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Billet de blog 8 avril 2023

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Eolien terrestre et offshore : objectif 40 GW en 2028

Avec la révision du PPE, le gouvernement s’est engagé dans un programme ambitieux d’appels d’offres. EDF Renouvelables vient de remporter le parc éolien offshore « Centre Manche 1 » au prix imbattable de 44,90 €/MWh. En espérant que la rentabilité économique de ces nouveaux appels d’offres sera meilleure que sur les six parcs éolien offshore précédents ….

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Dans le cadre de la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE2), les objectifs pour les filières éolien terrestre et offshore sont :
-  en 2023 : 24,1 GW pour l’éolien terrestre et 2,4 GW pour l’éolien offshore,
-  en 2028 : de 33,2 GW à 34,7 GW pour l’éolien terrestre et de 5,2 GW à 6,2 GW pour l’éolien offshore.

En 2022, la filière éolien terrestre dispose d’une puissance installée de 19,1 GW.  Au quatrième trimestre 2021, un programme de 9 GW a été lancé en 10 appels d’offres qui permettrait d’atteindre au mieux 28 GW en 2028. Or lors du troisième appel d’offre seul 57 MW ont été retenus sur 925 MW appelés pour motif de non conformité au cahier des charges. Pour plus de détails voir l’article « Appels d’offres éolien terrestre : un « loupé historique ». ».

En 2023, la filière éolien offshore se limite à 0,5 GW installé (parc de Saint-Nazaire mis en service en novembre 2022).
 Sur les deux appels d’offres AO1 et OA2 lancées en 2012 et 2014, on pourra espérer 3 GW installés en 2028, même si il y a un peu de « rififi » autour du prix du MWh (voir paragraphe ci-dessous).
Selon la programmation des appels d’offres OA3 à OA8, on pourra espérer disposer de 4,85 GW en 2028. L’objectif de 5,2 WG à 6,2 GW semble atteignable.

Illustration 1
Illustration 2

Appel d’offre OA4 - Centre Manche 1

Ce lundi 27 mars 2023, le ministère de la transition énergétique a annoncé l’attribution du parc éolien offshore « Centre Manche 1 » d’un gigawatt au consortium EDF Renouvelables et Maple Power, au tarif de 44,90 €/MWh, devant cinq autres candidats : Ocean Winds (la joint-venture d’Engie et du portugais EDP Renováveis), l’espagnol Iberdrola Renovables France, Shell, TotalEnergies avec l'allemand RWE, et enfin le suédois Vattenfall avec Skyborn Renewables et la Banque des Territoires.

Maple Power est une joint-venture entre Enbridge et CPP Investments, créée en 2019 dans le but d’investir et de gérer des projets éoliens offshore en Europe.
EDF Renouvelables a par ailleurs déjà coopéré avec Enbridge sur les parcs éolien offshore de Courcelles-sur-mer, Fécamp, Saint-Nazaire et Dunkerque. Cela apporte du crédit à Maple Power.

Etant donné que ce parc est en zone économique exclusive (ZEE), à 32 kms des côtes, la solution technique retenue pour le raccordement au point d’atterrage est une liaison à courant continu de 320 kV, qui sera dimensionnée pour être mutualisée avec le parc « Centre Manche 2 » de 1,5 GW. Ainsi, il ne sera pas nécessaire de compenser le capacitif des 32 kms de câbles sous-marins. 
Les appels d’offres OA3 à OA8 ne sont plus avec des contrats d’achat comme pour les appels d’offres OA1 et OA2, mais avec des contrats avec complément de rémunération.
Le producteur vend sur le marché spot, avec un complément de rémunération.

Le complément de rémunération (CR) fait intervenir :
 - le prix de référence du marché spot sur le mois i : Mi,
 - le tarif cible indexé : T (44,90 € pour l’année 2023),
 - le nombre d’heures Ei durant lesquelles le parc éolien produit sur le mois i, lorsque le prix spot est positif ou nul,
 - le nombre de garanties de capacités (en MW) : Nbcapa,
 - le prix de référence de la capacité lors de la dernière session d'enchères organisée pendant l'année civile précédant l'année de livraison :           Prefcapa.

