Le Caillou à toujours présenté deux faces, face à face ; en termes de couleurs de peau, une face noire éclairée par le progressisme anticolonial et un certain socialisme, plus ou moins unis au sein du Front de libération nationale kanak et socialiste (le FLNKS) et une face surtout blanche assombrie par le colonialisme et la réaction (plus ou moins unis chez les loyalistes radicaux) ; en termes politiques, un centre aux couleurs de peau variées (Calédonie ensemble - on se contentera ici d’écrire CE - , avatar récent du nationalisme calédonien, toujours loyaliste mais progressiste, rejoint depuis peu par L’Éveil océanien (L’ÉO), parti communautaire des Wallisiens-Futuniens, pas encore indépendantises mais soutenant, après hésitations, le gouvernement indépendantiste de Louis Mapou.
Que viennent faire, nous objectera-t-on, l’évocation de ces couleurs de peau en 2024 ! Tout simplement car le racisme, toujours là, tapi et mal caché, est de retour au grand jour avec ses mots et sa violence, surtout, on l’a vu et on va le revoir, le racisme antinoirs déclaré de quelques Blancs évoquant pour se dédouaner un prétendu (mais, s’il est plus rare, il n’est pas absent) racisme antiblancs des Kanak. Qui disait : « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde » ?
Les tensions actuelles sur le Caillou se présentent aussi comme deux oppositions sur un miroir également à deux faces : la face principale est celle du politique, dudit institutionnel (en plus clair : indépendance ou pas ?) ; la face secondaire mais incontournable est celle de l’économique (contre ou pour le Pacte nickel ?).
Commençons par ce qui peut paraître secondaire. Le Maire, suivant Darmanin et Macron, voulait passer en force en proposant fin 2023 le vote urgentissime en janvier 2024 de son fameux Pacte nickel, puis, face à la procrastination générale, en tentant de l’imposer « tel quel » fin mars ; là, ce fut rappé[1] ! Selon mon interprétation, rappelons-le, ce Pacte est une arme pour pousser les indépendantistes à accepter la stratégie de l’État ayant perdu sa neutralité (« La France serait moins belle sans la Calédonie ») : un « préalable minier à l’envers », revanche du préalable minier originel de 1998[2] exigé par les indépendantistes et accepté par l’État, pour permettre la signature de l’Accord de Nouméa et un quart de siècle de paix civile. Autrement dit, le Pacte nickel n’est sans doute pour l’État qu’une arme économique de soutien à la tentative politique de soumission des indépendantistes après la farce grosse de tragédie[3] du troisième référendum de décembre 2021.
En second lieu (mais c’est donc l’aspect principal…) Darmanin, suivant Macron, veut depuis longtemps passer en force quant à l’avenir institutionnel, acter encore la légitimité du troisième référendum d’autodétermination en dégelant le corps électoral pour les élections provinciales et en repoussant aux calendes grecques un éventuel[4] nouveau référendum au sujet de l’indépendance. Depuis fin 2021, le dialogue entre toutes les parties fut pour le moins difficile ; mais l’ambiance s’est de plus en plus tendue depuis fin 2023, par la radicalisation des loyalistes les plus durs allant nettement plus loin que Darmanin[5] et critiquant de façon de plus en plus véhémente, à la fois le gouvernement prétendu illégitime (dirigé par l’indépendantiste du Palika Louis Mapou soutenu par l’ÉO) et ayant des mots de en plus en plus durs contre les loyalistes centristes de CE, surtout en la personne de Philippe Gomès. Et, singulièrement, les discussions autour du Pacte nickel les isolant, peut-être ces jusqu’au-boutistes avaient-ils compris que le climat politique se dégradait en leur défaveur : ils préférèrent alors lancer l’orage fin mars, juste après un texte prémonitoire de Barbançon, 1984-2024 sous-titrée Il est encore temps[6].
Ce présent billet, publié le 1er mai 2024, pourrait s’intitulé Chroniques d’avril car il retrace un long mois très riche en événements qui ont failli se transformer en nouveaux « Événements ».
