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Billet de blog 26 juillet 2025

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Budget Bayrou, effort non partagé

Les constantes du budget restent les mêmes : dogmatisme sous-jacent des différentes parties de l'échiquier politique dont les composants ont oublié la notion d'intérêt commun, mépris de la droite pour ces "fainéants" de français qui ne cherchent que l'assistanat, propositions pour faire cracher ces "inutiles" de retraités...Mais est-ce à base de mépris que se construit un consensus ?.

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Le magazine Alternatives économiques ouvre le feu contre le budget en dénonçant, par la voix de l'éditorialiste Christian Chavagneux, "une austérité injuste et contre-productive". Celui-ci s'insurge d'abord contre le climat délétère généré par le catastrophisme du premier ministre, qui agite le spectre d'une situation à la grecque : "La Grèce, en 2009, affichait un déficit budgétaire de 15,4 % du PIB. "La France en est très loin : le FMI ne rôde pas autour de Bercy", dit-il. Affoler l'opinion publique avec des données telles qu'un accroissement de l'endettement de 5000 euros par seconde relève de la propagande, d'autant que le taux d'accroissement des dettes dans les entreprises est du même ordre de grandeur. 

Commençons par le détail des mesures annoncées avec, avant toute autre mesure, la promesse d'une "année blanche". Cela signifie le gel de toute mesure d'ajustement en fonction de l'inflation : la modification annuelle du barème des impôts n'aura pas lieu, les pensions de retraite ne seront pas revalorisées, mais ce gel s'appliquera aussi aux prestations sociales - allocations familiales, aide au logement. Il saute aux yeux que l'économie de 7 milliards d'euros supposée consécutive à ces mesures impactera  en premier lieu les contribuables les plus défavorisés : les retraités modestes subiront de plein fouet les pertes de pouvoir d'achat du fait d'une inflation non compensée, le gel du barème fiscal rendra imposables 380000 foyers  qui, aujourd'hui, ne le sont pas, leur faisant également perdre le droit à des aides d'état réservées aux non-imposables. Les familles pour lesquelles les allocations familiales constituent une part non-négligeable du budget verront leur situation financière rendue encore plus précaire. En une période où le pays doit faire face à un accroissement de la pauvreté, on a du mal à discerner où est la justice sociale de ce budget, pourtant revendiquée haut et fort par le premier ministre.

Une autre mesure, qui concerne les retraités, fait débat : il s'agit du remplacement de l'abattement de 10% sur le revenu imposable par une dédution forfaitaire de 2000 euros par retraité. C'est pourtant la seule des mesures envisagées à laquelle on peut objectivement reconnaître une certaine logique sélective en faveur des retraités les plus modestes car, mécaniquement, seuls seront touchés les contribuables dont la retraite annuelle est supérieure à 20000 euros. D'un point de vue général, il peut sembler légitime et même logique, comme le fait le journal Le Monde, de préconiser un rééquilibrage des charges au profit des actifs, en raison du vieillissement de la population et d'une démographie qui prend le chemin de celle de l'Allemagne. Mais cette mesure est une goutte d'eau dans le programme de paupérisation annoncé.  

Concernant les salariés : une autre "recette" qui a déjà été utilisée : la suppression de deux jours féries, qui seraient le lundi de pâques et le 8 mai, car on peut bien saisir l'opportunité d'un plan d'austérité pour obliger ces "fainéants" de salariés à travailler plus ! Cela, c'est le prétexte moralisateur, totalement hors sujet puisqu'il n'est pas précisé si la masse salariale correspondant à ces deux journées serait reversée au Trésor Public, comme cela a été le cas pour le lundi de Pentecôte. Mais, si c'était le cas, on constate encore une fois de plus que cette mesure met à contribution les salariés et uniquement eux ! Les propositions d'"améliorations" viennent de droite, tel Laurent Vauquiez qui remet au goût du jour sa vieille obsession de "l'assistanat", sans réaliser que les premiers "assistés" ont toujours été les entreprises et, tel  le disque rayé qu'il est, préconise de venir à bout de cette "lèpre" qui ronge la France. Parmi les "assistés", il faut compter les chômeurs, pour lesquels les plans de durcissement se succèdent déjà depuis plusieurs années, les patients de longue durée dont la prise en charge intégrale par l'Assurance Maladie est, elle aussi, remise en question et les salariés mis en arrêt de travail, pour lesquels une augmentation des jours de carence est envisagée avec l'appui du patronat

