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Billet de blog 9 mai 2016

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Néolibéralisme contre démocratie

Le néolibéralisme accélère "la sortie de la démocratie", selon les auteurs de "Ce cauchemar qui n'en finit pas". "Le capitalisme devient esclavage moderne", écrit l'auteur des fuites des "Panama Papers". Fillon songe à une société sans Smic. Le pôvre patronat gémit et le beauf du PAF "regarde l'actualité en face". En attendant de pouvoir rêver à un autre monde, florilège du cauchemar libéral.

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Le cauchemar du néolibéralisme

Pierre Dardot et Christian Laval viennent de publier Ce cauchemar qui n'en finit pas, sous-titre : Comment le néolibéralisme défait la démocratie. Le premier est philosophe, le second sociologue (1). Ils commencent par une citation époustouflante d'Aristote : "Il y a oligarchie quand ce sont ceux qui détiennent les richesses qui sont souverains dans la constitution, démocratie, au contraire, quand ce sont ceux qui ne possèdent pas beaucoup de richesses (aporoi) mais sont des gens modestes" (Les Politiques, éd. GF, 1993, mais le bonhomme a écrit ça il y a plus de 2300 ans). Les auteurs expliquent qu'un régime où une majorité de riches exercerait le pouvoir ne serait pas démocratique, de même qu'on ne peut appeler oligarchie un pays où une minorité de pauvres gouvernerait. Ils écrivent : "la démocratie consiste par essence dans le pouvoir des pauvres".

 Et de constater que le "libéralisme avancé" allié à un "sécuritarisme d'État" accélère, pour nos sociétés, une "sortie de la démocratie" : "en concentrant la réalité du pouvoir dans les mains des acteurs économiques les plus puissants au détriment de la masse des citoyens, la raison politique néolibérale insécurise et discipline la population, désactive la démocratie et fragmente la société". En passant, ils nous glissent que ce "néolibéralisme est capable d'enrôler dans sa logique le conservatisme islamiste, tout comme d'autres idéologies en concurrence avec lui sur le marché des "identités culturelles"".

Illustration 1

Le néolibéralisme vit de "l'auto-aggravation de la crise" et la dette est un "outil de gouvernement", les créanciers asservissant les sociétés par la dette (la "dettocratie"). L'ouvrage, désespérant par ce constat d'une toute puissance "libérale", y compris dans la soumission de l'État au projet libéral, reconnaissant que "l'heure est sombre", se termine cependant sur une note d'espoir : celle que "l'expérience du commun" puisse combattre "l'expertocratie". Donc pas de retour à un étatisme sclérosant, ni à refus de toute norme, mais soutien aux mouvements et expérimentations politiques qui ont lieu déjà à la base, sur le terrain, et invitation à leur confrontation renforcée au système néolibéral et au bloc oligarchique.

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(1) La Découverte, mai 2016. Ces deux auteurs ont déjà écrit ensemble sur Marx et sur les luttes et expérimentations alternatives (la dérive néolibérale n'est pas fatale) : Commun, Essai sur la révolution du XXIème siècle, La Découverte/Poche, 2015.

Scoop : François Fillon déclare qu'il n'est pas marxiste 

L'ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy était l'invité ce 9 mai de la matinale de France Inter. Un auditeur, via les réseaux sociaux, l'interroge en s'étonnant qu'il s'oppose à ce qu'on légifère sur le salaire maximum des dirigeants des grandes entreprises alors qu'un salaire minimum est bien fixé par la loi. On mesure alors combien l'idée même d'un Smic insupporte François Fillon qui répond, dans un haut-le-cœur, que c'est bien la raison pour laquelle il n'est pas "marxiste", mais pour "une liberté totale" (c'est bien connu : la liberté du renard libre dans un poulailler libre). Un aperçu de ce qui nous attend si, au grand jamais, cet ultra-libéral arrive au pouvoir.

[9 mai 2016]

 François Fillon tient absolument à ne pas être confondu avec Karl : au Congrès de Les Républicains, en juin dernier, il avait cru devoir affirmer que "la lutte des classes n'est pas républicaine". Voir mon billet : https://blogs.mediapart.fr/yves-faucoup/blog/040615/la-lutte-des-classes-nest-pas-republicaine

Illustration 2

Le capitalisme devient esclavage moderne

Le Monde a publié le 8-9 mai un long texte du lanceur d'alerte anonyme, appelé "John Doe", qui a révélé de scandale des Panama Papers. Il a fourni 11,5 millions de documents exploités partiellement par un consortium de journaux. Dans son texte, il se dit prêt à collaborer avec les autorités si elles sont en mesure de garantir sa sécurité. Ce qui se passe là doit nous donner espoir : en effet, s'il y a quelques pisse-froid qui lui reproche d'avoir "volé" les documents, cet homme tient un sacré discours : sur la "couardise des politiques", sur "l'inégalité des revenus devenue un marqueur de notre époque", sur "la corruption massive et généralisée" de politiques, d'avocats d'affaire, sur "les crimes" des plus riches, et constatant que les "Panama Papers" sont "le symptôme évident de la décadence morale de notre société". Le capitalisme, dit-il, "se rapproche davantage d'un esclavage économique" : "les esclaves n’ont aucune idée de leur propre statut ni de celui de leurs maîtres, qui évoluent dans un monde à part où les chaînes invisibles sont soigneusement dissimulées au milieu de pages et de pages de jargon juridique inaccessible. L’ampleur terrifiante du tort que cela cause au monde devrait tous nous faire ouvrir les yeux."

