Quels sont les problèmes de l’agriculture africaine ? Enjeux et pistes de solution
L’Afrique concentre près de 60 % des terres arables non cultivées du monde, mais reste dépendante des importations alimentaires. Entre dérèglements climatiques, pression foncière et faiblesse des politiques agricoles, l’enjeu est clair : bâtir un modèle agricole souverain, durable et enraciné localement.
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.
L’Afrique, continent aux ressources agricoles immenses, fait aujourd’hui face à un paradoxe : nourrir une population en pleine croissance tout en demeurant fortement dépendante des importations alimentaires. Une dépendance qui fragilise la souveraineté alimentaire de ses pays, les rendant vulnérables aux fluctuations des marchés internationaux, aux crises géopolitiques et aux aléas climatiques.
Dans un contexte de changement climatique accéléré, les cycles agricoles traditionnels sont bouleversés : sécheresses prolongées, appauvrissement des sols, inondations imprévisibles. Ces défis écologiques s’ajoutent à des freins structurels encore non résolus, qui entravent durablement le développement agricole.
Mais pourquoi cette question est-elle si stratégique aujourd’hui ? Parce que repenser l’agriculture en Afrique, c’est poser les bases d’un modèle économique plus autonome, plus résilient et mieux ancré dans les territoires. C’est aussi répondre à une urgence : celle de garantir un droit fondamental : celui de se nourrir dignement, localement, durablement.
L’objectif de ce billet est de comprendre quels sont les problèmes de l’agriculture africaine, les limites du modèle actuel, mais aussi les leviers porteurs de transformation. Du développement de l’agroforesterie en Afrique aux dynamiques du commerce équitable, des solutions concrètes existent pour bâtir une agriculture plus juste, plus écologique, et véritablement au service des communautés locales.
Les défis de l'agriculture africaine
Parler des problèmes de l’agriculture africaine, c’est s’attaquer à une réalité aussi complexe qu’urgente.Le continent africain concentre environ 60 % des terres arables non encore exploitées à l’échelle mondiale, selon la Banque africaine de développement et la FAO, et pourtant, une grande partie de sa population reste exposée à l’insécurité alimentaire. Plusieurs facteurs structurels et conjoncturels se croisent pour expliquer ce paradoxe.
1. L’impact du changement climatique : l’agriculture au front des crises
Les effets du changement climatique sont aujourd’hui palpables sur tout le continent. Dans le Sahel, les cycles de sécheresse sont de plus en plus rapprochés. En 2024, le Sénégal a connu des inondations exceptionnelles dans la région de Podor : plus de 16 000 hectares de cultures ont été détruits, touchant près de 250 000 personnes.
2. Des ressources limitées pour les producteurs locaux
L’accès aux ressources de production reste inégal et souvent insuffisant. Peu d’agriculteurs ont accès à des crédits adaptés, à des intrants de qualité ou à une formation technique. Le plus souvent, ce sont des exploitations familiales de moins de deux hectares, travaillées à la main, avec peu ou pas de mécanisation.
La recherche agronomique, lorsqu’elle existe, est souvent sous-financée ou déconnectée des réalités locales. Au Burkina Faso, par exemple, les pertes post-récolte dans la filière niébé atteignent régulièrement 30 à 40 %, notamment en raison du manque de systèmes de conservation adaptés (source à insérer selon ta base ou à sourcer plus tard si besoin). o
Au Maroc, la succession de sécheresses entre 2015 et 2024 a provoqué une baisse de 38 % du cheptel national, affectant lourdement les capacités de production et les équilibres écologiques des zones rurales.
À ces limites matérielles et climatiques s’ajoute un autre frein moins visible mais tout aussi stratégique : l’absence d’un cadre structuré pour accompagner l’agriculture biologique.
« L’agriculture biologique exige des conditions précises de culture, mais aussi des structures de certification et de contrôle qui restent aujourd’hui embryonnaires dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. »
Ce constat établit par une enfant de la diaspora est intéressant, car il souligne l’importance d’un accompagnement institutionnel fort pour permettre aux producteurs africains d’adopter des pratiques plus durables et compétitives, dans un marché où la demande en produits naturels explose, mais où l’accès à la certification reste un privilège réservé à quelques-uns.
3. Une dépendance accrue aux importations : un risque stratégique
Entre 2019 et 2021, environ 67 % du blé consommé en Afrique provenait de l’importation. Cette dépendance a été cruellement exposée lors du déclenchement de la guerre en Ukraine : les ports ont été bloqués, les livraisons ralenties, et les prix des céréales ont flambé, affectant particulièrement les pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest fortement dépendants de ces marchés.
Cette situation reflète une perte vis à vis de la maîtrise des chaînes d’approvisionnement alimentaires. Pourtant, le potentiel agricole local permettrait de substituer une partie de ces importations si des investissements cohérents étaient engagés dans la production vivrière.
4. L’appauvrissement des terres et la pression foncière
L’intensification agricole, lorsqu’elle est faite sans prise en compte des équilibres écologiques, conduit à une dégradation accélérée des sols. L’érosion, la baisse de fertilité, et la monoculture sont des tendances préoccupantes.
