Histoire d’une mutilation nationale. N° 2
Lobby des intérêts particularistes
Aujourd’hui, ce lobby des intérêts particularistes, dont le « fonds de commerce » est la peur, résulte de l’alliance des opportunismes.
Il y a ceux qui profitent de la peur et l’alimentent en retour. Chaque spasme géopolitique, chaque soubresaut social banlieusard, chaque fait divers (aussi petit soit-il, surtout quand il est question de l’Ecole) impliquant nos minorités racialisées, la musulmane en particulier, est une aubaine. Très réactifs, ils investissent les médias, exhibant leur nouvel essai déjà prêt, collant à l’actualité encore incandescente. Ils sont à la fois consommateurs et recycleurs du matériel idéologique qui alimente leur propagande. Pour peu que l’on fasse abstraction des images fraîchement injectées par l’actualité, c’est toujours cette même narration initiée, en 1989, par l’affaire du foulard du collège de Creil.
Il y a les autres qui utilisent cette peur pour promouvoir leurs causes, leurs carrières, pour vendre leurs journaux, leur bric-à-brac médiatique. On y retrouve pêle-mêle des associations ( dont les sionistes français, et les laïcistes) , des grands patrons de presse, des hommes et femmes politiques poussés par une ambition de conquête dévorante et d’autres , en déclin ,en quête d’un nouveau départ et qui sont , d’avance, prêts à toutes les compromissions .
On retrouve également les médias antimusulmans par conviction, les « béni oui-oui » par vocation, et ceux que la raréfaction drastique de « l’avoine » pousse à glisser le cou dans le licou pour bêtes cornues tendu par notre maître à penser, faiseur d’opinions. Tous, « lui mangent dans la main » car il fait et défait les carrières.
Les moteurs, les éléments saillants de ce lobby des intérêts particularistes sont aujourd’hui essentiellement les activistes sionistes et le Printemps Républicain.
Le Printemps Républicain, déguisé en « monsieur loyal », bonimenteur des cirques de notre enfance, organise même des soirées de remises de « prix de la laïcité », exploitant la faiblesse et la renommée de vieux noms prestigieux. Ces faits d’arme sont nombreux : de l’embrigadement d’Elisabeth Badinter [2] ,des féministes et des homosexuels , bien souvent chenus (les néoféministes et les jeunes associations homosexuelles ne me semblent pas jouer à ce jeu pour le moment) jusqu’à J.M. Blanquer, ministre de l’Education Nationale, en passant par une légion d’influenceurs, mercenaires de la plume, sicaires du verbe, écumeurs de plateaux et des studios des médias. Nous les connaissons tous.
Le Printemps Républicain est une officine laïciste notoire, officiellement anti islamiste mais en réalité anti musulmane. Parodiant le Général de Gaulle, d’aucuns diraient : « Tel un cabri, Le Printemps Républicain saute à longueur de journée en répétant, laïcité, laïcité, mais ce n’est que pour mieux la violer ».
Méditons sur ceci : il n’y a pas de démocratie sans journalisme libre. Or le champ médiatique actuel tient « du pré carré » ; des moutons de panurge y bêlent au même diapason. Le Monde Diplomatique (décembre 2023) publie un « qui possède quoi » concernant les médias français : il n’y a rien de rassurant.
De ces forces constituées, qui ont barre sur notre politique intérieure, nous n’aborderons, ci-dessous, que les cas du sionisme français et du laïcisme, deux mouvements coalisés à l’influence particulièrement pernicieuse. Ils travaillent notre société par le biais de son Ecole Publique, maillon faible de la République. Se prévalant indûment de la « laïcité » (indûment, car, dans ce cas de figure la « laïcité », dont ils se gargarisent, n’est qu’un cheval de Troie du laïcisme qu’ils prêchent, comme nous le montrons ci-dessous) ils investissent l’Ecole, depuis 1989, sous de menus prétextes que la propagande ambiante transforme immanquablement en menaces quasi existentielles. Ils en arrivent, ainsi, à prendre en otage et hypothéquer l’avenir de notre laïcité et de notre égalité citoyenne.
