Au cours des deux dernières années qui ont suivi la réélection d’Emmanuel Macron à l’Élysée en 2022, même si les circonstances politiques ont bien changé par rapport à son premier quinquennat, la matrice macroniste de l’exercice du pouvoir exécutif sera restée totalement intangible : tel un autocrate sur son trône, nous avons eu un chef d’État croyant toujours tout savoir, décidant seul de tout sans aucune concertation, y compris de dissoudre l’Assemblée nationale, ne laissant aucune marge d’initiative critique à ses ministres et députés, eux-mêmes relégués au seul simple rang d’exécutants et de perroquets de la parole présidentielle ; et plus encore, un chef d’État qui, uniquement guidé par la seule obsession exclusive de servir les intérêts de ses maîtres du grand capital du CAC 40, en mettant toute la société française en mode marche forcée sur le chemin du néolibéralisme, n’a jamais hésité à recourir à des méthodes anti-démocratiques dignes d’un régime autoritaire, pour intimider et réprimer la contestation sociale de la rue et toutes les oppositions politiques qui pouvaient le déranger, ou plutôt qui ont pu inquiéter la classe dominante à laquelle il a de nouveau prêté allégeance en 2022.
Au cours de ce septennat macroniste, l’enrichissement des plus riches en faisant les poches de la collectivité et surtout des plus fragiles n’aura pas été l’unique obsession de l‘hôte de l‘Élysée, il faut en ajouter une autre, paradoxalement beaucoup moins scrutée par les journalistes mais pourtant omniprésente chez Emmanuel Macron, celle de renforcer la reproduction sociale. La reproduction sociale est une notion sociologique qui désigne la tendance du système social à reproduire d’une génération à l’autre les hiérarchies sociales et les inégalités qui en découlent, les enfants occupant alors des positions sociales similaires à celles de leurs parents. Cette reproduction sociale, qui avait eu tendance à perdre du terrain dans la société française jusqu’à la fin des années 1980, se stabilise depuis, ce qui témoigne d’un ascenseur social tombé en panne [1], de sorte, qu’aujourd’hui, la part des enfants des classes populaires accédant aux positions sociales élevées reste encore très faible : seulement 5,3 % des filles et 9,4 % des fils de père ouvrier deviennent cadres et professions intellectuelles supérieures [2]. Cela fait donc partie du contrat tacite qu’Emmanuel Macron a passé avec ses maîtres de la classe dominante : le président des ultra-riches doit non seulement œuvrer pour faire fructifier le patrimoine des plus riches, mais aussi veiller au grain que leurs enfants aient les meilleures garanties possibles d’occuper prioritairement les positions sociales dominantes occupées par leurs parents. C’est là tout le sens non avoué de la politique fiscale et des grandes réformes de l’éducation nationale qui ont été menées de front depuis 2017, comme nous allons maintenant nous évertuer à le montrer.
Commençons par la politique fiscale. Dès le début de son premier quinquennat, le président Macron avait déjà fait très fort en matière de cadeaux fiscaux pour les plus riches, en particulier avec les deux mesures phares de la suppression de l’impôt sur la grande fortune mobilière - l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) succédant à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) - et le remplacement de la progressivité de la fiscalité sur les revenus du capital par la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %. En fait, il n’avait échappé à personne à l’époque que, sous couvert de la pseudo-théorie du ruissellement, il s‘agissait déjà de jouer à Robin des bois à l’envers pour enrichir les ultra-riches (sachant que le 1 % des foyers fiscaux les plus riches concentre 96 % de l’ensemble des dividendes distribués aux ménages !), puisque, dans le même temps, le gouvernement décidait à l’été 2017 de réduire les aides personnalisées au logement (APL), et que, dès 2019, la guerre contre les chômeurs était ouvertement déclarée avec la première réforme régressive de l’assurance chômage !