Dans les pays du Maghreb, la raréfaction de l’eau s’ajoute à ce tableau. Au Maroc, par exemple, les retenues d’eau des barrages sont passées sous la barre des 30 %, un seuil critique qui compromet la saison agricole 2024-2025.
La pression foncière, enfin, constitue un frein majeur dans les zones urbaines et périurbaines. L’absence de titres fonciers sécurisés empêche de nombreux producteurs d’investir à long terme, ce qui freine l’adoption de pratiques agricoles durables.
Le rôle du commerce équitable et des filières locales
La saison des pluies à Lira, en Ouganda, a provoqué de graves inondations, mettant en péril les habitations, les terres agricoles et les moyens de subsistance. Ce type d’événement, de plus en plus fréquent, illustre concrètement les impacts du changement climatique sur les zones rurales africaines.
Agrandissement : Illustration 1
À côté des politiques publiques, des enjeux climatiques ou des défis technologiques, un autre levier s’impose comme central : le commerce équitable en Afrique. Non seulement il permet de mieux rémunérer les producteurs, mais il contribue aussi à renforcer les économies rurales, à préserver les savoir-faire locaux et à garantir une traçabilité souvent absente des circuits classiques.
Le commerce équitable en Afrique ne se limite pas aux relations Nord-Sud. De plus en plus d’initiatives émergent autour de circuits courts et de marchés locaux. À Dakar, Abidjan ou Bamako, des marques comme Yelen, Faso Attiéké valorisent des produits issus de coopératives rurales selon des principes équitables, tout en sensibilisant les consommateurs urbains à l’origine des aliments qu’ils consomment.
Ces circuits de proximité sont essentiels pour reconnecter production et consommation, tout en créant de l’emploi local. Ils permettent également de s’affranchir, au moins en partie, des chaînes logistiques internationales souvent vulnérables aux crises.
L’équité, condition d’une durabilité réelle
Encourager le commerce équitable, c’est aussi préparer une transition vers une agriculture plus durable. Une filière qui valorise les producteurs, respecte les saisons, rémunère les savoir-faire et limite les intermédiaires est plus résiliente face aux chocs économiques ou climatiques.
Cela nécessite un encadrement solide et durable, allant de la formation des producteurs à une meilleure organisation collective. Et l’impact est d’autant plus fort lorsque ce commerce équitable est couplé à des pratiques écologiques telles que l’agroforesterie ou l’agriculture biologique — encore très peu développées à grande échelle faute de soutien institutionnel.
Les solutions : agroécologie et valorisation des produits naturels africains
Face aux défis que traverse l’agriculture en Afrique, des solutions viables et résilientes émergent, portées par des paysans, des chercheurs, des coopératives et des entrepreneurs engagés. Deux voies complémentaires s’imposent de plus en plus comme des réponses durables : le développement de l’agroforesterie en Afrique, et la valorisation locale des ressources naturelles du continent.
L’agroforesterie, un modèle agricole adapté aux réalités africaines
Loin d’être une invention occidentale, l’agriculture forestière s’appuie sur des savoirs ancestraux et des pratiques consistant à cultiver sous couvert d’arbres, dans des systèmes mêlant cultures vivrières, légumineuses et espèces arborées. Ce modèle présente de nombreux avantages : il protège les sols, limite l’érosion, maintient l’humidité, enrichit naturellement la terre et favorise la biodiversité.
Au Bénin ou au Cameroun ainsi que dans d'autres pays de l'Afrique subsaharienne, des initiatives soutenues par le Cirad ou des ONG locales accompagnent les paysans dans la mise en place de systèmes agroforestiers productifs — incluant des espèces économiques comme le moringa oleifera, dont les usages médicinaux et nutritionnels suscitent un intérêt croissant, le beurre de karité, ou encore le cacao cultivé sous ombrage.
Valoriser les produits naturels africains : une stratégie économique et culturelle
C’est fait que personne ne peut ignorer, l’Afrique regorge de plantes médicinales à haute valeur ajoutée comme le khamaré (vétiver), de superaliments et de produits transformables à haute valeur ajoutée. Le miel, le beurre de karité, les feuilles de moringa oleifera, l’hibiscus ou encore le fruit du baobab sont autant de ressources issues d’écosystèmes locaux, souvent gérés par des femmes ou des groupements communautaires.
Ces matière premières, lorsqu'elles sont valorisées localement, peuvent devenir des piliers d’une économie circulaire respectueuse de l’environnement. Mais cela suppose des filières bien structurées, une transformation locale maîtrisée, des débouchés sécurisés — et parfois, une certification bio.
Toutefois, un paradoxe mérite d’être souligné : en 2023, l’Afrique a exporté près de 639 000 tonnes de produits biologiques vers l’Union européenne et les États-Unis, soit 12 % des exportations mondiales vers ces marchés. Une progression fulgurante de plus de 119 % en six ans — bien au-dessus de la moyenne mondiale (+17 %). Pourtant, cette vitalité à l’export coexiste avec un marché intérieur peu structuré, où la consommation bio reste marginale, faute de politiques de soutien ou de valorisation locale.
