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Mon espace Santé: un DMP sous contrainte ?

À propos du blog
Mon Espace Santé : un DMP sous contrainte ? « Quand on me présente quelque chose comme un progrès, je me demande si cela nous rend plus humain ou moins humain « Georges Orwell « Les hommes demanderont1 de plus en plus aux machines de leur faire oublier les machines « Philippe Sollers. Le DMP a donc vécu. Coup d’œil dans le rétroviseur. Vieille lune informatique de la CNAM mise en place dès 2007, le DMP (Dossier Médical Partagé) avait plusieurs fonctions. Dossier médical informatisé, il rassemblait les données numériques de l’histoire médicale du patient. Il se voulait être un carnet de santé moderne, informatisé, sécurisé, accessible sur Internet. L’histoire médicale du patient, ses antécédents, ses comptes rendus radiologiques, biologiques, ses allergies, les actes médico chirurgicaux importants, les dates de vaccinations, les traitements en vigueur, les contrindications. A priori un outil de santé pratique, sécurisant pour les patients, permettant de gagner du temps au médecin ou au spécialiste, à l’urgentiste qui le consultait, d’avoir instantanément une vision d’ensemble, globale et synthétique de l’histoire médicale du patient. Malgré de multiples tentatives développées par la CNAM, beaucoup d’argent investi, beaucoup de pressions de la part des délégués de l’Assurance Maladie auprès des médecins traitants, auprès des pharmaciens, le DMP n’a jamais réellement pris, n’a jamais convaincu usagers de la santé ni professionnels. Environ 10 millions de DMP ont été créés, ce qui ne veut pas dire développés et utilisés efficacement. Des médecins réticents à remplir un dossier chronophage, peu motivés, non rémunérés pour le travail requis, la plupart des DMP seront finalement créés par les pharmaciens (eux rémunérés-faiblement c’est vrai-) ou dans les CPAM, critiqué pour son manque d’ergonomie, des doutes sur la sécurisation des données confiés à des serveurs d’entreprises étrangères, Microsoft pour ne pas la nommer, le DMP ne prendra jamais son envol. Il faut dire que sa construction n’était guère pratique, se présentant comme une sorte de coffre-fort, accumulant des données sous forme PDF empilées les unes sur les autres et donc ni attractif, ni fonctionnel. D’où l’idée de le rendre plus fonctionnel en exploitant un algorithme de l’Intelligence Artificielle permettant au médecin de retrouver rapidement une donnée précise recherchée. Un reproche important fait au DMP, outre son manque d’ergonomie, tenait à la sécurité des données intégrées dans le Health Data Hub, propriété d’une filiale numérique de Microsoft, donc basé aux USA, avec la possibilité d’un rapatriement des données en raison de leurs lois à portée extraterritoriale. Le HDH est prévu pour centraliser, les données de la Médecine de Ville, des pharmacies, des laboratoires d’analyse médicale, de la Médecine du Travail, des EHPAD, et des données disponibles concernant le séquençage de l’ADN. Les responsables de la CNAM, le Ministère de la santé qui ont de la suite dans les idées ont enterré le DMP … pour mieux le ressusciter sous une nouvelle appellation « Mon espace Santé ». Ce nouveau dispositif va désormais regrouper les données contenues dans le DMP, une Messagerie sécurisée-il faut dire que depuis la Pandémie à Covid 19 de plus en plus d’échanges par mail existent entre les médecins traitants et leurs patients avec notamment des envois d’ordonnances, de résultats d’examens, de données confidentielles…- l’identité du Médecin traitant, un agenda santé, un catalogue de services de santé numérique. Des questions se posent : 1- Comment est assuré le suivi médical du patient jusqu’à présent ? Le patient a dans la quasi-totalité des cas (même si les choses se dégradent en ce moment dans les déserts médicaux) un Médecin traitant qui gère donc le dossier médical, depuis souvent de très nombreuses années. Ce dossier est soit un dossier papier, soit dans la majorité des situations un dossier informatisé que seul le Médecin Généraliste peut consulter. Question : Avec un dossier Médical Numérique, le patient sera-t-il mieux soigné ? Rien ne permet de le dire car aucune étude, aucun audit n’a été effectué. Ce dossier médical est-il sécurisé. Oui et Non. En dehors du médecin Généraliste peu de personnes peuvent y avoir accès. Mais rien n’empêche une secrétaire indélicate, connaissant les codes d’accès du médecin, de trouver des informations privées. Même chose à l’Hôpital. Un Brancardier, une aide-soignante peut facilement accéder au dossier médical d’un patient hospitalisé avec les codes du médecin Hospitalier. 