La politique fiscale en faveur des ultra-nantis est toujours d’actualité depuis la réélection d’Emmanuel Macron, mais elle prend des allures différentes de celle des cadeaux fiscaux directs lors du premier quinquennat. Les Français ont pu s’en rendre compte durant la crise inflationniste de ces deux dernières années avec l‘entêtement d’un pouvoir ne voulant surtout pas taxer les superprofits, pourtant responsables d’une grande partie de l’accélération de l’inflation, les entreprises ayant répercuté plus que proportionnellement sur leurs prix la hausse de leurs coûts de production pour améliorer leurs marges bénéficiaires [3]. Des superprofits qui se sont transformés essentiellement, par la magie diabolique du capitalisme financier, en grasse rémunération des actionnaires au détriment des travailleurs et des investissements productifs. Ainsi, tandis que le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes a été rogné par l’inflation, le salaire mensuel de base réel (c’est-à-dire corrigé de l’inflation) ayant baissé de 2,5 % au cours des années 2022-2023 [4], la rémunération du capital sous forme de dividendes et rachats d’actions pour les actionnaires des entreprises du CAC 40 a, quant à elle, encore battu de nouveaux records en s’élevant à 80,2 milliards d’euros en 2022 et 96,1 milliards d’euros en 2023. Décidément, les ultra-riches ne remercieront jamais assez Emmanuel Macron pour la mise en place de sa Flat Tax à 30 %, particulièrement enrichissante pour les gros détenteurs de richesse mobilière, par rapport à la fiscalité sur les revenus du capital d’avant 2017 ! Par ailleurs, c’est toujours avec le même entêtement idéologique que le gouvernement - disons plutôt Emmanuel Macron - se refuse de mettre à contribution les plus riches pour financer les besoins, pourtant énormes, liés à l’adaptation et la bifurcation écologiques, en tournant le dos à toutes les propositions des économistes en la matière, y compris celle émanant de Jean Pisani-Ferry - pourtant l’ancienne tête pensante du programme d'Emmanuel Macron de 2017 - qui, de façon pragmatique, propose dans un rapport de France Stratégie de taxer le patrimoine financier des riches sur la base d‘un prélèvement exceptionnel de 5 % [5].
Et c’est toujours la même obsession de ne surtout pas taxer les plus riches, tout en agitant le chiffon rouge de la dette publique, qui conduit le gouvernement à poursuivre sans relâche une politique de pillage des services publics (fermetures de lits d’hôpitaux, suppressions de postes d’enseignants, etc.) et de la protection sociale (réformes régressives successives des retraites et du chômage, etc.), pour réduire les dépenses publiques et donc le déficit public. Ainsi, c’est bien une véritable cure d’austérité budgétaire qui attend les Français, à laquelle s’est engagé le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, en fixant l’objectif de ramener le déficit public de 5,5 % du PIB en 2023 à 3 % d’ici à 2027, afin de respecter les règles budgétaires absurdes et dangereuses du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) de l’Europe néolibérale [6]. Une saignée austéritaire qui commence dès cette année avec la programmation de 20 milliards d’économies [7], et qui a l’indécence suprême de se traduire aussi par l’annonce d’Emmanuel Macron au dernier Festival du livre de Paris, en avril dernier, d'une future taxe de 3% sur les livres d'occasion. Compte tenu du profil sociologique de l’acheteur du livre d’occasion, il fallait quand même oser de la part du chef de l’État dans le registre de l’injustice fiscale et sociale. On marche bien depuis la réélection de Macron sur le même chemin du premier quinquennat en faisant, autant que faire se peut, les poches aux pauvres pour enrichir les nantis [8] !
