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Billet de blog 2 octobre 2017

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Comment Val et Malka ont amené au casse-pipe l’équipe de Charlie- Hebdo (Suite et Fin

Blasphémer est un droit, nous disent les uns et les autres. Soit. En blasphémant, on se situe résolument dans le registre de la liberté de conscience mais encore faut-il ne prendre que sa part et ne pas empiéter sur la liberté de conscience des autres car l’une n’a d’égale que l’autre, sauf à donner dans le privilège.

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épisode précédent , lien : https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/021017/comment-val-et-malka-ont-amene-au-casse-pipe-l-equipe-de-charlie-hebdo-episode-iii

Comment Val et Malka ont amené au casse-pipe l’équipe de Charlie- Hebdo

(Suite et Fin).

III - L’Affaire Charlie-Hebdo dans son contexte réel.

Nous avons situé l’action des lobbies S.H.A.F. des intérêts particularistes français (lien :https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/170917/la-coalition-des-interets-particularistes-shaf-ou-l-aristocratie-du-moment) . Cette action s’inscrit en marge de la déstabilisation volontaire du grand-Moyen-Orient qui avait permis aux USA de mettre la main sur le pétrole de la région grâce à la force de frappe du CENTCOM, bras armé de la doctrine Carter (lien:https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/281216/moyen-orient-genese-du-chaos-et-si-y-regardait-de-plus-pres). (Cette déstabilisation avait instrumenté un Islam essentialisé dans sa partition guerrière, afin d’endormir la vigilance des opinions occidentales).

Charlie-Hebdo de Philippe Val participa de cette dynamique coupable des lobbies S.H.A.F.

Nos coutumes, nos traditions, notre culture – mots que galvaudent certains de nos contemporains, tristes sires oublieux - nous rappellent par le biais de notre Constitution que « Le Président de la République veille au respect de la Constitution », «La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances », « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789 (…) ».

Cette dernière est intégrée dans la constitution de 1789 qui, dès ses préliminaires, sans équivoque, proclame que « Les limites de la liberté individuelle ne sont placées qu’au point où elles commenceraient à nuire à la liberté d’autrui. C’est à la loi à reconnaître ces limites et à les marquer. Hors de la loi, tout est libre pour tous : car l’union sociale n’a pas seulement pour objet la liberté d’un ou de plusieurs individus, mais la liberté de tous. Une société dans laquelle un homme serait plus ou moins libre qu’un autre, serait, à coup sûr, fort mal ordonnée : il faudrait la reconstituer ». (Sieyès , Préliminaire à la constitution de 1789, page 28, lien : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k41690g/f30.image.r=.langFR.)

Pourtant, afin de se soustraire aux lois communes, les lobbies S.H.A.F. se créent des privilèges (et les droits que se crée une minorité organisée , non partagés par tous ,sont des privilèges) , ils « (…) en appellent à la coutume contre la raison, et à la raison contre la coutume, comme cela sert leurs intentions, fuyant la coutume quand leur intérêt l'exige, et s'opposant à la raison aussi souvent que la raison s'oppose à eux. Ce qui fait que la doctrine du juste et de l'injuste est perpétuellement un objet de débat tant par la plume que par l'épée (…) » (Thomas Hobbes, Léviathan p. 92.).

C’est ce à quoi nous assistons, impuissants, depuis 1979 : une prise d’otage de notre citoyenneté et de notre laïcité mais aussi une violation cynique des Droits de l’Homme.

Rappelons que les Droits de l'Homme naissent de l’interaction de valeurs générales et intemporelles -la dignité, la liberté et l'égalité - et du constat, de l’expérience à travers l'histoire, des injustices.

Bien que la majorité des Constitutions des pays membres de l’ONU se réclament des Droits de l’Homme, dans la réalité certains états – dont la France, les USA et Israël - s’en affranchissent tout en s’en prévalant et en appelant à la démocratie et à l’état de droit. Ils oublient, ce faisant, que l’état de droit implique le respect des lois nationales et des traités internationaux dûment paraphés.

