salvatore palidda

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Billet de blog 4 mars 2020

salvatore palidda

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Immigrés hyper-exploités dans la construction du siège du «Monde» et leur révolte

Le cas des sans-papiers hyper exploités dans la construction du nouveau siège du Monde et leur révolte est très significatif car confirme que la «méthode libériste» domine en Italie, au centre de Paris et partout. Ce sont les économies souterraines que les gouvernements ne veulent pas endiguer car ils font partie intégrante de toute l’économie … les victimes ne comptent pas !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La révolte des sanspapiers hyper-exploités dans la construction du siège de Le Monde est un fait spectaculaire qui mérite attention à plusieurs égards. Grace au soutien continue et tenace du Cnt-so ces travailleurs ont réussi à occuper le siège du journal et à imposer la négociation car Le Monde est de fait le premier responsable mais il a aussitôt cherché de sauver son image de médias progressiste et démocratique. Le Monde a écrit sur cette affaire pour dire que c’est la faute à l’entreprise chargé de l’œuvre -le groupe EIFFAGE- à qui a confié la réalisation de son nouveau siège -des «patrons voyous» écrit le CNT-so- et que maintenant fait pression pour qu’elle régularise la situation de tous ces travailleurs.

«J'en ai marre! On travaille comme des animaux. Être payé si peu, en espèces, c'est fou". Sont les paroles de Siku, originaire du Mali, sans-papiers, qui avec une cinquantaine de travailleurs africains achève la construction du nouveau siège du Monde, un bâtiment futuriste à proximité de la gare d'Austerlitz. Les conditions de travail de Siku et des autres travailleurs, principalement originaires du Mali, du Sénégal, de la Guinée et de la Côte d'Ivoire, sont aux limites de l'esclavage: 40 euros par jour (ou la nuit), travaillant souvent bien au-delà des sept heures fixées par la loi, et dans des conditions d’embauche loin d'être normales. «Nous n'avons pas de masques, nous n'avons pas de gants et nous n'avons pas de gilets de sécurité. Parfois, nous travaillons la nuit pour 40 euros et les heures supplémentaires nous sont payés 5 euros de l'heure. Tout cela 7 jours sur 7 sans repos le dimanche et le lundi. Et si un jour nous ne venons pas, le chef menace de nous chasser. Nous sommes au 21ème siècle, l'esclavage est terminé ", a attaqué Lamine Mohamed Touré, 26 ans, né en Guinée, débarqué en France il y a quatre ans et jeté d'un chantier à un autre sans contrat régulier.

Lui et les autres jeunes sans-papiers sont des «employés» de Golden Clean (qui s'occupe du nettoyage) et de Cicad (qui gère le chantier), auquel Eiffage, le géant français de la construction, a sous-traité les travaux pour le compte de Le Monde. "La responsabilité sociale appartient au Monde", attaque le syndicat Cnt-So. «Cette entreprise, Eiffage, ne fournit ni le bulletin de paie ni l'équipement pour travailler en toute sécurité. Ils se sentent autorisés à le faire car ce sont des sans-papiers. Il semble vivre il y a trois ou quatre siècles! », dit Étienne Deschamps, juriste au Cnt-so. «Nous voulons une régularisation et une augmentation de leurs salaires. Payer 40 euros pour la journée ou la nuit de travail, dépassant souvent sept heures, n'est pas normal ", a-t-il ajouté. L'étincelle qui a fait perdre patience à cinquante travailleurs africains hyper exploités par Eiffage a éclatée il y a dix jours, lorsque l'entreprise leur a demandé de faire d'autres heures supplémentaires et ils ont refusé. "Le patron a menacé de nous chasser. Nous nous sommes dit que nous devions revendiquer nos droits ", ont-ils déclaré. Ainsi, jeudi, à l'aube, ils ont décidé d'occuper le futur siège du journal en criant leur mécontentement pour le traitement subi.

"Le fait d'inaugurer ce chantier avec des travailleurs sans papiers réguliers, est quelque chose de très symbolique -a commenté Deschamps du Cnt-so.

Après une rencontre de plus de cinq heures entre Louis Dreyfus, président de la direction du Monde, et des représentants d'Eiffage, Golden Clean, Cicad, de l'inspection du travail et des travailleurs impliqués dans l’affaire, un «protocole de sortie de crise» a été signé, avec un engagement à régulariser leur situation et à fournir la masse salariale. "Mais restons vigilants", ont commenté les travailleurs.