…
Jamais, sur le Caillou, une succession aussi rapide de manifs et contre-manifs de telle ampleur, dont surtout celle du samedi 13 avril. Le journal Le Monde, dans son article[7] (Nouvelle-Calédonie : grandes manifestations à Nouméa pour et contre l’élargissement du corps électoral) publié à la même date, indique les chiffres officiels des forces de l’ordre, mais en inversant les buts des manifestants : « Près de 32 000 personnes, dont 15 000 indépendantistes et 17 000 loyalistes, ont manifesté samedi à Nouméa, pour défendre ou s’opposer [Je souligne, PC : c’est l’inverse ! Ou Le Monde s’est trompé plus loin dans l’article…] au projet de loi constitutionnelle, en cours d’examen au Parlement, qui a ravivé les tensions sur l’archipel ces derniers mois ». 12 % de la population du Caillou, avec donc, selon Le Monde, un léger avantage aux loyalistes (ce qui ferait en Métropole 8 M de manifestants des deux bords à Paris). Selon les manifestants[8], 30 000 proches des indépendantistes s’opposant au dégel du corps électoral et 35 000 sympathisants des loyalistes radicaux l’approuvant (CE n’avait pas appelé à manifester, d’autres, pourtant loyalistes, non plus) un quart de tous les habitants ! L’équivalent de 16 M à Paris ! L’AFP[9] fournit des chiffres encore différents et inverse en outre le rapport de force donné par Le Monde : match nul selon le Haut-commissariat avec deux fois 20 000 et, selon les manifestants, 58 000 pour les indépendantistes et 35 000 pour les loyalistes. Toujours plus haut, toujours plus fort, la presse gauchiste en langue anglaise[10] (il s’agit de trotskistes de la IVème Internationale) en parlait aussi, indiquant que plus du tiers de la population manifestaient à Nouméa.
1 - Une très large unité des indépendantistes, plus ou moins unis dans le FLNKS, mais incluant aussi L’Éveil océanien et Calédonie ensemble, contre le Pacte nickel et les loyalistes radicaux qui le soutiennent et l’État qui le proposait… et le président du gouvernement du Territoire, Louis Mapou[11]…
Le 11 avril, Philippe Michel, de CE, introduit le sujet[12] (mais c’est Gomès qui mènera principalement la danse) ; Michel soutient par exemple le 12 avril[13] (sans le nommer dans l’extrait de son interview mais en le nommant dans l’écrit qui l’accompagne sur Facebook) les positions de Paul Néaoutyine qui refusa à la SLN l’exploitation de ses mines de la Province Nord sans apporter de garanties financières qu’Eramet ne donnait pas à la date limite[14]. Néaoutyine a remporté son bras de fer avec la SLN qui s’est sentie obligée d’apporter ces garanties. Gomès renouvelle en outre son sentiment selon lequel Eramet abandonnera la SLN : « Ça illustre, dit-il concernant le petit jeu de la SLN, je crois, de manière assez caricaturale, le fait que Eramet n’a pas l’intention de continuer l’exploitation de la SLN ; ce n’est pas encore dit, mais chaque jour il y a un nouvel exemple qui illustre cette perspective »[15].
Gomès est donc sans aucun doute à la pointe de l’analyse du dossier nickel[16] avec une connaissance exceptionnelle de ses aspects économiques et techniques : après avoir appelé avec succès au Congrès à ne pas voter le Pacte « tel quel », il vient de développer encore son point de vue le 17 avril[17]. Il rappelle la loi sur les matières premières critiques de l’Union européenne du 18 mars 2024 et les sous qui vont avec : il les donne en euros mais surtout (et avec gourmandise ; mais sans préciser qu’il s’agit d’un tiers de siècle du PIB annuel actuel du Caillou !) en milliards de CFP : 36 800 GCFP…). Il rappelle aussi que le Groenland (un équivalent pour le Danemark de la Nouvelle-Calédonie) a signé, fin novembre 2023, un partenariat stratégique avec l’Europe concernant les matières premières, avec aussi des sous à la clé. Pourquoi pas la même chose sur le Caillou ? Selon Gomès, parce la France a suivi la stratégie d’Eramet privilégiant l’Indonésie[18] ; et, toujours selon lui, citant le Rapport de l’IGF de fin juillet 2023, ce rapport « … émet des doutes extrêmement sévères sur le fait que les projets d’ERAMET puissent garantir l’approvisionnement de l’Union Européenne »[19].
L’envoi final de Gomès résumant la position de CE est magistral et mettra sans doute Le Maire mal à l’aise[20] : « Nous considérons qu’il est CAPITAL que les discussions sur le “Pacte Nickel” sortent de Bercy pour être menées au niveau du Premier ministre ou du Président de la République. Il est capital que les décisions prises soient “fondées sur des logiques de souveraineté économique et de consolidation de filières au-delà des seuls enjeux patrimoniaux et de rentabilité, contrairement aux investisseurs privés”, conformément à la doctrine de l’Agence des Participations de l’Etat [qu’il vient de citer, PC] ».
