Mariette, ma mère, née en décembre 1930, était âgée de près de 9 ans quand la guerre a éclaté en septembre 1939. Sa famille vivait dans le nord de la France depuis plusieurs générations. Ses parents et leurs ancêtres avaient connu les guerres de 1870-71 puis de 1914-18 avec la terrible occupation allemande du nord de la France et toutes ses calamités. Ils savaient donc à quoi s'attendre de la part des guerriers allemands, comme on le constate en lisant le journal que Ferdinand, le père de Mariette, a tenu durant toute sa vie.
Mariette, ses trois frères et ses trois soeurs passèrent la guerre 1939-45 avec leurs parents, Ferdinand (1896-1987) et Ghislaine (1902-98), dans leur propriété de campagne en Picardie. Outre leur grande maison résidentielle, il y avait une petite ferme avec atelier, porcherie, étable, poulailler, clapiers, granges et autres hangars, le tout sur une quinzaine d'hectares de parc, bois, vergers, potagers et pâturages. Pour autant, Ferdinand n'avait pas abandonné le négoce de tissus qu'il tenait à Roubaix. Ferdinand et Ghislaine, son épouse, avaient accueilli dans leur propriété de campagne un couple de polonais émigrés qui faisaient fructifier la terre, et s'occupaient des animaux (bovins, ovins, caprins, chevaux, volailles, lapins, chiens et chats). Moins à plaindre que la majeure partie des français, cette petite famille a parfois connu l'angoisse de ne pas avoir d'abri et de repas quand les allemands, au moment de leur retraite vers l'Allemagne, vinrent les expulser de leur maison et leur voler non seulement le repas qu'ils s'apprêtaient à manger mais aussi toutes leurs victuailles. Leur maison fut aussi mitraillée quand elle se trouva, pour un court moment, au milieu d'une zone de combats entre les anglais et les allemands. Ils durent aussi, parfois, se réfugier dans leur cave quand les alliés bombardaient Abbeville, dont ils étaient proches. Le pillage de leur maison ne leur fut pas non plus épargné, à plusieurs reprises.
Fort heureusement, tous ont survécu à la guerre. Furent-ils, pour autant, moins courageux que d'autres? Notre mère Mariette nous racontait qu'alors adolescente, elle avait dit à ses parents qu'il était injuste d'obliger des gens, fussent-ils juifs, à porter l'étoile jaune. Ses parents lui avaient reproché cette pensée et lui avaient demandé de bien vouloir ne plus se mêler de ce qui ne les regardait pas.
Après la guerre, Ferdinand et Ghislaine commencèrent à songer à marier leur fille aînée Ghislaine, qui était née en 1926. La tradition voulait que les aînées se marient avant les cadettes, dont Mariette faisait partie. Pour éviter toute concurrence avec sa soeur aînée, Mariette fut envoyée en Angleterre. Elle n'en revint qu'une fois les fiançailles de sa soeur aînée Ghislaine, avec Jean-Pierre, prononcées. Bien des années plus tard, lors de l'anniversaire des 80 ans de Mariette (en 2010), Jean-Pierre avoua, dans un discours de circonstance, que le soir de sa nuit de noces, en 1949, il fut un peu déçu de voir Ghislaine, plutôt que Mariette, lui échoir dans le lit conjugal. Tous les frères et toutes les soeurs de Mariette, ainsi que leurs conjoints, étaient présents et ont pu entendre ce discours mémorable de Jean-Pierre.
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Mariette eut, toute sa vie, des amants, toujours dans la joie, sauf rares exceptions, dont l'une est racontée ici:
https://blogs.mediapart.fr/wawa/blog/060221/mariette-demenage
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Un parallèle entre Mariette et moi, son fils unique, est esquissé ici:
https://blogs.mediapart.fr/wawa/blog/301021/propos-denfants-non-desires ...
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