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Portfolio 27 décembre 2023

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Cinq seul-en-scène qui ont marqué 2023

Le seul-en-scène, exercice singulier et spécifique au théâtre, mérite une place à part tant sa réussite repose sur la performance de son interprète qui est aussi souvent son propre auteur, parfois même son metteur en scène. Voici les cinq soli qui ont fait mon année théâtrale. Palmarès arbitraire et éminemment subjectif.

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  1. Illustration 1
    © Cie Victor

    Intérieur vie, intérieur nuit, Kayije Kagame (vu au Théâtre de Gennevilliers)

    Kayije Kagame construit une œuvre théâtrale singulière et passionnante. Intérieur vie, intérieur nuit, sa dernière création, fait dialoguer un film et une pièce de théâtre qui se répondent littéralement : dialogue de mises en scène entre le théâtre et le cinéma, dialogue entre les images d’un film et leur commentaire sur scène, entre la présence sur scène et les présences sur pellicules, entre la voix de la comédienne et d’autres dont elle se fait la porte-parole… Autant de mises en abîme qui ouvrent un interstice entre théâtre et cinéma, entre la fin de la nuit et le petit matin, pour qu’apparaissent à l’aube les invisibles, celles et ceux qui se tiennent aux marges des expositions et des représentations, qu'ils s’agissent des techniciens, des gardiens, mais aussi des personnages des pièces de théâtre. Entre les couloirs de la Comédie-Française et les galeries du muséum d'histoire naturelle de Genève, Kayije Kagame livre un spectacle envoutant et déroutant à la fois, à la rencontre de spectres qui se confondent parfois avec nos propres fantômes.

  2. Illustration 2
    © Jan Versweyveld

    Qui a tué mon père, Édouard Louis, Ivo Van Hove (vu à la Filature-Scène nationale de Mulhouse)

    Monologue autobiographique, tout à la fois réquisitoire contre les assassins d’un père et déclaration d’amour d’un fils, Qui a tué mon père est mis en scène par Ivo van Hove qui taille dans cette matière puissante un monologue sur mesure pour l’acteur néerlandais Hans Kesting, comédien immense qui offre une formidable performance. À l’opposé de la fragilité adolescente de Stanislas Nordey ou de celle d’Édouard Louis lui-même lorsqu’il incarna son propre rôle dans la version mise en scène par Thomas Ostermeier, Kesting impose sa masse brute, colossale. Cette nouvelle mise en scène renforce un peu plus la formidable fortune scénique du puissant texte d’Édouard Louis, élevé ici au rang de tragédie contemporaine. Bouleversant.

  3. Illustration 3
    © Héloïse Faure

    Ex Machina, Carole Thibaut (vu aux Plateaux Sauvages, Paris)

    Dans son nouveau spectacle solo, Carole Thibaut explore la question du genre et du pouvoir à partir de son expérience personnelle. Comédienne, autrice, metteuse en scène, mais aussi directrice d’institution, elle s’interroge sur la façon de ne pas être récupérée par le pouvoir. Comment sortir du système ? Ex machina prend alors des allures de performance d’empowerment. La pièce prolonge en quelque sorte le discours prononcé par Carole Thibaut lors de la fausse cérémonie des Molières, organisée en marge du Festival d'Avignon 2018, dans lequel elle exprimait son agacement en même temps que sa lassitude de voir que rien ne bouge, qu’année après année, discours après discours, les pièces présentées dans le in sont toujours écrites par des hommes – en l’occurrence 90% l’année du discours. Il est heureux de constater que, loin de s’assagir ou d’abdiquer en vieillissant, Carole Thibaut est toujours debout, toujours en colère. Et elle prouve à nouveau qu’il est de saines colères, de celles qui se transforment en énergie de création.

  4. Illustration 4
    © Dorothée Thébert

    Carmen., François Grémaud (Vu à l'Espace 1789, Saint-Ouen dans le cadre du Festival d'automne)

    Dernier opus de la trilogie consacrée aux grandes figures féminines tragiques des arts vivants après Phèdre ! et Giselle… Carmen. tragique opéra comique de Georges Bizet ne déroule pas tout à fait le célèbre opéra le plus joué au monde mais correspond plus exactement à une pièce théâtrale et chantée qui parle de Carmen. Seule en scène, la musicienne et comédienne franco-américaine Rosemary Standley, chanteuse du groupe Moriarty depuis 1999, s’avère une formidable conteuse à voix, passant de la folk américaine au maloya, dans cette version réécrite par François Gremaud et réduite sur mesure à cinq musiciennes qui interprètent une synthèse pour flûte, harpe, violon et saxophone, composée par Luca Antignani qui leur adjoint le populaire accordéon. Ici Carmen s’écrit avec un point.

  5. Illustration 5
    © Dorothée Thébert

    Adieu à la ferme, Coline Bardin (Vu au Théâtre de la Cité internationale, Paris)

    Coline Bardin cherche sa vache. Plongée dans le noir, la salle s’éclaire d’un point lumineux, directionnel, provenant de la lampe frontale portée par la chercheuse de bovidés. Elle s'adresse à une glacière qui fait office du chien de la ferme. Affublée d'accessoires étranges, inconnus du citadin qui se dit que finalement certains sont pratiques tel ce tabouret accroché aux fesses par un système de harnais qui serait bien utile en ville, Coline apparait nostalgique. Il n'est jamais facile de faire le deuil de l'enfance. Elle en appellera aux chansons populaires, choisissant une chanson de Michel Berger, interprétée par Johnny Hallyday – plus tard par France Gall également –, Diego semble libre dans sa tête et l'on n'a probablement jamais été aussi bouleversé par la voix de l'icône nationale défunte.

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