Dans les heures qui ont suivi son prononcé, la presse a retenu de la décision n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 relative à la loi organique pour la confiance dans la vie politique que la pratique de la réserve ministérielle pourrait perdurer.
Le Conseil constitutionnel conçoit toujours strictement la séparation des pouvoirs garantie par l’article 16 de la Déclaration de 1789 lorsqu'il s'agit de distinguer les prérogatives du Parlement de celles du gouvernement (v. Chloé Mathieu, « Le principe de séparation des pouvoirs dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », 26 juin 2014, § 18 à 21). C'est donc en cohérence avec sa jurisprudence qu'il a censuré (§ 52) l’article 15 de la loi organique qui prévoyait l’interdiction de la réserve ministérielle, c'est-à-dire l'interdiction faite par le Parlement au gouvernement d’attribuer en toute liberté des subventions aux collectivités territoriales et à leurs groupements sur la base de crédits ouverts dans la rubrique « Relations avec les collectivités territoriales » de la loi de finances (5,4 millions d’euros en 2017 ; 32 millions en 2011 : v. Réserve ministérielle : 32 millions distribués en toute opacité) – pratique dont l’actuelle Garde des Sceaux a découvert l’existence fin juin 2017 au moment de sa prise de fonction (les montants versés sont consultables sur le site du ministère de l'Intérieur).
Ainsi, Le Monde peut titrer : « Loi de moralisation : le Conseil constitutionnel sauve la réserve ministérielle » ; le site Acteurspublics relever : « Moralisation : la réserve ministérielle sauvée in extremis » ; le JDD s’interroger : « Loi de moralisation : pourquoi le Conseil constitutionnel a sauvé la réserve ministérielle ».
Cette conclusion est à la fois exacte et facile à tirer, car elle résulte de la lettre même de la décision du 8 septembre 2017.
Cela étant, la censure prononcée par le Conseil constitutionnel ne fait pas obstacle à ce que la pratique de la réserve ministérielle disparaisse en fait. Pour cela, il « suffit » : soit que le Gouvernement ne propose pas l’adoption de crédits correspondant à cette réserve dans le projet de loi de finances ; soit que le Parlement n’adopte pas l’amendement gouvernemental proposant ces crédits.
La position du Conseil constitutionnel relativement à la réserve parlementaire (environ 150 millions d’euros en 2016) apparaît plus ambiguë, et c’est peut-être pour cette raison que la presse a eu un peu de mal à en rendre compte.
L’article 14-I de la loi organique prévoit la suppression de la réserve parlementaire, dans les termes suivants :
« Il est mis fin à la pratique dite de la « réserve parlementaire », consistant en l’ouverture de crédits en loi de finances par l’adoption d’amendements du Gouvernement reprenant des propositions de membres du Parlement en vue du financement d’opérations déterminées ».
Cette formulation est curieuse, qui indique qu’il « est mis fin » à une « pratique » entre pouvoirs publics constitutionnels.
Elle a cependant été validée par le Conseil constitutionnel (dont le "bandeau" de la page d'accueil du site internet, au 9 septembre 2017, comporte encore une photo des membres du Conseil où l'on peut compter... l'actuelle Garde des Sceaux, qui n'a pas été remplacée alors qu'elle aurait dû l'être sous huitaine par le président du Sénat), et deviendra obligatoire dès le lendemain de la promulgation de la loi organique au Journal officiel de la République française.
Mais cette validation a été faite au prix d’une précision : une « réserve d’interprétation », ainsi que l’on dénomme le procédé par lequel le Conseil constitutionnel ne valide une disposition législative qu’en tant qu’elle a le sens qu’il lui donne, et qui s’impose à tous les pouvoirs publics.
Saisir la portée de cette réserve d’interprétation n’est pas évident. Elle paraît offrir au gouvernement l’opportunité de transformer l’ancienne réserve parlementaire en une réserve… gouvernementale.
