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Billet de blog 1 février 2016

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1er février 2019 : assigné à résidence !

L’état d’urgence concerne potentiellement chacun d’entre nous, car il repose sur une logique selon laquelle un comportement parfaitement autorisé aujourd’hui peut devenir suspect demain. Démonstration avec un peu de droit/politique fiction, sur fond d’arrêté d’assignation administrative richement motivé pris par le ministre de l’Intérieur le 1er février 2019.

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Le ministre de l’Intérieur,

Vu l’article 36-1 de la Constitution relatif à l’état d’urgence ;

Vu la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, modifiée par la loi du 20 novembre 2015 ;

Vu le décret du 14 novembre 2015 déclarant l’état d’urgence, ensemble la loi du 20 novembre 2015 prorogeant l’état d’urgence jusqu’au 26 février 2016, complétée et modifiée par la loi du 17 février 2016 prorogeant l’état d’urgence jusqu’au 1er août 2016, puis par la loi du 29 juillet 2016 prorogeant l’état d’urgence pour une année puis en dernier lieu par la loi du 29 juillet 2017 confiant à la seule présidente de la République le soin de mettre fin, par décret, à l’état d’urgence ;

Vu la persistance et même l’accroissement de la menace terroriste née des attentats du 13 novembre 2015 survenus à Paris et à Saint-Denis, résultant d’une part des informations de plus en plus alarmistes régulièrement données sur les comptes Twitter du RAID, d’Interpol, du FBI, de la police australienne et de l’IMA (Institut Madame Irma), et d’autre part de l’engagement de la France dans l’éradication du terrorisme dans des opérations militaires de grande envergure d’abord en Centrafrique, en Syrie, en Irak et en Lybie et désormais également au Liban, en Afghanistan, en Cochinchine, en Phénicie, en Médie, en Perse et aux limes du Saint-Empire Romain-Germanique ;

Vu l’ordonnance Ligue des droits de l’homme rendue par le Conseil d’Etat le 27 janvier 2016, confirmée par ordonnances des 25 avril 2016, 2 septembre 2017, 8 juin 2018 et 14 janvier 2019, selon lesquelles les différentes mesures arrêtées, sous le contrôle du juge administratif, au titre de l’état d’urgence depuis le 14 novembre 2015 « ont permis d’atteindre des résultats significatifs » (quoique on ne sache pas trop ni quels résultats, ni à quel sujet…) ;

Vu l’urgence ;

Considérant qu’en application de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 modifiée, le ministre de l’Intérieur peut assigner à résidence toute personne  résidant dans la zone fixée par décret et à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour l’ordre et la sécurité publics ;

Considérant que M. Paul C. s’est forgé une solide réputation dans le milieu des détracteurs de l’état d’urgence ; qu’il a en effet ouvert un blog sur le site du journal en ligne Mediapart le 26 novembre 2015, régulièrement alimenté jusqu’à sa fermeture administrative par décision du ministre de l’Intérieur prise le 19 avril 2018 en application du II de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 modifiée, par des billets reposant, en substance, sur l’idée que ce n’est pas par des lois d’exception que l’on défend la liberté contre l’ennemi ; qu’il a en particulier dénoncé comme manifestement inutile la constitutionnalisation de l’état d’urgence, votée en Congrès le 29 février 2016 ;

Considérant que l’intéressé a été, de 2008 jusqu’à sa dissolution par décret en conseil des ministres pris le 7 juin 2018 par  application de l’article 6-1 de la loi du 3 avril 1955 modifiée, membre d’une association ayant critiqué en divers aspects, y compris après l’élection de Madame la présidente de la République le 8 mai 2017, le fonctionnement des institutions de la Vème République ;

Considérant qu’il résulte de la géolocalisation de son téléphone portable effectuée par l’application RESPECT-DE-LA-VIE-PRIVEE® que l’intéressé a participé à des manifestations contre l’état d’urgence le 26 janvier 2016, de 14h28m32s à 16h04m03s, le 27 septembre 2016, de 15h05m14s à 16h51m54s, le 27 mai 2017 de 14h45m21s à 16h32m22s, le 30 juin 2018, de 13h32m07s à 15h25m45s et le 8 janvier 2019 de 14h02mn01s à 17h03mn33s, et qu’il a passé en toutes ces occasions un total de 92 SMS à 37 correspondants différents et 42 appels téléphoniques à 19 correspondants différents contenant des propos sceptiques voire sarcastiques à l’égard de l’efficacité de l’état d’urgence dans la lutte contre le terrorisme ;

Considérant que la persistance et l’aggravation de la menace terroriste imposent une mobilisation constante et sans entrave des forces de l’ordre et du renseignement, en particulier dans la perspective d’abord de la réunion internationale « POC 21ter » qui se tiendra en France du 8 avril au 16 juin 2019, sous l’égide de Madame la présidente de la République, dans l’objectif de faire baisser les températures mondiales de 0,01° d’ici à 2 500, puis de la coupe du monde de bras-de-fer chinois qui se déroulera à Echda (Verlan) durant la matinée du mardi 17 septembre 2019 ;

Considérant que l’intéressé a, par son environnement professionnel, des contacts réguliers avec un jeune public, qui laisse craindre une propagation de ses opinions ;

Considérant que, dès lors, il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de l’intéressé constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ;

Arrête :

Article 1er : à compter de la notification du présent arrêté, M. Paul C. est astreint à résider dans le 5ème arrondissement de Paris.

Article 2 : l’intéressé est également astreint à demeurer dans son lieu d’habitation de 20h à 8h.

Article 3 : l’intéressé doit se présenter aux services de police du commissariat du 5ème arrondissement de Paris tous les jours à 9h, 14h et 19h.

Article 4 : l’intéressé doit remettre son passeport aux services de police du commissariat du 5ème arrondissement de Paris, qui lui délivreront en échange un récépissé valant justification de son identité.

Article 5 : le préfet de police est chargé de l’exécution du présent arrêté ; copie en sera remise au procureur de la République.

Article 6 : le présent arrêté peut faire l’objet d’un référé-liberté ou d’un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Paris dans le délai de deux mois à compter de sa notification.

Fait à Paris, le 1er février 2019.

Signé : Florian Philippot, ministre de l’Intérieur

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