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Billet de blog 2 avril 2019

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« J’veux du soleil », la parole aux oubliés

Comme en de nombreux lieux en France déjà, le film de François Ruffin et de Gilles Perret, qui sort en salle le 3 avril, a été projeté en avant-première à Auch (Gers) dans deux salles enthousiastes devant 400 personnes. Rencontre avec Gilles Perret.

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Gilles Perret à Auch, devant une salle bondée [Photo YF]

Tout au long des commentaires de Gilles Perret, de nombreux spectateurs le remercieront chaleureusement, lui et François Ruffin, d’avoir réalisé un tel film, les félicitant d’avoir donné la parole aux oubliés.

Gilles Perret précise que le film a été tourné en décembre en 6 jours, et monté rapidement. La première avant-première a eu lieu le 15 février : un tel timing est rarissime. Le film a été projeté dans des salles de cinéma (parfois avec des séances gratuites pour les Gilets jaunes), ou des salles d’Art et Essai, dont le public est plutôt classe moyenne, même supérieure, public qui ne s’est pas rendu sur les ronds-points, et qui peut ainsi approcher le sujet. Une GJ fait remarquer que l’on voit sur les ronds-points des gens avec un niveau intellectuel supérieur, avec un cadre de vie suffisant, or le film n’en parle pas. Ce que Gilles Perret dément, en citant Denis et Marie-Claude qui sont engagés dans le mouvement, pas pour des raisons de galère personnelle mais par solidarité.

A priori, dit-il, le film ne déroule pas une analyse politique, mais plutôt des témoignages humains, en partant de la vie réelle des gens. Mais, du coup, il est très politique. Les questions qu’ils se posent sont : « c’est quoi l’impôt ? », « que dit la Constitution ? ». « Quand les gens se mettent ensemble, ils se demandent comment on vit ensemble, et ils font donc de la politique ». Cindy et son compagnon lisent désormais la Constitution le soir, « ça, ça m’émeut beaucoup ».

Sur la présence importante de François Ruffin à l’écran, trop selon certains qui font référence à Raymond Depardon, Gilles Perret répond, plaisantant : « parce que nous on voulait faire un film où on se fasse pas chier ! » puis il demande pardon à Depardon. Si le film s’était fait sans Ruffin, il aurait fallu 5 mois de tournage : « c'est un film de combat, tourné dans l’action ». Les Gilets jaunes rencontrés, pour la plupart, ne connaissaient pas Ruffin, qui a l’expérience de ce type de rencontres, depuis vingt ans. Quand ils sont chez Loïc, qui n’a pas mangé depuis trois jours, qui déroule son parcours de vie, où il évoque sa séparation d’avec sa femme, son gamin qu’il ne voit pas, et ses nuits dormant dans sa bagnole, Ruffin se permet une plaisanterie que Loïc approuve : pour se risquer à ça, il faut du savoir-faire. 

Une intervenante, ayant fréquenté le Rond-Point des Justes à Auch, constate que, comme dans beaucoup de mouvements sociaux, tout est parti d’une question subalterne (une taxe) mais que cela a permis cette « idée de génie » qu’est le gilet jaune, puis cela a évolué sur d’autres revendications. Quant aux « fachos », c’est vrai qu’il y en a eu, mais les gens ont évolué. Maintenant il est temps que les syndicats bougent et que les gilets jaunes eux-mêmes se rapprochent d’eux. Gilles Perret pense que c’est ce qui se passe, des militants CGT étaient parfois sur des ronds-points, même s’ils ne s’affichaient pas en tant que tels.

Gilles Perret : « au niveau de l’émotion, on a été servi, tant lors du tournage que du montage. On a beau faire les malins, s’être déjà intéressés au monde ouvrier, mais sur des aspects institutionnels, là on se trouve confrontés à des situations individuelles lourdes. La fraternité, ce n’est pas celle qu’invoque Macron, elle n’est pas vidée de son sens. Je n’ai jamais vu un truc pareil, les liens qui se sont tissés, ça parait indestructible. Sur tous les ronds-points, il y avait vraiment deux caractéristiques communes : cette fraternité et la détestation de Macron. […] Le fait de voir que les gens sont mieux quand ils sont ensemble que quand ils sont tout seuls, contrairement au modèle économique et le modèle de société qu’on nous vend depuis 30 ans où on vous dit que la réussite individuelle ça va être le bonheur, qu'il importe que tout le monde se batte contre tout le monde, que chacun va se démerder... et la prime au mérite ».

