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Billet de blog 22 mars 2024

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Sabotage de Nord Stream : la cellule d’investigation de Radio France sous influence ?

Le magazine « Secrets d’info », sur France inter, samedi 23 mars à 13 h 20, sera consacré au sabotage des gazoducs de Nord stream. La présentation de Philippe Reltien fait craindre le pire : l’alignement de la Cellule d’investigation de Radio France sur les agents d’influence des services spéciaux russes !

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Les « Secrets d’info » du 23 mars, sur France inter, seront consacrés au sabotage des gazoducs de Nord stream. Dans le texte de présentation qui en est fait, le message est clair  : le général Zaloujny, qui a été démis de ses fonctions de commandant en chef de l’armée ukrainienne et vient d’être nommé ambassadeur à Londres, serait le commanditaire du sabotage des gazoducs. L’opération aurait été réalisée par un commando de plongeurs de l’armée ukrainienne.

Ce serait donc l’Ukraine qui serait responsable des explosions au fond de la Baltique le 26 septembre 2022. Non pas l’Ukraine du président Zelensky – le sabotage aurait été réalisé à son insu – mais celles de ses militaires qui font échec au projet poutinien.   

Tout indique, au contraire, comme nous l’avons montré dans nos articles du 28 novembre et du 4 décembre, que le sabotage des gazoducs est, en réalité, une opération russe menée sous fausse-bannière ukrainienne. Le général Zaloujny n’a probablement rien à voir avec l’expédition des « plongeurs » à bord de l’Andromeda. Si des Ukrainiens y ont participé, d’une manière ou d’une autre, c’est en tant qu’agents des services spéciaux russes. Lesquels sont très présents dans l’administration du président Zelensky. Les accusations portées dans « Secrets d’info » contre le général Zaloujny s’inscrivent dans l’escalade d’un combat que lui livre depuis des mois cette administration sous la direction d’Andri Yermak.

Il est peu vraisemblable que les « plongeurs » de l'Andromeda aient posé les explosifs. L’important est qu'ils aient été vus durant leur périple dans la Baltique, qu’on ait pu observer qu'ils avaient des communications téléphoniques ou internet avec l’Ukraine et que des traces d’octogène (HMX, l’explosif puissant qui a été utilisé pour endommager les gazoducs) aient pu être trouvées par les enquêteurs sur le tableau de bord du voilier, quelques mois encore après son abandon.  

L'idée selon laquelle l'expédition de l'Andromeda n'aurait été qu'un leurre, indiquant une fausse piste, est évidemment combattue par les agents d’influence des services spéciaux russes. Tout doit être fait pour que l'on admette que le sabotage des gazoducs ait pu être réalisé par les plongeurs de l'Andromeda et par eux-seuls.

Curieusement, Philippe Reltien n'évoque à aucun moment la présence de navires de guerre russes, parmi lesquels le « SS-750 », porteur d’un mini sous-marin, le 22 septembre 2022, sur les lieux où se produiraient les explosions quatre jours plus tard.  Cette présence est pourtant documentée dans les enquêtes danoise et suédoise.

Dans son texte de présentation de l'émission, il ne dit rien non plus des éléments, pourtant connus de l’enquête allemande, qui indiqueraient que le réseau qui a organisé la « croisière » en mer Baltique aurait des liens avec la Russie. S’il est bien question d’une agence de voyage, Feeria Lwowa, basée à Varsovie, qui aurait loué l’Andromeda en Allemagne, c’est pour dire que son propriétaire serait « un Ukrainien, Rustem Abibulayev ». Il s'agirait d'un homme d’affaires résidant à Kiev, qui, « sortant de sa BMWx3 », aurait agressé la journaliste Morgane Fert-Malka de « Intelligence Online » venue lui poser des questions. Mais, aucun mot n’est dit, dans le texte de Philippe Reltien, sur les deux femmes qui, selon les documents officiels polonais, dirigeaient l'agence : Natalia Ashykhmina, directrice générale depuis l'automne 2021, et Diana Borseitova, qui détient 95 % des actions de l'entreprise. Cette dernière, selon le « Kbis » polonais, réside à Kertch, une ville de Crimée occupée par la Russie depuis 2014. Elle est, selon la copie de son passeport présentée aux autorités polonaises, citoyenne russe, originaire d'Ouzbékistan. Des médias allemands rapportent qu’elle a été membre, à plusieurs reprises d’une commission électorale en Crimée depuis l’annexion par la Russie, et qu’elle vit actuellement en Russie. Une photo d’elle de juin 2023, publiée sur les réseaux sociaux, la montre devant le stade de football de Krasnodar, en Russie.

Philippe Reltien ne dit rien qui ne soit connu des enquêteurs. Il fait le choix d'un plaidoyer à charge contre l'Ukraine. Et, pour lui, la "piste ukrainienne" s'arrête à Kiev. Elle ne saurait conduire à Moscou.

Par ailleurs, il ne prend aucune distance avec l'affirmation péremptoire de Morgane Fert-Malka selon laquelle "c'est le service de Kirilo Boudanov (le chef des services secrets ukrainiens) qui a procuré les faux passeports utilisés par l'équipage". Aucune distance non plus avec la lourde insinuation de Romain Gubert, "spécialiste du renseignement au Point", selon lequel "Valeri Zaloujny a été formé aux États-Unis. Il a énormément de contacts avec les Américains". Il en rajoute encore quand il écrit : "Les Britanniques eux aussi l’apprécient. Ils l’avaient repéré dès sa sortie de l’académie militaire. En juin 2014, Valeri Zaloujny, alors colonel et jeune major de sa promotion à l’université nationale de la défense ukrainienne, se voit remettre l’épée de la reine du Commonwealth par l’ambassadeur de Grande-Bretagne en Ukraine. Depuis, les relations se sont renforcées entre les forces spéciales des deux pays. Après l’invasion de la Crimée, Boris Johnson, alors Premier ministre, souhaite que les commandos ukrainiens soient formés par des Britanniques. Ils utilisent d’ailleurs les mêmes équipements que les nageurs de combat du SBS, le Special Boat Service britannique". 

Finalement, on l'aura compris, les Américains et les Britanniques seraient derrière l'homme qui aurait ordonné le sabotage de Nord stream. À trop vouloir prouver...

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