Si cette interprétation de la réserve d’interprétation (!) venait à être confirmée, le Conseil constitutionnel aurait alors non seulement « sauvé » la réserve ministérielle, mais il l’aurait même en pratique considérablement renforcée en l’érigeant comme vecteur unique de « saupoudrage » de fonds publics à destination de personnes morales de droit public ou de droit privé choisies par le seul exécutif, selon des critères discrétionnaires (à propos de la réserve ministérielle, Challenges relevait : « En 2011 par exemple, quand Nicolas Sarkozy était encore président de la République, plus de 96% des subventions ont été attribuées à des dossiers soutenus par des élus de l'UMP et ses alliés »).
Peut-on voir là un « grand pas pour l’éthique et la transparence publiques », comme l’affirme le ministère de la Justice dans un communiqué de presse ?
I – Les étapes de la réserve parlementaire : de la formation des souhaits de subventions par les députés et sénateurs à leur attribution effective par le gouvernement
Pour (tenter de) comprendre ce qui a été décidé par le Conseil constitutionnel, il faut revenir à la manière dont la réserve parlementaire est mise en œuvre.
La réserve parlementaire consiste en l’ouverture de crédits inscrits au projet de loi de finances par le Gouvernement, pour subventionner un certain nombre de personnes publiques et privées, « conformément aux souhaits exprimés par les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat », selon la formulation qui figure dans l’exposé des motifs des amendements du Gouvernement relatifs à la répartition de ces crédits.
Les étapes relatives à la détermination et à la ventilation de la réserve parlementaire sont ainsi exposées par un rapport de l’Assemblée nationale en date du 19 juillet 2017 :
« – Durant l’année N – 1, l’enveloppe globale de la réserve parlementaire pour l’année N fait l’objet d’un accord entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat.
– À l’automne N – 1, les groupes politiques recueillent les propositions de subvention de leurs membres puis les notifient à la commission des finances de chaque assemblée. Cette dernière contrôle l’exhaustivité des informations transmises et s’assure du respect de l’enveloppe globale.
– Lors de l’examen du projet de loi de finances initiale de l’année N, des amendements du Gouvernement au projet de loi de finances de l’année N reprennent, « conformément au souhait exprimé par la commission des finances », les propositions émises par les députés et les sénateurs et imputent les crédits correspondants dans les différentes missions du budget.
– En début d’année N, les groupes politiques répartissent l’enveloppe globale de la réserve parlementaire entre leurs membres.
– Entre mars et septembre de l’année N, les députés et les sénateurs adressent un dossier à l’État avec leurs demandes de subventions.
– Après acceptation par le service instructeur, la dépense est exécutée par l’État ».
Ainsi que cela était dit dans un précédent billet, « la réserve parlementaire est mise en œuvre par des crédits introduits par voie d’amendements du gouvernement à la loi de finances, après concertation avec chacune des assemblées – en clair, les assemblées transmettent au gouvernement les vœux de répartition des subventions formées par chaque parlementaire et le gouvernement se les approprie et les formalise dans un amendement à la loi de finances » (Vers la suppression de la suppression de la réserve parlementaire ?) ; et c’est aussi le gouvernement qui verse les subventions ; enfin, depuis 2014, chaque chambre procède à la publicité de son attribution (v. par exemple ici pour la répartition par les députés de la réserve parlementaire en 2016).
Sauf pour ce qui concerne sa publicité et le vote par le Parlement des crédits afférents, le mécanisme de la réserve parlementaire repose donc essentiellement sur le bon vouloir du gouvernement, qui accepte par avance de tenir compte des vœux des députés et sénateurs à deux stades : celui, initial, de la fixation dans la loi de finances des fonds au titre de la mission « Crédits non répartis » où ils étaient affectés jusqu’en 2016 (ces crédits sont ventilés entre d’autres missions du budget général depuis) ; celui, final, de l’exécution de ces dispositions de la loi de finances, c’est-à-dire du versement de la subvention à son bénéficiaire.
Sur ces deux points, la décision du Conseil constitutionnel affirme l’entière maîtrise de la procédure par le gouvernement.
II – La position du Conseil constitutionnel relativement à la réserve parlementaire
. Voici ce qui est tranché par le Conseil constitutionnel aux paragraphes 48 à 50 de sa décision n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 :
« 48. La pratique dite de la « réserve parlementaire », dont la procédure n'est prévue par aucun texte, repose sur un engagement du Gouvernement envers les parlementaires d'exécuter le budget, s'agissant de certaines opérations déterminées, conformément aux demandes formulées par eux se traduisant par l'adoption d'amendements gouvernementaux au projet de loi de finances.
