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Billet de blog 15 juillet 2024

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BRÉSIL ■ La plus grande faction narco s'empare de dizaines de favelas à Rio

L'organisation criminelle Comando Vermelho (CV), liée (inter)nationalement au trafic de drogue, mène une guerre expansionniste à Rio de Janeiro et a déjà repris 19 favelas aux milices, dans 14 quartiers sis dans la grande périphérie pauvre de la Baixada de Jacarepaguá, où elle a déjà commencé à mimer les milciens, en y implantant le racket des populations.

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" Le 11 février 2024, vers 14 heures, une Citroën C4, dont les vitres étaient recouvertes de films empêchant de voir l'intérieur de la voiture, s'est arrêtée à l'entrée d'Up Barra Mais, un condominio de classe moyenne située à Anil, dans la zone ouest de Rio de Janeiro. Sans ouvrir la fenêtre, le conducteur a actionné le mécanisme électronique d'ouverture du portail, est monté à bord et s'est garé au fond du garage. Personne n'est sorti de la voiture. Après une heure et demie d'attente, alors que le caporal de la police militaire Anderson Gonçalves de Oliveira, dit "Andinho", entrait dans la copropriété et se dirigeait vers l'immeuble où il habitait, trois hommes armés de fusils en sont sortis.
Le trio - deux hommes cachant leur visage, l'un portant un gilet avec l'inscription "Police civile" - a réussi à rattraper Andinho au niveau de l'accès à l'ascenseur. Le policier militaire est abattu de 29 balles dans la tête.

L'enquête sur le meurtre a conclu qu'"Andinho" était l'un des chefs de la milice qui avait dominé la favela Gardênia Azul pendant trois décennies. Ses bourreaux, qui se sont réfugiés dans l'ensemble de favelas "Complexo da Penha", situé, lui, dans la zone nord de Rio de Janeiro, étaient membres de la plus grande organisation criminelle de Rio de Janeiro, le Comando Vermelho (CV). Dans les mois qui ont suivi, les trafiquants ont réussi à envahir la favela Gardênia Azul. Selon les forces de sécurité de Rio de Janeiro, ce crime s'inscrivait dans le cadre d'un plan de reconquête de territoires par les dirigeants du CV, après une décennie d'avancées des milices."

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C'est par ce récit mortifère que trois journalistes chevronnés, grands spécialistes des milices cariocas, Rafael Soares, Roberta de Souza et Thayssa Río ont commencé le 14 juillet 2024 la publication d'une série, dans le quotidien papier O Globo sur plusieurs jours, de trois enquêtes.
Nous ne publierons/traduirons dans ce blog qu'une part importante de ce premier volet.
La publication, en portugais du Brésil, des autres volets sera signalée en suivant le compte X (ex-Twitter) de Rafael Soares, ICI. [S'informer, c'est du travail et il est donc naturel et normal pour moi de ne rien "mâcher" dans ces billets, ouverts à tous.] 
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Au cours du mois de juin 2024, O Globo a analysé des rapports de renseignement, des témoignages de trafiquants de drogue et des enquêtes sur des homicides, et a interrogé des officiers de police, des procureurs, des experts, des parents de victimes et des habitants des zones de conflit, afin de découvrir les raisons de l'expansion de la CV. Cette organisation criminelle, le CV, qui a assisté à la croissance des milices à Rio de Janeiro et à celle de l'autre organisation criminelle PCC (*) au niveau national, a décidé de récupérer l'espace qu'elle avait perdu, en promouvant une guerre sanglante dans les bastions des miliciens et en étendant ses tentacules dans 21 États du pays, sur la base d'une série d'accords conclus depuis l'intérieur de prisons, là où est né le CV il y a plusieurs décennies. Un contre-coup d'État qui a eu un impact sur la vie de milliers de personnes dans tout le Brésil et qui fait l'objet d'une série spéciale en trois chapitres dont la publication a commencé le 14 juillet.
 
Les données du Groupe d'étude des nouveaux illégalismes (Geni) de l'UFF (Universiade fédéral fluminense) et celles de la police civile de Rio de Janeiro (PCRJ), compilées par O Globo, révèlent qu'au cours des deux dernières années, le CV a financé des gangs armés et organisé des dizaines d'attaques coordonnées dans la seule Baixada de Jacarepaguá. Une autre étude récente des Services de la police militaire (PMERJ) affirme que 1.085 localités sont "dominées" par le CV, dans tout l'Etat de Rio de Janeiro. Ce chiffre est supérieur au total des espaces sous l'emprise de milices.
 
(*) Le PCC est présent dans 24 pays, a plus de 40.000 membres, et envoie des drogues dans les cinq continents.
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L'intérêt du CV pour la région pauvre de la Baixada de Jacarepaguá, limitrophe avec nombre quartiers huppés de Rio, ne se limite pas à la création de points de vente de drogue : les trafiquants ont déjà commencé à reproduire le modèle de racket des milices présentes là, auparavant.
 

Illustration 1
© DR

La plus grande expansion du CV à Rio de Janeiro depuis la création des groupes paramilitaires à la fin des années 1990 est portée par l'avancée de la faction à travers tout le pays. Le début de ce processus national remonte à juin 2016, lorsque le trafiquant de drogue Jorge Rafaat Toumani a été exécuté dans une embuscade dans la ville paraguayenne de Pedro Juan Caballero, voisine de la ville brésilienne de Ponta Porã, dans le Mato Grosso do Sul. Le rôle de Rafaat en tant qu'intermédiaire dans les transactions à la frontière avec le Paraguay - principale porte d'entrée des drogues produites dans d'autres pays du continent - déplaisait au CV et au PCC, qui avaient uni leurs forces pour  le tuer.
 