 Face à cet "effondrement systémique", à la "violente instabilité" qui nous guette, il en appelle à "une action véritable". Les tricheurs de Panama (le cabinet Mossack Fonseca) ont stocké et caché 2600 gigaoctets de données : "John Doe" voit venir une "révolution numérique" car les moyens techniques permettent à des combattants pour la démocratie à révéler ces exactions par un simple clic.

[8 mai 2016]

Le rapport complet : ici.

 Le 9 mai, 1000 documents des Panama Papers doivent être publiés, sauf que les plus gros tricheurs utilisent des prête-noms et donc passeront, pour un temps, inaperçus. Les noms révélés concernent ceux qui truandent sous leur propre nom, pas du menu fretin, mais pas le plus gros.

Charité contre solidarité

L'hebdo de la droite extrême, Valeurs actuelles (VA), a publié un dossier (21 avril) sur "toutes les pistes pour réduire l'ISF". Se plaignant de "35 ans d'imbécillité" (35 ans ? ah oui : 1981) et des 5 milliards d'ISF collectés chaque année (soit près 200 Mds€ sur toute la période, "1300 milliards de francs" pour impressionner davantage, sans préciser, bien sûr, que la TVA c'est 30 fois plus), l'hebdo donne des conseils à ses lecteurs disposant de grandes fortunes (le cynique Marc Fiorentino, qui sévit sur bien des plateaux de télé, vient à la rescousse) pour payer moins (même si la loi n'autorise pas d'investir dans des produits défiscalisés uniquement pour diminuer l'impôt). Outre des placements avantageux, éventuellement dans les îles, une des formules conseillées : le don. La réduction d'ISF peut aller jusqu'à 50 000 euros ! Et c'est ainsi que le numéro de VA accueille plein de pubs : de la Ligue contre le cancer, de la Fondation Gustave Roussy [contre le cancer également], de l'Ordre de Malte, de l'Aide à l'Église en détresse [Caritas], de la Fondation Notre-Dame, de la Fondation pour l'École ["indépendante", "loin de toute idéologie"], de l'Œuvre des vocations [Diocèses d'Ile-de-France]. Par ailleurs, dans d'autres médias, les Orphelins d'Auteuil incitent à ne pas payer d'ISF en versant à l'œuvre caritative, et la Fondation de France (qui fait parfois une pub appuyée sur la philanthropie du n°2 du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux) dit carrément : "Mon ISF, j'ai préféré le transformer en don" [dans plusieurs médias actuellement]. Et bien non, tout ça dépasse les bornes : l'impôt est fait pour profiter au plus grand nombre, et non pour être capté par des officines privées sur des sommes énormes et échapper ainsi à la solidarité nationale. On assiste là à un véritable détournement de la générosité individuelle voulue par Coluche.

[8 mai 2016]

Illustration 3

Famille nucléaire 

Illustration 4

Au milieu de plusieurs tonnes de pages de publicité et de photos de mode, M Le magazine du Monde de ce samedi 7 mai fait une incursion dans le délit d'initié à propos de M. Fric, mari de "Atomic Anne" qui fut présidente d'Areva, ancienne "sherpa" à l'Élysée sous François Mitterrand. On nous précise qu'ils ont deux enfants.

On savait que M. avait fait une plus-value de 300 000 € grâce à l'achat effectué par Mme d'une petite société minière UraMin, sans intérêt aucun, pour 1,8 milliard d'euros, mais le magazine évoque la révélation faite fin avril par L'Obs à savoir une autre plus-value de 370 000 € avec une société allemande d'éoliennes… dans laquelle Areva est actionnaire majoritaire. Dans la première affaire, sortie depuis longtemps dans la presse, M. Fric a finalement été mis en examen le 23 mars pour délit d'initié et blanchiment. Dans la deuxième, … dans quelques années, peut-être. M (le magazine) ménage Mme (Lauvergeon), en incluant dans l'article plusieurs intertitres : "prince consort", "conjoint envahissant", "mari gênant", "époux encombrant".