Et Gomès a donc parfaitement compris (mais sans aller jusqu’à notre hypothèse d’un « préalable minier à l’envers » revanche du « préalable minier » original de 1998) en terminant par : « C’est en ce sens que, comme cela a été le cas lors des Accords de Matignon et de Nouméa, les discussions sur notre filière métallurgique doivent être intégrées aux négociations politiques sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ». Il va ainsi très loin dans ce qui est tout simplement une sévère critique de l’État, feignant de penser qu’Emmanuel Macron se serait fait doublé par Le Maire ; tu parles ! Dans sa vidéo, il affirme tout de go (mouillant ainsi Macron) : « Aujourd’hui, Eramet a pris le contrôle de l’État ; ce n’est plus l’État qui contrôle Eramet, c’est Eramet qui a pris le contrôle de l’État ». Nous laissons à Gomès la responsabilité de ses propos et en particulier de cette dernière sortie, mais ils nous paraissent sensés.
CE a en outre produit un document très pédagogique résumant sa position sur le Pacte nickel ; pas besoin de le paraphraser[21]. Et, dernière minute, le syndicat majoritaire dans les mines de la SLN se réveille[22] vendredi matin 26 avril : il demande que la direction locale « dégage » ; peut-être que le vieux dirigeant, Sylvain Néa, de la CSTNC (la Confédération syndicale des travailleurs de Nouvelle-Calédonie) pense à la dernière annonce d’Eramet qui corrige à la hausse ses prévissons de résultats pour 2024 tout en réitérant ses difficultés en Nouvelle-Calédonie[23].
Enfin, le miracle du fort rebondissement de l’économie du Caillou en 2022 (croissance inespérée du PIB réel en volume de 3,5 %) ne se produirait malheureusement pas en 2023 et 2024 selon l’IEOM (l’Institut d’Emission d’Outre-mer) qui a jeté le 24 avril[24] une petite douche froide sur le Caillou.
2 - Un début de rapprochement des loyalistes centristes de CE et des indépendantistes pour éviter le retour des vrais « Événements » ; ce n’est qu’un début, mais plus si affinités…
CE est depuis longtemps accusé de socialiste et de suppôt des indépendantistes par les loyalistes radicaux ; depuis fin 2023, c’est de pire en pire. Mais les désaccords sont cependant encore fondamentaux entre les indépendantistes qui s’opposent au dégel du corps électoral et CE qui reste loyaliste et approuve de fait le passage en force de Darmanin concernant ce dégel, mais en privilégiant nettement plus que le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, un accord entre les forces du Caillou.
Malgré ce profond désaccord entre indépendantistes et CE, les deux mettent en avant la responsabilité des loyalistes radicaux dans l’accroissement de la tension politique du Caillou (une évidence) et demandent une Mission du dialogue pour le renouer ; ce qui ne plait guère aux loyalistes radicaux dont le quotidien La Voix du Caillou se fait le porte-parole[25] ; d’autant plus que cette demande est relayée par la gauche française[26]... Pour les indépendantistes, cette Mission devrait être confiée à une personnalité politique incontestable, par exemple (mais ce n’est dit qu’à demi-mot) Édouard Philippe ; CE propose surtout la co-présidence des présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Le député Philippe Dunoyer (de CE) ouvrait le bal le 9 avril[27] lors de la Rencontre Citoyenne de CE à l’UNC (Université de Nouvelle-Calédonie) mettant en particulier en relief les âneries des loyalistes radicaux, dont celles de Sonia Backès et celle de Metzdorf (fort raciste, bien qu’en verlan) montré sur grand écran*.

Agrandissement : Illustration 1

* Tiré de l’exposé de Dunoyer
Dunoyer approuvait l’amendement du Sénat français (que Darmanin avait essayé d’éviter ; sans succès) proposant que tout accord entre les acteurs calédoniens 10 jours avant la date prévue des élections sénatoriales supprimerait illico la démarche de l’État. Le 12 avril était envoyée au Président Macron une lettre[28] annonçant le souhait qu’une mission de dialogue co-présidée par les présidents des deux assemblées du Parlement. Dunoyer évoquait le matin du 13 avril[29] le danger des deux manifs annoncées pour la journée ; il le rappelait le 15 avril[30]. Le 19 avril, sur NC 1ère[31], le même regrettait que « Les propos des uns et des autres se radicalisant, les Loyalistes menaçant de “foutre le bordel” et le CCAT traçant la perspective d’un boycott des élections provinciales ; le débat se faisant désormais, non plus dans les institutions mais dans la rue… ». Il notait également, en le regrettant évidemment, qu’une conférence de presse des indépendantistes (celle annonçant la manif du 13 avril)[32] ait été illustrée par une référence explicite à l’épisode du coup de tamiok (hache) d’Éloi Machoro dans l’urne de Canala fin 1984. Ces indépendantistes n’ont pas dit que souvent l’histoire bégaie, mais certains d’entre eux ont sans doute envoyé ce message…
Malgré le dernier congrès du FLNKS et l’unité affichée, le Palika (avec l’UNI) et l’UC ne sont pas tout à fait sur la même ligne : le premier est un peu plus ouvert au dialogue avec l’État, la seconde plus réticente. Le premier vient discrètement de le montrer[33] avec son « appel à modérer les propos politiques ».
