La vertueuse Amérique qui a poussé Richard Nixon à la démission pour le cambriolage du Watergate et engageait une procédure de destitution contre Bill Clinton pour mensonges sur une vie privée qui ne regardait que lui a bien changé : malgré les scandales de toute nature impliquant Donald Trump, il est élu pour un second mandat après une campagne ponctuée d'invectives, d'insultes et de mensonges. Il ne faudra que deux mois pour que sa réélection se confirme comme une véritable menace contre la liberté d'expression, contre la séparation des pouvoirs, contre les dispositions constitutionnelles qui régissent la vie démocratique du pays.
Depuis quand, dans un pays démocratique, une disposition constitu-tionnelle peut-elle être abolie par décret ? Le quatorzième amendement de la constitution , qui accorde la nationalité américaine à toute personne née sur le territoire américain (droit du sol), est remis en question par Donald Trump. Au Etats-Unis comme en France, toute modification de la Constitution doit être votée dans les mêmes termes par les deux chambres, à la majorité renforcée des deux tiers. Aussi, dans les heures qui ont suivi la promulgation de ce décret, celui-ci a fait l'objet d'une action en justice de 22 états démocrates et d'associations de défense des droits civils. Le décret a été suspendu par la justice fédérale pour cause d'inconstitutionnalité.
Depuis quand, dans un pays démocratique, les conclusions scientifiques doivent-elles s'aligner sur le climatoscepticisme du pouvoir en place ? Lorsque le président américain prétend censurer les publications sur le réchauffement climatique par voie de refus ou de retrait de subventions, on se voit revenu à ces temps d'obscurantisme où l'Eglise catholique emprisonnait Galilée et où le généticien officiel d'Union Soviétique faisait envoyer ses contradicteurs au goulag. Ces mesures provoquent une vague d'expatriation des scientifiques, qui refusent de travailler dans ces conditions.
Depuis quand, dans un pays démocratique, un président est-il fondé à exiger de la cour suprême la révocation d'un juge qui a commis un crime de "lèse-majesté" en ajournant un décret d'expulsion de migrants - déjà en cours d'exécution, ce qui met la Justice devant le fait accompli ? C'était en vertu de l'interprétation abusive d'une loi datant de 1798, autorisant la détention ou l'expulsion 'd'ennemis étrangers" en temps de guerre. La demande de Donald Trump, interprétée comme une atteinte à la séparation des pouvoirs, lui a valu un rappel à la constitution de la Cour Suprême, pourtant républicaine à une majorité écrasante.
On peut présumer que la liste des "depuis quand" va s'allonger avec le temps car la constitutionnalité des mesures prises par Elon Musk pour "dégraisser le mamouth" fait débat. En attendant, il faut se souvenir des évènements du 6 janvier 2021 : à l'instigation de Donald Trump, ses partisans mettaient à sac le Capitole, pour empêcher la proclamation des résultats d'une élection présidentielle, soi-disant volée au candidat républicain. Cette tentative de coup d'état était suivie d'une procédure en destitution engagée par la chambre des représentants et soumise au vote du sénat à raison de 57 voix pour et de 43 voix contre. Il a manqué dix voix au Sénat pour que la destitution soit le pieu dans le coeur du vampire, qui empèche Trump de se représenter en 2024. Le flot des procédures judiciaires engagées par la suite contre le candidat républicain seront interrompues par sa réélection. Et la grâce présidentielle accordée aux 1500 émeutiers condamnés pour l'insurrection du Capitole vaut auto-amnistie et approbation de cette tentative de coup d'état.