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Chien qui aboie ne mord pas (et la caravane passe).

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Billet de blog 30 octobre 2021

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Chien qui aboie ne mord pas (et la caravane passe).

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A propos d'enfants non-désirés.

Pendant des siècles, nos ancêtres furent des chrétiens catholiques. D'après les quelques lettres ou autres journaux intimes qu'ils ont parfois laissés derrière eux, il me semble que cette citation d'Emmanuel Kant s'appliquait probablement à une bonne partie de ces catholiques-là: "La religion sans la conscience morale n'est qu'un culte superstitieux."

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Né au tout début des années 1960, je me souviens assez bien de mes grands-parents maternels, Ferdinand (1896-1987) et Ghislaine (1902-98). Pendant toute une partie de mon enfance, je passais, avec ma mère et mes trois sœurs, un mois de chaque été, dans leur grande propriété de Bellancourt, en Picardie. Je me souviens d'autant mieux de Ferdinand et de Ghislaine, que durant le dernier semestre de ma seizième année de vie, je passais la majeure partie de mes week-ends et congés scolaires chez eux, à Roubaix, le temps de finir mon année scolaire comme pensionnaire à Estaimpuis, en Belgique. Ferdinand et de Ghislaine m'hébergèrent ainsi pendant quand ma mère était partie, fin 1976, avec deux de mes trois sœurs, vivre en Bretagne chez son amant Max, notre futur parâtre.

Quand Ferdinand et Ghislaine m'emmenaient avec eux dans leur maison de campagne de Picardie, ils ne démarraient jamais leur Citroën CX avant d'avoir récité leur prière à Saint-Christophe. Un médaillon à l'effigie de ce Saint-Patron-des-Voyageurs avait été fixé sur le tableau de bord de la Citroën. Ils récitaient leur prière plusieurs fois, par cœur, la main sur leur médaillon. Ensuite seulement, ils démarraient le moteur et la voiture pouvait alors quitter leur maison de la rue des lignes à Roubaix. Nous refermions ensuite le portail derrière nous et nous roulions plusieurs heures avant d'arriver dans leur grande maison de Bellancourt.

J'aimais bien mes grands-parents. Comment aurais-pu imaginer que ma mère Mariette les avaient connus sous un autre angle, moins sympathique? Avec un peu d'imagination et en faisant appel à d'autres souvenirs, j'aurais pu un peu mieux comprendre qu'ils n'avaient pas toujours été aussi aimables.

Ma mère, bien qu'éduquée dans ce milieu, n'était pas, comme ses parents, une catholique pratiquante. Je ne l'ai jamais vue, ni mon père, aller à l'église, de leur propre chef. Nous n'y allions qu'avec nos grands-parents, et toujours à contre-cœur. Dans notre enfance, quand nous étions en vacances chez eux, ils nous obligeaient à aller à la messe du dimanche matin. Nous attendions patiemment que la messe se termine, à écouter des sermons sans aucun intérêt pour nous, en pensant par exemple au repas de midi, qui était meilleur le dimanche que les autres jours, ne serait-ce que parce que nous avions parfois le droit d'y boire un petit verre du cidre que notre grand-père fabriquait lui-même avec les pommes de son verger.

Ferdinand et Ghislaine firent huit enfants, dont sept vécurent. Les cinq premiers naquirent à un an de distance les uns des autres: en 1926 naquit la fille aînée Ghislaine, puis en 1927 le fils aîné Ferdinand, puis en 1928 Alexis, puis en 1929 Édith, puis en 1930 Mariette. Leurs trois derniers enfant naquirent plus tard: Benoît en 1935 (mort à quelques jours de vie), puis Agnès en 1938 et enfin Paul en 1942.

En 1930, ce fut une souffrance pour ma grand-mère Ghislaine de se savoir enceinte de ma mère Mariette. Ghislaine en avait plus qu'assez de ces cinq grossesse consécutives en cinq ans, à tel point que cette cinquième grossesse lui déclencha un méchant zona. Cette maladie cause d'étranges brûlures, fort douloureuses, dans des zones bien délimités du corps. Ghislaine disait et répétait sans cesse qu'un diable devait être dans son ventre pour la brûler de la sorte.

