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Billet de blog 15 juin 2015

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Pourquoi Poutine, au fond, a raison - par Marcello Foa

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Il est évident que Poutine n'attend rien d'autre que de pouvoir conclure la crise avec l'Amérique et de pouvoir revenir à être considéré comme un partenaire.

blog.ilgiornale.it/foa 

par Marcello Foa

Dans les relations internationales il faut savoir saisir avant toute chose le cadre général ; seulement en ayant bien présente la vision stratégique des Pays impliqués il est possible analyser le détail soit les épisodes individuels. Concernant la Russie mes idées sont depuis longtemps plutôt claires. Je précise : je me suis rendu à Moscou régulièrement pendant 18 ans, depuis 1990 à 2008, en tant qu'envoyé spécial. J'ai suivi à la première personne les phases cruciales de ce Pays, depuis l'effondrement de l'Union Soviétique à la crise financière de la fin des années 90, depuis l'ascension de Poutine à la période de Medvedev, inclus les drames de Beslan et du théâtre Dubrovka.

Dans ces 18 années je n'ai jamais dû couvrir une seule crise internationale provoquée par le Kremlin. Dans ces 18 années j'ai assisté à la progressive, souvent passive réduction de Moscou dans le scénario stratégique auquel a correspondu, à partir de 2000, le développement d'une nouvelle Russie qui, en exploitant l'envolée  des prix du pétrole et des matières premières, désirait seulement une chose : continuer à s'enrichir.

C'était une Russie qui, en politique étrangère, demandait aux Américains seulement d'être respectée dans la cour de la maison, soit dans ce qui restait de ses propres zones d'influence, comme l'Ukraine et quelques Républiques asiatiques. Jamais impériale, mais militariste. Elle ne cherchait pas d'ennuis et je persiste à le penser aujourd'hui.

De la belle interview accordée au néo-directeur du Corriere della Sera Luciano Fontana et à Paolo Valentino, il est intéressant de relire surtout deux passages : 

Question du Corriere : En parlant de paix Monsieur le Président, les pays de l'ex Pacte de Varsovie qui sont aujourd'hui membres de l'Otan, comme les Etats Baltes et la Pologne, se sentent menacés par la Russie. L'Alliance a décidé de créer une force dissuasive d'intervention rapide pour répondre à ces préoccupations. L'Occident a-t-il raison de craindre à nouveau l' "ours russe" ? Et pourquoi la Russie assume-t-elle des tons si conflicuels ?

Réponse de Poutine : "La Russie ne parle d'un ton conflictuel avec personne et dans ces conditions, comme le disait Otto von Bismarck, "ce ne sont pas les discours qui comptent, mais le potentiel". Que disent les potentiels réels ? Les dépenses militaires des Etats Unis sont supérieures aux dépenses militaires de tous les Pays du monde pris ensemble. Celles complexives de l'Otan sont 10 fois supérieures à celles de la Fédération Russe. La Russie n'a pratiquement plus de bases militaires à l'étranger. Notre politique n'a pas un caractère global, offensif ou agressif. Publiez sur votre journal la carte du monde, indiquant toutes les bases militaires américaines et vous verrez la différence. Je vous fais des exemples. Parois on me fait remarquer que nos avions volent jusqu'au-dessus l'Océan Atlantique. La patrouille avec des avions stratégiques de zones lointaines le faisaient seulement l'URSS et les USA à l'époque de la "guerre froide". Mais la nouvelle Russie, au début des années 90, l'a aboli, tandis que nos amis américains ont continué à voler le long de nos frontières. Pour quelle raison ? Ainsi il y a quelques années nous avons repris ces survols : nous sommes-nous conduits de manière agressive ? Près des côtes de la Norvège il y a des sous-marins américains en service permanent. Le temps employé par un missile à atteindre Moscou depuis ces sous-marins est de 17 minutes. Et vous voulez dire que nous nous conduisons de manière agressive ? Vous avez mentionné l'élargissement de l'Otan à l'Est. Mais nous, nous ne nous déplaçons nulle part, c'est l'infra-structure de l'Otan qui se rapproche de nos frontières. Est-ce la démonstration de notre agressivité ?".

Question du Corriere : Niez-vous les menaces à l'Otan ? 

Réponse de Poutine : "Seulement une personne pas saine d'esprit ou en rêve peut imaginer que la Russie puisse un jour attaquer l'Otan. Soutenir une telle idée n'a pas de sens, elle est totalement infondée. Peut-être quelqu'un peut être intéressé à alimenter ces peurs. Je peux le supposer. Par exemple les américains ne veulent pas tellement le rapprochement entre la Russie et l'Europe. Je ne l'affirme pas, je le dis comme hypothèse. Supposons que les USA veuillent maintenir leur propre leadership dans la communauté atlantique. Ils ont besoin d'une menace extérieure, d'un ennemi pour la garantir. Et l'Iran clairement n'est pas une menace en mesure d'intimider assez. Avec qui mettre peur ? Soudainement arrive la crise ukrainienne. La Russie est contrainte de réagir. Peut-être tout a été fait exprès, je ne sais pas. Mais ce n'est pas nous qui le faisons. Je veux vous dire : il ne faut pas avoir peur de la Russie. Le monde a tellement changé, qu'aujourd'hui les personnes raisonnables ne peuvent pas imaginer un conflit militaire sur une échelle si vaste. Nous avons d'autres choses à faire, je peux vous l'assurer".

Ce sont les paroles d'un leader qui ne cherche pas d'ennuis. Il est évident que Poutine n'attend rien d'autre que de pouvoir conclure la crise avec l'Amérique et pouvoir revenir à être considéré comme un partenaire économique sur la scène globale. Il n'y a pas une nouvelle Russie impériale, reste une Russie qui demande seulement  d'être re-admise dans la communauté internationale et de pouvoir participer, de nouveau, au G8. Trouver un accord sur l'Ukraine n'est pas difficile, mais il faut le vouloir. Et c'est celui-ci le problème.

Il est significatif que sur l'édition d'hier du Corriere, même un atlantiste en acier comme l'ex président de la République Giorgio Napolitano de fait, il ait certifié la bonne foi de Moscou, révélant comment Poutine lui ait formulé sa pensée déjà en 2013, pensée que le même Napolitano transmit à Obama. Inutilement.

Qui raisonne avec honnêteté intellectuelle devrait se demander plutôt quels sont les objectifs géostratégiques que les USA sont en train subrepticement et à mon avis dangereusement de poursuivre. Et pourquoi Obama ait décidé de répondre à la main tendue par Poutine par une menace de nouvelles sanctions économiques et un escalade de missiles dans l'Europe de l'Est.

Ce n'est pas ainsi qu'on met le monde en sécurité.

source : 

http://blog.ilgiornale.it/foa/2015/06/08/perche-putin-ha-ragione/.

Longtemps journaliste au quotidien italien Il Giornale, puis directeur de sa version web, Marcello Foa dirige maintenant le groupe éditorial suisse Timedia et enseigne la communication et le journalisme. Il Cuore del Mondo est devenu un blog indépendant hébergé par ilgiornale.it.

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