2- En dépit des affirmations du gouvernement concernant la sécurité des données, est ce que celle-ci est vraiment garantie ? Le point nouveau réside dans l’hébergement des données confié cette fois à des hébergeurs français, Santeos filiale de Word Line qui est une société française de services de paiement et de transaction créée en 1974 et présente dans 50 pays, et la société ATOS pour toutes les autres données de l’Espace Santé. Ces entreprises sont localisées sur le sol français et les serveurs basés dans le Nord et dans l’Ouest de la France. Elles sont donc sous le contrôle du RGPD ( régime général sur la protection des données). En fait la seule certitude que nous avons est que la protection sera garantie par l’État, la CNIL et la CNAM. C’est mince en réalité. Les hébergeurs resteront des sociétés privées. 3- Qu’en est-il de la sécurisation du système par la CNIL ? A chaque fois qu’une question est posée sur la sécurité des données informatiques on brandit l’étendard de la CNIL comme un gendarme absolu. La CNIL est une société proche du pouvoir, les membres sont nommés par le Premier Ministre et les Présidents des deux assemblées, on peut mesurer l’impartialité de la Commission ! Dans quelle mesure la CNIL est-elle capable de faire respecter les droits des usagers face au déferlement numérique ? Un journaliste du Monde a calculé que, au rythme actuel, il faudrait 7000 ans pour que les personnes figurant sur le STIC (système de traitement des Infractions Constatées) aient accès à leur fiche et puissent la corriger. Et encore, pourrait-on ajouter, le fait de rectifier soi-même ses informations personnelles, n’est-elle pas une façon détournée de participer à son propre fichage ? Comme le signale dans un document plusieurs organisations (Collectif Marcuse)(1) Des conséquences néfastes de la « révolution numérique » qui nous a été imposée n’ont jamais posé de problèmes à la CNIL : fichage systématique, dépendance au quotidien, perte d’autonomie et de savoir-faire techniques dans les métiers, désastre écologique, restructurations perpétuelles. En pratique, le travail de la CNIL a consisté d’une part, à donner une légitimité à des projets industriels manifestement hostiles aux libertés et d’autre part à construire de toutes pièces une définition restrictive de la liberté à notre place, pour complaire aux industriels et aux dirigeants ». La CNIL est là pour créer un écran de fumée, et sous prétexte de défendre les droits des usagers face aux problèmes posés par le numérique, avalise par de pseudos garde fous, les velléités des marchands. En résumé, « la CNIL dit « oui, mais » à toutes les absurdités qu’on lui demande d’examiner ». (1) 4- Le secret médical reste-t-il préservé ? N’y a-t-il pas là une remise en question flagrante de la Loi Kouchner de 2002 et du principe inviolable du Consentement libre et éclairé, lorsque l’on voit que le Ministère de la Santé utilise le système « Opt out » pour la création de l’espace Santé ? Autrement dit, si dans un délai de 6 semaines la personne ne s’est pas manifestée pour refuser l’ouverture de son ES, cela signifie qu’elle est d’accord. Cela veut dire que si l’on ne dit pas non, cela veut dire oui. Cette démarche-là, à elle seule, pose question. Que penser des règles démocratiques lorsque le consentement devient automatique ? 5- Qu’en est-il de la Fracture numérique ? 