 
Dans les prisons fédérales, les membres de la direction du CV ont formé des partenariats avec des criminels du Nord du Brésil pour prendre le contrôle de la rota de Solimões, couloir d'entrée de la drogue au Brésil - la drogue en provenance de Colombie et du Pérou entre dans le pays par l'Amazone et est transportée le long du fleuve jusqu'à Manaus (Amazonas), d'où elle est acheminée vers d'autres États ou en dehors du Brésil.
 
Peu à peu, le CV a absorbé les groupes locaux avec lesquels il s'était associé. Ainsi, en un peu plus de cinq ans, le CV s'étend au nord et au nord-est du pays et devient un acteur majeur du trafic international de cocaïne.
   
Le modèle de fonctionnement du CV est horizontal. En clair, il s'agit d'une alliance entre chefs miliciens des différentes favelas. Le PCC, quant à lui, a une structure plus corporative, verticale et hiérarchique. Cette caractéristique du CV a favorisé son expansion à l'échelle nationale. Le PCC reste le principal acteur du commerce international de cocaïne dans le pays, mais la capacité du CV à coopter de nouveaux alliés l'a rendu plus compétitif sur ce marché - explique Daniel Hirata, chercheur et professeur de sociologie à l'UFF.
 
L'une des conséquences de la "nationalisation" du CV est l'augmentation de son chiffre d'affaires grâce aux expéditions de cocaïne vers l'étranger à partir des ports du Nord du Brésil, du Nordeste du Brésil et de l'Etat de Rio de Janeiro. Les opérations lancées par la police fédérale (PF) entre 2022 et 2023 révèlent comment la direction du CV a étendu ses tentacules à l'international. Au départ, selon la PF, le CV s'associait à des relais humains qui apportaient la cocaïne de Colombie et de Bolivie et ne participaient qu'au stockage de la drogue, qui était conservée dans la favela carioca de Vila Cruzeiro jusqu'à ce qu'elle soit placée sur des cargos dans le port de Rio de Janeiro. Les propriétaires de la cargaison ne payaient que le service logistique.
 
Puis la PF s'est aperçu que le CV s'est imposé et a commencé à faire payer à ses membres 10 % des bénéfices tirés de la vente de drogues en Europe. Dans ce nouveau modèle économique, un chargement d'une tonne de cocaïne pouvait rapporter jusqu'à 15 millions R$ (3 millions US$) au CV. En 2023, Edgar Alves de Andrade (Doca, chef du trafic de drogue local et financier de la guerre expansionniste de la faction) et ses acolytes ont décidé de ne plus se contenter d'être des intermédiaires. Ils ont commencé à envoyer leur propre cargaison en Europe, sans partager les bénéfices de l'opération. Selon Bruno Humelino, policier fédéral chargé de l'enquête, le CV aurait même engagé des plongeurs pour dissimuler la drogue dans les coques des bateaux du port.
 
Le nouveau réseau d'alliances du CV a également permis à ses membres d'arriver de tout le pays pour envahir des territoires à Rio de Janeiro. Les données policières de 18 États différents transmises au gouvernement de Rio de Janeiro en 2023 révèlent qu'au moins 113 membres du CV, mais venant d'autres Etats que celui de Rio de Janeiro, sont hébergés dans les favelas de Rio. Depuis 2021, 99 autres "étrangers" ont été arrêtés ou tués lors d'opérations menées à Rio de Janeiro. Selon la police civile (PCRJ), certains d'entre eux s'emploient déjà à étendre le CV à l'ensemble de l'État, à la recherche de leur "reconnaissance" par la direction du CV.
  
Pour attirer de nouveaux soldats prêts à protéger les zones envahies, le CV peut offrir un salaire de 500 R$ (100 US$, soit le tiers du salaire minimum national) par semaine. Un chauffeur qui a accepté de transporter de la drogue de l'immense favela "Complexo da Penha" vers les nouveaux points de vente a déclaré qu'en plus de son salaire, il recevait un appartement meublé et disposait de voitures du CV pour ses allées et venues.
 
Pour la police qui enquête sur le CV, la libération de Wilton Carlos Rabello Quintanilha, dit "Abelha", de la prison de Gericinó (Rio de Janeiro) en juin 2021, constitue un jalon important dans le début du projet d'expansion. Sa libération était une erreur: à l'époque, il faisait l'objet d'un mandat d'arrêt non exécuté. Très vite, Abelha a été élevé par le "conseil" - un groupe de prisonniers purgeant une peine à Rio de Janeiro et occupant des postes au sommet de la hiérarchie du CV - au poste le plus élevé parmi les membres du CV, celui de "président" de la faction. Car même sans être à la tête d'une favela importante, "Abelha" est devenu responsable de la définition de l'orientation de la faction et du contrôle de ses liquidités. Car il a passé plus de vingt ans en prison et a séjourné avec d'autres "dirigeants" du CV dans des prisons fédérales. C'est de lui qu'est partie toute la planification de l'expansion qui allait avoir lieu quelques mois plus tard, explique l'extrême droitier chef des 8.000 policiers civils de l'Etat de Rio de Janeiro (PCRJ), Marcus Vinícius Amim Fernandes, nommé à ce poste le 19/10/2023.

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