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Finkielkraut , une boucle de logique(épisode 3)
3-Du flirt avec les droites extrêmes.
Dans l’émission -Causeur et radio communautaire juive RCJ - « l’Esprit de l’Escalier » du 01oct.2017 ( https://www.youtube.com/watch?v=pv6nsmrTd_0 ) prenant prétexte des élections allemandes qui ont amené le parti AFD au Bundestag, Elisabeth Lévy fustigea ironiquement « les bons et mauvais esprits » qui « il y a quelque temps, avaient poussé un soupir de soulagement après la victoire de Trump et la victoire du Brexit : le nuage populiste, comme celui de Tchernobyl, contournait les frontières : les Français avaient décidé de rejoindre leurs voisins dans l’avenir radieux post-national que leur promettait Emmanuel Macron. Dans les rédactions convenables, on se réjouissait, faute d’un champion à la hauteur, que les ‘’nationalismes étroits et les souverainistes’’ étaient rentrés dans le rang électoral et, histoire de calmer toutes velléités de récidives, on pouvait toujours agiter l’épouvantail Trump. Mais voilà que ce sont les Allemands (…) qui mettent le pied dans le plat électoral en faisant de l’AFD le 3ième parti du Bundestag(…) »
Le doute m’a saisi : serait-ce qu’elle déplore le fait « que les nationalismes étroits et les souverainistes » ne l’aient pas emporté en France ? Bien que prévenu par l’antécédent de Zemmour https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/130916/quelle-hecatombe-si-le-ridicule-tuait– lequel se vante même dans une émission de Mme Lapix, de rencontrer toutes les semaines messieurs Patrick Buisson et Philippe de Villiers - je me suis dit qu’elle n’aurait pas le front de soutenir de telles thèses devant la communauté juive de France qui porte en son sein encore bien des stigmates résultant des idéologies des droites extrêmes ( lien sur affaire Dreyfus) ?
Né en 2013 sur des thèses libérales et eurosceptiques, l’AFD - parti d’extrême droite alternative pour l’Allemagne- s’est rapidement transformé en un « parti national-populiste ». À la faveur des dernières élections allemandes, il a fait son entrée au Bundestag.
Mon doute a viré à l’inquiétude légitime quand Alain Finkielkraut « a enfoncé le clou » : « Les admirateurs de Mme Merkel ne sont pas pour autant ébranlés. Ce soubresaut, au contraire, renforce leur admiration . Ils ont conclu que le peuple allemand n’est pas à la hauteur des grandes espérances qu’Angela Merkel et toute l’Europe éclairée avaient placé en lui, il a déçu .Face à l’immense défi de l’hospitalité inconditionnelle , il a voulu secouer le joug de la mémoire et s’est donné le droit de redevenir le Méchant ». Certes, « il y a quelques nostalgiques du 3ième Reich ici ou là mais l’AFD n’est en rien un parti néo nazi, on ne trouve dans son programme ni l’éloge du parti unique d’appel à renverser l’institution, ni velléité génocidaire, ni exaltation de race supérieure et, plus important, que le co-président de l’AFD du Bade-Wurtemberg dit simplement que les Nations européennes doivent remplacer la culture de l’autosuppression par la volonté de survivre ».
A Finkielkraut d’accrocher son wagon au train de l’AFD et de trouver que ,somme toute, ce « remplacement de la culture de l’autosuppression par la volonté de survivre n’a rien d’hitlérien, ni de pangermanique .Plutôt qu’à la peste brune, il me fait penser à cette critique adressée par un grand historien allemand, Thomas Nipperdey, au patriotisme constitutionnel opposé en guise d’expiation éternelle à l’Allemagne par Jürgen Habermas : ‘’ce rejet de la Nation recèle une fatale propension à inculquer notre conscience non nationale aux malheureux qui sont encore dans un état de déplorable arriération . La germanité progressiste avancée post nationale aurait donc une fois encore la charge de diriger le monde, le rejet de notre nation est une réédition de la particularité allemande ‘’».
Tirade que résume Elisabeth Lévy par : « Le messianisme est du côté des adversaires de l’AFD » (sic !)
De la versatilité du sieur Finkielkraut.
Faisons un petit crochet pour mieux cerner le personnage.
Ceux qui écoutent « Réplique » - l’émission d’Alain Finkielkraut sur France-Culture - ont déjà fait le rapprochement de ce « remplacement de la culture de l’autosuppression par la volonté de survivre » avec le « remplacisme » de Renaud Camus, adopté et cité à foison par notre « menhir de l’Académie Française ». Le « remplacisme » peut être résumé par ces deux phrases tirées du livre de Renaud Camus « Le Grand Remplacement » : « vous avez un peuple et presque en une génération vous avez à sa place un ou plusieurs autres peuples » (source : Renaud Camus, Le Grand Remplacement, p.165) « Les vieillards sont de souche, mais les nourrissons sont arabes, noirs et volontiers musulmans » (source : idem, p.48).