13 millions de Français n’ont pas accès au Numérique. Voilà qui leur empoisonne leur vie quotidienne pour la moindre de leurs démarches administratives. Toutes ces personnes vont se voir attribuer un Dossier Médical Numérique sans même le savoir, sans avoir eu les informations utiles pour donner leur avis, sans savoir de quelles données privées ce dossier est composé. Beaucoup de patients renoncent désormais aux soins car incapables de se retrouver dans les obstacles posés par les systèmes informatiques. Comment aujourd’hui prendre RV autrement que par les plates formes type Doctolib ou Maiia ? Et je réponds : quelque part n’est-ce pas le but caché ? Le mot Fracture n’es pas anodin. Il suffit d’écouter les promoteurs de l’ES pour voir à quel point ces technocrates sont déconnectés de la vie de ces personnes, les termes qu’ils emploient pour défendre leur projet sont une langue étrangère pour elles. (6) Que savent elles des problèmes de l’accès aux soins des plus démunis, que savent elles des déserts médiaux, que savent elles de la précarité, des personnes qui par milliers n’ont pas de médecin traitant et qui ne peuvent se faire soigner. Quelle est leur opinion sur la destruction systématique et programmée des Services Publics ? L’ES va-t-il régler ces problèmes-là ? Ou enfoncer un peu plus la tête des gens dans le sable numérique ? 6- Qu’en sera-t-il de la vie privée de patients souffrant de troubles psychologiques ou psychiatriques et qui ne souhaitent pas voir figurer puis exploitées des données privées liées à leur personnalité, de patients atteints du VIH, de personnes ayant une identité sexuelle différente, les transgenres, des femmes ayant eu des IVG etc… et qui ne souhaitent rendre publiques des données privées sur un dossier numérique, peut être discriminant, centralisé et accessible tôt ou tard à des usages qui n’ont plus rien avoir avec la santé ? Mon sentiment est que dans cet Espace Santé, nous serons surtout dans un Espace de contrôle absolu. 7- Que l’on ne vienne pas nous dire que les données numérisées seront protégées car nous savons tous au vu de ce qui s’est passé ces dernières années que tout est piratable , des centres hospitaliers français jusqu’au Pentagone. Le domaine de la santé est un marché devenu très lucratif sur le Dark Web, où les dossiers santé peuvent se revendre très cher aux sociétés d’assurance, aux employeurs ou aux services de surveillance ou de police. Quelques exemples bien décrits dans le livre de Coralie Lemke « Ma santé, Mes données » (2) : 8- - des contrats sont signés entre de gros Laboratoires comme Roche ou Sanofi et les pouvoirs publics pour créer des plates formes communes visant à exploiter des données de santé privées afin de répondre aux besoins des industriels. -Sur le Dark Web , les data brokers sont des courtiers qui partent à la chasse aux données. Une firme européenne comme IQVIA s’est spécialisée selon ses dires, « dans la récupération de données médicales pour les revendre à des entreprises pharmaceutiques ». En 2018, la CNIL a autorisé cette société à conclure un partenariat avec 40% des pharmacies françaises afin de récupérer à chaque passage d’une carte vitale en officine la liste des médicaments délivrés. A qui les données récupérées par IQVIA sont-elles revendues ? Le patient peut s’opposer à la transmission de ses données. Mais comment est-il informé ? L’émission Cash Investigation de mai 2021 animée par Elise Lucet démontre à quel point nos données sensibles intéressent les banques de données américaines. Édifiant. (5) - autres exemples : le nombre de cyberattaques a augmenté de 485% entre Février et Mars 2020 en pleine épidémie de SARS Cov2 en exploitant de prétendues mises à jour ou de fausses commandes de masques FFP2. 