L’auteur pourrait, bien sûr, citer aussi le cas des islamismes, mais il préfère, pour raison de clarté, renvoyer le lecteur à ses précédents billets, sur le Blog de Belab et son édition, l’Escarbille [3].
- A) Le sionisme
Charles Enderlin, dans un de ses livres (les juifs de France entre République et Sionisme) décrit le virage sioniste de la communauté juive de France, comment elle troque son cocon protecteur de toujours, le parti socialiste, contre la droite puis (chose extraordinaire, quand on connaît l’histoire de l’antisémitisme [1]) s’abouche avec l’extrême droite.
Le sionisme de la communauté juive de France se caractérise par un soutien inconditionnel au colonialisme Israélien, du « heretz Israël » (le « grand Israël », de la Méditerranée au Jourdain et au Golan) que l’extrême droite au pouvoir en Israël promeut. Ses divas, les Finkielkraut, les Goldnabel, les Bernard-Henri Levy, les Mayer Habib, les Arnault Klarsfeld n’ont à la bouche que « la solution à deux états » pour résoudre le conflit israélo-palestinien mais ce n’est là qu’une habileté rhétorique pour occuper le terrain médiatique et pour mieux cacher le fond de leur pensée : l’annexion totale de la Palestine. Un examen de la situation montre à l’évidence que cette création d’un état palestinien est empêchée non pas par les Palestiniens mais par le colonialisme israélien – ce dernier a un nom depuis le 19ième siècle : le sionisme.
Les massacreurs du 7 octobre 2023, par-delà l’horreur de leur crime, demeurent des hommes. Les massacreurs d’aujourd’hui rescapés de la Nakba rejoignent ceux d’hier, rescapés de la Shoa, tous déshumanisés. Quelle différence y a-t-il entre les assassins du Hamas de 2023 et ceux du Groupe Stern, du Betar, de l’Irgoun, du groupe Jabotinski, de la Haganah, de l’après seconde guerre mondiale [4] ? Menahem Begin et Itzhak Shamir font partie de ces derniers, l’histoire « bonne fille » a fait d’eux des Premiers Ministres d’Israël. La Communauté internationale (en réalité, les vainqueurs de la seconde guerre mondiale) estima devoir détourner le regard de ces crimes de masse ainsi que de l’assassinat du Suédois Bernadotte, son propre négociateur : il fallait, coûte que coûte, se débarrasser du problème juif, et vite.
Pour le reste, c’est bien connu, on pardonne tout au succès ; et, comme dirait Brennus, «malheur au vaincu! ».
La solution du problème israélo-palestinien est dans les mains (certes liées dans le dos, pour le moment) des Nations Unies. C’est à ceux qui ont créé le problème en 1948 de le résoudre aujourd’hui. Les charniers du problème juif d’hier, et les charniers du problème palestinien d’aujourd’hui, sont les résultats de l’alchimie des apprentis sorciers de la communauté internationale qui, voulant redessiner le paysage géopolitique, transmutent une peine en une autre mais sans penser à la commuer (comme c’est béta !). Aussi la puanteur qui les poursuit est la même.
Le problème juif est de la responsabilité de l’antisémitisme : un chancre exclusivement Occidental, né dans les miasmes de l’antijudaïsme chrétien ancestral, travaillé par la théorie racialiste de la période pré-nazie [1]. L’Allemagne nazie en a fait une doctrine, la solution finale. Vaincue, l’Allemagne aurait dû réparer ses fautes et céder, en guise de dommage de guerre, une partie de son territoire pour les survivants de la Shoa. Au lieu de cela, la culpabilité d’une part, et d’autre part la peur d’un remake des conséquences de l’armistice de Rethondes (humiliante pour les Allemands) ont obligé les Occidentaux à la retenue. Ces derniers ont finalement conclu qu’il ne fallait pas « trop tirer sur la corde », on ne sait jamais avec les Allemands : la seconde guerre mondiale est la fille de l’humiliation allemande de 1918, ne leur donnons pas la même excuse.