…
Il n’y a plus qu’à espérer que ces vœux pieux de rétablissement du dialogue quant à l’institutionnel soient entendus et qu’aboutissent les échanges sur un nouveau Pacte nickel. Il est vrai que depuis le milieu du mois d’avril, après les super-manifs du samedi 13, le printemps (automne en Nouvelle-Calédonie) est devenu socialement moins chaud. Hasard du calendrier ou message fort, le Rassemblement (le parti héritier de Jacques Lafleur) a enfin un président élu (à 99,5 %) par un congrès : Alcide Ponga est un Kanak[34] ; il était déjà président par intérim depuis la démission de Thierry Santa « pour convenance personnelle » (peut-être, dit-on, par lassitude). Ponga est sans doute au bon endroit au bon moment : il a, par exemple, bien connu la SLN et est conseiller de KNS ; ça peut aider pour le Pacte nickel qu’il appelle à signer mais le juge perfectible.
Cependant, jusqu’à fin avril, le silence de l’État (Darmanin, Le Maire et Macron) était assourdissant : on cherchait vainement leurs commentaires avisés de la situation actuelle du Caillou et leurs réponses aux questions posées. Macron a-t-il accusé réception à la lettre du 12 avril envoyée par CE ? Comment Le Maire a-t-il pris l’échec de son chantage à la signature « tel quel » ? Il est vrai qu’entre l’Ukraine, le Moyen-Orient, Taïwan et autres dangers de guerre mondiale avec bombes A et/ou H, notre président avait fort à faire ; la Nouvelle-Calédonie qui faisait rayonner la beauté de la France n’est peut-être devenu qu’un tout petit caillou dans sa chaussure, presque indolore.
Darmanin a enfin rompu ce silence le 29 avril devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale[35]. Rien de bien nouveau dans les réponses de Darmanin aux questions du président de cette Commission (Sacha Houlié) ; mais quand même : il approuve le vote du Sénat au sujet du dégel du corps électoral, en regrettant néanmoins que le texte du gouvernement ait été amendé ; il prend note des deux grandes manifs du 13 avril à Nouméa et les salut presque ; il n’a rien contre une mission du dialogue ; il réitère (c’est sa conclusion) qu’il est ouvert au dialogue avec tous les acteurs du Caillou et indique qu’en cas d’accord « sérieux » le gouvernement, comme annoncé, laissera de côté son initiative, ce qui repousserait les prochaines élections provinciales en novembre 2025 ; enfin (et c’est peut-être le plus important) il a sans doute compris que l’alliance des indépendantistes, de l’ÉO et de CE contre le Pacte nickel imposé par Le Maire était solide ainsi que le nécessaire attachement de cette question à celle du dégel du corps électoral demandé par la même alliance.
Cependant, en associant la question politique du dégel du corps électoral à celle, économique, de la stratégie nickel, il repousse ce faisant à bien loin un éventuel accord sur un nouveau Pacte nickel en enterrant sa signature imposée « tel quel ». Pourquoi cette affirmation ? Bien sûr, il ne partage évidemment pas notre point de vue selon lequel ce Pacte était un chantage fait aux indépendantistes ; pour lui, tout simplement, le Congrès calédonien étant le seul compétent pour changer la loi de pays (et singulièrement le code minier et les aspects fiscaux) il doit être représentatif de la population… d’où le nécessaire dégel, même s’il n’est que partiel. Mais avec ce point de vue, si un accord est trouvé (et, répétons-le, jugé « sérieux » par le gouvernement français) sur la composition du corps électoral, la signature pourrait être repoussée à fin 2025 ou début 2026 (après la constitution du nouveau Congrès comme suite aux éléctions provinciales repoussées) : en complète contradictions avec le point de vue de Le Maire (qui, là, n’avait pas tort) de l’urgence de résoudre la question. Et aussi en parfaite contradiction avec ce que le même affirmait fin 2023 : les deux sujets ne devaient surtout pas être mélangés[36] en utilisant une formule choc : « Quand on commence à mettre de la politique dans le fonctionnement d’une usine, l’usine meurt ».
