
Le New York Times vient de passer son site Web au payant. Jusqu'au 28 mars, l'expérience n'est menée qu'au Canada, le temps de régler les détails de l'offre. Ensuite, le reste des lecteurs passera au taximètre: 20 articles offerts chaque mois pour tout le monde, ensuite, il faudra être abonné. «Ce changement affectera surtout les gros consommateurs de contenu sur notre site Web et nos applications mobiles», explique Arthur O. Sulzberger, éditeur du quotidien.
En mettant en place ce modèle déjà utilisé par le Financial Times (210.000 abonnés Web, 400.000 abonnés papier), le quotidien espère maintenir l'affluence des lecteurs occasionnels, qui se passeraient trop facilement d'un site auquel ils ne sont pas particulièrement attaché en cas de «mur payant», tout en s'attachant les lecteurs fidèles, déjà convaincus de la valeur du journalisme du New York Times et qui reviendraient d'autant plus volontiers qu'ils payeront désormais pour cela.
Les abonnés papier n'auront rien à débourser de plus, mais devront transformer leur inscription sur le Web. Sur smartphones et tablettes, seuls les articles de «une» seront gratuits. Pour un accès Web et téléphone, il en coûtera 15 dollars (11 euros) pour quatre semaines; 20 dollars pour l'offre Web et tablette; 35 dollars pour l'ensemble Web, téléphone, tablette.
Etrangement, il n'y a aucun avantage à s'abonner à l'ensemble. On peut même considérer que le prix de 20 dollars pour l'accès à l'application iPad, alors que le site est consultable sur la tablette pour 15 dollars est une incitation à se contenter de la formule basse. De même, le nombre de 20 articles semble assez élevé, surtout lorsque l'on connaît une petite finesse: les lecteurs qui arriveront grâce à des recommandations extérieures (liens publiés sur des blogs ou partagés sur les réseaux sociaux) ne seront pas bloqués, «même s'ils ont atteint leur limite mensuelle».
Ceci, pour profiter pleinement du trafic des réseaux sociaux (1,2 million de fans sur Facebook, 3 millions de followers sur Twitter) qui concurrencent désormais largement Google comme pourvoyeur de trafic. Et pour conserver une part aussi importante que possible des 30 millions de lecteurs mensuels du site.
En septembre 2005, le New York Times avait déjà tenté une incursion dans le payant, avec Times Select: pour 8 dollars par an, l'internaute avait accès aux articles des chroniqueurs du quotidien. Deux ans plus tard, la direction du journal avait décidé de renoncer à ses 227.000 abonnés en ligne et aux 10 millions de dollars annuels qu'ils apportaient, estimant que cela ne compensait pas la baisse de fréquentation et la perte de chiffre d'affaires publicitaire qui en découlait.
Le contexte économique a changé depuis lors, et si le marché de la publicité en ligne se développe, les rentrées publicitaires ne suivent pas: en 2010, les journaux du New York Times Media Group ont vu leur chiffre décliner de 2,1% (780 millions de dollars), assez pour chercher d'autres sources de financement, trop pour s'en passer.
«Le défi aujourd'hui est de mettre un prix sur notre travail sans nous isoler du monde, de s'assurer que l'on continue de compter pour le public le plus vaste possible, insiste le propriétaire du journal. Cela nous permettra de développer une nouvelle source de revenu pour soutenir notre mission journalistique et notre capacité d'innovation numérique, tout en conservant une audience large et croissante pour soutenir notre offre publicitaire.»
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