Patrick, Gilet jaune très actif à Auch, dit être très ému par le film qui fait lien avec son histoire personnelle : « cette confrontation entre l’humanité absolue, qui porte le cœur, dans tous les portraits que vous avez représentés et de l’autre des personnages, comme Macron ou n’importe qui autre qui serait au pouvoir, cette machine à broyer, une machine à mépris. Ça résonne en moi car j’ai été pendant vingt ans fonctionnaire parlementaire et cette machine à broyer je l’ai eu sous les yeux pendant vingt ans, et je l’ai quittée à cause de ça, et je le leur ai dit, bien évidemment. C’est ce que je vis tous les samedis sur le rond-point, c’est ça qui nous unit. De toutes façons, on n’arrêtera pas une idée en marche… c’est une idée qu’on porte, on peut nous taper sur la gueule, on peut nous éborgner, ils pourront faire ce qu’ils veulent, mais de toutes façons on ne nous arrêtera pas ». Il est fortement applaudi après ce témoignage.

Gilles Perret oppose à ces visages du film, sincères, sans montage, l’intervention télévisée d’Emmanuel Macron montrée également, tactiquement, dans le film : « cette espèce de robot, cette machine à communiquer, cette marionnette de la finance, les yeux vides, on se croirait au musée Grévin ». Cette mise en parallèle est terrible. Les gens qui sont dans la vraie vie, on ne les voit pas trop à la télévision : « selon le CSA, 88 % de l’espace médiatique est occupé par les CSP +. Il reste 12 % pour les ouvriers, employés, chômeurs, retraités. C’est une catastrophe. Les Gilets jaunes ont déboulé dans l’espace médiatique : quel bonheur ! ». Pendant des semaines et des mois, le mouvement a été soutenu par 75 % de la population. C’est sûr que les kiosques à journaux brûlés sur les Champs-Elysées ce n’est pas une bonne publicité, mais la salle applaudit... quand l’incendie du Fouquet’s est évoqué.  Quant au fenwick qui fonce sur le portail du ministère de Griveaux, dire que c’est la République qui est menacée c’est aller vite en besogne. La violence c’est plutôt le fait que Natacha, dans le film, est condamnée à fouiller dans les poubelles pour nourrir sa famille. « C’est un des moments les plus forts que j’ai filmés [dans ma carrière]. On est sur le fil, mais on est très fier avec François d’avoir donné 3mn40 à une dame handicapée » qui s’exprimait de la sorte. Moment effectivement très émouvant où une autre personne témoigne avec compassion que Natacha doit fouiller dans les poubelles de Monoprix. Natacha semble s’offusquer, il ne faut pas le dire, inquiète elle regarde Ruffin et Perret, puis se libère et se confie. « Moment à vivre d’une intensité, on se sent pris, sur le fil, car on est entre délicatesse et voyeurisme », et la députée de La République en Marche lui dit qu’elle n’a qu’à aller travailler.

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François Ruffin et Emmanuel Macron à l'usine Whirlpool d'Amiens en octobre 2017, photo parue dans "Le Figaro" annonçant la sortie prochaine du film [Ph. Philippe Wojazer, AFP]

Pas un catalogue des misères

« On s’attendait à un film très politique. Des salles de cinéma se sont fermées sur des a priori, mais se rétractent parce qu'il s'agit en fait de parcours de vie, de l’humain ». « On laisse parler les gens, quitte à les bousculer. On n’a pas voulu un catalogue des misères, on voulait que ce soit un film qui mette la niaque et qu’on rigole ». Comme lorsque Ruffin questionne ici en demandant aux gens : « que me diriez-vous si j’étais Macron ». Ils hésitent puis se lâchent.

