épisode précédent , lien; https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/011017/comment-val-et-malka-ont-amene-au-casse-pipe-l-equipe-de-charlie-hebdo-episode-ii
Comment Val et Malka ont amené au casse-pipe l’équipe de Charlie Hebdo
(épisode III).
« La liberté complète de contredire et de réfuter notre opinion est la condition même qui nous permet de présumer sa vérité en vue d'agir: c'est là la seule façon rationnelle donnée à un être doué de facultés humaines de s'assurer qu'il est dans le vrai ». (Stuart Mill, on Liberty, page 18)
3) L’Affaire Siné
Préambule.
Première étape : Dans un édito, sous le titre de « Révélation : l’avocat de Clearstream se nourrit d’OGM » (Charlie Hebdo, 25 juin 2008), en réponse à des révélations parues sur Télérama, Philippe Val faisant feu de tout bois agonit les pourfendeurs de cette société défendue par maître Malka, son ami. Ses prises de position outrancières soulevèrent l’indignation des lecteurs ; le journal reçut un courrier aussi soutenu que courroucé. « Val était comme un fou dès qu’on évoquait Clearstream (…) » : « on passe pour des cons Richard (Malka) et moi ; tant que cela restait sur internet, je m’en foutais, mais là c’est Télérama, c’est insupportable (…) » (Source : les mohicans, D. Robert, page 231).
Deuxième étape : Le 27 juin 2008, dans sa rubrique sur Charlie-Hebdo, Siné rebondit, à sa manière, sur l’actualité. Il y dessina un grand carré blanc barré d’un encart noir : « autocensuré » .Il signifiait ainsi être, à la fois, dans l’impossibilité d’aborder l’affaire Clearstream telle qu’elle avait été développée dans l’édito de Val et porter le deuil de la liberté d’expression.
Juste en dessous, Siné reprit et accola, en une « vanne » satirique, trois informations parues dans les medias quelque temps auparavant. Elles illustraient le côté Rastignac de Jean Sarkozy, digne fils de son paternel, qui bénéficiait d’une « chance » troublante, pour le moins.
Pour la clarté du débat, reproduisons l’intégralité du texte de Siné qui lui valut d’être licencié soi-disant pour « antisémitisme » (minute 2 :25 et suivante) lien : https://www.youtube.com/watch?v=6eITFby1DaI ): « Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà Conseiller Général UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter : le Parquet (encore lui !) a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n’est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée juive et héritière des fondateurs de DARTY. Il fera du chemin dans la vie ce petit ».
La phrase « il fera du chemin dans la vie ce petit » était d’évidence la chute de la « vanne » de Siné illustrant l’opportunisme et l’arrivisme de Jean Sarkozy. La vie offre bien des raccourcis à ce jeune homme de 23 ans. Attestons, avec Siné, qu’avec une telle « baraka », le petit ira loin, effectivement.
Le journaliste Askolovitch ne l’entendit pas de cette oreille .Chez Nicolas Pointcarré, sur RTL, il démarra son intervention sur les chapeaux de roue https://www.youtube.com/watch?v=6eITFby1DaI : c’est une affaire qui, à mon avis, va faire beaucoup de bruit. C’est un article antisémite (…) Siné consacre sa dernière chronique, partiellement, à Jean Sarkozy. À ce moment Siné dérape je cite : « Jean Sarkozy vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée juive et héritière des fondateurs de DARTY. Il fera du chemin dans la vie ce petit ».
À Askolovitch de conclure : « Autrement dit, pour faire du chemin dans la vie, il vaut mieux être juif, pour avoir des héritières il vaut mieux en être .Il y en a d’autres de la même eau dans la chronique. Déjà ça, ça pose un gros problème » (sic !).
Cette déduction est pour le moins « tirée par les cheveux ». Mais ne dit-on pas, quand on veut noyer son chien, qu’il a la rage ?
Notons que cette conclusion était tellement creuse que, à peine esquissée, son auteur estima devoir combler avec du vent. En effet, Askolovitch termina sa tirade en chargeant aussi artificiellement qu’indûment « l’accusé » Siné : «Il y en a d’autres de la même eau dans la chronique » crut-il devoir souligner.
J’invite le lecteur impartial à constater que, bien au contraire, il n’y a strictement rien d’autre dans la chronique minute 2 :25/3 :31 (Lien : https://www.youtube.com/watch?v=6eITFby1DaI).
Dans cette même vidéo, à la minute 2:35/3 :31, https://www.youtube.com/watch?v=6eITFby1DaI Gérard Slama, deuxième larron de ce jeu de bonneteau lexical, prenant prétexte d’une supposée tradition d’antisémitisme chez les caricaturistes, créa, pour la circonstance, ex-nihilo, un lien de causalité farfelu entre ces derniers et Siné. « Il y a souvent un lien entre la virulence dans la dénonciation de l’argent, des riches et puis l’antisémitisme » affirme-t-il : Siné ayant abordé une question d’argent, de riches et de juifs était donc forcément antisémite.