9- - en 2017 le virus Wanna Cry a visé 300 000 ordinateurs dans + 150 pays dont le NHS au Royaume Uni -De nombreux centres hospitaliers Français (Celui de Villefranche sur Saone, de Dax, la Clinique de l’Anjou à Angers, l’AP de Paris en 2020… ont vu leurs banques de données piratées par des cryptovirus dont la clé de déverrouillage ne peut être accessible que contre paiement d’une rançon. - 176 millions de dossiers médicaux ont été visités aux USA entre 2010 et 2017. Les cybercriminels rivalisent d’astuces pour parvenir à leurs fins, récupérer des bases de données de dossiers médicaux pour les revendre à des sociétés d’assurance, à des laboratoires pharmaceutiques, à des employeurs indélicats. - plus légalement, Google s’est associé au NHS britannique pour un partenariat portant sur 1,6M de patients et récupérer des données confidentielles. - Doctolib, qui s’est vu décerner le titre de Big Brother 2021 par l’Association allemande Digital Comings, a envoyé à Face Book pendant plusieurs mois, les mots clés tapés sur son moteur de recherche ! Tout cela n’est pas le centre de cet article mais a simplement pour but de montrer que les affirmations de protection et de cryptages des données contenus sur les espaces Santé et dans les Dossier Médicaux numériques sous le contrôle de la CNIL vont nous faire vite déchanter ! Rien ne peut être crypté, anonymisé, sécurisé. Rien. En tous cas, tant que les données seront hébergées sur des serveurs privés. -les tentatives de piratage actuelles des cartes E-CPS (Cartes numériques des professionnels de santé) afin d’accéder à différents services numériques en santé, (dans quel but, si ce n’est celui de permettre aux pirates d’utiliser à des fins mercantiles des bases de données sensibles) montrent qu’à tous les échelons du numérique en santé les données sont piratables, exploitables et monnayables. 10- Pourquoi, dans un silence assourdissant, en profitant de périodes troublées par la COVID et maintenant par la guerre en Ukraine, imposer brutalement et sans concertation, un dispositif contestable dans ses fins et dans ses moyens ? Ne pouvait-on pas proposer, un débat démocratique sur un projet aussi sensible entre les pouvoirs publics, les Commissions parlementaires des affaires sociales et de la Santé, les Associations d’usagers et les syndicats médicaux sur le bien-fondé d’un tel dispositif ? En 1945, Aldous Huxley écrivait dans un pamphlet contre la centralisation (la science la liberté et la paix) qu’»après un siècle de progrès scientifiques et techniques, les masses populaires n’ont pas à leur disposition d’armes comparables à celles que possède la minorité gouvernante. Par conséquent, si les plus nombreux veulent lui opposer une quelque résistance, il faut que ce soit sur un terrain où la supériorité technique ne compte pas. « (1) L’espace santé est un pion de plus avancé par une société de surveillance avide d‘informations en tous genres, de plus en plus intrusive pour tracer, filer, fliquer la vie personnelle des gens jusque dans leurs parts les plus intimes. Il va nous enchainer, nous coloniser toujours un peu plus, dans ce que nous avons de plus intime aujourdhui et dans notre ADN demain, dans un monde que même les meilleurs auteurs de science fictions n’auraient pu imaginer. C’est « la surveillance horizontale » dont parle très bien l’auteur de SF Alain Damasio. Une société de traçage intégral où la banalisation des outils et des systèmes numériques amplifie de plus en plus la perte du regard critique que l’on peut poser sur l’organisation d’une société qui se veut démocratique. Et il poursuit en disant ceci : « Tu dis : « je n’ai rien à cacher ». Et si tu as des choses à cacher, tu vas normaliser ta propre vie pour la rendre adéquate à ce que le pouvoir souhaite que tu sois. Et tu vas t’auto-contrôler, t’auto-censurer, t’auto-normaliser, pour de toutes façons être pris dans les filets de ces contrôles à larges mailles et à mots-clés. » 11- Félix Tréguer , sociologue, rappelle dans une très intéressante tribune parue dans Médiapart (3), qu’à l’occasion de la pandémie, la société Daktalab à l’origine spécialisée dans la détection d’émotions, s’est réorientée à partir du Printemps 2020 vers la vidéosurveillance dite « intelligente », en vue de dresser des tableaux statistiques du port du masque dans les transports publics. Toujours dans le domaine de la technologie dite « intelligente », nous savons maintenant qu’il en coutera 50 Euros par an à quiconque refusera le Compteur Linky véritable outil de surveillance des habitudes domestiques des Français. Question : A qui profite tout cela ? « A mesure que le pouvoir se désincarne, il exige notre propre désincarnation : il exige un dépouillement, une visibilité parfaite, des comportements lisses qui ne peuvent se soustraire à l’évaluation » (1) 12- Quelle sera l’étape suivante ? A chaque étape de notre quotidien on nous demande désormais de sortir sa carte : carte Bancaire d’abord bien sûr, carte vitale, carte de mutuelle, carte d’identité puis carte de fidélité, passeport biométrique déjà, … et la boucle est bouclée. Probable que l’étape suivante sera comme pour les animaux le « puçage » de chacun. Nous savons qu’en aucune façon la technique n’ est neutre. Peut-on espérer que le jour où le poisson rouge étouffera dans son bocal, il finira par sauter ? 