"on ne peut faire face aux défis sociaux et climatiques actuels si l’on ne commence pas par imposer les plus fortunés de façon visible et incontestable" proclame Thomas Piketty dans un éditorial du Monde où il fait des propositions. On ne le répétera jamais assez - ces sacrifices qui sont demandés à la population ne sont acceptables par l'opinion publique que si les plus riches en prennent leur part. Or le creusement du déficit est dû en grande partie au laxisme fiscal dont ont fait preuve les gouvernements à leur égard depuis des décennies : avec l'évasion fiscale dans les paradis du même nom - dont certains (Irlande, Luxembourg, Pays-Bas) sont nichés au coeur de l'Europe - ce sont des écoles et des hôpitaux qui sont partis en fumée, ce qu'aujourd'hui nous payons par les dysfonctionnements croissants de la santé et de l'éducation. L'instauration de la scandaleuse "flat tax" limite à 30% l'imposition des revenus du capital. Et c'est dans ces conditions qu'on va demander aux classes moyennes de se serrer la ceinture ? 

Car ce budget ne répond nullement aux exigences d'un effort partagé par tous : les propositions impliquant une taxation des plus hauts revenus et des patrimoines sont systématiquement rejetées. Dans l'éditorial cité plus haut, Thomas Piketty propose une taxation à 20% des plus values  accumulées depuis 2010 par les grandes fortunes. Cette taxation, prélevée sur une période limitée au taux de 20% de ces plus-values, rapporterait 200 milliards d'euros, à comparer aux 44 milliards du budget Bayrou. Elle ne provoquerait pas une fuite des investissements, car appliquée à des plus-values déjà réalisées. Et, surtout, elle permettrait de faire face aux multiples défis qui nous attendent (réarmement, transition climatique...) beaucoup mieux que la misérable proposition de budget de monsieur Bayrou

La proposition de "taxe plancher" émise par Gabriel Zucman est aussi l'expression d'une volonté de faire participer les riches à l'effort national. elle part du constat qu'en moyenne, le contribuable moyen laisse 50% de ses revenus en impôts divers (impôts directs, charges sociales ou TVA, contre 27% pour les plus riches. Cette "taxe plancher" impose un taux minimal d'imposition de 2% du patrimoine - et non pas des revenus, qui échappent trop facilement à l'imposition - pour les contribuables dont la fortune est évaluée à plus de 100 millions d'euros. Cette proposition fiscale,  votée par l'Assemblée Nationale et rejetée par le Sénat, est également en butte à l'opposition de l'exécutif, pour les raisons classiques d'un danger supposé de perte d'attractivité du pays et de fuite des capitaux. Pour les mêmes raisons, elle est "atomisée" par Alain Minc, qui qualifie la proposition de son ancien élève de "folie absolue". Mais, en contradiction avec le brillant économiste qui a inventé l'existence d'une "main invisible" censée guider les marchés pour le plus grand bien de l'économie, la proposition de Zucman reçoit le soutien de pas moins que sept prix Nobel d'économie. L'argument de perte d'attractivité du pays ? Pour les signataires de cette tribune, il est "atomisé" à son tour par une des clauses votées par les députés : tout exil fiscal serait sanctionné par le maintien de la taxe plancher pendant un minimum de cinq ans, facilement portable à dix ans une fois la loi votée. 

Avec la mondialisation et l'aide apportée par Internet, les moyens de "s'enrichir en dormant" dénoncés naguère par François Mitterrand n'ont jamais été aussi efficaces, ce qui rend obsolètes tous les efforts de justice fiscale accomplis depuis l'instauration de l'impôt progressif sur le revenu. Il s'agit donc de mettre en place un autre système d'imposition qui permette d'aller chercher l'argent là où il est et non d'appliquer des rustines à la François Bayrou, qui ne peuvent aboutir qu'à un recul général du niveau de vie et de la consommation, faisant accroître mécaniquement une chute du PIB et un creusement du déficit, au moins en pourcentage de PIB. 

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