Quel est l’à-propos, M. Slama ?
Constatons enfin que le soi-disant dérapage de Siné n’en est pas un : il ne faisait que recopier un extrait de l’article de libération http://www.liberation.fr/evenement/2008/06/23/sarkozy-comme-chez-lui-en-israel_74774 ( ou bien capture d’écran , lien ) :‘‘Patrick Gaubert, président de la Licra et ami de Nicolas Sarkozy, (…)remarque qu'aujourd'hui, le fils de Nicolas Sarkozy, Jean, vient de se fiancer avec une juive, héritière des fondateurs de Darty, et envisagerait de se convertir au judaïsme pour l'épouser. «Dans cette famille, on se souvient finalement d'où l'on vient», s'amuse-t-il ’’.
Chose extraordinaire ! Siné qui n’avait fait que reprendre les propos de M. Patrick Gaubert tels que Libération les avait publiés, s’était vu assigner devant le Tribunal pour antisémitisme par ce même M. Patrick Gaubert agissant pour la circonstance sous la casquette de « président de la Licra ».
Norbert Wiener (vert de jalousie de ne pas avoir trouvé lui-même cette self-induction prolongeant sa théorie) en crierait à la pompe cybernétique autoentretenue. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.
Rappelons que la mère de Nicolas Sarkozy est d’extraction juive et que M. Patrick Gaubert l’est également. Où réside l’antisémitisme dans cette lapalissade dont l’auteur - juif et Président de la Licra de surplus !- s’amuse du possible retour au judaïsme d’un fils prodigue devenu goy par un accident de l’histoire ?
Maître Giselle Halimi (d’extraction juive elle-même ; mais il y a juif et juif, comme nous ne l’ignorons pas) avait prédit que la plainte de la Licra pour soi-disant antisémitisme ne pouvait prospérer. Le tribunal lui donna raison. Siné, effectivement, fut relaxé le mardi 24 février 2009 https://www.monde-diplomatique.fr/IMG/pdf/jugement-licra-sine.pdf. « Le tribunal considère que (Siné) s'est autorisé à railler sur le mode satirique l'opportunisme et l'arrivisme d'un homme jeune, engagé sur la scène politique et médiatique. » La Licra fit appel devant la Cour d’Appel de Lyon qui finalement acquitta Siné sur le fond.
Devant la Cour, Siné avait argué, à juste titre, du fait que, dans le cas de Jean Sarkozy, la fiancée était certes une Darty, riche et juive mais elle aurait très bien pu être arabe, riche et musulmane.
Par ailleurs, le tribunal rendit également justice à Siné contre Val: il condamna, en appel, Charlie- Hebdo à 90000 euros pour licenciement abusif.
Un examen attentif des tenants et aboutissants montre qu’en réalité, les arrêts du Tribunal importaient peu à ceux qui avaient monté, ex-nihilo, l’affaire Siné. Certes, Philippe Val, démiurge courroucé, fou de rage et de rancune, voulait la tête de Siné et l’obtint ; mais, plus important, ce fut là une occasion en or pour créer, artificiellement, une polémique monstre.
D’évidence, les« réseaux S.H.A.H.» coalisés (lien: https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/170917/la-coalition-des-interets-particularistes-shaf-ou-l-aristocratie-du-mo et , Val lui-même dramatisèrent outrancièrement cette polémique afin que le scandale fût le plus ample possible et générât une publicité gigantesque sur le thème de l’antisémitisme (thème cher au CRIF et aux sionistes en général) .Bref, c’était une histoire de pompier pyromane, une de plus. On vit ainsi défiler Ascolowitz, Slama, Bernard Henri Levy, Richard Malka, Mme Badinter, Gaubert, Finkielkraut, Elisabeth Levy (etc…) qui, tous, sans la moindre retenue, « jetèrent l’honneur d’un homme aux chiens », pour plagier François Mitterrand.
Luz, Tignous, Charb, Fischetti et Cavanna ne croyaient pas l’éviction de Siné possible : ils déchantèrent. Cavanna plaida la cause de son collègue auprès de Val toute une après-midi : « (…) on ne vire pas Siné (…) Je pensais qu’il pourrait revenir sur sa décision .Mais il n’a pas voulu. Ça faisait partie de son plan. Val n’en avait déjà plus grand-chose à faire de Charlie- Hebdo (…) Je lui avais dit que nous allions perdre des électeurs. Il s’en moquait ». (Source : les mohicans, D. Robert, page 225).
Dans cette dramatique Charlie- Hebdo, il est une arlésienne : la liberté d’opinion.
épisode suivant , lien :https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/021017/comment-val-et-malka-ont-amene-au-casse-pipe-l-equipe-de-charlie-hebdo-suite-et-fin
La démarche de l’auteur est citoyenne .Vous aimez cette article ? Partagez-le sur les réseaux.