Deux modèles qui se sont institutionnalisés au 20e siècle
L'institutionnalisation des soins d'affirmation de genre s'est faite entre 1919 et 1933. Celle de l'obscurantisme transphobe de 1933 à 1945. La première suite au développement des soins dans les années 1910. La seconde en réaction à l'institutionnalisation des soins.
Le sexologue allemand Magnus Hirschfeld a permis aux personnes trans qui venaient dans la première clinique de soins affirmatifs de genre de l'histoire de réaliser si besoin leurs transitions médicales (suivi, hormonothérapie, chirurgie réparatrice...), voire leurs transitions par voie administrative. Tout en renforçant leurs transitions sociales. C'était à Berlin sous la République de Weimar, dans l'Institut de Sexologie de Berlin, qui était mondialement connu et reconnu.
Tandis que les nazis ont saccagé le lieu le 6 mai 1933, volant toutes les recherches (études ou enquêtes), dossiers de patientes et patients, photographies, archives, livres médicaux, de droit ou historiques. De 1933 à 1945, une politique d'effacement des personnels LGBTQIA+ a été appliquée : le Totgeschlagen Totgeschwiegen. On pourrait même parler de ses prémices dès fin 1932.
Un système de soins approuvé scientifiquement contre un modèle pseudoscientifique
Hirschfeld était un scientifique reconnu par ses pairs et connu à travers le monde à l'apogée de sa carrière. Il est le premier à avoir mené une enquête scientifique sur ce qu'il appelait les transvestis et les personnes trans en 1910. Dans les années 1920, devant le risque réel de suicide en cas de non-intervention médicale chez certaines personnes trans, il a accepté de travailler sur la chirurgie réparatrice. Mais une partie de ses recherches ont été retravaillées en question après guerre.
C'est le 10 mai 1933 que des étudiants nazis ont brûlé une partie des recherches menées des années 1920 à 1930. Utilisant le biologisme comme idéologie, le darwinisme social comme pseudoscience et des théories du complot, ils ont justifié l'internement, la psychiatrisation et les prémices des thérapies de conversion et détransitions forcées.
Alors que le modèle d'Hirschfeld semblerait avoir été repris et retravaillé dans les années 1950 et 1960 aux États-Unis (période où on parlait de travestis ou de transsexuels pour parler des personnes trans), des forces réactionnaires ont de nouveau rejeté ces avancées dans les années 1970-1980. Fermant des cliniques et interdisant les soins pour les adolescents comme les adultes.
Combattre l'obscurantisme transphobe
Père du premier mouvement homosexuel, Hirschfeld a milité contre des lois allemandes qui s'en prenaient aux personnes LGBTQIA+ et notamment les personnes trans. Pétitions, films de sensibilisation ont été créés. Mais cela n'a pas fonctionné. Et les nazis ont institutionnalisé le schéma obscurantiste transphobe par la suite, pour contrer ce nouveau système de soins.
À partir des années 1960, dans la lignée du mouvement des droits civiques, des personnes LGBTQIA+ se sont élevées contre la répression étatique aux États-Unis par exemple avec Stonewall.
Cependant, les années 1970 ont vu le retour de l'obscurantisme transphobe. Et, même si la médecine a de nouveau évolué depuis les années 1990 (on parle par exemple de personnes transgenres), ce schéma refait surface depuis quelques années. Des forces réactionnaires vont jusqu'à falsifier l'histoire oubliée des mouvements LGBTQIA+.
La soi-disant "protection des enfants" qu'elles prônent est en réalité une excuse pour s'en prendre aux personnes trans (enfants, adolescents comme adultes), à coups de mensonges, théories du complot et propos pseudoscientifiques.
Et comme le démontrent les historiens Laurie Marhoefer et Jake Newsome, elles se basent, sans forcément le savoir sur le playbook nazi.
Ainsi, le système des premiers soins d'affirmation de genre, et le modèle réactionnaire ont été institutionnalisé l'un à la suite de l'autre entre les années 1920 et 1940 en Allemagne.
Ce sont une vision scientifique pionnière mais balbutiante et une vision rejettant la science qui s'opposent. Et le schéma s'est répété dans les années 1970 et se répète de nouveau aujourd'hui.
La remise en question d'une partie des travaux d'Hirschfeld mais aussi d'autres qui on suivi par des scientifiques après la guerre, a permis d'améliorer la recherche.