Darmanin a également évoqué une autre sujet ; mais n’allons pas trop vite…
Le climat politique et social, après l’orage, était fin avril à la détente, même Backès et Metzdorf feignaient de mettre de l’eau de rose dans leur fiel mais continuaient les provocations ; cependant, les braises étaient encore chaudes et la détente est aussi celle des fusils… La parfaite unité majoritaire contre le Pacte nickel de Le Maire et pour un nouveau Pacte nickel renégocié, ainsi que le petit début d’unité des mêmes pour au moins éviter la guerre civile, pourraient se traduire par plus si affinités et passage du Rubicon de CE, avant que l’histoire ne bégaie encore une fois, non pas en farce mais en tragédie.
On pouvait toujours rêver ; cependant c’est sans doute reparti pour un tour… Cette éventuelle histoire d’amour entre CE et le FLNKS est déjà en effet soumise à un gros coup de canif que CE a dénoncé par un post le 23 avril sur son compte Facebook[37].
Le petit buzz lancé sur la question de l’Azerbaïdjan n’avait pas fait long feu sur le Caillou ; sauf que Darmanin en a donc rajouté le 29 avril en dénonçant cette coopération entre la Calédonie et l’Azerbaïdjan comme « une ingérence extrêmement négative, extrêmement néfaste », la DGSE et la DGSI étant sur le coup. Il note cependant astucieusement que ce n’est qu’une partie des indépendantistes (l’UC, pas le Palika-UNI, mais non explicitement cités).
Terminons cependant par une petite lueur d’espoir.
Louis-José Barbançon, encore lui, prend parti (au JT de NC la 1ère du 28 avril[38]) contre le dégel du corps électoral et explique (mais sans mettre les points sur les i) que le troisième référendum est politiquement illégitime ; il va même plus loin affirmant que l’État a pris le parti des loyalistes radicaux et en confirmant que, selon lui, Darmanin fut bien un menteur quand il oublia de lire, au Sénat, la dernière partie de la lettre du FLNKS qui aurait accepté le dégel glissant du corps électoral après 10 ans sur le Caillou : le FLNKS n’a accepté que d’étudier la question. Barbançon conclut par : « Moi, je n’ai jamais vu un ministre de la France [et après un petite hésitation, PC] faire cela ». Bref, il continue à se mouiller en glissant qu’il faut ainsi changer d’interlocuteur, mais réitère son pessimisme (en indiquant : « Je suis plutôt inquiet qu’espérant ») se contentant, pour le contrebalancer, de citer une jolie pensée d’Albert Camus : « Là où l’espoir n’existe pas, il faut l’inventer ».
Ça ne mange pas de pain...
Notes
[1] Voir nos billets précédents où le Congrès avait voté à une écrasante majorité le refus du vote du Pacte nickel « tel quel ». Et c’est maintenant confirmé par le vote au Congrès le 18 avril d’une Commission spéciale en vue d’étudier une nouvelle version (« Quand tu veux enterrer un problème, créée une commission » disait Clémenceau ; Sonia Backès et ses affidés ont voté contre ; ils pensaient sans doute à Clémenceau). Voir :
Autant le refus de ce Pacte « tel quel » fut mis en avant au Congrès du Caillou le 3 avril à l’initiative du parti CE, par une motion préjudicielle conjointe ajournant le débat, lors de la commission spéciale qui a suivi, le 18 avril, l’initiative revint au FLNKS. Échange de bons précédés avec CE ? Ce dernier publie dans sa page Face book du 19 avril les propositions de Pierre Chanel Tutugoro ; voir :
https://www.facebook.com/watch/?v=2184957048525345
À la suite de ces interventions, le président du gouvernement, Louis Mapou, a demandé à être habilité à signer le document. « Autorisez-nous à y aller. On a peur de nos militants ? On a peur de qui ? Il n’y a rien qui nous engage au-delà de ça. Si le Congrès ne m’habilite pas, alors que je me suis engagé auprès du gouvernement central, je prendrai des dispositions au niveau du gouvernement ». On murmure qu’il passerait en force ou qu’il démissionnerait ; rien de tout cela pour le moment.
[2] Revoir l’histoire précise de ce préalable minier sur :
[3] Voir notre billet du 14 décembre 2021 sur Le Club de Médiapart :
[4] Si les loyalistes deviennent nettement majoritaires au Congrès du Caillou, grâce aux nouveaux Européens présents depuis 10 ans obtenant le droit de vote (ce qui est fort probable, malgré ceux qui se sont tirés ou déclarent qu’ils vont se tirer : ils reviendront ou resteront) le nouveau référendum d’autodétermination n’aura jamais lieu : voir nos précédents billets (où le feuilleton Kanaky Nouvelle-Calédonie indépendante !) où la mécanique implacable de la quasi-impossibilité d’une victoire du Oui à l’indépendance, avec ce nouveau modèle, est décrite. Tout est là !