A travers le préambule de la Constitution de 1789 , Sieyès pointe un doigt accusateur ,non seulement vers nos concitoyens oublieux , mais aussi et surtout vers le Ministère Public coupable en l’occurrence d’avoir - en violation de notre Constitution - failli à son devoir premier qui est de garantir l’égalité en droits et en devoirs des citoyens devant la loi .

Le laisser-faire dans les dérives successives de Charlie- Hebdo est une des illustrations de ce manque, cette faute, du Ministère Public. L’Etat doit respecter et faire respecter - tout en se tenant à équidistance - toutes les libertés fondamentales des citoyens consenties par la Constitution : aucune des libertés ne prime sur les autres.

Blasphémer est un droit, nous disent les uns et les autres. Soit. En blasphémant, on se situe résolument dans le registre de la liberté de conscience mais encore faut-il ne prendre que sa part et ne pas empiéter sur la liberté de conscience des autres car l’une n’a d’égale que l’autre, sauf à donner dans le privilège.

En blasphémant sa religion propre, on manifeste une forme de nihilisme, ce qui est vécu, par la plupart, comme du courage à braver sa communauté propre ou à l’aiguillonner ; on exalte son athéisme aussi. Ce dernier, à bien y réfléchir, tient du spirituel et recèle, dans certains cas extrêmes, comme de l’intégrisme : tout aussi nuisible au vivre ensemble, son intolérance n’a pas plus de légitimité que celle de son alter ego religieux.

Mais comment peut-on qualifier ceux qui, depuis plus de 30 ans, décochent, au quotidien, les mêmes perfidies – véritables incitations à la haine raciale sous couvert de liberté d’opinion - contre la frange la plus faible de notre société. Comment qualifier le réseau S.H.A.F. qui use de calomnies contre les personnalités qui , au détour d’une publication, ont pris la défense de ces minorités ou seulement fait le travail que leurs fonctions exigent d’eux. Pour avoir écrit « pour les musulmans » , à la manière de Zola titrant « pour les juifs » , Edwy Plenel fut moqué par Frédérique Aziza sur LCP , vilipendé par Elisabeth Lévy , qualifié « d’idiot utile » par Caroline Fourest et finalement traité de sourire de la Stasi par l’éphèbe Finkielkraut ; Pascal Boniface, pour ses interventions télévisées et ses publications ,eut à subir le même traitement médiatique et fut même attaqué à travers son fils , élève à Sciences Po Paris, par Frédérique Encel , professeur dans ce même établissement ; Jean-Louis Bianco dut avaler bien des couleuvres pour accomplir sa tâche à la tête de l’Observatoire de la Laïcité: il n’avait pourtant fait que suivre , scrupuleusement , ce que la loi du 09 décembre 1905 exige : le citoyen lambda peut le vérifier ici (.lien : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000508749). (J’attire l’attention de ce citoyen, en particulier, sur la troisième phrase de l’article 2 et sur les articles 25, et 27, tous soucieux de la publicité, c’est-à-dire du caractère de ce qui est public, des cultes dans l’intérêt public : nous sommes bien loin des thèses S.H.A.F soutenues par les professeurs Jean Fume et Bezkou Yon, depuis 40 ans bientôt).

A ce propos, constatons que John Stuart Mill rend justice aux sans grade et à ceux qui ont été, l’espace d’un moment, leurs avocats : «(…) le tort que peuvent causer les procédés [de celui qui emploie la calomnie en bande organisée, les invectives, les sarcasmes, les attaques personnelles ] n’est jamais si grand que lorsqu’on les emploie contre les plus faibles, et les avantages déloyaux qu’une opinion peut tirer de ce type d’argumentation échoient presque exclusivement aux opinions reçues. La pire offense (…) qu’on puisse commettre dans une polémique est de stigmatiser comme des hommes dangereux et immoraux les partisans de l’opinion adverse. Ceux qui professent des opinions impopulaires sont particulièrement exposés à de telles calomnies, et cela parce qu’ils sont en général peu nombreux et sans influence, et que personne ne s’intéresse à leur voir rendre justice » (John Stuart Mill, De la Liberté, Gallimard (Folio Essais), pp.142-143)