Abordons maintenant les grandes réformes de l’éducation nationale depuis 2017, toutes délibérément au service de la reproduction sociale. De la réforme Blanquer du baccalauréat général et technologique et de la création de Parcoursup en 2018, jusqu’au "choc des savoirs" proposé en 2023 par Gabriel Attal, en passant par les réformes des lycées professionnels et le développement massif de l‘apprentissage tout au long des sept dernières années, induit par la réforme de l‘apprentissage de 2018, nous assistons là en effet à un véritable défilé de changements institutionnels ne pouvant qu’affaiblir la fluidité sociale, pour reprendre le vocabulaire consacré des sociologues. Autrement dit, ces changements ne peuvent qu’accentuer le poids de l’hérédité sociale dans les destinées sociales des individus, alors que ce dernier demeure encore fort élevé aujourd’hui dans la société française, comme en font état les indicateurs statistiques appelés rapports de chances relatives d’accès aux différentes positions sociales selon l‘origine sociale des individus (les odds ratios en anglais), calculés à partir des tables de mobilité sociale établies par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ainsi, en 2015, les chances d’être cadres plutôt qu’employés et ouvriers non qualifiés sont 35 fois plus élevées pour les fils dont les pères sont cadres que pour les fils dont les pères sont employés et ouvriers non qualifiés. Quant aux filles, leurs chances d’être cadres plutôt qu’employées et ouvrières non qualifiées sont 40 fois plus élevées pour les filles dont les pères sont cadres que pour les filles dont les pères sont employés et ouvriers non qualifiés [9].
La réforme Blanquer du lycée général et technologique a donc ouvert le bal des grandes réformes de l’éducation nationale de la Macronie. De façon évidente, sa conception a été envisagée pour servir avant tout les intérêts de la classe dominante, et ce, pour au moins deux raisons. D’une part, en obligeant les élèves et les familles à faire des choix d’orientation plus précoces, et ce dès la fin de la seconde, parmi un ensemble de spécialités proposées au nombre exagérément multiplié, cette réforme ne peut qu’accentuer le déterminisme social dans la réussite scolaire. Car, plus on demande précocement aux élèves et familles de se prononcer sur des choix d’orientation par rapport à un projet personnel professionnel et d‘études, plus ces choix sont influencés par le milieu social, ce qui bien évidemment avantage les enfants des familles des classes sociales favorisées, mieux dotées en capital culturel au sens du sociologue Pierre Bourdieu [10]. D’autre part, la nouvelle épreuve du Grand oral introduite par la réforme Blanquer représente, comme le montre le sociologue Pierre Merle [11], l’archétype même de l’épreuve socialement discriminante, ne serait-ce que par sa prétention d’évaluer l’éloquence des candidats, qui ne fait pourtant l’objet d’aucune préparation spécifique au lycée et pour laquelle les élèves issus des milieux favorisés ont un avantage déterminant par rapport à ceux des familles modestes.
Puis, dans la foulée de la réforme du lycée général et technologique, le nouveau système Parcoursup d’orientation des lycéens pour entrer dans l'enseignement supérieur a été mis en place en 2018. Un système lui aussi discriminant socialement par excellence, notamment en permettant aux universités de faire de la sélection à l’entrée et donc du tri social silencieux des bacheliers, en toute violation du principe de non-sélection à l'université, inscrit dans l’article L612-3 du Code de l'Éducation. De sorte que ce système ne peut que contribuer à consolider une "démocratisation ségrégative" dans l’enseignement supérieur [12], en entretenant la surreprésentation des enfants issus des milieux favorisés dans les filières les plus prestigieuses de l’enseignement supérieur (grandes écoles, master et doctorat à l’université), celles qui permettent d’accéder aux positions sociales les plus élevées [13]. C’est d’ailleurs ce que met en évidence l’Insee, en 2021, dans son premier bilan de Parcoursup [14]. Enfin, il apparaît tout aussi clairement que, depuis 2017, le renforcement de la professionnalisation de l’enseignement supérieur, avec le développement sans précédent des effectifs d’apprentis dans le supérieur (quasi-quadruplement en l’espace de six ans, passant de 166 304 fin 2017 à 641 401 fin 2023 !), ainsi que, parallèlement, l’aggravation de la précarité étudiante faute d’une volonté politique de la réduire [15] et l’augmentation toujours très insuffisante des moyens alloués à l’université face à la hausse du nombre d‘étudiants [16], donnent des forces nouvelles à cette démocratisation ségrégative dans l’enseignement supérieur, et donc par là même à la reproduction sociale.