[5] En proposant de supprimer tout de suite les discriminations politiques favorables aux indépendantistes (poids des trois Provinces au Congrès ; il est vrai de plus en plus en défaveur de la Province Sud) et financières (répartition des ressources favorisant les deux Provinces Nord et de Îles). Voir encore les billets précédents.
[6] Voir ou revoir mon billet du 27 mars où le texte de Barbançon est étonnamment prémonitoire ; pour la première fois, l’un des ancêtre du nationalisme calédonien, de droite progressiste et qui fut toujours méfiant envers l’indépendance, conclut à demi-mot qu’il soutient la solution de l’indépendance-association. Voir donc ce billet du 27 mars :
Et le billet précédent du 25 mars concernant l’aspect nickel (les deux étant évidemment complémentaires) :
[7] Voir :
Mathias Chauchat (un Zoreil indépendantiste bien connu sur le Caillou et bête noire exécré par la droite) critique, dans son compte Facebook (du 14 avril) cette évaluation du journal en écrivant : « Tout le monde de bonne foi s’accorde à dire localement que la manifestation indépendantiste excédait celle des Loyalistes. Le Haussariat a officiellement compté 20 000 et 20 000 manifestants dans chaque camp ».
[8] Et selon l’article de la même date de la rédaction de Nouvelle-Calédonie la 1ère ; voir :
Voir aussi :
On peut essayer de compter les manifestants kanak grâce à une vidéo fournie par un copain (avec en prime une rare visite en hélico du centre de Nouméa). Voir :
https://www.facebook.com/syoul.tsb/videos/2750462631768466/
Voir également :
https://www.facebook.com/FLNKSOfficiel/videos/1141094267093105
On peut évidemment trouver les vidéos de l’autre manif : plein de drapeaux tricolores et peu de visages foncés (voir plus haut).
[9] Source AFP du 13 avril ; voir :
Mobilisation d'ampleur dans les rues de Nouméa sur la question du corps électoral (msn.com)
L’article rappelle : « Les dernières manifestations de cette ampleur remontent aux années 1980, décennie marquée par une quasi-guerre civile. En mai 1983, la venue du secrétaire d’État au DOM-TOM Georges Lemoine avait fait descendre plus de 30 000 personnes dans les rues de Nouméa ». Cela faisait 20 % des 150 000 habitants du Caillou…
[10] Voir (en français) :
https://www.wsws.org/fr/articles/2024/04/21/xhkd-a21.html
L’article indique : « Les organisateurs ont affirmé que jusqu’à 58 000 manifestants indépendantistes et 35 000 manifestants pro-français ont pris part aux dernières manifestations, sous une surveillance de sécurité renforcée par des renforts de police français. S’ils sont exacts, ces chiffres représentent 34 % de la population de la Nouvelle-Calédonie, qui compte 270 000 habitants, et constituent les plus grands rassemblements de ce type depuis les conditions de guerre civile qui ont éclaté dans les années 1980 ».
[11] On a déjà évoqué ce que le parti CE notait le « syndrome de Stockholm » pour qualifier l’attitude de Louis Mapou et Gilbert Tyuienon voulant soutenir le vote du Pacte nickel.
[12] Voir :
https://www.facebook.com/CaledonieEnsembleNC/videos/1420546951902363?locale=fr_FR
[13] Philippe Gomès sur NC 1ère : Le code minier s’impose à tous les industriels. ERAMET n’est pas au-dessus des lois. Voir :
https://www.facebook.com/CaledonieEnsembleNC/videos/437692481984819
Plus généralement, CE n’arrête toujours pas d’intervenir sur son compte Facebook (dont tout ce qui suit le concernant est issu) ; voir :
https://www.facebook.com/CaledonieEnsembleNC/
[14] Est écrit : « La situation des garanties financières qu’ERAMET doit renouveler pour poursuivre l’exploitation de ses sites miniers en province Nord est cruellement résumée par Paul Néaoutyine dans la lettre qu’il a adressée le 11 avril dernier au Directeur général de la l’entreprise : “La SLN ne peut décemment refuser de fournir des garanties au-delà de 12 mois, alors qu’elle annonce partout sa volonté de s’engager aux côtés des institutions calédoniennes dans un projet de ‘pacte Nickel’ ” ».