A la question « allez-vous redonner vos bénéfices au mouvement des Gilets jaunes », Perret répond : « Non, y en a marre des pauvres »… Le film a coûté 80 000 euros : seul Gilles Perret est payé (Ruffin, comme il l’a annoncé, touche le Smic sur son indemnité de député), le reste sera reversé au Secours Populaire, comme pour le bouquin de Ruffin. Sur un des ronds-points filmés, où il y a l’immense photo de Marcel, 3000 personnes sont venues à une projection au profit des GJ. Il annonce la venue de Cindy dans l’émission de Ruquier. Par ailleurs, ils aimeraient bien que le film soit projeté sur les ronds-points prochainement (peut-être début mai).

Des spectateurs sont venus de loin, l’une de Grenade, très émue pour l’espoir donné par ce film à ceux qui se désespéraient, un autre venu des Landes informe que dans son département une soirée GJ sur le RIC a rassemblé 400 personnes pendant 4 heures, et une soirée pour comprendre la fiscalité 80 personnes dans un village. C’est autre chose que BFM.

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Affiche de Marcel [extrait du film]

Interrogé sur leur objectivité, il répond que personne ne l’est. « On partait avec un regard bienveillant, car on était déjà allé sur les ronds-points, François chez lui, moi chez moi, et quand on regardait la télé on nous racontait une histoire qui n’était pas celle des ronds-points, avec un hyper-parisianisme, ce mépris de classe, cette haine des pauvres, ce regard dominant, y compris de la part de certains mouvements de gauche qui regardaient ça en disant : on n’y va pas, c’est des fachos. Nous, on se dit ce n’est pas possible, c’est juste dégueulasse, on va y aller, on va porter un regard plutôt bienveillant sur ce mouvement-là. Une dizaine d’éditorialistes ont jeté l’opprobre, ont sali ce mouvement. Ce ne sont pas les journalistes de terrain qui ont fait le sale boulot (eux, ils ont pris les coups), mais les Calvi et Aphatie (Calvi a fait fort), qui n’ont pas pris 5 minutes pour aller sur les ronds-points. Ils auraient vu cette fraternité, ils n’auraient pas pu salir le mouvement. Au lieu de cela, ils ont passé des centaines d’heures à déblatérer, à caricaturer, « les racistes, les homophobes, les antisémites ». Ils savent très bien pour qui ils travaillent, ils sont enfermés dans leur classe, et pour le coup c’est une bataille de classe, ils sont au service de cette classe-là. La question aujourd’hui est de savoir à quel moment la classe intermédiaire, qui ne s’est pas engagée ou très peu, va faire un autre choix que de regarder vers ce qui brille, de penser qu’ils vont tous être des heureux élus, mais basculer du côté des plus faibles, alors les choses vont vraiment changer. Pour le moment, c’est hyper-clivant. » Entre ceux de la classe moyenne qui regardent vers ceux d’en-bas, et les autres. Situation révolutionnaire, dirait Lénine.

Olivier, qui les jours suivants, a démarré une longue marche vers Paris, appelant à la non-violence avec le drapeau de la Paix, propose à Gilles Perret de faire carrément une série. Et donne des informations sur la situation des GJ (qui selon lui ont rassemblé des anarchistes, des communistes, des royalistes, et des FN) et l’action prévue les jours suivants (cabane au Rond-Point des Justes, assemblée citoyenne à Mauvezin). Enfin, Sébastien, très engagé dans la lutte locale des GJ, considère que la honte n’a pas encore changé de camp. Il appelle l’assistance à venir sur les ronds-points le samedi, car « 400 personnes sur les ronds-points cela aurait plus d’effet envers M. Macron et la politique néo-libérale qu’il mène ». Pas sûr qu’il sera suivi d’effet, mais il est fortement applaudi. Quant à Gilles Perret, il invite tout le monde à parler du film, à animer des débats en se basant sur son « baratin » et ses éléments de langage.

. soirée organisée par l'équipe particulièrement dynamique de Ciné 32, Auch, le 19 mars 2019.