49. En prévoyant qu'il est mis à fin à cette pratique, qui revient pour le Gouvernement à lier sa compétence en matière d'exécution budgétaire, les dispositions de l'article 14 de la loi organique déférée visent à assurer le respect de la séparation des pouvoirs et des prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution pour l'exécution du budget de l'État. Elles ne sauraient cependant, sans porter atteinte à l'article 44 de la Constitution, être interprétées comme limitant le droit d'amendement du Gouvernement en matière financière.
50. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, l'article 14 est conforme à la Constitution».
. Le communiqué de presse publié le même jour par le Conseil constitutionnel dit ceci : « Tout en déclarant conformes à la Constitution les dispositions organiques portant suppression de la pratique dite de la « réserve parlementaire », laquelle revient pour le Gouvernement à lier envers le Parlement sa compétence en matière d'exécution budgétaire, le Conseil constitutionnel juge qu'elles ne sauraient s'interpréter comme limitant le droit d'amendement du Gouvernement en matière financière ».
Le précédent billet déjà mentionné (Vers la suppression de la suppression de la réserve parlementaire ?) avait pointé le risque d’inconstitutionnalité pesant sur l’article de la loi organique : « Une loi organique ne peut, sans méconnaître l’article 45 de la Constitution, prévoir une règle particulière de recevabilité des amendements gouvernementaux à la loi de finances ». Comme le relève justement le Conseil constitutionnel, ce risque d’inconstitutionnalité pesait au regard non de l’article 45 de la Constitution, mais au regard de son article 44, selon lequel le gouvernement a « le droit d’amendement », y compris en matière financière (alors que les assemblées sont restreintes sur ce point par leurs propres règlements).
Tentons de décrypter ce que la décision du Conseil constitutionnel signifie concrètement pour l’existence et le régime juridique de la réserve parlementaire.
III – La portée de la décision du Conseil constitutionnel sur la réserve parlementaire
1. La portée de la réserve d’interprétation : le gouvernement reste libre de demander l’ouverture en loi de finances des crédits qu’il souhaite
Le Conseil constitutionnel a donc posé une réserve d’interprétation relative à l’article 14-I de la loi organique, lequel doit être lu et mis en œuvre conformément à la manière dont le Conseil constitutionnel en a interprété la portée.
Cette réserve d’interprétation porte sur l’ouverture de lignes budgétaires en loi de finances.
Le Conseil constitutionnel indique clairement (§ 50, dernière phrase) que par l’effet de l’article 44 de la Constitution, une loi organique ne peut interdire au gouvernement de tenir compte des souhaits des parlementaires dans l’ouverture de crédits budgétaires par voie d’amendement à la loi de finances.
Autrement dit, sur le terrain de la confection de la loi de finances, il est impossible – sauf à modifier les articles 44 ou 45 de la Constitution – d'empêcher préventivement le gouvernement de déposer un amendement ayant pour objet d’ouvrir des crédits budgétaires à l’initiative informelle des parlementaires - ou d'ailleurs d'autres acteurs publics ou privés.
Il résulte « en creux » de la décision du Conseil constitutionnel que cette initiative informelle des parlementaires n’est pas en elle-même contraire à l’article 40 de la Constitution, qui n’interdit donc toute création de charge publique à l’initiative des parlementaires que si elle est matérialisée par une proposition de loi, par un amendement d’un député ou d’un sénateur ou par une modification votée en commission (alors que, à l’inverse du Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat avait pour sa part considéré au § 19 de son avis n° 393323 du 12 juin 2017 relatif au projet de loi organique, que la réserve parlementaire résulte d’une « convention de la Constitution » « contraire » à son article 40). Comme l’exprimait justement l’étude d’impact au projet de loi organique, la pratique de la réserve parlementaire contourne l’article 40 de la Constitution, c'est-à-dire est hors du champ de cet article.
