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Quelques lignes ce soir pour expliquer comment les fausses informations se diffusent sur les réseaux sociaux, en m’appuyant sur un exemple parfait et sidérant qui a eu lieu hier sur Twitter.
Récapitulons les faits : Jean-Luc Mélenchon était présent hier au rassemblement de soutien aux grévistes de Vertbaudet, dans le Nord de la France, engagés dans une bataille depuis plus de 9 semaines pour demander des augmentations de salaire, et qui subissent pressions, intimidations et répression.
Pendant l’événement, Mélenchon prend la parole et rend hommage aux grévistes. Il dénonce les violences qu’ils subissent, appelle Gérald Darmanin à réagir et aborde plusieurs points d’actualité. Le rassemblement touche à sa fin, et des extraits vidéos sont diffusés sur les réseaux sociaux de La France insoumise. Il est alors 19 heures environ.
Les macronistes et la fachosphère montent une intox
Plus tard dans la soirée, vers 23 heures, je découvre avec sidération, sur Twitter, des attaques assez nombreuses visant Jean-Luc Mélenchon, venant aussi bien de comptes macronistes que de comptes d’extrême droite. Ce qui lui est reproché est d’avoir pris la parole dans le nord de la France, à quelques kilomètres de Villeneuve-d’Ascq, où 3 policiers sont décédés ce week-end dans un terrible accident de voiture, sans avoir eu un mot de compassion pour les victimes.
C’est notamment le cas d’Ambroise Méjean, Président des Jeunes avec Macron, qui tweete à 20h15, de Martial Bild, directeur général du média d’extrême droite TV Liberté à 20h27, de Allan Bouamran, en charge de la com des Jeunes avec Macron à 20h37, de la députée macroniste Nadia Hai à 21h23, du zemmouriste Jean Messiha à 21h54 et en direct sur CNews, ou encore de l’essayiste d'extrême droite Gilles-William Goldnadel à 23h02. Tous, absolument tous, chargent Jean-Luc Mélenchon en prétendant qu’il n’aurait eu aucun mot pour les policiers décédés.
L'information diffusée est doublement fausse... mais Véran poursuit
Il aura donc fallu environ 2 heures aux comptes macronistes et à la fachosphère pour construire de toutes pièces et relayer largement sur Twitter une intox visant Jean-Luc Mélenchon. Car en réalité, le candidat à l’élection présidentielle de 2022 a bel et bien parlé des policiers décédés lors de sa prise de parole, et dans les termes suivants : “Quand on m’a parlé de ces 3 policiers morts, ainsi qu’une 4e personne, dans un abominable accident, j’étais comme vous tous, glacé de peur, de sidération et de compassion. Je pensais à leurs épouses, enfants petits, j’étais avec eux à ce moment-là.”
L’information propagée par les adversaires de la France insoumise est donc doublement fausse. Non seulement Jean-Luc Mélenchon a abordé le sujet, mais sa prise de position est également on ne peut plus claire : il adresse sa compassion et ses pensées pour les proches des victimes.
L’affaire aurait pu s’arrêter là et n’être qu’une simple embrouille sur Twitter. Mais Patatra : on peut toujours compter sur les macronistes pour aller plus loin dans les méthodes minables.
Ce matin, en direct dans la matinale de France Inter, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran s’en prend à nouveau à Jean-Luc Mélenchon, sur le même thème exactement, puisqu’il l’accuse de n’avoir eu, je cite, “aucun mot de compassion” pour les policiers décédés. Pourtant, dès la veille, l’extrait de Jean-Luc Mélenchon énonçant la phrase que je vous ai lue plus tôt avait été diffusé sur tous les réseaux de La France insoumise, et posté sous chaque tweet mentionné au-dessus ciblant le président de l’Institut La Boétie.
Véran a donc menti, sciemment, préférant tenter un buzz minable pour salir son adversaire politique, plutôt que d’observer la décence et le respect qu’un tel moment réclame.
Une stratégie en 3 étapes
Mais, plus que la petitesse de l’ancien ministre de la santé, qui n’est plus à prouver, c’est la stratégie de communication utilisée ici qui m’intéresse, car elle illustre parfaitement la façon avec laquelle les fake news sont utilisées par certains réseaux en politique :
- Étape 1, mentir sur Twitter.
- Étape 2, diffuser l’attaque massivement pour qu’elle soit la plus lue, la plus vue et la plus commentée possible, jusqu’à être reprise par d’autres cercles. Ici, ce sont les macronistes qui ont poussé la fake news, avant qu’elle ne soit reprise par l’extrême droite.
- Étape 3 : une fois que l’attaque a été massivement diffusée sur les réseaux sociaux, la réutiliser politiquement pour s’en prendre plus massivement encore à la personne ciblée. Dans notre exemple, c’est Olivier Véran qui s’est chargé du travail.
Malheureusement pour tous les acteurs de cette mauvaise pièce, l’extrait de Jean-Luc Mélenchon adressant sa compassion a massivement tourné sur Twitter aujourd’hui, et de nombreux montages comparant les attaques contre Mélenchon à la réalité de ses paroles ont été diffusés, permettant de rétablir la vérité. Même Bruce Toussaint sur le plateau de BFM TV, qu’on ne peut pas vraiment soupçonner d’être un outil de propagande mélenchoniste, a diffusé l’extrait pour répondre à l’attaque de Véran.
La macronie patauge dans le minable... avec l'extrême droite
Autant dire que ce coup-là n’a pas fonctionné… mais notons que la Macronie, toujours si prompte à faire des procès d’intention, à dénoncer les violences imaginaires de la gauche, à l’accuser de tous les maux et à se prétendre le camp du bien, se vautre sans vergogne dans les méthodes de politicaillerie les plus basses, les plus mesquines, les plus détestables. Et bien sûr, se faisant, abime un peu plus encore la République et la démocratie.
Enfin, notons que tout cela est fait une fois de plus main dans la main avec l’extrême droite contre la gauche, réaffirmant une fois de plus la dangereuse tendance des macronistes à détruire l’idée même d’un barrage républicain face aux fachos… barrage qu’ils avaient promis d’incarner, mais qui ressemble plutôt, et de plus en plus, à une autoroute…
Je m’arrête ici. Si l’analyse des manipulations et autres diffusions de fake news par les réseaux sociaux vous intéresse, je vous conseille de visionner l’excellent numéro de “La Fabrique du mensonge”, diffusé ce dimanche sur France 5, et qui traite de la récupération de l’affaire Lola par la fachosphère. C’est glaçant, mais aussi salutaire dans la période actuelle.
Bastien PARISOT
@BastienParisot sur Twitter