[15] Gomès développe son point de vue sur la page Facebook de son parti. Il indique qu’Eramet n’avait aucune intention de renouveler ses garanties environnementales à la Province Nord : ce n’était pas un fâcheux oubli mais une politique délibérée. Il précisait « qu’il était explicitement mentionné dans son rapport [le Rapport annuel d’Eramet sur les comptes 2023, PC] sur les comptes du groupe arrêtés le 21 février 2024, que les garanties ne seraient pas renouvelées… Mais l’actionnaire principal de la SLN espérait probablement que personne ne dirait rien, comme pour le “Pacte Nickel”, de peur des chantages au maintien de l’activité dont ERAMET est coutumier. Mal lui en a pris. Si certains ont appris à vivre couchés devant ERAMET, d’autres ont gardé l’habitude de rester debout. Eh oui, certains ont échappé au “syndrome de Stockholm”. Beau coup de chapeau de Gomès à Néaoutyine.
[16] Un coup de brosse à reluire (mérité) certes ; mais qui n’efface pas mes vives critiques depuis des années face à son refus à franchir le Rubicon : accepter la solution de l’indépendance-association.
[17] Gomès le 17 avril, offre un écrit et une vidéo sur le nickel : PACTE NICKEL : L’exemple du partenariat stratégique entre le Groenland et l’Europe. Voir et entendre :
https://www.facebook.com/CaledonieEnsembleNC/videos/7038762069565968
La vidéo est plus riche que le texte qui l’accompagne, rappelant d’abord ce que CE avait déjà développé (et que nous avions indiqué) ; ensuite il apporte de nouveaux arguments.
[18] Gomès met les points sir les i : « … ERAMET et l’Agence des Participations de l’Etat (APE) ont choisi une autre stratégie : Alimenter l’Europe en nickel batteries à partir des usines implantées en Indonésie, notamment dans le cadre du projet Sonic Bay qu’ERAMET porte en partenariat avec le groupe allemand BASF, d’un montant de 310 milliards FCFP, et visant une production annuelle de 60 000 tonnes. C’est pourquoi ERAMET convoite les financements européens, ainsi que ceux du plan “France 2030”, doté de 6 500 milliards FCFP. C’est pourquoi l’Etat n’inscrit pas l’industrie métallurgique calédonienne dans cette perspective, proposant simplement de faire les fins de mois des entreprises et de prélever, pour ce faire, 8 milliards dans la poche des calédoniens ».
[19] Précisions encore de Gomès, citant le Rapport IGF : « D’abord parce que “- les activités d’Eramet en Indonésie, en partenariat avec le chinois Tsingshan à Weda Bay et le projet Sonic Bay mené avec BASF ne sont pas des sources certaines de sécurisation des approvisionnements européens en nickel, Eramet ne contrôlant pas l’entreprise PT Weda Bay nickel, son partenaire chinois étant majoritaire (57 %)”. - Ensuite, parce qu’ “à Weda Bay comme à Sonic Bay, Eramet devra progressivement désinvestir car la réglementation indonésienne impose que les activités minières et métallurgiques soient, au terme de 15 à 20 années après le début de la production, majoritairement contrôlées par un acteur indonésien”. - Enfin, parce que “l’établissement de mesures de restriction des exportations des produits de première transformation ne peut être exclu” ».
[20] Gomès a sans doute compris que le torchon brûlait entre ce dernier et Macron…
[21] Voir :
https://www.facebook.com/CaledonieEnsembleNC/videos/962178612209082
[22] Voir :
[23] Voir :
[24] Voir l’article du 25 avril :
Et le compte rendu de la conférence de presse de l’IEOM à Paris où la situation économique préoccupante du Caillou est fortement soulignée :
https://www.iedom.fr/IMG/pdf/conference_de_presse_240424_vdef.pdf
[25] Voir l’article du 16 avril 2024 : Une mission du dialogue ?
Une mission du dialogue ? - La Voix du Caillou
L’interprétation de La Voix du Caillou est la suivante : « C’est la proposition en vogue actuellement : créer une mission du dialogue à l’instar de celle mise en œuvre par Michel Rocard au lendemain du drame d’Ouvéa. Cette proposition de mission du dialogue émane des indépendantistes, relayés par CE, et qui trouve certains échos parmi la gauche française. […] Outre que cette proposition permet encore une fois aux indépendantistes de gagner du temps, il faut surtout s’interroger sur son sens politique, et surtout sur ce qui fait qu’il n’y a pas ou plus de dialogue ». La faute aux indépendantistes, évidemment ! L’article termine par : « Parce que s’il n’y a pas ou plus de dialogue aujourd’hui, c’est bien parce que la réalité démocratique et républicaine posée par le résultat des trois référendums prévus par l’accord de Nouméa est niée par les indépendantistes ». Comme d’hab, aucune référence à une éventuelle illégitimité politique de ce troisième référendum…
[26] Voir l’article du 15 avril : Avenir de la Nouvelle-Calédonie : le président du groupe socialiste au Sénat appelle à la création d'une mission du dialogue
L’article indique « “Depuis qu’il a refusé de déterminer d’un commun accord avec toutes les parties calédoniennes la date du troisième référendum (…) l’État a rompu avec la méthode fondée sur la recherche du consensus, initiée depuis les accords de Matignon et l’accord de Nouméa”. Voici comment Patrick Kanner débute sa lettre adressée à Gérard Larcher, président du Sénat. Un courrier que la rédaction de NC la 1ère a pu se procurer ».