Constat : Le citoyen conscient est aujourd’hui réduit à noter, la rage au cœur, que dans notre cas de figure ,« les opinions adverses » et les « opinions impopulaires », ne sont autres que la loi du 09 décembre 1905, notre Constitution et les textes et traités internationaux dûment paraphés par la France – qui sont , de ce fait , sous la protection de l’article 55 de notre Constitution.

Dans quel profond mépris les lobbies particularistes S.H.A.F noient notre citoyenneté !

Les enfants musulmans, rivés à leur télévision, jour après jour, depuis près de 40 ans, reçoivent, de plein fouet, « l’insulte et le crachat » à la religion de leurs parents.

Ces affronts, aussi quotidiens qu’inutiles, nous avons voulu les croire sans conséquences pour notre société jusqu’à ce que l’on découvre les attentats sur notre sol et une ribambelle de nos propres enfants - convertis pour la circonstance - qui nous renvoient à la figure la haine que nous avons semée. L’heure du bilan est là et les masques tombent, le constat est terrifiant : c’est parmi les moins résilients - et les plus révoltés par le sort qui leur est fait - de ces enfants blessés , ces « gueules cassées du Moi » , que Daesh recrute ses Ravachol , Vaillant , Caserio et autres Emile Henri contemporains .Car , à l’évidence , Daesh - ce monstre, né des éprouvettes des apprentis sorciers américains - ne fait que puiser dans les réservoirs de colères majuscules que nous lui avons constitués.

Je laisse le mot de la fin à Clémenceau, (lien : https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/250916/lecon-de-clemenceau-aux-febriles-dhier-et-daujourdhui ) évoquant les auteurs d’attentats de la fin du 19ième siècle : « Un homme capable d’un pareil acte doit être mis hors d’état de nuire : cela ne souffre pas de discussion. Mais, ce point réglé, y a-t-il rien de changé dans l’état des choses qui font sourdre d’en bas ces fureurs criminelles ? On se plaint des déclamations qui affolent de faibles esprits, qui détraquent des volontés instables. Cela est fâcheux, sans doute, mais les déclamations n’entament le pauvre esprit humain qu’aiguisées d’une pointe de vérité .Si vous voulez qu’elles soient inoffensives, enlevez-leur ce pénétrant aiguillon (…) C’est de quoi l’on ne s’occupe guère .On a plus tôt fait, sans doute, de répondre à la violence par la violence, et les mauvais conseils ne manqueront pas. L’affolement dans la répression, après l’affolement dans le crime : voilà le train ordinaire des choses ». Fustigeant les flibustiers de la politique d’alors, il ajoute : « C’est l’occasion de profiter de l’horreur qu’inspirent d’abominables attentats, pour essayer de reprendre à la République les libertés péniblement conquises sur l’esprit de réaction. Nous ne pouvons, hélas ! compter ni sur le bon sens du gouvernement ni sur l’esprit politique des chambres, pour nous garder de ces entraînements ». «La sagesse serait peut-être de nous en prendre qu’à nous-mêmes, au lieu de bayer à l’imprévu. (…) L’effort continu, le labeur lent et sûr, voilà ce qui nous fut promis, et jamais donné. Tandis que les uns s’hébètent ou s’affolent dans le rêve, les autres s’empêtrent aux ornières : tous par incapacité de vouloir. Epris d’action, faibles de vouloir : voilà notre mal .Quand la résolution nous viendra de vouloir, les imaginations dévoyées seront du coup remises dans la droite route, et les esprits sains trouveront sans peine où s’employer. (…) ".

Ce texte, de 1895, décrit aussi notre époque ; il n’y a pas même une virgule à changer.

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