salvatore palidda

Professeur de sociologie à l'université de Gênes (Italie)

Abonné·e de Mediapart

178 Billets

0 Édition

Billet de blog 14 février 2023

salvatore palidda

Professeur de sociologie à l'université de Gênes (Italie)

Abonné·e de Mediapart

Italie: élections 2023, Lombardie 40% et Latium 37 de votants, la droite gagne

Comme prévu, l’abstentionnisme a triomphé et permet à la droite de gouverner avec 22% des électeurs en Lombardie et 19% dans le Latium. C’est la réussite du massacre de la soi-disant démocratie représentative poursuivi par les droites et l’ex-gauche dans un pays à la merci du néolibéralisme le plus agressif, tout en faveur des néofascistes du patronat et de la spéculation financière

salvatore palidda

Professeur de sociologie à l'université de Gênes (Italie)

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ces élections sont considérées importantes soit parce que presque un quart des électeurs de toute l’Italie y étaient convoqués, soit parce que le parti dominant de la coalition gouvernementale (Fratelli d’Italia, le parti néofasciste de la cheffe Meloni) parier sur ce résultat pour continuer à reléguer ses alliés (les racistes et pro-patronal de la Ligue et du parti de Berlusconi) à un poids de plus en plus faible.

En Lombardie on a enregistré que 40% de votants (33 points de moins qu’en 2018); la coalition gagnante des droites n’a eu que 22% des ayants droit de vote mais pourra gouverner tranquillement car elle a eu presque 55% des votants. Dans le Latium seul 37% des électeurs ont voté (presque 30% de moins qu’en 2018), la coalition des droites qui a gagné pourra gouverner tranquillement avec 19% de votes des ayants droit (et à Rome, qui a trois quarts des résidents de la région on a eu que 35% de votants). Bref les droites et l’ex-gauche peuvent disposer e gouverner avec moins en moins d’électeurs votants et donc plus facilement contrôlables.

En Lombardie a gagné la coalition des partis du gouvernement Meloni et surtout son parti avec toujours le même candidat, un personnage de la Ligue assez médiocre et échappé de peu à l’incrimination pour sa gestion soupçonnée comme criminelle de la pandémie comme de tous les affaires de la région. Rappelons que la Lombardie a eu le plus haut nombre de morts de Covid19 et ce gouverneur de la région n’a fait que garantir la continuité de l’administration criminelle de la santé publique de la région mise en place par son prédécesseur. Celui-ci était un leader de Comunione e Liberazione et de la Compagnia delle Opere, organisations de cathos affairistes et mal vu même par les autres catholiques ; il a terminé sa carrière politique en prison. La deuxième coalition de l’ex-gauche a eu un presque 34 des 41,68% des votants et donc 13,75 des ayants droits de vote avec un candidat qui joue un peu à gauche.

Que se-t-il passé en Lombardie ?

Dans cette région il y avait le plus vaste tissu de grandes et moyennes industries d’Italie et depuis les années 1970, comme partout, s’est déclenché un processus de très fortes déstructuration économique, sociale, culturelle et politique (la fin de la « société industrielle). C’était l’un des lieux avec la plus puissante capacité de mobilisation des syndicats, du Parti Communiste et de toute la gauche. Ce processus dévastateur a provoqué la crise profonde de l’action collective et de toute la gauche, la prolifération de la précarité, de la sous-traitance et donc de l’«atomisation» des travailleurs. Dès lors c’est la droite berlusconienne et la Ligue Nord qui ont triomphé (sauf à Milan ville). Ainsi la Lombardie est devenue le fief de la Ligue (les racistes avec chef Salvini) et maintenant du parti néofasciste de la cheffe du gouvernement Meloni. Les multiples affaires de corruption, les crimes sanitaires et environnementaux et la diffusion de la super-exploitation notamment des immigrés n’ont pas entamé le consensus en faveur des droites. Entretemps la gauche traditionnelle est disparue. L’ex-gauche déçu et même dégouté l’électorat de gauche jusqu’au point qu’aujourd’hui il ne vote plus (elle aussi a été mêlée à plusieurs affaires de corruption). En Lombardie le Mouvement Cinq Etoiles n’a jamais atteint des résultats significatifs.

Dans le Latium, avec Rome qui par le passé a été plutôt à gauche alors que le reste de la région a été toujours plutôt à droite, l’ex-gauche n’a pas manqué de décevoir avec aussi plusieurs affaires de corruption. Le Mouvement Cinq Etoiles, surtout à Rome, avait eu un grand succès mais depuis s’est effrité par une gestion de la commune de Rome qui a fait preuve de maintes incapacités flagrantes et aussi été mêlée à des affaires de corruption. Le candidat qui a gagné (choisi par M.me Meloni elle-même) est en plus un personnage soupçonné d’affaires louches et il a gagné même à Rome où l’ex-gauche n’a eu que 12% des ayants droit de vote et la candidate du Mouvement Cinq Etoiles 4%.

Le triomphe l’“anomie politique néolibérale » et de la post-politique au-delà de toute idéologie

Hélas on l’avait prévu au vu des résultats des élections de septembre 2022: elles ont attesté que l’Italie sombre dans l’“anomie politique néolibérale» et donc la hausse de l’abstentionnisme et la «post-politique au-delà de toute idéologie» mais pour le bénéfice des cercles dominantes et de leur clientèle (voir ici et aussi ici).

C’est consternant! L’Italie qui avait eu les plus forts syndicats et la plus forte gauche parmi les pays occidentaux dit développés sombre dans une conjoncture horrible. On constate l’hétérogénèse de la soi-disant pseudo-démocratie. Et il n’est pas à exclure que ceci puisse pousser vers un mouvement de sabotage généralisé des élections.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.