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Billet de blog 8 septembre 2021

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Bruit du transport, et inaction des pouvoirs publics : un dossier accablant

Les études sur les ravages sanitaires de l'exposition au bruit explosent dans les rapports et les publications internationales, avec une attention particulière sur les zones aéroportuaires qui cumulent toutes les nuisances liées au transport.

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En juillet 2021, le bilan financier des agressions sonores qui empoisonnent la vie des riverains des aéroports, des lignes ferroviaires, des voies à grande circulation s'élève à un coût de près de 156 milliards d'euros - dont 134 milliards pour les seules dépenses de santé. C'est une somme considérable si l'on sait que le budget annuel des branches santé de la sécurité sociale s'élève à un total de 194 milliards d'euros. On peut donc considérer la politique d'expansion des aéroports comme un report de fait de charges incombant aux compagnies aériennes et à leurs actionnaires vers la sécurité sociale, qui est un bien commun de tous les français. 
Mais, surtout, c'est l'évolution qui est inquiétante, car l'étude conjointe de l'Ademe et du Conseil National du Bruit établit qu'en quelques années, ce coût a triplé. Selon la députée (LERM) Laurianne Rossi, cette surexposition au bruit - notamment en Ile de France - est générée principalement par les transports routier, ferroviaire ou aérien. En "zone dense" de la région Ile de France (10 millions d'habitants), 9 millions de personnes sont surexposées au bruit, selon une étude de Bruiparif datant de 2019. Outre le gouffre financier, l'importance des populations concernées, ainsi que les problèmes de santé générés par cette surexposition au bruit (stress, obésité, maladies cardiovasculaires, diabète) font de cet état de fait un véritable enjeu de santé publique.
Parmi les différents moyens de transport, c'est la route qui est la plus nocive en termes d'exposition au bruit sur l'ensemble du territoire : selon le journal en ligne "Reporterre", sur l'ensemble du territoire, c'est la route qui "se taille la part du lion, avec 75 % des dégâts, le reste provient du ferroviaire et de l’aérien". Dans les zones proches des aéroports, nous pouvons cependant avoir une attention toute particulière sur l'aérien car les riverains, subissant à eux seuls l'ensemble de ces nuisances sonores, sont encore plus exposés que les autres aux problèmes de santé liés au bruit.  Pour cette raison, Ces dernières années, l'attention s'est focalisée sur les nuisances sonores dues à l'aérien.
En 2019, Une thèse de doctorat en médecine soutenue à Lyon en forme de méta-analyse à partir des données de différents organismes établit une relation significative entre le niveau de l'exposition au bruit plusieurs données : risque de détresse psychologique significatif chez les hommes, consommation accrue de médicaments, principalement anti-hypertenseurs et anxiolytiques - stress, objectivé par des troubles de la sécrétion du cortisol chez les femmes.
En 2020, le rapport "débats"applique"trois approches méthodologiques complémentaires" pour étudier l'impact du bruit des aéroports sur les populations riveraines autour de trois aéroports (Roissy, Lyon, Toulouse). Les résultats de ces études sont en conformité entre elles, mais aussi avec ceux de la thèse lyonnaise. En plus des paramètres étudiés par cette dernière, elles font état d'une augmentation de l'incidence des hypertensions artérielles (+34% par 10 dB supplémentaires d'exposition au bruit) et de la mortalité par maladie cardio-vasculaire (+18%). Plus spécifiquement, la mortalité par infarctus du myocarde est augmenté de 28%. Il faut donc que les rapports cessent de parler de "diminution de l'espérance de vie en bonne santé" : c'est bel et bien de l'espérance de vie tout court qu'il s'agit. Les troubles du sommeil sont également mis en évidence : la même augmentation de 10 dB, accroit de 60% la fréquence des nuits de moins de 6 heures et de 20% la sensation de fatigue au réveil. S'agissant des risques cardio-vasculaires, on observe, chez les hommes uniquement, une augmentation de 34% de l'incidence des hypertensions artérielles.
En Mai 2021 : Selon l'ACNUSA (autorité de contrôle des nuisances aériennes), les mouvements d'avions cargo ont augmenté de 5% sur tout le territoire français et de 16% sur l'aéroport de Roissy. Sur ce dernier aéroport, ce sont les rotations de nuit qui ont augmenté, ainsi que les plaintes pour nuisances. Ainsi, les riverains n'ont pas vécu la trêve COVID comme un soulagement.
En Juillet 2021, un communiqué de presse dénonce le non-respect par la France d'un règlement de l'Union Européenne - entré en application en 2016 - qui impose aux aéroports "où sont opérés plus de 50000 mouvements d'aéronefs de plus de 34 tonnes par an" une "étude d'approche équilibrée". Cette directive concerne neuf aéroports en France, qui n'ont, en cinq ans, pas finalisé cette étude. Pire encore, pour certains, elle n'a même pas fait l'objet d'une planification. Cette volonté de "traîner des pieds" en regard de la gravité du problème est dénoncée par 18 associations qui ont introduit un recours devant le conseil d'état pour obliger ces aéroports à se mettre en conformité avec les recommandations européennes.