Quant aux réformes successives de la voie professionnelle au lycée, depuis celle de 2018 jusqu’à la dernière en date de 2023, elles sont toutes animées par le même objectif, celui de faire du lycée professionnel prioritairement une fabrique à chaire à exploitation pour les entreprises, en particulier en s’attaquant frontalement aux ambitions éducatives de la formation professionnelle par la réduction du nombre d’heures de cours dans les enseignements fondamentaux, dont la vocation première est pourtant de permettre aux lycéens d’apprendre à penser et devenir de futurs citoyens critiques et éclairés sur leur environnement social, économique et politique. Or, ce sont encore les enfants des milieux populaires qui font les frais de cette nouvelle dévalorisation de l’enseignement professionnel au lycée, car ce sont eux qui y sont orientés principalement, le plus souvent non par réelle vocation mais en raison de leurs difficultés scolaires. Ainsi, ces élèves issus des classes sociales défavorisées apparaissent nettement surreprésentés en Bac pro sachant, qu’en 2023, 93,4% des lycées professionnels ont un indice de position sociale (IPS) inférieur à la moyenne nationale [17].
Enfin, l’infâme volonté de mettre l’école publique au service de la reproduction sociale est poussée à son zénith avec le "choc des savoirs" proposé par l’ex-ministre de l’Éducation nationale et actuel Premier ministre Gabriel Attal, dans son discours à la Bibliothèque nationale de France en octobre dernier. N’en déplaise à son promoteur, cette nouvelle réforme constitue une véritable remise en cause du collège unique, avec la mise en place de groupes de niveaux en mathématiques et en français en sixième et cinquième à partir de la rentrée 2024, et généralisés en quatrième et troisième à partir de septembre 2025. L’objectif non avoué est clair : il s’agit de faire du tri social dès l’entrée au collège, en mettant ensemble, d’un côté les enfants en difficultés, donc principalement les enfants issus des milieux défavorisés, de l’autre, les bons élèves, donc majoritairement appartenant aux familles des classes aisées. Ceci en faisant fi des recherches en sciences de l’éducation mettant pourtant clairement en évidence que lorsqu’on regroupe des élèves d’un même niveau au sein de classes ou d’établissements, les inégalités scolaires s’aggravent par rapport à la configuration où on mélange ces deux catégories d’élèves. Et pour parachever l’œuvre de démolition du collège unique, il est également prévu que le brevet deviendra obligatoire pour passer directement en seconde, les élèves n’ayant pas leur brevet devront alors être scolarisés en "prépa-lycée" pendant un an, alors que l’on sait que l’obtention du brevet des collèges est fortement corrélée au milieu social d’origine : en juin 2022, le taux de réussite au brevet des enfants de cadres est de 97,5 % contre 82,5 % pour les enfants d'ouvriers!
Il n’y a point de plus cruel ennemi de la démocratie qu’un pouvoir politique illibéral, comme celui exercé par Emmanuel Macron, qui, en dévastant la cohésion sociale, démolissant l’école de la République et n’étant habité que par la passion pathologique d’enrichir la minorité possédante, nourrit chaque jour les forces de l’extrême droite et de la droite extrême, et ce, sous couvert de l’intérêt général, à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice, pour paraphraser un certain Montesquieu [18]. Face à la catastrophe sociale et démocratique que constituerait l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national – ex-Front national, parti raciste, antisémite, négationniste et fasciste, ne l'oublions jamais ! –, une nouvelle page de l’histoire doit et peut s’ouvrir les 30 juin et 7 juillet prochains, avec la victoire du Nouveau Front populaire sur la base de la mise en œuvre de son programme progressiste de rupture avec le néolibéralisme et le néofascisme rampant [19].
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[1] Yves Besançon, "La mobilité sociale est tombée en panne", Alternatives Économiques, n°366, mars 2017.