J'VEUX DU SOLEIL ! - La bande-annonce officielle © Fakirpresse

Le film :

Il débute au son de Douce France, et nous met tout de suite en forme en montrant la hargne des Calvi, Aphatie et Neumann, accusant les Gilets jaunes d’être « homophobes, antisémites, dans la négation de l’autre ». En contrepoint, Victor Hugo nous confie que « c’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches ». Les deux compères, Ruffin et Perret, vont se rendre sur des ronds-points, dans l’Oise, la Somme, la Drôme, l’Ardèche, la Saône-et-Loire, l’Isère, la Haute-Savoie, le Gard, les Bouches-du-Rhône ou à Montpellier, à la rencontre des Gilets jaunes. Ils rendent compte surtout de personnes vivant de grosses galères, comme ce jeune homme de 28 ans, en intérim, devant faire appel au soutien de sa grand-mère : « on n’a pas fait des études mais on comprend quand ils veulent nous berner ». En construisant une cabane sur un rond-point, il a rencontré un artisan qui pourrait l’embaucher : « c’est mieux que Pôle emploi ». Il loue l’harmonie qui règne ici : « mieux se comprendre, se parler ». Ailleurs, une femme dit qu’elle doit emprunter pour faire le plein de fuel (et elle ne remplit pas la cuve). Pour s’en sortir, alors qu’elle est au RSA, elle participe à des lotos et gagne des cartes cadeaux (Ruffin lui demande si elle déclare bien tout ça au fisc). Un employé dans une pizzeria dit n’avoir pas mangé depuis trois jours. Un intérimaire témoigne : il a ce statut depuis 20 ans (en CDI avec l’agence d’intérim), il est envoyé chez le même patron depuis 8 ans, mais a des contrats de six mois : « ils te jettent puis te reprennent, puis te rejettent ». Une femme a pleuré quand le Président de la République a pris la parole en décembre, pour annoncer quelques mesures. En fin de mois, elle doit se rendre au Secours Populaire, elle doit six mois de cantine, un mois de loyer, six mois d’eau (qui a déjà été coupée).

Les interlocuteurs n’ont pas digéré les petites phrases d’Emmanuel Macron : les cyniques, les feignants, les riens, le pognon de dingue (ils connaissent par cœur). Sur un site, des Gilets jaunes donnent à manger à un SDF. Khaled atteste : « ce n’est pas un mouvement de fachos, ça n’a jamais débordé ». L’épouse d’un artisan témoigne : les incohérences du RSI, les rappels de cotisation farfelus, les achats de produits alimentaires (« que du n°1 », du bas de gamme). La fin du mois, c’est le 20 : « je ne bouffe pas, on n’est pas égaux ». Elle espérait ne jamais vivre ça, elle doit se rendre aux Restos du cœur. Les Gilets jaunes sont pour elle « une petite porte qui s’ouvre ». Un retraité dit avoir bougé quand l’augmentation annuelle des pensions a été fixée à 0, 3 %.

Un maire, après avoir un peu hésité, s’adresse à Ruffin qui se fait passer pour Macron : « les riches ne vous demandaient pas grand-chose et vous avez supprimé l’ISF. Vous êtes né dans un autre monde, comme si moi je devais aller vivre à Monaco, comme si vous ignorez ma langue… vous culpabilisez quelqu’un parce qu’il est pauvre ». Et de préciser que, dans la vie active, il était… cadre dans la banque ! M. Macron constate que depuis 40 ans que l’ISF existe il n’a pas empêché la pauvreté : il en conclut que cela justifie pleinement qu’on le supprime. L’argument ne passe pas  sur les ronds-points.

Ce film chaleureux, bien fait, où la présence de François Ruffin est précieuse, car il donne le ton, un fil conducteur, souvent une note d’humour. Des interviewés lui disent qu’ils ont pris l’habitude de se confier, tout étonnés de constater qu’ils sont nombreux à vivre les mêmes difficultés (« la pudeur ne devient plus impudique », dit l’un d'eux). Ruffin rétorque : « vous avez ouvert une brèche… avec du soleil derrière. Le bonheur vous y avez tous droit ». « Je veux du soleil », chante très bien Marie, sur une plage, au soleil couchant.

Déjà 79 projections dans toute la France. Vidéo sur ce tour de France. © François Ruffin

 . liste des salles où le film est projeté : ici.

 Ruffin et Perret chez Ruquier (samedi 30 mars) :

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François Ruffin dit d’abord que cette révolte des Gilets jaunes c’est « le moment où des muets sont devenus des bavards », mais bien vite Charles Consigny l’accuse d’avoir fait un film à sa gloire, lui reprochant même d’avoir fait une anaphore comme François Hollande (« moi Président ») comme si ce n’était pas volontaire. Ruffin dit avoir voulu montrer « quel est le lien entre l’intime et l’engagement ».