Remarque 1: Rappelons que Renaud Camus, hier encore, s’insurgeait contre la forte « concentration de juifs » au sein de France-Culture et avait été unanimement qualifié d’antisémite. Manifestement ses prises de position en faveur de la « pureté nationale » lui confèrent, aux yeux d’Alain Finkielkraut, le titre de « juste ». Renaud Camus (pour faire court, allez à minute 8 :30 et suivantes lien: https://www.youtube.com/watch?v=b-6ozd_95jE ) -pour se faire pardonner sans doute - tourne sa liquette et déclare péremptoirement aujourd’hui détester « les arabes quand ils envahissent nos banlieues ». Mais cela ne perturbe aucunement notre Suétone du 21ième siècle (qui vient de publier son « Satyricon ») d’écrire (et de confesser sur les plateaux de télévision urbi et orbi) adorer les mâles marocains au point de les aboucher, emboucher et plus « si affinités » dans les vapeurs surchauffées des hammams chérifiens qu’il hante sans modération. Certes, c’est son droit, mais on demeure tout de même dégoûté devant ce grand écart permanent et ce manque manifeste de retenue et de cohérence.
Remarque 2: Notons que cette « définition » de Renaud Camus ne résiste aucunement à un examen attentif ,à l’aune des données INED /INSEE. (Cf. Hervé Le Bras https://www.youtube.com/watch?v=KDOxOQenCbA)
Cette définition permet néanmoins à Alain Finkielkraut d’épancher sa haine des noirs et des arabes : « la France se caractérise par le nombre de mariages mixtes (…) On peut constater que la plupart de ces mariages croisent la nationalité française et la nationalité étrangère, sont des ethno-culturellement endogames : ce qui donne à la mixité, effectivement, un tout autre sens ».
Un certain nombre de mariages « beurs » ou « blacks » sont effectivement, « ethno-culturellement endogames ». Mais ramené aux populations respectives, ce type de mariage est encore plus fréquent chez les juifs. Et, en tant que juif, Alain Finkielkraut ne peut décemment pas se prévaloir de tels arguments. Il nous rejoue positivement un « remake » de la parabole biblique de « la poutre et de la paille ». Car il n’ignore pas que la judéité passe par la femme et que la responsabilité et la pression sociale sur les épaules de cette dernière sont autrement plus importantes que sur celles de la musulmane.
Bernard Lazare (juif lui-même et défenseur du capitaine Dreyfus) souligne (source Antisémitisme p.281, 282 et 283) : « Nulle religion que la juive ne fut pétrisseuse d’âme et d ’esprit. Presque toutes les nations ont eu à côté de leur dogme religieux, une philosophie, une morale, une littérature ; pour les israélites la religion fut à la fois une éthique et une métaphysique, elle fut encore plus : elle fut une loi. (…) Pour faire partie de la nation, il fallait accepter non seulement son dieu mais encore toutes les prescriptions légales qui émanent de lui. (…). Minutieuse et tatillonne (…), [cette loi était devenue la] manifestation la plus parfaite de la religion rituelle qu’était devenue la religion juive. Ces rites qui prévoyaient chaque acte de la vie (…) façonnèrent la cervelle du juif, et partout, en toutes les contrées, ils la façonnèrent de la même manière. (…) .La Loi créait des particularités ; ces particularités, les juifs se les transmettaient parce qu’ils constituaient partout une association très serrée, se tenant fort à l’écart (…) rebelle à la pénétration. (…) » .
Cela écrit, rappelons cependant - à ceux qui, toujours prompts, courent déjà sectionner l’arbre parce que l’Homme en descend à la suite du singe - qu’il y a juif et juif (comme, du reste, chrétien et chrétien, musulman et musulman et athée et athée).
Remarque 3: Après avoir pris soin de remplacer le mot juif par le mot musulman, ces caractéristiques propres au judaïsme, extraites du livre de Bernard Lazare ont été projetées presque mot pour mot sur l’Islam par les lobbies S.H.A.F. . Ayant définitivement postulé que les Français sont ignorants en matière d’histoire des religions, les professeurs Jean Fume et Bezkou Yon, experts dans l’art du bonneteau lexical, étaient, et sont toujours, convaincus que personne n’irait vérifier la validité de leurs affirmations. L’hubris ose tout et nous méprise tous.