[2] Xavier Molénat, "Mobilité sociale : une France figée ?" dans L‘État de l‘économie 2018, Alternatives Économiques, hors-série n° 114, 02-2018.
[3] Selon les calculs de l’économiste Éric Dor, entre les deuxièmes trimestres de 2022 et 2023, les prix de sortie d’usine de l’industrie agroalimentaire ont progressé de 12,2 %, 6,7 points de pourcentage étant imputables à la hausse des marges bénéficiaires. Quant à l’industrie dans son ensemble, la hausse des prix de 5,7 %, constatée sur la même période, est expliquée quasi-totalement par l’augmentation des profits unitaires dont la contribution s’élève à 5,3 points de pourcentage !
[4] Note de conjoncture de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), mars 2024. Lire, en se reportant au graphique figure 2 sur les salaires, Ici.
Notons que les fonctionnaires ont été affectés encore plus fortement par la crise inflationniste que les travailleurs du secteur privé, avec une baisse du pouvoir d'achat de leur point d'indice de 5,6 % sur la période 2022-2023, en prenant l'indice des prix à la consommation de l'Insee.
Au cours du septennat Macron, entre les deuxièmes trimestres 2017 et 2024, en prenant comme déflateur l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) d'Eurostat, le pouvoir d'achat du salaire mensuel de base a baissé de 3,2 % et celui du point d'indice des fonctionnaires de 13,8 %.
[5] Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, Les incidences économiques de l’action pour le climat, rapport de France Stratégie, mai 2023. Lire Ici.
[6] Le pacte de stabilité et de croissance, prévu par le traité de Maastricht et adopté au Conseil européen d'Amsterdam le 17 juin 1997, prévoit notamment que les États-membres de l’Union européenne s’engagent à limiter leur déficit public et leur dette publique à respectivement 3 % et 60 % du PIB sous peine de l’enclenchement d’une procédure pour déficit excessif. Mis entre parenthèses de 2020 à fin 2023 en raison de la crise sanitaire du Covid-19, il a été réactivé à partir du 1er janvier 2024 à la suite d’une série de rudes négociations en décembre 2023 par les différents ministres des Finances des États-membres. Sa nouvelle réforme que le Parlement européen vient d’adopter le 23 avril dernier maintient ces deux règles budgétaires coercitives qui, rappelons-le, n’ont strictement aucune légitimité scientifique.
[7] Mathias Thépot "Austérité : le gouvernement en veut toujours plus", Mediapart, avril 2024. Lire Ici.
[8] Yves Besançon, "Le quinquennat de la violence de l’injustice sociale", Mediapart, mars 2022. Lire Ici.
[9] Marc Collet et Émilie Pénicaud, "La mobilité sociale des femmes et des hommes : évolutions entre 1977 et 2015", France, portrait social, édition 2019, Insee. Lire Ici.
[10] Le capital culturel d’un individu au sens de Pierre Bourdieu comprend trois composantes : une forme objective (les biens culturels possédés), une forme institutionnalisée (ensemble des titres et diplômes) et une forme incorporée ou intériorisée, appelée aussi l’habitus (l’ensemble des manières de se comporter, de parler et de penser).
[11] Pierre Merle, "Le "grand oral": l’archétype de l’épreuve socialement discriminante", Mediapart, juin 2021. Lire Ici.