13- En tant que médecin, je comprends parfaitement l’intérêt que l’on peut avoir dans certaines situations, des urgences vitales par exemple, de pouvoir accéder, là, immédiatement à des données essentielles pour prendre en charge un patient en état de détresse vitale. Bénéficier en un coup d’œil des pathologies, des traitements en cours, des examens complémentaires déjà réalisés. Et il est vrai que dans certains cas, le temps compte. Mais un tel dispositif ne mérite til pas mieux que d’être imposé dans le silence et l’absence totale de communication contradictoire, en tous cas d’être débattu par tous les acteurs de santé et par tous les usagers ? Les questions posées ici ne sont-elles pas de vraies questions ? L’Espace Santé va til vraiment résoudre le problème de la disparition des Services Publics ? le point central n’est-il pas celui-là ? Camoufler la disparition des services publics par un outil informatique de plus ? 14- Sans sombrer dans un obscurantisme anti-science de mauvais aloi, l’Espace Santé, dévoyé de sa mission première, ne va t-il pas devenir une pièce de plus dans le puzzle technico-sécuritaire qui est déja en place, Nous ouvrons désormais nos smartphones, non plus par empreinte numérique, mais par reconnaissance faciale. L’entreprise Thalès développe via son Digital Wallet une reconnaissance biométrique qui va devenir le standard de reconnaissance et de surveillance de demain (10) . Nous nous alarmions à juste titre de la surveillance par les dispositifs de reconnaissance faciale aujourd’hui pratiqués en Chine, et les hommes politiques poussant des cris d’orfraie en disant en France jamais ça. Félix Triguer (3) cite Valery Giscard d’Estaing qu’on ne peut pas accuser d’obscurantisme, alerter en 1979 sur « l’informatisation non maitrisée » et « le risque d’une suprême aliénation « redoutant que l’homme devienne un simple consommateur d’images et de signes, placé devant un écran universel capable de solliciter tous les savoirs, toutes les mémoires et tous les services. En 1979 ! Et il poursuivait, quasi visionnaire, que « l’homme n’aurait plus besoin de se déplacer : l’enseignement, les achats, les consultations médicales, et même une grande partie des activités professionnelles se feraient à domicile. (3) VGE Inventeur de la Téléconsultation ! Nous nous sommes enchainés, par nous-mêmes, par nos gadgets numériques, par nos outils connectés à cette société de surveillance. Et lorsque l’on prend le temps de lire le rapport sénatorial de Juin 2021, on peut voir nos chers sénateurs « vanter l’intérêt de l’identité numérique, de l’interconnexion des fichiers pour la gestion des populations, par exemple pour mettre en œuvre de manière centralisée, des mesures coercitives telles que la désactivation du permis de conduire, des titres de transport ou même des moyens de paiement. Où l’on peut comprendre que l’espace Santé sera bien vite exploité, les données personnelles de santé étant d’un intérêt majeur pour la surveillance, les pressions de toutes sortes et la manipulation des individus. Imaginons enfin, comment un président d’extrême droite parvenu au pouvoir, et là nous ne sommes plus dans la dystopie , pourrait tirer parti des données privées et confidentielles de santé d’un individu. Mon sentiment est que l’on ne maitrise plus les équilibres nécessaires de la technologie numérique entre les usages rationnels domestiques et les exploitations mercantiles et de surveillance. Et comme l’écrit très bien John Perry Barlow : « Compter sur