Illustration 3

Le premier terme du complément de rémunération (CR) précise si le sens du versement de la prime entre EDF Obligation d’Achat (EDF OA) et le producteur d’énergie renouvelable. Lorsque le prix du marché spot Mi est inférieur au tarif cible indexé T, on parle de « prime à l’énergie positive »; c’est à dire que EDF OA verse la prime au producteur. À l’inverse lorsque le prix du marché spot Mi est supérieur au tarif cible indexé T, on parle de « prime à l’énergie négative »; c’est à dire que le producteur verse la prime à EDF OA.
Le deuxième terme du complément de rémunération (CR) correspond au montant des garanties de capacité de production que le producteur a acquis auprès de RTE sur le marché EPEX Spot. Pour plus de détails sur le mécanisme de capacité voir l’article « Electricité : le marché Européen est à revoir avant fin 2023. »

Pour l’année de livraison 2022, le prix de la dernière enchère sur les capacités de production était de 23,90 € / kW. En prenant une hypothèse « arbitraire » où le producteur ait acquis 10% de capacité de production sur un parc de 1 GW, cela représente : 100 000 kW x  23,90 € = 2,39 millions d’euros. En supposant que la production annuelle du parc éolien offshore soit de : 40% x 1 GW x 365 x 24 = 3,5 TWh.

Avec un marché spot à 80 €/MWh et un tarif cible de 45 €/MWh, le complément de rémunération serait de : 3 500 000 MWh x (45-80) = -122,5 millions d’euros, auquel il faut rajouter - 2,39 millions d’euros. Au total le producteur devrait verser 125 millions d’euros à EDF OA, alors qu’il a vendu sur le marché spot : 3 500 000 MWh x 80 €/MWh = 280 millions d’euros. Ce qui fait que le solde pour le producteur serait de 155 millions d’euros, soit l’équivalent d’un prix de vente de 44,28 €/MWh.

Avec un marché spot à 40 €/MWh et un tarif cible de 45 €/MWh, le complément de rémunération serait de : 3 500 000 MWh x (45-40) = 17,5 millions d’euros, auquel il faut rajouter - 2,39 millions d’euros. Au total EDF OA devrait verser au producteur 15,1 millions d’euros, alors qu’il a vendu sur le marché spot : 3 500 000 MWh x 40 €/MWh = 140 millions d’euros. Ce qui fait que le solde pour le producteur serait de 155 millions d’euros, soit l’équivalent d’un prix de vente de 44,28 €/MWh.

Tout ce mécanisme comptable compliqué, pour en arriver au même résultat pour le producteur.

Que l’administration française aime bien les choses compliquées, qui ne servent à rien.

Appels d’offres OA1 et OA2 : six parcs éoliens offshore fixés au sol


La décision de la commission européenne du 27/07/2019, sur l’attribution des six parcs éoliens offshore fixés au sol, ainsi que les tarifs de rachat, garantis 20 ans, par EDF et les montant des subventions à la charge de l’Etat.

L’ article L. 311-12 du code de l’énergie prévoit pour les candidats retenus :
 - soit un contrat d’achat,
 - soit un contrat offrant un complément de rémunération.

L’Etat a choisi pour ces six parcs éoliens offshore un contrat de rachat et une subvention basée sur un prix marché de 40 €/MWh et d’un taux d’inflation annuelle de 1,6%, financée à partir du compte CAS « Transition Energétique », qui est alimenté par la contribution au Service de l’électricité (taxe CSPE sur les factures d’électricité).

Illustration 4

L’État ne voulant pas que tous les parcs éoliens soient attribués à EDF, a retenu en 2012 l’offre d’Ailes Marines (devenu filiale d’Iberdrola) via le ministère de l’Industrie de l’époque, malgré qu’elle ne soit pas jugée la meilleure.

Cela n’empêche pas Iberdrola de résilier en août 2022 tous ses contrats de fourniture d’électricité à ses clients français, avant même qu’un seul électron soit sorti du parc de Saint-Brieuc (mis en service prévue fin 2023).

Par ailleurs, compte tenu de la nature intermittente de l’éolien, pour couvrir la fourniture d’électricité en Bretagne, il a été décidé de construire, en même temps, une centrale à gaz (Groupe bénéficiaire : TotalEnergies) à Landivisiau (mise en service en avril 2022). Pour plus de détails voir mon article : « Le prix de l’électricité s’envole : le renouvelable en cause ».

Dès mars 2008, le gouvernement, trouvant que le prix de rachat accordé est trop élevé et ne correspond plus aux prix actuels de l’éolien en mer, dépose un amendement pour renégocier le contrat d’achat pour un contrat de complément de rémunération. Le 14 mars 2008, le sénat rejette l’amendement du gouvernement.

En octobre 2022, compte tenu que le prix du marché de l’électricité s’est envolé, de nombreux producteurs renouvelables veulent rompre les contrats d'achat noués avec EDF, pour pouvoir vendre sur le marché.

Un arrêté devait préciser les conditions de modification de contrat. A ce jour, cet arrêté n’a toujours pas été publié. 

Bref, pour conclure sur ces deux premiers appels d’offre : l’Etat ne se sentant pas à la hauteur, est passé par la commission européenne, en espérant de la compétence pour mener à bien les consultations.

On ne peux pas dire que se soit une réussite économique. 

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