Alors, très courageusement, d’un trait de plume viril, ils ont coupé la Palestine en deux : ce territoire-là sera Israël et celui-ci, la Palestine Cf. Ilan Pappe [4]
Depuis, on nous serine l’argument selon lequel les Palestiniens n’ont pas voulu du partage en 1948.
De grâce, quel est le peuple promis à l’amputation de son territoire qui, d’emblée, aux sons des « you-yous » ou des hourras accueillerait à bras ouverts son oppresseur: « Ya marhaba ! Bienvenue, pénétrez, je vous en prie, servez-vous donc, ‘’l’abricot’’ vous revient de droit et la ‘’prune confite’’ aussi ’’. Aucun peuple n’y sacrifierait de gaieté de cœur, le Palestinien non plus.
On nous dit : oui, mais non, le Hamas veut la destruction d’Israël, c’est dans sa charte.
Soit. Mais La charte de l’OLP, elle, reconnaît Israël et accepte l’idée d’un Etat palestinien dans les limites de la ligne verte de 1967 (beaucoup de pays arabes accepteraient cette solution).Qu’est-ce qui empêche donc la création de cet Etat palestinien ? La politique de colonisation israélienne par son grignotage des territoires occupés, et rien d’autre.
Que les Nations Unies, responsables de cette catastrophe, la réparent et reconnaissent l’indépendance de la Palestine, sous l’Egide de l’OLP et les auspices de sa charte. Chaque chose à la fois : le problème du Hamas, épouvantail à Occidentaux (qu’Israël a favorisé au détriment de l’OLP et ce, afin que l’Etat palestinien ne puisse justement pas se constituer) aurait très bien pu attendre la création de l’Etat palestinien pour se dissoudre de lui-même car devenu inutile pour son peuple.
Dire aujourd’hui « le Hamas, mouvement de libération nationale, recourt au terrorisme », est un scandale pour les faux dévots de la paix qui ne veulent entendre dans les « rangs » que les seuls mots « Hamas terroriste », car utiles au déroulement de leur propagande. De Villepin, ancien Premier Ministre de Jacques Chirac, l’a appris à ses dépens pour en avoir appelé au droit international. L’insulte suprême, aujourd’hui, n’a guère tardé à le souffleter : « antisémite » !
Le Hamas, donc, mouvement de libération nationale, a eu recours au terrorisme tout comme les Israéliens de la Haganah, de l’Irgoun, du groupe Stern, de la phalange Jabotinski, ont eu recours au terrorisme [4].
Dans ce genre de situation, l’histoire est sans pitié pour la palinodie. Elle nous montre que tous les mouvements armés au service d’une libération nationale, de la création d’un état ou d’une sécession, recourent au terrorisme quand ils se trouvent en butte à de trop grandes difficultés , tous : le FLN algérien, l’ ANC de Nelson Mandela, l’IRA de Eamon de Valera et sa survivance en Irlande du Nord, la résistance de l’Amérique naissante(…) le Hamas et aussi les Israéliens.
Tous les peuples ont droit à l’autodétermination. En outre, le droit de résistance est reconnu par les accords internationaux dont l’accord de Genève (et avant lui, celui de Westphalie).
Il y a bien du cynisme et beaucoup de mépris gratuit dans cette affaire. Et voilà 65 ans que cette ignominie dure.
Soyons honnête : l’ONU tente de faire son travail, mais les impedimenta perlés du Conseil de Sécurité mettent en échec toutes ses résolutions. Les responsables de cette situation, on les connaît, ce sont les tenants impénitents du « deux poids et deux mesures » qui sèment la guerre sur tous les continents et sanctionnent économiquement qui ils veulent ; boudant le traditionnel mode de gouvernance, « l’opium et le bâton », ils ont opté pour le marteau ravageur de Thor (ce Dieu dont ils ont usurpé le trône).
Les premières victimes tombées en même temps que les palestiniennes et les israéliennes, sont le droit international et la vérité. Exit la charte de l’ONU ; exit les Accords de Genève ; vive la curée contre les femmes et les enfants, et dans la faim, et dans la soif et dans les privations.