le gouvernement pour protéger la vie privée c’est comme demander à un voyeur d’installer vos stores » Enfin Jacques ATTALI qui n’est pas non plus un obscurantiste antiscience écrivait en 1979 : « c’est à travers la médecine, dans le rapport à la mort, que s’installera le totalitarisme dans nos sociétés de surveillance à venir. Une forme absolue de la dictature, sous prétexte de liberté et d’autonomie : l’aliénation par soi-même pour s’adapter à la norme. » Au bout du compte, après avoir avancé beaucoup plus de contre arguments que d’arguments la question qui se se pose, concrètement, à moi, Médecin Généraliste, Médecin de famille, mais à chaque Médecin et à chaque usager de la Santé , Que vais-je faire ? quelle attitude, quel comportement, quelles pistes de réflexion vais-je donner à mes patients dont certains vont nécessairement se tourner vers moi à à la fin d’une consultation : Docteur, et cet Espace Santé que devons-nous faire ? Car souvent c’est comme cela que ça marche, les patients ont toute confiance en leur médecin de famille et vont suivre les recommandations qu’il va leur donner. Je ne réponds dans ces occasions-là, ni par oui ni par non. Je leur expliquerai pourquoi j’ai manifesté, pour mon cas personnel, au courrier de la CPAM mon refus d’ouvrir mon Espace Santé personnel. Il se résume en deux arguments forts : 1- La méthode employée est un désastre. Que devient la démocratie lorsque le consentement éclairé du patient est à ce point nié ? Comment accepter de se voir imposer ce type d’argument : Si vous ne dites pas non, alors c’est oui ! Pourquoi imposer sans discussion un projet ambitieux, dont on peut parfaitement comprendre pour nous acteurs de santé le bien fondé et l’usage, sans débat, sans discussions pluri-partites (CNAM, Ministère de la Santé, Syndicats Médicaux , industriels, partis politiques, commission des Affaires Sociales, associations d’usagers) alors que l’on sait parfaitement que l’on s’embarque dans un voyage sans retour. Car pas de risques, une fois sur les rails, personne ne reviendra en arrière. La Gouvernance d’un tel projet doit être bien au-delà de la pseudo sécurisation de ces systèmes. Tant qu’il y aura des serveurs centralisant et hébergeant des données sensibles, rien ne pourra être sécurisé. Je trace une piste au débat : pourquoi ne pas se pencher sur l’utilisation des Blockchains pour tenter de faire disparaitre les failles du système proposé ? Sans doute parce que ce système totalement décentralisé ne serait pas assez rémunérateur. 2- Nous sommes entrés depuis une dizaine d’années dans l’ère du Tout Numérique, et maintenant dans le déferlement du numérique et de toute la quincaillerie qui va avec, (Jean d’Ormesson disait que « le portable entre nos mains a remplacé le Chapelet ») nous nous sommes enchainés de nous-mêmes à un mode de vie qui nous a été imposé comme un Nouveau Monde et qui se trouve être en fait celui, glaçant, du Film « Bienvenue à Gattaca » . L’utilisation désormais pléthorique de l’Intelligence Artificielle va encore amplifier ce sentiment de ne plus contrôler sa propre vie. Quelle réussite pour l’Ordre Policier et Marchand mondial, de nous avoir convaincu de nous fourrer dans une société de surveillance dans laquelle il nous sera impossible de nous extraire, sans renoncer à beaucoup de choses qui désormais nous collent à la peau. L’Espace Santé au même titre que tous les outils de ce déferlement numérique est une pièce d’un puzzle qui plonge nos libertés dans un coma dépassé, pour lequel il ne peut plus y avoir de directives anticipées. Mais voilà, nous sommes aujourd’hui pieds et poings liés où avec « une mémoire sans filtrage, nous ne savons plus distinguer l’erreur de la Vérité » (U. Eco) Comment trancher nos liens ? 3- Donc vous l’avez compris, l’ Espace Santé, pour moi ce sera NON. Bibliographie et sources : 1- Collectif Marcuse : La liberté dans le Coma 2022 Ed La Lenteur 2- Coralie Lemke : Ma santé, mes données 2022 Ed Premier Parallèle 3-Jérôme Hourdeaux : Crise sanitaire : comment résister au « solutionnisme technosécuritaire Médiapart 19 Février 2022 5-Syndicat de la Médecine