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Billet de blog 13 août 2025

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Tunisie - Aux femmes de mon pays !

À l’occasion de la commémoration de la promulgation du Code du Statut Personnel (13 août 1956), et cela, moins de cinq mois après l’indépendance du pays et bien avant la proclamation de la République, loi qui a bouleversé le statut de la femme tunisienne : abolition de la polygamie, instauration du mariage civil, rien que mariage civil, du droit au divorce, à égalité pour les deux époux,…

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Illustration 1


Femmes tunisiennes, que de luttes vous avez menées,
Petites filles, bien avant la puberté,
Adolescentes, célibataires ou mariées,
Souvent, toutes seules, incomprises, bafouées
Parfois, humiliées, violentées, malmenées,
En famille, à l’école, au travail, en société,
Dans un monde qui est gouverné et dominé
Par une gent masculine brutale et bornée,
Sans parler de votre quotidien à trois journées :
Famille-maison-emploi, qu’il faut toujours gérer,
Mais, sans cesse, combatives, dignes et décidées

Femmes de mon pays, il y a eu quelques progrès, il est vrai
Votre condition s’est substantiellement améliorée
Depuis que le Code du Statut Personnel fut promulgué
Code dont le contenu, des ailes, vous a donnés
Pour conquérir votre liberté, votre dignité
Mais, les combats sont, hélas, loin d’être terminés
Et les avancées, avec Kaïs Saïed, furent stoppées
Lui qui, un «Cours sur les droits de l’homme», a rédigé
Du temps où « "intellectuel" de Ben Ali », il était

Femmes de mon pays, vos droits n’ont jamais autant reculé
Que depuis son coup d’État du 25 juillet. Il a remplacé
L’égalité entre les genres par une soit-disant équité
Islamique, d’une interprétation du Coran, inspirée
Confirmant encore qu’Ennahdha et lui, c’est bonnet blanc et blanc bonnet
Frères ennemis en concurrence pour le pouvoir, à couteaux tirés 
La parité femme-homme dans les élections, a supprimée
Et leur égalité devant l’héritage, a enterrée
L’égalité par les textes est contredite par les faits
Il voit en vous un « complément », et non une partenaire, vraie
Avec lui, il n’y a jamais eu autant de femmes persécutées
Plusieurs militantes dans les associations, a fait arrêter
Parce qu’elles se donnaient pour but la solidarité
Entre les générations, les pays et les nationalités
Arrêtées pour diverses accusations non avérées
Comme il en est pour plusieurs autres femmes emprisonnées
Politiques, journalistes, chroniqueuses à la radio et la télé,...
Là où la démocratie recule, les droits des femmes sont érodés

Femmes de mon pays, espoir il faut garder
Cette terrible épreuve n’est que momentanée
Nous en avons connu d’autres dans le passé
Un jour viendra où nous en serons délivrés
Comme l’a dit Chabbi, « par notre volonté
De vivre, le destin ne peut que s’incliner
La nuit se dissiper et les chaînes se briser »

Hommes progressistes de mon pays, il est temps de transformer vos idées en réalité
Hommes traditionalistes de mon pays, pensez à Averroès quant il a affirmé
Qu’aliéner la femme revient à se priver des compétences des deux tiers de l’humanité
Priver la femme de ses droits « ne peut que, à la ruine et au malheur, conduire nos cités»

Je ne peux terminer ce poème, sans avoir pour Habib Bourguiba une petite pensée
Le Bourguiba fondateur de la Tunisie moderne, le père de la nation, l’éclairé
Dont l’objectif était de moderniser le pays par l’éducation et l’égalité
Afin que la femme soit l’égale de l’homme, actrice du développement, instruite, émancipée 
Celui qui a dit : « j’imposerai, sans attendre la démocratie de ceux qui ont été leurrés
Par une culture machiste au nom de la religion - qui en est innocente - la liberté
De la femme et ses droits par la force de la loi », célèbre citation où tout est résumé

Salah HORCHANI

* Exceptée la dernière strophe, ce poème est extrait des quatre poèmes suivants - publiés, respectivement, le 12/01/2014, le 01/03/2014, le 22/09/2019 et le 11/07/2025 - où l’on trouve les sources des informations qui y sont exposées.

https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/120114/ne-t-en-fais-pas-ma-tunisie-ne-t-en-fais-pas

https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/010314/tunisie-aux-femmes-de-mon-pays

https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/220919/tunisie-mais-qui-est-kais-saied-favori-de-la-course-au-palais-de-carthage

https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/110725/tunisie-la-repression-se-poursuit-mon-coup-de-gueule

Quant à l’affirmation d’Averroès, elle fait référence au texte suivant :

« Nous ne faisons pas assez pour l’épanouissement des femmes. Les considérer comme étant seulement aptes à enfanter et allaiter peut nuire à notre prospérité, alors qu’elles ont d’énormes capacités, que nous avons étouffées par la situation de dépendance dans laquelle nous les avons mises, et qu’elles peuvent contribuer efficacement à la vie de la cité.

N’oublions pas qu’elles constituent les deux tiers de l’humanité : si on laisse ces deux tiers vivre comme des plantes ou vivre en parasite sur le compte du tiers restant, cela ne peut que conduire nos cités à la ruine et au malheur ».

magnifique texte d’Averroès (1126-1198) qui a été traduit par moi-même, et ce, à partir du livre de Khalil Charf-Eddine : Ibn Roshd, al-shu‘aa al akhir ( = Averroès, le dernier rayon de lumière), Dar al-Hilal, Beyrouth, 1988.

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