Lors de la dénonciation de Júlia Lotufo, veuve de l'ancien milicien Adriano da Nóbrega, en mars 2021, le parquet de Rio de Janeiro (MP-RJ) a joint le contenu d'une interception téléphonique dans laquelle elle dit avoir su que Danielle da Nóbrega, l'ex-femme de son compagnon, était une assistante parlementaire fantôme dans le cabinet de Flávio Bolsonaro à l'assemblée législative de Rio de Janeiro (Alerj).
Malgré cela, jusqu'à aujourd'hui - plus d'un an après - le PGJ-RJ (Bureau du procureur général de justice de Rio de Janeiro), chargé d'agir dans l'enquête sur Flávio Bolsonaro, n'a pas donné suite à cette preuve et à d'autres - l'audio est un autre élément qui renforce l'existence de la pratique de la "rachadinha", cette soustraction mensuelle sytématique d'une part des salaires des assistants parlementaires, dans le cabinet du fils aîné de Jair Bolsonaro.
Depuis le 6 janvier 2021, le procureur général de l'Etat de Rio de Janeiro, qui a été nommé après une élection interne par le bolsonarista gouverneur Cláudio Castro, est Luciano Oliveira Mattos de Souza. Il occupera ce poste jusqu'au 14 janvier 2023. Par son poste, Mattos est celui qui est le responsable pour orienter les actions du MP-RJ à la Cour suprême (STF) et à la Cour supérieure de justice (STJ), deux cours qui vont décider des axes et choix qui vont affecter les dossiers judiciaires de Flávio Bolsonaro.
Ce poste de procureur général de justice de Rio de Janeiro était précédemment occupé, depuis 2017, par José Eduardo Gussem, qui avait été réélu en 2018 avec 93 % des votes. Gussem s'est toujours montré très critique envers les demandes de fédéralisation de l'enquête sur l'assassinat de la conseillère municipale Marielle Santiago et de son chauffeur Anderson Gomes. Par ailleurs, il avait commencé l'enquête sur les supposées fraudes de Flavio Bolsonaro à l'Alerj, mais l'enquête lui avait été retirée par sa hiérarchie.
Bien que l'écoute téléphonique ait été pratiquée en juillet 2019, le rituel administratif est que l'échange de preuves avec d'autres services du MP-RJ se produise après les opérations judicio-policières. Dans le cas de l'écoute de la veuve de Adriano da Nóbrega, l'"opération Gargouille" ("Operação Gárgula") ne s'est produite qu'en mars 2021, et l'écoute pouvait être utilisée à partir de cette date.
De plus, les journalistes de la plateforme UOL ont apuré qu'il est rituel que le cabinet du procureur général de justice de l'Etat de Rio de Janeiro (PGJ-RJ) soit avisé des "opérations" des services du parquet. Júlia Emília Mello Lotufo avait tenté de faire une "délation primée" avec le MP-RJ en 2021 et n'a pas mentionné cette information. Selon le quotidien O Globo, la délation a été refusée.
L'enregistrement autorisé par la justice vient s'ajouter à l'un des rares éléments de preuve de l'enquête sur le cabinet législatif de Flávio Bolsonaro qui n'a pas été annulé par le STJ (Cour Supérieure de Justice) en 2021. À ce jour, sont encore sur la liste des preuves valables dans cette affaire l'ensemble des messages de Danielle da Nóbrega - soeur du milicien - et Fabricio Queiroz, l'ex-assistant parlementaire de Flávio Bolsonaro et désigné comme opérateur du système de soustraction des salaires des assistants, par les enquêteurs. Le téléphone portable de Danielle da Nóbrega a été obtenu lors de l'"opération Intouchables (Operação Os Intocáveis), qui enquête sur les milices à Rio de Janeiro, en janvier 2019.
La soeur du milicien a même admis, dans des messages à une amie, qu'elle se sentait mal à propos de "l'origine de l'argent". Les données avaient été partagées avec l'ancien Gaecc (Groupe d'action spécialisée dans la lutte contre la corruption - Grupo de Atuação Especializada no Combate à Corrupção) et ont été utilisées dans les perquisitions et les saisies et même dans la plainte contre Flávio Bolsonaro, Fabricio Queiroz et Danielle da Nobrega. La plainte n'a pas été analysée par la justice de Rio de Janeiro, après l'annulation des preuves par la Cour Supérieure de Justice (STJ).
Dans un autre lot de messages interceptés, datant de décembre 2017, Fabricio Queiroz exprime à Danielle da Nóbrega la crainte de la famille Bolsonaro que son lien avec le capitaine Adriano da Nobrega nuise à leurs campagnes électorales - Jair était déjà pré-candidat à la présidence de la République à cette époque, tandis que Flávio Bolsonqro était candidat à un poste de sénateur.
Le procureur général de l'État de Rio de Janeiro (PGJ-RJ) - l'organe qui chapeaute le ministère public de Rio de Janeiro (MP-RJ) - n'a pas non plus donné suite aux écoutes, publiées par les journalistes de la plateforme UOL, de la culturiste Andrea Siqueira Valle, ancienne belle-sœur de Jair Bolsonaro.
Parmi les révélations, Andrea Siqueira Valle a admis que lorsqu'elle était répertoriée comme assistante parlementaire de Flávio Bolsonaro en 2018, elle remettait 7.000 R$ (environ 1.500 US$) chaque mois à Guilherme dos Santos Hudson, son oncle et colonel de la réserve de l'armée, ami proche de Jair Bolsonaro depuis l'école militaire. Guilherme Hudson est également répertorié comme un assistant de Flávio Bolsnaro, à l'Alerj, en 2018.