2. La portée de la validation de la loi organique : le gouvernement ne saurait être lié par les simples souhaits d’affectation de subventions publiques par les parlementaires.
En revanche, le Conseil constitutionnel valide pleinement le contenu de l’article 14 de la loi organique en tant qu’il se rapporte à l’exécution de crédits au titre de la réserve parlementaire, c’est-à-dire à l’ouverture des crédits de paiement (en clair, au versement des fonds publics à leurs bénéficiaires).
Le Conseil constitutionnel approuve cet article 14 en ce qu’il consiste à dire que le Gouvernement ne saurait être tenu par les demandes ou les souhaits d’affectation des crédits ouverts au titre de la réserve parlementaire.
Jusqu’à aujourd’hui, l’ordonnateur compétent pour prendre les décisions d’exécution du budget de l’État s’est quasiment toujours conformé aux souhaits exprimés par les parlementaires relatifs à la réserve, en vertu d’un accord de principe implicite entre le gouvernement et les assemblées.
Cette manière d’exécuter la loi de finances est jugée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel, au nom de la séparation des pouvoirs : le gouvernement ne peut « lier sa compétence en matière d’exécution budgétaire ». Le gouvernement doit pouvoir annuler des crédits ouverts ou les ordonnancer à sa guise, dès lors que leur affectation précise n’est pas formulée par la loi de finances elle-même : la dépense est faite par l'exécutif, et non par les parlementaires.
Par suite, la loi organique préserve les prérogatives constitutionnelles du gouvernement, en tant qu’elle met fin à son engagement moral de suivre le « fléchage » informel des subventions versées au titre de la réserve parlementaire.
Du coup, on ne comprend pas pourquoi, dans sa décision n° 2013-675 DC du 9 octobre 2013 par laquelle il s’est prononcé sur la constitutionnalité de la publicité de la réserve parlementaire (considérant 63), le Conseil constitutionnel n’avait pas d’ores et déjà relevé, comme il le fait par sa décision du 8 septembre 2017, que la pratique de la réserve parlementaire était contraire à la séparation des pouvoirs et à l’article 20 de la Constitution ! Mais souvent jurisprudence varie…
IV – Une disparition de la réserve parlementaire au profit de la création d’une réserve gouvernementale ?
1. Avec la décision n° 2017-753 DC du Conseil constitutionnel, la situation est-elle préférable, sur le terrain de la « moralisation » de la vie politique, à celle qui existait dans « l’ancien monde » d’avant le 8 septembre 2017 ?
On peut en douter, car :
. demain comme hier, le gouvernement reste en droit de demander au Parlement l'ouverture de crédits en loi de finances pour disposer de fonds publics librement utilisables, éventuellement sur la base de souhaits recueillis auprès de certains parlementaires (c’est ce qui résulte de la réserve d’interprétation posée par le Conseil constitutionnel à propos de la réserve parlementaire comme du maintien de la pratique de la réserve ministérielle) ;
. mais demain, il n’y aura plus aucune obligation d’assurer la publicité de l’utilisation de ces crédits (c’est ce qui résulte du II de l’article 14 de la loi organique, qui supprime la publicité obligatoire de la manière dont la réserve parlementaire est attribuée, laquelle avait été instaurée par l’article 11 de la loi organique du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) ;
. et demain, le gouvernement, s’il choisit de recréer une forme de réserve parlementaire sous une autre appellation, pourra, à l’instar de l’actuelle réserve ministérielle, engager les crédits (attribuer des subventions) comme bon lui semble, dans la limite du plafond de crédits « non-répartis » ouverts en loi de finances, sans être contraint par d’éventuels souhaits d’affectation des subventions par les parlementaires (c’est ce qui résulte du I de l’article 14 de la loi organique).
C'est dire que la décision du Conseil constitutionnel donne au gouvernement la possibilité de demander au Parlement qu’il affecte en loi de finances des crédits consacrés à une réserve ministérielle augmentée ou à une réserve parlementaire bis, identifiée de manière cosmétique sous une appellation différente – par exemple, « dotation d’action parlementaire » !
2. Au fond, si elle devait se confirmer, cette solution de quasi-maintien de la réserve parlementaire satisferait beaucoup de monde.