Pourtant, il avait fallu, et il faut toujours, aux assemblées rabbiniques et au sionisme bien des efforts et des ruses pour agréger une communauté par sa religion centrée, comme le souligne Hannah Arendt, sur l’idée, rénovée, du mythe du peuple élu (source : Hannah Arendt, sur l’antisémitisme, les origines du totalitarisme, p.10)
D’évidence, ce qui est déjà très difficile pour embrigader une petite population relève de l’impossible quand on considère l’ensemble des cultures et coutumes des innombrables peuples (1, 6 milliard d’individus) ayant embrassé l’islam https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/270916/de-la-soi-disant-unicite-de-la-sharia-et-du-pseudo-monolithique-islam
Comment accommoder les restes de l’histoire récente de l’Allemagne au service du sionisme.
Pour le sieur Finkielkraut : Jürgen Habermas opposerait à l’Allemagne, « en guise d’expiation éternelle, le patriotisme constitutionnel ».
Or, le consensus «post-national» - dont le «patriotisme constitutionnel » est le corollaire - n’est pas particulièrement une proposition de Habermas- contrairement à ce que laissent penser Elisabeth Lévy et Alain Finkielkraut.
À la différence de ses aînés dits « bismarckiens », la jeune génération d’historiens, dite « génération Fischer », revendiquait une « identité post-nationale » : pour elle, la division de l’ancien Reich était justifiée par la monstruosité des excès du nazisme : pour le bien du monde et celui de l’Allemagne, il fallait accepter le verdict de l’histoire. Cette acceptation fut soulignée par le soutien quasi unanime à la politique du chancelier Willy Brandt (symbole de l’identité post-nationale par excellence), quant à l’apaisement des rapports de voisinage avec l’Union Soviétique et la reconnaissance solennelle des frontières héritées de la seconde guerre mondiale. L’adhésion des universitaires à la politique et à la démocratie de la RFA fut scellée par l’ « appel des 220 » (historiens, politistes et sociologues).
Nota : La classe politique, elle aussi, réclamait avec insistance la constitution d'une historiographie de l’identité nationale allemande. « L’identité post-nationale » - donc, le « patriotisme constitutionnel » - par la force des choses, s’imposa à tous ou presque.
Par ailleurs, l’identité allemande vue sous l’angle de la « fierté patriotique fondée sur l’histoire » fut défendue par Michael Stürmer et non par Thomas Nipperdey. Cependant, l’affrontement qui devait opposer les tenants de cette mouvance - ultra minoritaires - aux partisans d’un « patriotisme constitutionnel » - défendu par la majorité des intellectuels de l’époque- n’a pas eu le temps d’avoir lieu. En effet, la réunification de l’Allemagne redistribua les cartes : le « post-national » est mort, vive la « nation mémorielle » (au grand dam de François Mitterrand, du reste).
Observons la malignité du sieur Finkielkraut , tout à ses vaticinations et ses transductions pour le moins fallacieuses .La soi-disant « expiation éternelle » que Jürgen Habermas opposerait à l’Allemagne, (à savoir « le patriotisme constitutionnel ») n’est autre que la politique imposée à la RFA par l’Histoire( et les USA, le marteau d’Odin à la main ) qui dura de 1949 , date de création de la RFA , à 1989 , date de la réunification de l’Allemagne .Dans cette affaire , Habermas n’avait été qu’un témoin de l’Histoire. Par contre, ce dernier fut un acteur majeur parmi les partisans de l’instillation de l’exigence morale dans l’histoire ; il se distingua en proclamant que « l’affirmation intransigeante de la singularité de l’holocauste était un devoir absolu de l’Allemagne ».
Ceux qui ont suivi les émissions d’Alain Finkielkraut sur France-Culture depuis des décennies et sur les médias communautaires juifs peuvent témoigner que la shoa, c’est « son dada ». Pourquoi donc ce flétrissement de Jürgen Habermas qui pourtant postule l’holocauste « devoir absolu de l’Allemagne » ?
Serait-ce que ce qui arrange les thèses sionistes occulte avantageusement, aux yeux d’Alain Finkielkraut, le devoir de mémoire du juif qu’il est ?
Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’homme va jusqu’au blanchiment des thèses de l’AFD - après celles du FN – afin d’alimenter sa propagande sioniste visant à fragiliser encore et toujours une minorité française déjà durement accablée. Erratique, velléitaire, usant de l’approximatif étayé de coups de menton et d’estomac, Il fait feu de tout bois. Pour nourrir sa propagande, il ose jusqu’à falsifier l’histoire allemande.
C’est vrai, ils exagèrent, eux aussi (aurait pu dire Coluche, goguenard): en leur permettant de rejouer, on attendait de la retenue de leur part mais, au lieu de cela, ils poussent l’outrecuidance jusqu’à gagner.
La suite dans le prochain épisode : d’où vient l’aversion d’Alain Finkielkraut pour Habermas ? https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/081117/finkielkraut-une-boucle-de-logique-episode-4