Les écoutes d'Andrea Siqueira Valle ont entraîné l'ouverture d'une procédure préliminaire auprès du MPF (ministère public fédéral) du District fédéral (DF) et du PGR (ministère public général), à Brasilia.
Toutefois, à Rio de Janeiro, seul le 3e parquet d'enquête pénale (3ª Promotoria de Investigação Penal) a convoqué Andrea Siqueira Valle pour l'affaire de soustraction d'une part des salaires de ses assistants, par le conseiller municipal de Rio de Janeiro, Carlos Bolsonaro. Ce fils de Jair Bolsonaro fait l'objet d'une enquête, également pour pratique de soustraction de salaires, blanchiment d'argent et appartenance à une organisation criminelle.
Avec les décisions de Cour Supérieure de Justice (STJ) en 2021, ont été annulées toutes les preuves obtenues dans le cadre des mesures conservatoires autorisées par le juge Flávio Itabaiana à la 27e chambre criminelle du tribunal de justice de Rio de Janeiro.
Parmi les documents annulés figurent les écoutes téléphoniques de Fabricio Queiroz et de sa famille publiés dans l'épisode 3 du podcast "A vida secreta de Jair".
Toutefois, outre les messages de Danielle da Nóbrega, est exempt de nullité tout le matériel recueilli avant les mesures conservatoires et qui a servi de base à la première demande de levée du secret bancaire et téléphonique.
L'enquête judiciaire sur le cabinet législatif de Flavio Bolsonaro a commencé en juillet 2018 à partir d'un RIF (rapport de renseignement financier) du Coaf (Conseil de contrôle des activités financières) qui montrait un mouvement atypique de 1,2 million R$ (220.000 US$) sur le compte bancaire de Fabricio Queiroz entre 2016 et 2017. Dans ce rapport, qui comprenait plusieurs autres données provenant des conseillers de l'assemblée législative de Rio de Janeiro (Alerj), il est possible de vérifier les transferts de huit (8) anciens assistants parlementaires de Flávio Bolsonaro vers [les comptes bancaires de] Fabricio Queiroz. Il existe également des informations sur une série de chèques, d'un montant total de 24.000 R$ (4.400 US$), émis par Fabricio Queiroz en faveur de Michelle Bolsonaro, épouse de Jair Bolsonaro.
A partir de là, le MP-RJ a obtenu d'autres rapports de la Coaf qui citaient le sénateur Flávio Bolsonaro. L'un d'eux montre 48 dépôts de 2.000 R$ (400 US$) en espèces effectués par le sénateur, en personne, dans un distributeur automatique de billets situés dans l'enceinte de l'Alerj. La version du fils aîné du président de la République est qu'il a reçu cet argent dans le cadre d'un paiement sur la vente d'une propriété.
De plus, Fabricio Queiroz a admis, dans une déclaration présentée par écrit au MP-RJ, en février 2019, qu'il gardait une partie des salaires des assistants parlementaires de Flavio B. Il a également présenté une version selon laquelle il obtenait ces montants pour engager d'autres conseillers. Il a dit qu'il présenterait une liste de ces personnes, ce qui n'a jamais eu lieu. Malgré cela, cette pratique est illégale.
Le MP-RJ a également obtenu des informations auprès des entreprises de construction impliquées dans les négociations d'achats de biens immobiliers de Flávio Bolsonaro. L'une des entreprises a admis avoir reçu 86.000 R$ (18.500 US$) en nature pendant une partie des paiements.
Une autre preuve de la soustraction des salaires (" rachadinha ") est le témoignage de Luisa Souza Paes, une ancienne assistante de Flávio, qui a admis n'avoir jamais travaillé pour lui et avoir rendu environ 160.000 R$ (34.400 US$) à Fabricio Queiroz.
Mardi 12 avril 2022, le lendemain de la publication de l'enquête par le site UOL, expliquée ICI en video à partir de 23'30", le MP-RJ a envoyé à l'équipe des journalistes de UOL une note dans laquelle il se dit attentif " à chaque mouvement procédural et prêt à adopter les mesures appropriées". Voici les termes employés : " Le Ministère Public de l'Etat de Rio de Janeiro, par son Procureur Général de Justice, concernant les nouvelles qui cherchent à répandre le manque d'action de la PGJ dans le cas de " rachadinha " impliquant un ancien député d'Etat, vient informer que l'insinuation qu'il y a une négligence institutionnelle est absolument fausse et ne contribue en aucun cas à la clarification appropriée à la population. L'institution est consciente de chaque mouvement procédural et prête à adopter les mesures appropriées. Il convient de noter que depuis le début de 2021, le procès a été constamment contesté en appel, par la défense et par la MPRJ, et il est certain que les derniers jugements qui sont intervenus à la Cour suprême (STF) ont défini la compétence pour la procédure et le procès et annulé les preuves produites au cours de l'enquête, dont les décisions ont été rendues disponibles les 28 et 30 mars derniers [2022]. Le MPRJ réaffirme son engagement indéfectible dans la défense de l'ordre juridique et l'exécution fidèle de sa mission constitutionnelle. "
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Sources : UOL et Carta Capital.
C'est nous, pendant la traduction partielle de plusieurs articles, manuelle, et des ajouts conséquents, qui avons choisi de souligner certains passages en gras.
9 avril 2022 : L'ex-épouse du feu milicien Adriano, une salariée fantôme de Flávio Bolsonaro