[12] L’expression oxymorique "démocratisation ségrégative" est du sociologue Pierre Merle, qui l’emploie dans son ouvrage La ségrégation scolaire (2012) pour désigner le fait que la massification scolaire, engagée à partir des années 1960 au niveau du collège, puis du lycée et de l‘enseignement supérieur, ne rime pas totalement avec démocratisation scolaire, loin s’en faut, en particulier au niveau de l’accès au baccalauréat. Car, si la part d’une classe d’âge qui obtient le baccalauréat a beaucoup progressé en l’espace d’un demi- siècle, passant de 20 % au début des années 1970 à près de 80 % aujourd’hui, cela s’explique essentiellement par la hausse sensible des effectifs des filières professionnelles et technologiques durant ces dernières décennies (création du bac technologique et du bac professionnel respectivement en 1968 et 1985), dans lesquelles les jeunes des milieux populaires s’orientent majoritairement au détriment du baccalauréat général (en 2022, 58 % des lauréats enfants d’ouvriers ont obtenu un baccalauréat technologique ou professionnel et 42 % un baccalauréat général), et qui sont délaissées par les enfants de cadres leur préférant massivement la filière du baccalauréat général (en 2022, 21 % seulement des bacheliers enfants de cadres ont obtenu un bac pro ou technologique et 79 % un baccalauréat général).
[13] Quelques éléments statistiques pour apprécier l’ampleur de la surreprésentation des enfants des classes sociales favorisées dans les filières les plus prestigieuses de l’enseignement supérieur : selon les données 2019-2020 du ministère de l’Éducation nationale, les jeunes dont les parents sont cadres supérieurs constituent 54,4 % des effectifs des écoles d’ingénieurs, alors que ceux dont les parents sont ouvriers n’en représentent que 5,4 %, soit dix fois moins. A l’université, le poids des enfants d’ouvriers est respectivement de 9 % et 6 % en master et en doctorat, contre 40 % pour les enfants des cadres supérieurs. Et ce, alors que les ouvriers représentent aujourd’hui un actif sur cinq, et que les cadres supérieurs ne pèsent que 18 % de la population active.
[14] Les auteurs de l’article font en effet le constat suivant : "En 2017, 46 % des néo-bacheliers admis sont d’origine sociale favorisée ou très favorisée, mais ils sont admis dans des formations où il y a en moyenne 52 % d’étudiants de cette origine sociale, contre seulement 40 % dans les formations d’admission des étudiants d’origine sociale moyenne ou défavorisée, soit un écart de 12 points". Extrait de "D’Admission post-bac à Parcoursup : quels effets sur la répartition des néo-bacheliers dans les formations d’enseignement supérieur ?", article de Nagui Bechichi, Julien Grenet, Georgia Thebault ; France, portrait social, édition 2021, Insee. Lire Ici.
[15] Sur ce sujet, on pourra notamment consulter l’édition 2023 de l’enquête sur le coût de la vie étudiante réalisée chaque année par le syndicat étudiant Unef, qui met bien en évidence la rupture à partir de 2017 par rapport aux quinquennats de Sarkozy et de Hollande, concernant l’évolution comparative du budget des aides sociales directes par étudiant et du coût de la vie : lire Ici.
[16] La baisse de la dépense d’éducation moyenne par étudiant (en euros constants, c’est-à-dire après correction de l’inflation) s’observe à partir de 2011, mais se révèle particulièrement importante durant le premier quinquennat Macron : diminution de 10,4 % entre 2011 et 2021, et de 4,8 % entre 2017 et 2021. Calculs réalisés à partir de l’édition 2023 de L'état de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en France, publié par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Lire (se reporter au tableau 01.01.) Ici.
Pire, le président Emmanuel Macron est apparemment dans le déni total du sous-financement continuel de l’enseignement supérieur depuis les années 2010, si l’on en juge par ses dernières déclarations de septembre dernier où il estimait que les universités françaises n’ont "pas de problèmes de moyens". Déni de réalité éhonté du sous-investissement à l’université d’autant plus cynique de la part du chef de l’État, que la dégradation des moyens qui sont alloués à l’université ne doit pas non plus faire oublier que la dépense pour un élève de classe préparatoire est 60 % plus élevée que celle pour un étudiant à l’université !
[17] Lire Ici.
[18] "Il n'y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l'on exerce à l'ombre des lois et avec les couleurs de la justice", Charles Montesquieu (1689-1755).
[19] Romaric Godin, "Nouveau Front populaire : un programme économique d'alternative au macronisme", Mediapart, juin 2024. Lire Ici.
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