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- ÉDITION CARNETS D'EUROPE
Le national-populisme dénoncé à Marseille à l'occasion d'un débat sur le Brexit

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Récemment la révolte des agriculteurs, pas simplement français, a déferlé pour dénoncer la politique commerciale de l’UE. L’accord provisoire de libre-échange (Ceta) avec le Canada a été vivement critiqué comme celui du Mercosur, destiné à libéraliser les échanges entre l’UE et quatre pays d’Amérique latine. Au point mort, il est bloqué par plusieurs États membres dont la France, mais il attise toujours les craintes.
En 2024, l’instant est propice pour tous les agriculteurs européens : c’est le moment où Bruxelles révise la PAC (Politique Agricole Commune). Comme les Français, les Espagnols sont entrés dans la danse et les Polonais n’ont pas été les seuls à bloquer l’entrée de grandes villes. Contre-coup de l’agression russe, la question sensible du soutien des Européens aux exportations agricoles ukrainiennes s’est posée… Près de 500 tracteurs sont montés à l’assaut de Bruxelles, avec pour objectif de faire entendre les revendications paysannes à la commission européenne…
Souvent, la gueule de bois succède aux folles espérances mêlées de mensonges et d'intox. Le Brexit en constitue l'exemple le plus significatif. Huit ans plus tôt, en 2016, le Brexit était au cœur de l’actualité européenne. Les passions étaient alors exacerbées par Boris Johnson, la figure montante du parti conservateur et son compère en mensonges en tous genres, le député européen Nigel Farage, fondateur de Ukip, le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (sic) .
En 2021, sur les réseaux sociaux et dans la rue, la passion était à son comble. Le sang a coulé. Pour s’être opposée au Brexit, la députée travailliste à la Chambre des communes du Royaume-Uni, l'aimable et pacifique Jo Cox était assassinée. On était une semaine avant le référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne.
À la question posée : « Le Royaume-Uni doit-il rester un membre de l'Union européenne ou quitter l'Union européenne ? » - « Should the United Kingdom remain a member of the European Union or leave the European Union? », pas plus de 51,89 % des votants, en majorité des Anglais, ont répondu « Quitter l'Union européenne ».
L’Irlande du Nord et l’Écosse ont voté contre le Brexit. Au Pays de Galles, les immigrés anglais ont fait pencher la balance en faveur de la sécession. Le Brexit est avant tout une affaire anglaise qui a plongé toute la Grande-Bretagne dans le chaos. La rue a fait sa loi, comme le voulaient les populistes et les politiciens irresponsables.
Or, un référendum n’a pas force de loi au Royaume-Uni. Sûr de son bon droit, le Parlement a commencé par le reprendre, c'est à dire faire la loi (« Brexit : le parlement britannique gagne sur tous les tableaux ») , un droit exclusif que lui avait contesté de fait le Premier Ministre Cameron en lançant le processus référendaire. Finalement ce n’est qu’au bout d’un long processus, plein de rebondissements, qu’un accord était trouvé avec l’Union Européenne, grâce notamment à la détermination de la Première ministre Theresa May et à la fermeté sans faille du Speaker John Simon Bercow pour faire respecter les traditions et droits du Parlement… «Ooorder ! ». Après en avoir déterminé les effets avec ses partenaires européens, le Parlement britannique a donné son feu vert à l’accord de divorce. Le Français Michel Barnier s'est avéré un sage, persévérant et persuasif négociateur en chef du Brexit pour l’Union européenne. Il a joué un rôle majeur dans la signature des accords encadrant le départ du Royaume-Uni et la nouvelle relation entre Européens et Britanniques.
Les chantres du Brexit avaient promis un nouvel âge d’or… Aujourd'hui, les Britanniques se retrouvent dénudés et chaussés de semelles de plomb tandis que l’immigration clandestine bat tous les records
Le réveil est rude pour ceux qui ont cru aux promesses. Ils ont rêvé d'indépendance, de souveraineté, de l'autodétermination d'une Grande-Bretagne affranchie des interférences européennes et du « diktat » des bureaucrates de Bruxelles.
Aujourd’hui, toute honte bue, beaucoup ne veulent plus entendre parler de Brexit et l’ont biffé de leur agenda. C’est un échec sur beaucoup de plans : économie, inflation, niveau de vie, système de santé, emplois non pourvus, transports…
Néanmoins tous les Britanniques ne sont pas perdants : ironie des choses, grâce à l’accord trouvé avec l’UE, l'Irlande du Nord bénéficie d’un accès privilégié non seulement au marché national, mais également au marché unique de l’UE. Un aspect positif qui contraste avec le désastre de la lente agonie de son industrie de la pêche, essentiellement dû au Brexit. Zones de pêche et quotas sont redevenus ceux de 1973, année d'adhésion du Royaume-Uni de Grande-Bretagne à l'UE... L'Irlande du Nord s'était dotée grâce à l'Europe d'une flotte de pêche moderne et abondante ayant accès aux eaux les plus poissonneuses de l'UE - dont celles du Royaume-Uni. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, l'Angleterre s'étant accaparé la part du lion.
Le Parlement écossais, quant à lui, n'a pas recouvré ses compétences détenues par Bruxelles dans des domaines comme l'agriculture, la pêche ou encore l'environnement. Le gouvernement conservateur du brexiter Rishi Sunak refuse de les restituer. Un « casus belli » pour Édimbourg. Affaire à suivre.
Contrairement aux promesses des bonimenteurs Johnson, Farage et consorts, les Britanniques n’ont pas repris le contrôle de leurs propres frontières et n’ont pas limité l'immigration clandestine. Tout le contraire ! Aujourd’hui, l’immigration atteint des records. On propose l’expulsion des migrants illégaux vers le Rwanda. On s’alarme : l’Angleterre est sous la coupe des Islamistes comme le prouvent les attentats post-Brexit et de récentes manifestation qui inquiètent 10 Downing Street.
Pour le maire de Londres, la capitale a voté contre le Brexit, le constat est accablant. Selon Sadiq Khan, « le Brexit a affaibli notre économie, fracturé notre union et terni notre réputation » ; il dénonce les « dégâts immenses causés » par la sortie de l’Union européenne.
L’éphémère Premier ministre Johnson a été contraint en 2022 à une piteuse démission, suite à une série de scandales mêlant ses mensonges éhontés aux libations bien arrosées (Partygate) avec des « collaborateurs » au 10 Downing Street qui ont violé les règles de confinement. En 2024, « Bojo » le Menteur d'Angleterre ou « l’homme à la tignasse de chien fou-fou » est un politicien au rencard ; Farage, lui, a enfin réalisé sa vocation : il fait le clown dans une émission de téléréalité. Titre : « Je suis une célébrité… Sortez-moi de là ! ». Surtout… qu’il y reste !
* sondage : https://www.statista.com/statistics/987347/brexit-opinion-poll/
Sur le site Grand Continent, l’État du Brexit : 10 cartes et graphiques pour comprendre ce que la sortie de l’Union a fait au Royaume-Uni