. Elle revient à peu de choses près à consacrer ce que préconisait le Conseil d’Etat dans son avis précité, qui était hostile à la suppression sèche de la réserve parlementaire : « le Conseil d’Etat constate que le Gouvernement pourrait envisager de réorienter en partie les crédits alloués dans le cadre de la « réserve parlementaire » vers des mécanismes budgétaires adaptés aux politiques publiques que l’Etat entend mener ou soutenir, conformément aux règles de droit commun d’attribution, de gestion et de contrôle des subventions » (§ 22). Le Conseil d’Etat ajoutait que « le Gouvernement devra cependant veiller à ne pas priver, à l’occasion de cette réallocation, un certain nombre d’organismes publics ou privés de ressources indispensables pour assurer les missions de service public qui leur sont confiées ».
Ce souhait de pure opportunité est très curieux de la part d’une institution qui n’a pas vocation à « faire la loi », sauf à brouiller complètement une séparation des pouvoirs il est vrai imparfaite en France. Il est également en délicatesse avec le principe de prévention des conflits d’intérêts, puisque le Conseil d’Etat bénéficie lui-même de 250 000 euros/an (le plus élevé des montants distribués) versés par le président de l’Assemblée nationale au titre de la réserve parlementaire (v. ici pour l’année 2013, ici pour l’année 2014, ici pour l’année 2015, ici pour l’année 2016), qui viennent s’ajouter aux près de 400 millions d’euros que la loi de finances attribue chaque année au fonctionnement de la juridiction administrative…
. Elle revient également à consacrer la volonté un temps exprimée par en séance publique le 28 juillet 2017 par les députés du groupe LREM de reconstituer une réserve, avec intervention des parlementaires mais sous l’entier contrôle gouvernemental : les fonds anciennement affectés à la réserve parlementaire pourront être employés par le gouvernement pour soutenir les projets de tous ordres identifiés, éventuellement, par certains parlementaires – évidemment pas ceux de l’opposition (v. Palinodies politiciennes autour de la réserve parlementaire).
. Elle serait en tout premier lieu accueillie avec satisfaction par l’exécutif, qui a toujours eu l’intention de réallouer une partie des crédits de la réserve parlementaire, ainsi que cela était clairement indiqué dans l’étude d’impact précitée : « les aides transitant par cette réserve seront redéployées au profit des territoires et des autres acteurs bénéficiaires dans le cadre des dispositifs d'intervention existants afin de ne pas déstabiliser les territoires ».
. Enfin, il va de soi qu’une personne physique ou morale qui se voit discrétionnairement accorder, à peu de frais, la subvention publique qu’elle avait demandée, est toujours ravie de pouvoir faire usage de ces deniers – même si ces fonds publics sont globalement utilisés en dépit du bon sens, précisément en raison de la manière discrétionnaire dont ils sont ou étaient attribués (v. l’étude d’impact précitée : « la Cour des comptes, dans un référé n° 71261 du 27 novembre 2014 sur les subventions pour travaux divers d'intérêt local, pointe l'« efficacité incertaine » de la réserve parlementaire aux collectivités territoriales. Elle s'interroge sur le caractère d'intérêt général de certains projets subventionnés, relève des concentrations année après année sur certaines communes, et souligne le coût élevé de la gestion du dispositif lié au grand nombre de subventions accordées »).
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En définitive, et à supposer que la lecture qui vient d’être faite de la portée de la décision du Conseil constitutionnel soit exacte, le gouvernement est en mesure de recréer, sur les cendres de la défunte réserve parlementaire et sur les bases de la réserve ministérielle, une « réserve gouvernementale » ou une « dotation d’action parlementaire » dont les crédits seraient votés par le Parlement, mais dont la distribution serait laissée à la libre appréciation de l’exécutif. Avec l'opacité en plus, la proposition des sénateurs d'asseoir juridiquement la transparence de la réserve ministérielle n'ayant pas été retenue par les députés, puisqu'ils entendaient la supprimer.
L’adoption prochaine de la loi de finances pour 2018 permettra de savoir si la réserve parlementaire est bel et bien morte, ou si elle a vocation à être reconstituée dans une version « relookée ».