d’Etat, que notre pays pourrait se construire sans NOUS, citoyens Kanak de toutes origines, enracinés en Nouvelle-Calédonie et vivant ensemble depuis des décennies. C’est une réponse cinglante au document martyr inacceptable de l’État ».
[62] « C’est également le manque d’impartialité évident de l’État qui a été mis en exergue, notamment avec la vidéo du ministre Darmanin en soutien à sa secrétaire d’État chargée de la citoyenneté. Sa défaite cuisante marque clairement le vote sanction d’une partie de sa majorité et une volonté évidente de changement ».
[63] La France ou ses dirigeants ? En 2021, fin avril, avant le dernier référendum, les deux-tiers des Français se disaient (curieusement) pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie (Sondage Harris relayé par le Figaro et commandé par le ministère des Outre-mer). Mais la réforme des retraites est cependant passée alors que la même proportion (ou plus) de sondés y était opposée.