Voici ce qui écrit Le Monde :

Une journée de mobilisation et cinq heures de négociation: c’est le temps qu’il a fallu pour obtenir gain de cause aux 35 travailleurs sans-papiers qui occupaient, jeudi 27 février, depuis 6 heures du matin, le chantier du nouveau siège du Monde. En présence de Louis Dreyfus, président du directoire du Groupe Le Monde, de l’inspection du travail et du syndicat CNT-Solidarité ouvrière (SO), un accord a été conclu entre Golden Clean, société de nettoyage employant ces salariés, dont 12 sur le site du Monde, et un représentant des salariés.

Selon la CNT-SO, l’accord prévoit la remise des bulletins de paie dont ils n’avaient jamais vu la couleur, la mise en conformité des salaires avec la convention collective des entreprises de propreté, la réintégration sur le site de tous les salariés. Golden Clean, en outre, «s’engage à la remise des documents Cerfa » en vue de leur régularisation et à les accompagner dans cette démarche, ajoute le syndicat.

«Tout était en règle» (SIC!)

Alerté de l’intrusion par un gardien, Louis Dreyfus s’est rendu immédiatement sur place. En tant que donneur d’ordre, «on avait vérifié les documents de Golden Clean, on avait fait faire des contrôles inopinés et tout était en règle».

Sous-traitante du groupe de BTP Eiffage durant la construction, Golden Clean avait recruté ces travailleurs mi-2019 pour nettoyer les bases-vie des ouvriers du chantier. Le contrat de sous-traitance s’étendait «de novembre 2017 à novembre 2019», indique Eiffage. Quand ce contrat s’est achevé, le bâtiment n’étant pas terminé, ils sont restés pour nettoyer le parvis chaque jour, durant les derniers travaux.

Et l’article de Le Monde se boucle avec juste ceci:

«On travaille 7 jours sur 7, pour 40 euros par jour. Parfois, on travaille la nuit, pour le même prix», dénonce Mohamed-Lamine, 26 ans, venu de Conakry, en Guinée. On a dû acheter nous-mêmes des chaussures de sécurité et des gilets». «Parfois, le salaire est réglé avec un chèque sans ordre, parfois en espèces», ajoute un autre travailleur. Sans ordre, car ils ont été embauchés en présentant les pièces d’identité d’un proche en règle, un «alias».

Mais sur le site du CNT-so on lit:

Faute pour l’entreprise GOLDEN CLEAN d’avoir respecté les clauses du protocole d’accord signé dans la soirée du jeudi 27 février 2020, les travailleurs sans papiers maintiennent tout le week-end l’occupation du chantier du futur siège du groupe Le Monde.

La société s’était en effet engagée à remettre des bulletins de salaire à ses salariés le 28 à midi, en contrepartie les salariés devaient ensuite lever l’occupation. Dans les faits, la société GOLDEN CLEAN a été incapable de fournir ces documents! Saisie de cette situation, la direction du Monde a de nouveau fait pression sur son prestataire, sans aucun effet.

Les grévistes en assemblée générale ont donc décidé de maintenir l’occupation jusqu’à lundi 14h date d’une prochaine rencontre entre les différents protagonistes.

La CNT-SO dénonce une nouvelle fois les pratiques de cette société qui se rend coupable de travail dissimulé et appelle à renforcer le soutien auprès des grévistes pour obtenir le respect de leurs droits sociaux et leur régularisation. Piquet de grève au 67 av P. Mendes France, Paris 13, gare d’Austerlitz

La sous-traitance est une méthode désormais habituelle dans toutes les activités économiques et dans tous les secteurs y compris les grandes firmes. On l’a bien vu en Italie avec Fincantieri comme par ailleurs on le constate dans les délocalisations en cascade de toutes les firmes. C’est la méthode qu’aucun gouvernement ose contraster car elle est intrinsèque à toute l’économie libériste. Peu importe le sort des victimes de ce néo-esclavagisme et meme peu importe la fraude fiscale et des contributions sociales, les dangers de travaux mal faits parce que réalisé à la va-vite et sans soucis pour les déchets meme si toxiques. La réalité de ces économies souterraine est plus vaste de ce qu’on imagine, elle est au cœur des villes comme dans les zones rurales. Hélas les syndicats traditionnels ont négligé ce fléau; il est temps de soutenir avec de plus en plus de force la mobilisation contre ce nouvel esclavagisme que comme par hasard frappe les immigrés sanspapiers et aussi les autochtones sans aucune protection.

Entre autres: plutôt que phantasmer sur les economies souterraines communautaristes voir mulsumanes  pourquoi M. Castaner ne s’attaque pas aux économies souterraines et au néo-esclavagisme régularisant les sanspapiers et par là régularisant aussi leur emploi?

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