Que vous soyez puissant ou misérable…

[7 mai 2016]

Lutter contre la pauvreté

"J'aurais aimé que ce gouvernement théoriquement socialiste s'intéresse à la pauvreté", c'est ce que Gilles Raveaud, économiste, collaborateur

Illustration 5

de la revue Alternatives économiques, a déclaré dans l'émission On n'arrête pas l'éco, sur France inter, ce matin. Et de reprocher à François Hollande, par une série de distributions, de servir aujourd'hui plutôt son électorat, c'est-à-dire les classes moyennes et non pas les plus pauvres. Ce propos est tellement rare qu'il mérite d'être relevé. Comme piste, il suggère le cumul du RSA avec les allocations familiales (aujourd'hui, le RSA, allocation différentielle, est réduit en fonction du montant des AF) et défend la proposition Sirugue d'un RSA pour les moins de 25 ans. Il insiste : il aurait fallu investir dans la formation, massivement dans la transition énergétique (avec possibilité de réduction notable du chômage) et lutter réellement contre la pauvreté. A noter que l'acte de bravoure du quinquennat, outre l'extension de la CMU (il faut bien le reconnaître) aura été de s'engager à augmenter le RSA de 10 % (hors inflation) sur les 5 ans (soit, en gros, faire passer le RSA de 420 € mensuels à 462) ! Et Gilles Raveaud de prôner la réduction du temps de travail faisant référence à l'appel lancé par 150 personnalités, publié justement dans Alternatives économiques de mai.

[7 mai 2016]

Le beauf du PAF

Depuis quelques jours, campagne publicitaire assidue en faveur d'Yves Calvi : France 5, qui se dit "d'intérêt public", soutient bien sûr l'émission de propagande de l'ultra-libéralisme C dans l'air que la télé publique achète au groupe Lagardère (actionnaire majoritaire : un fonds souverain du Qatar). La pub de RTL dit : "pour regarder l'actualité en face", comme on dirait "la vérité ou la réalité en face". C'est l'idéologie que véhicule un journaliste comme Calvi (il n'est pas le seul) : prétendre être pragmatique, affirmer qu'il n'y a pas d'alternative, ironiser sans cesse sur les droits sociaux, affirmer que la solution c'est "libérer" l'économie (attaquer le Code du travail, ne plus fixer de règles, baisser le montant du Smic, réduire les aides sociales) et, progressivement, émettre des positions anti-immigrés et anti-réfugiés ("les Français ont peur"), comme le fait régulièrement Yves Calvi dans C dans l'air (comme si, dans sa tour d'ivoire de nanti, il avait la moindre idée de ce que pensent les Français). Il semble parfois "nunuche", "bas du plafond" (selon sa propre expression) : bien sûr, c'est pour cela qu'on le paye (grassement), pour tenir des propos démagos, au ras des pâquerettes, aux auditeurs et téléspectateurs et ainsi faire de l'audience.

Voir mon article : Yves Calvi, Branquignol ou "bas du plafond" ?

Il y a bien longtemps que je mets des guillemets aux "experts", en particulier à la plupart de ceux que Calvi invite : voir Les "experts" : haro sur le social

[3 mai 2016]

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Pauvre patronat 

Sur France Inter, ce soir, Geoffroy Roux de Bezieux, représentant du Medef, s'insurgeait une fois de plus sur le fait que l'on puisse parler de "cadeaux" au patronat à propos des 40 milliards d'euros du Pacte de responsabilité et du CICE. Couplet connu, ressassé : oui, gémit-il, les impôts sur les entreprises avaient augmenté d'autant, sous Sarkozy puis sous Hollande. Or c'est un gros mensonge et il le sait pertinemment. Car sous Sarkozy, les entreprises ont d'abord bénéficié de 12,6 Mds€ de baisse d'impôts. C'est pas tout : sous Chirac, les entreprises avaient vu déjà une baisse d'impôts de 6,4 Mds€. Et si on remonte plus loin, sous Jospin, c'est le pompon : 17,6 Mds€ (en 2000-2002) ! Si l'on rajoute les baisse d'impôts sur les revenus pour les plus riches (bouclier fiscal de 60 % sous Villepin, puis 50 % sous Sarkozy), ce sont environ 80 Mds€ annuels qui ne rentraient plus dans les caisses de l'État (4,3 % du PIB). Ces chiffres sont tirés de l'Audit de la dette publique de la France (réalisé par le

Illustration 7
Manifestation humoristique à Bayonne

CAC, collectif pour un audit citoyen de la dette publique) : la dette publique actuelle est due en grande partie à ce manque à gagner pour l'État, auquel il faut ajouter des taux d'intérêt sur les marchés financiers qui furent à une époque exorbitants. Et bien sûr, au cours de l'émission, personne pour contrer ce Roux de Bézieux qui en a profité pour vanter la générosité de Bill Gates (sans doute pour nous rappeler, subliminal, qu'il est lui-même un "philanthrope" : voir mon texte sur Mediapart Quand philanthropie rime avec supercherie).

[25 avril 2016]

Lien avec l'audit citoyen : ici.

 
 . Les textes de ce billet qui sont datés, entre crochets, ont été publiés aux dates indiquées sur mon compte Facebook, ainsi que sur un ou plusieurs groupes Facebook.

Billet n° 258

Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr

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  [Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans billet n°100. L’ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, en titre ou ici : Social en question. Par ailleurs, tous les articles sont recensés, avec sommaires, dans le billet n°200]

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