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Billet de blog 14 décembre 2014

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Taxe Tobin : l'immobilisme poussé à son extrême

Ce qui étonnera toujours plus d'un chez les politiques, c'est cette incapacité de résoudre les problèmes en écoutant de que d'autres ont à dire, pour adopter des mesures qui sont, finalement, des mesures de bon sens.

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Ce qui étonnera toujours plus d'un chez les politiques, c'est cette incapacité de résoudre les problèmes en écoutant de que d'autres ont à dire, pour adopter des mesures qui sont, finalement, des mesures de bon sens.

Prenons l'exemple de François Hollande : "mon véritable adversaire [...] n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti. Il ne présentera jamais sa candidature. Il ne sera pas élu. Et pourtant, il gouverne [...] "En 20 ans, la finance a pris le contrôle de nos vies. En une fraction de secondes, il est désormais possible de déplacer des sommes astronomiques, de faire tomber les banques. Les G20 se sont succédé sans résultat tangibles. En Europe, seize réunions de la dernière chance n'ont jamais rien donné. Les banques, sauvées par les Etats mangent la main de ceux qui les ont nourries. Ainsi la finance s'est affranchie de toute règle, de toute morale, de tout contrôle".
Cette analyse était digne de Roosevelt, mais malheureusement, contrairement à celui-ci, Hollande est exactement l'antithèse d'un homme d'état. Car ce constat aurait dû être suivi, dans les semaines qui ont suivi son élection, de mesures très fortes :  une loi digne de ce nom pour séparer les banques de dépôt et les banques de spéculation, mais, sous l'influence des lobbies bancaires, la montagne a accouché d'une souris ; une guerre sans merci contre les paradis fiscaux, mais nos gouvernants font aujourd'hui semblant de découvrir le scandale du Luxleaks ; des mesures pour que la dette n'étrangle pas les états, mais l'Union Européenne et Angela Merkel verrouillent toute adaptation des traités. 

Ce n'est pourtant pas faute de mises en garde et de propositions : Stiglitz, Krugman (tous deux prix Nobel d'économie) ainsi que Robert Reich mettent en garde contre les effets mortifères de l'austérité et même le FMI y est venu. Mais la tortue européenne continue à "aller son train de sénateur"  Le Collectif Roosevelt et Nouvelle Donne ont montré, dans leurs propositions, qu'ils avaient bien identifié les problèmes : dès 2012, le collectif militait pour un durcissement de la loi de séparation des banques et n'a pas été écouté ; contre les paradis fiscaux, Nouvelle Donne proposait que toute entreprise y ayant recours se voie refuser l'accès aux marchés publics; pour alléger la dette et en prenant acte de l'interdiction faite à la BCE de prêter directement aux états, ND proposait que celle-ci prête à la Banque Européenne d'investissement qui aurait elle-même prêté aux états à un taux d'intérêt allégé, ce qui aurait pu se faire sans modification des traités ; il était également suggéré une restrcturation de la dette ancienne ; contre le dumping fiscal, il était proposé d'uniformiser au niveau de l'Europe l'impôt sur les sociétés, afin que le même taux soit appliqué dans tous les états. Aucune de ces propositions n'a reçu, jusqu'à ce jour, ne serait-ce que l'ombre d'une prise en considération.

Mais il y a un point sur lequel les français ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes : l'échec de la négociation sur la taxe Tobin et - disons-le clairement - cela me rend honteux d'être français : onze pays de la zone Euro s'étaient mis d'accord sur le principe d'une taxe sur les transactions financières, mais la France a choisi de soutenir des propositions qui vident l'accord de sa substance (voir l'article de Médiapart en PJ), en restreignant les produits devant entrer dans l'assiette de la Nouvelle Taxe. Nos partenaires européens ont préféré rompre les négociations plutôt que de signer un accord bâtard, sans qu'il soit fixé un nouveau calendrier de négociation. Voici donc, grâce à Hollande, un accord sur lequel tout le monde était d'accord et qui se trouve ainsi repoussé aux calendes grecques !
Quatre associations (Aides, coalition PLUS, Oxfam, Attac) ont protesté contre cette posture de la France dans un communiqué par lequel elles dénoncent le fait qu'en période de crise budgétaire, la France puisse se priver ainsi de milliards de recettes supplémentaires par an "afin de protéger les intérêts des lobbies financiers". Sur ce dernier point, l'article de Médiapart en PJ enfonce le clou, en révélant le départ de deux desspécialistes de la taxe Tobin ayant conseillé le gouvernement vers le privé. Cela a une allure de "récompense pour service rendu".  Il faudrait être aveugle pour ne pas y voir l'empreinte des lobbies de la finance !

Nous constatons ainsi qu'un gouvernement "socialiste" refuse d'aller chercher l'argent là où il est, mais préfère les ponctions fiscales sur les ménages. Après tout, Manuel Valls n'a pas tort de vouloir changer le nom du P"S", car dans la bouche de ses militants, le mot "socialiste" devient une imposture ! Tout ceci à des relents d'ancien régime, où la noblesse était exemptée d'un impôt dont seul le tiers état avait à supporter la charge ! Et cela ravale Hollande au rang d'un Louis XVI, qui était tout à fait conscient des maux dont souffrait la France, mais était incapable, soumis qu'il était à la pression d'un lobbie qui, à l'époque, s'appelait la noblesse, de prendre la moindre décision susceptible de faire "bouger les lignes". 

Le plus grave, c'est l'idée que la France n'est pas étrangère à l'immobilisme européen et que nos partenaires ont beau jeu de ne pas considérer nos propositions lorsque nous ne sommes même pas capables d'en soutenir une qui, pour tous les autres, est indiscutable. Alors arrêtons de considérer l'Europe et la zone euro comme un bouc émissaire  : le coùt d'une sortie de l'euro appelé par les voeux de certains serait exorbitant. Alors, pour y rester, il devient nécessaire que la France soit force de proposition plutôt que d'être un frein aux propositions qui permettraient un meilleur contrôle de la finance.
 

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