La littérature médicale internationale confirme les effets de l'exposition au bruit sur l'incidence des maladies cardio-vasculaires, . Une étude épidémiologique menée au Danemark confirme une incidence accrue de l'infarctus du myocarde et fixe un seuil de bruit (56dB) au delà duquel on constate une augmentation significative entre l'augmentation du bruit et la fréquence de cette pathologie. Mais la même équipe épidémiologique fait état d'autres effets pathologiques : selon l'épidémiologiste danoise Zorana Jovanic-Andersen, « À cause des effets du bruit sur le stress et le sommeil, d’autres maladies sont induites : l’obésité, le diabète, les troubles anxio-dépressifs, les difficultés d’apprentissage". Une autre étude, également dirigée par la même épidémiologiste, fait état d'une augmentation des cancers du sein. Comme il s'agit d'une conséquence d'un affaiblissement des défenses immunitaires, d'autres cancers pourraient suivre.

Il faut ajouter à ce bilan accablant la question du couvre-feu, demandé par les associations de riverains pour préserver au moins six heures de sommeil sans être réveillés par les avions. Mais cette durée de sommeil est insuffisante dans toutes les tranches d'âge, les besoins variant de 7 à 9 heures de sommeil pour les adultes jusqu'à 17-18 heures pour les nourrissons. Quant aux adolescents de 14 à 17 ans, leurs besoins de sommeil sont plus élevés que ceux des adultes (8 à 10 heures). Et ce sont précisément ceux-là qui vont venir étudier sous le bruit des avions de Roissy si la proposition insensée d'un lycée d'excellence dans une zone interdite aux habitations se concrétise.
Sur cette question du couvre-feu, là encore, on ne voit rien venir : une revue locale d'Occitanie dénonce une surexposition au bruit des riverains de Toulouse-Blagnac qui s'est accrue de 73% entre 2012 et 2017. L'aéroport, on s'en souvient, a été privatisé de fait lorsque l'état a cédé ses parts à un fonds d'investissement chinois. Depuis, le nombre de vols n'a fait qu'augmenter et les avions sont devenus plus bruyants. En 2017, dénonce un ingénieur membre du  Collectif contre les nuisances aériennes de l’agglomération toulousaine, "nous avons atteint les niveaux de bruit qui étaient prévus pour 2030, ce sont des chiffres catastrophiques". En France, seul l'aéroport d'Orly est soumis à un couvre-feu. La plateforme de Roissy a, jusqu'à maintenant, cédé à un chantage à l'emploi de Fedex, qui menace d'émigrer sous des cieux plus hospitaliers si un couvre-feu est instauré sur Roissy.

Toutes les données scientifiques et médicales le disent : outre l'empreinte carbone qu'il génère, le développement accéléré des activités aéroportuaires est une menace grave et immédiate sur la santé et sur l'espérance de vie de ceux qui la subissent. Pourtant, la loi climat, votée en septembre, ne prévoit aucune action contre ces nuisances.C'est donc en pleine connaissance et de façon préméditée que les décideurs économiques, suivis en cela par des "décideurs" politiques qui, en fait, ne décident rien, mais s'en remettent aux lobbies pour le faire à leur place, mettent gravement en danger la santé et la vie de nos concitoyens qui habitent à proximité des aéroports. C'est tout ce joli monde qui devrait avoir à répondre devant les tribunaux et non les militants qui cherchent à faire reconnaître les faits par des actions pacifiques de désobéissance civile. Et non pas devant un tribunal correctionnel, mais devant une cour d'assises !!!

DEUX PETITIONS A SIGNER : "STOP A LA RÉPRESSION DES ACTIVISTES CLIMAT" ET STOP AU VACARME DES MOTOS

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