Toute son enfance et toute son adolescence, Mariette fut en butte à l'hostilité de sa mère, qui la battait parfois nous a souvent répété notre mère. Son père Ferdinand prenait volontiers la défense de Mariette, mais ce n'était apparemment pas toujours lui qui avait le dernier mot et Ferdinand n'a pas été capable d'empêcher toutes les séances de coups de martinet que Mariette nous disait avoir endurées. Il semble donc compréhensible que Mariette ait voulu partir de chez elle le plus tôt possible. Mais Mariette ne serait pas partie de chez elle, à l'aventure, sans sécurité matérielle, et ses parents Ghislaine et Ferdinand ne l'auraient sans doute pas non plus autorisée à partir dans n'importe quelles conditions.

Mariette se maria avec José en 1954, âgée de 23 ans. Notre père, José, né en 1932, se révélera être parfaitement incapable de subvenir aux besoins de qui que ce soit. Mais il était bel homme et il pouvait passer pour capable à l'époque de son mariage car son père l'employait dans son usine à ne rien faire, mais en lui versant un beau salaire tout en lui disant de ne surtout rien faire. De nos jours on appellerait cela un emploi fictif. Quand l'usine dut fermer dans le milieu des années 1960, il fallut commencer à gagner sa vie pour de vrai et l'on commença à déchanter.

Mes parents, José et Mariette, se sont mariés vierges. Leur mariage se terminera 15 ans plus tard. Leur divorce fut un divorce pour faute, Mariette ayant été surprise en flagrant-délit d'adultère dûment constaté par huissier de justice, à la fin des années 1960. Plus tard notre mère nous confia qu'elle a compris son erreur dès le premier jour de son voyage de noces, juste après avoir découvert la réalité concrète des rapports sexuels avec notre père.

Moi-même, quand j'ai quitté le domicile de ma mère et de mon parâtre à l'âge de 18 ans, avais-je des motifs parfaitement avouables? Je savais bien, au fond de moi-même, que j'estimais et que j'admirais ma jeune épouse de 18 ans plus que je ne l'aimais. Si ma mère a été faible dans son désir de quitter la maison de ses parents pour un homme qu'elle n'aimait pas pour lui-même, je l'ai été, je crois, au moins autant qu'elle, même si nos motivations ne sont pas parfaitement superposables.

Le point commun que je vois dans nos histoires c'est surtout d'avoir donné naissance à des enfants que nous ne désirions pas. Comment aurait-il été possible pour Mariette, notre mère, de s'attacher profondément à ses quatre enfants tout en méprisant de plus en plus profondément José, notre père, tandis que ce dernier se détachait progressivement, puis totalement, de nous? Comment aurait-il été possible pour moi de m'attacher profondément à mon fils unique Jean-Baptiste, autiste, tout en aimant de moins en moins sa mère Marie-Noëlle qui a fini par me haïr, et que faillis haïr aussi avant de la perdre entièrement de vue? Sans doute, de telles amours sont-elles possibles, mais je crains qu'elles ressemblent un peu à celles dont parlait ce poète latin du premier siècle avant J.-C.: "Je déteste et j'aime à la fois. Comment est-ce possible? Demanderas-tu peut-être? Je l'ignore, mais je sais que cela est et que j'en suis crucifié." (Catulle)

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Quelques épisodes de la vie des enfants de Mariette et de José, ou de la vie à Bellancourt, sont racontés ici:

https://blogs.mediapart.fr/wawa/blog/221021/premier-amour

ici: 

https://blogs.mediapart.fr/wawa/blog/060221/mariette-demenage

ici:

https://blogs.mediapart.fr/wawa/blog/300121/aux-origines-dun-inceste

et ici:

https://blogs.mediapart.fr/wawa/blog/040221/linceste-de-max-ne-en-1924-contre-patricia-nee-en-1963

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