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Si son film est subversif, ce n’est pas en faisant de la politique politicienne, mais en montrant le réel. Il insiste (beaucoup) sur le fait qu’il est un « artiste » (comme dans son livre Ce pays que tu ne connais pas, adressé à Emmanuel Macron, qui lui ne l’est pas, artiste, seulement un technocrate, qui, en plus, a raté Normale Sup). Christine Angot, comme à l’ordinaire, part dans une longue démonstration emberlificotée qui ne démontre pas grand-chose, sinon qu’elle n’est pas d’accord, mais pas du tout, avec le fait que les Gilets jaunes aient osé… critiquer la vaisselle de l’Élysée à 500 000 euros : ces ignares n’ont pas compris que cela permettait à la Manufacture de Sèvres d’exister ! Comme elle admet finalement que le « film est très beau », Ruffin se taille un franc succès en lui disant : « vous auriez pu commencer par-là ». Elle l’interpelle sur la violence, que Ruffin dit ne pas prôner « pour des raisons morales mais aussi pour des raisons tactiques ». Il rêve de millions de révoltés dans les rues. Car le Président conduit le pays « au bord de l’usure morale », n’ayant pas un seul mot de compassion pour tous ces blessés au cours des 20 Actes.

Loïc et Cindy, personnages du film, sont sur le plateau, ils prennent la parole. Loïc insiste sur le besoin de dignité : « le premier devoir d’un Président de la République c’est d’assurer à son peuple une vie décente ». Par ailleurs, il reproche aux chaînes de télévision de n’avoir pas montré la fraternité qui règne sur les ronds-points. Cindy dit qu’au début elle a eu peur, car elle a peur de la politique. Elle ne voulait pas rencontrer Ruffin, elle n’a pas voté France Insoumise. Mais elle a compris que les deux réalisateurs voulaient montrer des gens qui étaient en lutte, qui constituent « une intelligence collective ». Finalement, ajoute-t-elle, « c’est le rôle d’un député ». Elle raconte son enfance difficile, précise que certains jours sa mère ne mangeait pas. Et elle, enfant, n’avait plus grand-chose à manger bien avant la fin du mois. « Depuis des années, la violence c’est eux, pas particulièrement Macron. On lui demande pacifiquement de partager les richesses et les décisions. Il y a énormément d’intelligence dans la classe populaire. Certains politiques ne savent même pas à combien est le Smic ».

Ceux qui galèrent et ceux qui se gavent

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Au final, Charles Consigny se précipite pour déverser, avec componction, du haut de sa superbe, la hargne d’une certaine caste, justifiant le courage de Macron d’avoir supprimer l’ISF (ne craignant pas au passage de prétendre que, si l’ISF rapportait 5 milliards, on en perdait autant, car des groupes industriels auraient été démantelés à cause de l’ISF), reprochant à Ruffin et à ceux qu’il représente d’être incantatoires, « de détester la réussite, le travail, l’effort individuel, les riches, avec des réponses démagos ». Devant cette attaque frontale, François Ruffin n’agresse pas l’agresseur mais rappelle simplement que les 500 plus grosses fortunes pesaient 6 % du PIB il y a 20 ans, 25 % à l’arrivée de Macron (en 2017), et 30 % aujourd’hui. « Le rôle du pouvoir politique c’est de s’interposer entre les faibles et les forts », ce que ne fait pas Emmanuel Macron. « Les gens sont atteints au moral, atteints au cœur […] quand ils voient que eux galèrent et qu’en haut on se gave ». « On peut faire vivre notre pays autrement, avec davantage de fraternité, de solidarité, d’entraide, de liens ». Les ronds-points étaient le lieu de ces liens, et « le pouvoir détruit les baraques, passe le bulldozer, ça participe d’une escalade de la violence, car si ça ne peut pas se passer là ce sera ailleurs ».

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François Ruffin, avec Cindy et Loïc sur le plateau de ONPC, France 2 le 30 mars [captures d'écran YF]

 Billet n° 456

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