La gauche française ne va pas ici jusqu’à affirmer que le troisième referendum est politiquement illégitime mais y pense sans doute…
[27] Voir :
https://www.facebook.com/CaledonieEnsembleNC/videos/3742911786036666
[28] On peut la lire sur la page Facebook de CE.
[29] Voir :
https://www.facebook.com/CaledonieEnsembleNC/videos/1211343869837833/
[30] Voir :
https://www.facebook.com/CaledonieEnsembleNC/videos/962178612209082
[31] Voir :
https://www.facebook.com/CaledonieEnsembleNC/videos/473123465045466
[32] Voir :
https://actu.nc/2024/04/10/lombre-du-boycott/
L’article indique : « La Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) a laissé entendre le 4 avril qu’elle boycotterait les provinciales si le texte [voté au Sénat le 2 avril, PC] n’était pas retiré de son circuit parlementaire. Tout un symbole… En marge de la conférence de presse de la CCAT organisée le 4 avril au local de l’Union calédonienne à Magenta, les militants n’ont pas hésité à mettre en scène une hache plantée dans une urne ». Les propos de cette conférence de presse ne sont pas tendres mais pesés pour ne pas être accusés de mettre également le feu au poudre.
Quelques extraits en florilège (le texte lisible sur la Toile précise tout) :
« La ligne rouge est en train d’être dépassée. […] Ces 233 sénateurs ont décidé de tuer le peuple kanak et la citoyenneté calédonienne au sens de l’accord de Nouméa. Tel est le message qu’on va désormais passer à nos bases […] leur projet est de faire en sorte que le peuple kanak devienne comme le peuple aborigène. […] Vont-ils se positionner par rapport à ce projet d’extermination programmée qui vise à rendre le peuple kanak encore davantage minoritaire dans son propre pays » ? […] Les provinciales de fin d’année, il va falloir les retirer de vos têtes, car ça ne marchera pas avec la CCAT. On n’ira pas dans cette mascarade-là engagée avec l’Etat français. […] Je ne sais pas quelle sera la fin de cet épisode-là, mais si on continue à pousser, on va aller dans le mur. La CCAT sera prête. (…) Le bordel, tout monde sait le faire et l’organiser. Mais l’arrêter, c’est autre chose. Backès et l’État nous emmènent sur un terrain glissant, et à un moment donné, on prendra nos dispositions si on se sent menottés. [Toutefois] il y a encore possibilité de freiner le véhicule […] … on les emmerdera pacifiquement mais jusqu’au bout ».
[33] Voir l’appel du 26 avril 2024 de Charles Washetine :
L’appel du Palika à modérer les propos politiques - Nouvelle-Calédonie la 1ère (francetvinfo.fr)
[34] C’est un peu « historique », au moins « exceptionnel » qu’un jeune Mélanésien (il n’emploie pas le mot Kanak dans ses interviews) prenne la tête du parti fondé en 1977 par Jacques Lafleur, il est vrai déjà soutenu à l’époque, explique-t-il, par « tous les vieux Mélanésiens de la côte Est ». Voir :
Son discours à l’interview du 21 avril sur NC la 1ère est plein de rondeur ; il va probablement réjouir Barbançon qui suggère qu’existent dans la droite loyaliste des gens moins dangereux que Backès et Metzdorf.
[35] Voir la totalité de la séance sur :
Et les commentaires de la presse locale le 30 avril ; par exemple :
[36] Voir nos précédents billets et l’article de fin novembre 2023 :
[37] Voir :
https://www.facebook.com/CaledonieEnsembleNC/videos/745049324283900
Le titre de ce post, argumenté, est « Signature d’un mémorandum de coopération entre l’Azerbaïdjan et le Congrès de la Nouvelle-Calédonie : Une honte pour notre pays - Nous demandons la tenue d’une session extraordinaire sur le sujet ».
Le quotidien Les Nouvelles Calédoniennes développait le sujet dans sa livraison du 23 avril : hurlement des loyalistes, dont CE donc, mais le président du Congrès, Rock Wamytan, assumait ; voir :
Au moins, on en savait donc un peu plus sur les relations de l’Azerbaïdjan, de la France (qui soutient l’Arménie) et des indépendantistes du Caillou. Voir :
[38] Voir cette interview, vers la 8ème minute :