Également, dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest par exemple, l’encadrement institutionnel autour de la certification biologique reste très limité. Peu de structures locales sont en mesure d’assurer le contrôle, l’accompagnement ou la formation nécessaires aux normes internationales. Ce vide empêche de nombreux producteurs d’accéder à des marchés bio pourtant en forte croissance, et freine la consolidation de filières locales véritablement durables.
Cependant, tout n’est pas perdu. Certains exemples démontrent qu’une structuration vertueuse est possible. Au Togo, la coopérative PROSCOMO (Producteurs en Société Coopérative de Moringa), créée en 2021, a structuré une filière bio avec l’appui de l’ONG Kinomé, visant à la fois l’exportation et la consommation locale. L’entreprise INNOCORP Sarl, active depuis plus de vingt ans, transforme et exporte du moringa certifié bio, tout en alimentant des débouchés urbains. Ces dynamiques sont soutenues par des acteurs comme ANA-Bio Togo, qui militent pour une agriculture biologique accessible et locale. Ces initiatives, bien que minoritaires, montrent que des modèles résilients peuvent émerger avec un minimum de structuration et d’appui technique.
Toutefois, s’ajoutent à cela des contraintes réglementaires venues de l’extérieur. Par exemple, la nouvelle législation européenne sur le bio (UE 2018/848), entrée en vigueur en 2022, impose des critères plus stricts aux groupements de producteurs. Environ 70 % des structures certifiées en Afrique devront adapter leur organisation pour rester conformes, en particulier celles dépassant les 2 000 membres — un seuil souvent atteint.
Sans accompagnement technique ou institutionnel, de nombreux producteurs risquent d’être exclus de ces circuits à haute valeur ajoutée.
Conclusion : Quel avenir pour l'agriculture africaine ?
Loin des clichés d’un continent condamné à l’insécurité alimentaire, l’agriculture africaine est en réalité à un tournant. Elle dispose d’atouts majeurs : des terres arables encore inexploitées, une jeunesse entreprenante, des savoir-faire endogènes, et une richesse agroécologique inestimable. Pourtant, les problèmes agricoles africains sont encore profonds : dégradation des sols (bien que la surface de terre pure reste immense sur le continent), dépendance aux importations, précarité des producteurs, et faiblesse des infrastructures de soutien.
Face à cela, les réponses ne peuvent être uniquement technocratiques ou dictées de l’extérieur. Elles doivent être enracinées dans les réalités locales et porter une vision à long terme : promouvoir une agriculture vertueuse qui soit autonome, régénérative, équitable et souveraine.
Cela passe par le développement de filières agroécologiques comme l’agroforesterie, capables de concilier production, biodiversité et résilience climatique. Cela suppose aussi de soutenir les coopératives, les circuits courts et les démarches de commerce équitable, non comme un label marketing, mais comme un projet de société.
Enfin, l’avenir de l’agriculture africaine repose sur un choix politique clair : sortir d’une logique extractive pour entrer dans une logique de valorisation locale. Cela implique d’investir dans les savoirs, les outils et les chaînes de valeur locales, comme développé précédemment. Car l’agriculture n’est pas qu’un secteur économique — elle est aussi une clé de souveraineté, de stabilité sociale et de dignité collective.
« Le choix n’est plus technique : il est politique, culturel, économique. Et il engage notre responsabilité collective, en Afrique comme ailleurs. »
Sources & Références :
Le Monde Afrique – Au Sénégal, des inondations sans précédent dévastent les futures récoltes dans l’est du pays, novembre 2024 : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/11/05/au-senegal-des-inondations-sans-precedent-devastent-les-futures-recoltes-dans-l-est-du-pays_6377819_3212.html
Le Monde Planète – COP29 : Au Malawi, piégé par le changement climatique, novembre 2024 : https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/11/10/cop29-au-malawi-piege-par-le-changement-climatique-a-peine-nous-relevons-nous-d-une-catastrophe-qu-une-autre-est-deja-en-train-de-frapper_6386889_3244.html
Reuters – Le cheptel marocain frappé par les sécheresses successives, février 2025 : https://medias24.com/2025/02/15/les-retenues-des-barrages-en-legere-amelioration-par-rapport-a-2024-mais-les-stigmates-de-la-secheresse-planent-sur-la-saison-agricole-images-satellite/
Toute Économie – Dépendance au blé en Afrique et sécurité alimentaire, 2023 : https://www.touteconomie.org/node/18996
FAO (2017) – Réduction des pertes post-récolte dans la filière niébé au Burkina Faso : étude de cas dans la région du Nord. https://openknowledge.fao.org/server/api/core/bitstreams/264d89a3-16b3-48f3-acd8-283456ad69f6/content
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.
Le lien vers la page a été copié
L’auteur n’a pas autorisé les commentaires sur ce billet