Et le tout, dans une palinodie globalisée : un Munich onusien, un ballet obscène d’opinions vassalisées, de reniements de soi, de rétractations des principes et bons sentiments dont nos bardes des « droits de l’Homme », hier encore, entrelardaient leurs sagas
C’est vrai, la politique n’engage que celui qui y croit…
Quoi qu’il en soit, nous avons tous remarqué combien les flambées de colère réelles ou feintes hexagonales sont étroitement corrélées avec le conflit israélo-palestinien .Cette relation de cause à effet montre, à l’évidence, que c’est le colonialisme israélien, le sionisme donc, qui est sur la sellette et non les juifs de France, d’Israël ou d’ailleurs : il ne saurait être question, dans cette affaire, d’antisémitisme [1] que pour ceux que le mélange des genres et la confusion arrangent.
À rebours des mises en garde que l’Histoire têtue tire de notre expérience algérienne, nous avons importé le conflit israélo-palestinien et en avons fait une variable d’ajustement de notre politique intérieure. (Le fait que d’autres nous l’aient imposé par la ruse ou je ne sais quelle déloyauté ne change rien aux données basales de notre problème : la faute nous incombe).
Ce conflit lourd de conséquences ne doit pas être importé chez nous. Car, si on estime que les français juifs ont le droit de soutenir Israël, l’égalité citoyenne exige de reconnaître, dans un souci d’équité, que les musulmans français, descendants de colonisés, puissent légitimement être sensibles à la douleur du Palestinien. Le fait que Monsieur Mayer Habib soit sioniste m’indiffère ; l’idée que Mayer Habib, député français, payé par la France, soit au service d’Israël à plein temps, au détriment de la concorde et de l’unité nationale, m’est insupportable. « On est sur la même galère », on doit tous ramer dans le même sens ou, tout au moins, ne pas contrer l’effort commun.
De plus, asseoir un tel déséquilibre, par la menace à peine voilée sur la citoyenneté des Français musulmans, est maladroit et dangereux pour notre démocratie et notre cohésion sociale : nous avons déjà grippé la « machine à assimiler », mis à l’index une partie de nos citoyens, multiplié les ghettos, souillé la laïcité à l’Ecole, jeté l’opprobre sur les étrangers vivant chez nous. Que cherchons-nous encore ?
Ils nous répondent : promouvoir un nouveau Droit des étrangers.
Ils se lancent alors dans une frénésie de conciliabules en petits et grands comités, jusque dans les recoins de notre Parlement et se livrent à une fastueuse cuisine politique du« file-moi le sel, je te file le poivre » qui se termine par le vote de lois qui ne seront jamais appliquées car contrevenant à l’article 55 de notre constitution (lequel met au-dessus des lois françaises le droit européen et les accords internationaux signés par la France). Aux dernières nouvelles, ils en seraient à ripoliner le Droit du sol, vieux de 500 ans…N’avons-nous que ça à faire ?
Et tout cela, après avoir feint l’hystérie sur le mode pagnolesque du « retiens-moi ou je fais un malheur» dans une soi-disant crise avec l’Algérie (encore une fois ! Ne soyons pas dupe, le tintamarre médiatique que ces crises génèrent est un outil de gouvernance très utile dans les politiques intérieures des deux Etats).
Car, que je sache, l’accord de 1968 sur l’immigration algérienne est déjà le résultat d’une renégociation du volet immigration hérité des accords d’Evian (pour autant, le ciel n’était pas tombé à ce moment-là ...). Qu’est-ce qui empêche une nouvelle renégociation « entre quatre yeux », même sans le flegme anglais dont manifestement aucune des deux parties n’est capable, mais selon le Droit International, et sans tintamarre médiatique ? Rien.
[1] De l’antisémitisme | Le Club (mediapart.fr)
[2] Elisabeth Badinter : un crève-cœur. | Le Club (mediapart.fr)
[3] L’escarbille
[4] De la falsification de l’histoire palestino-israélienne | Le Club (mediapart.fr)