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Billet de blog 7 novembre 2017

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Finkielkraut , une boucle de logique (épisode 3)

Ceux qui ont suivi les émissions d’Alain Finkielkraut sur France-Culture peuvent témoigner que la shoa, c’est « son dada ». Pourquoi donc ce flétrissement de Jürgen Habermas qui pourtant postule l’holocauste « devoir absolu de l’Allemagne » ?Serait-ce que ce qui arrange les thèses sionistes occulte avantageusement, aux yeux d’Alain Finkielkraut, le devoir de mémoire du juif qu’il est ?

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Finkielkraut , une boucle de logique(épisode 3)

3-Du flirt avec les droites extrêmes.

Dans l’émission -Causeur et radio communautaire juive RCJ - « l’Esprit de l’Escalier » du 01oct.2017 (  https://www.youtube.com/watch?v=pv6nsmrTd_0 ) prenant prétexte des élections allemandes qui ont amené le parti AFD au Bundestag, Elisabeth Lévy fustigea ironiquement « les bons et mauvais esprits » qui  « il  y a  quelque  temps, avaient  poussé  un soupir de soulagement après la victoire de Trump et la victoire du Brexit : le nuage populiste, comme  celui  de  Tchernobyl, contournait  les  frontières : les  Français  avaient  décidé  de  rejoindre  leurs  voisins dans l’avenir radieux  post-national  que leur  promettait Emmanuel  Macron. Dans les rédactions convenables, on se réjouissait, faute d’un champion à la hauteur, que les ‘’nationalismes étroits et les souverainistes’’ étaient rentrés dans le rang électoral et, histoire de calmer toutes velléités de récidives, on pouvait toujours agiter l’épouvantail Trump. Mais voilà que ce sont les Allemands (…) qui mettent le pied dans le plat électoral en faisant de l’AFD le 3ième parti du Bundestag(…) »

Le doute m’a saisi : serait-ce qu’elle déplore le fait « que les nationalismes étroits et les souverainistes » ne l’aient pas emporté en France ? Bien que prévenu par l’antécédent de Zemmour https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/130916/quelle-hecatombe-si-le-ridicule-tuait– lequel se vante même dans une émission de Mme Lapix, de rencontrer toutes les semaines messieurs Patrick Buisson et Philippe de Villiers - je me suis dit qu’elle n’aurait pas le front de soutenir de telles thèses devant la communauté juive de France qui porte en son sein encore bien des stigmates résultant des idéologies des droites extrêmes ( lien sur affaire Dreyfus) ?

Né en 2013 sur des thèses libérales et eurosceptiques, l’AFD - parti d’extrême droite alternative pour l’Allemagne- s’est rapidement transformé en un « parti national-populiste ». À la faveur des dernières élections allemandes, il a fait son entrée au Bundestag.

Mon doute a viré à l’inquiétude légitime quand Alain Finkielkraut « a enfoncé le clou » : « Les  admirateurs de Mme  Merkel ne sont pas pour autant ébranlés. Ce soubresaut, au contraire, renforce  leur admiration . Ils  ont  conclu  que  le peuple  allemand n’est  pas à la hauteur des grandes  espérances  qu’Angela  Merkel  et  toute l’Europe éclairée avaient placé en lui,  il  a  déçu .Face à l’immense  défi  de   l’hospitalité inconditionnelle  , il  a voulu  secouer  le  joug  de  la  mémoire et  s’est  donné  le  droit  de redevenir  le Méchant ». Certes, « il y a quelques nostalgiques  du  3ième  Reich  ici  ou  là  mais l’AFD n’est  en rien un parti néo nazi, on ne trouve dans son programme ni l’éloge du parti unique d’appel  à  renverser l’institution, ni  velléité  génocidaire, ni  exaltation de race supérieure et, plus important, que le co-président de l’AFD du Bade-Wurtemberg dit simplement que les Nations européennes doivent remplacer la culture de l’autosuppression par la volonté de survivre ».

A Finkielkraut d’accrocher son wagon au train de l’AFD et de trouver que ,somme toute, ce « remplacement de la culture de l’autosuppression par la volonté de survivre n’a rien d’hitlérien, ni de pangermanique .Plutôt qu’à la peste brune, il me fait penser à cette critique adressée par un  grand  historien  allemand, Thomas Nipperdey, au patriotisme constitutionnel  opposé  en  guise d’expiation éternelle à  l’Allemagne par Jürgen Habermas : ‘’ce rejet de la Nation recèle une fatale propension à inculquer notre conscience non nationale aux malheureux qui sont encore  dans  un  état  de  déplorable arriération . La  germanité progressiste avancée post nationale aurait donc une fois encore la charge de diriger le monde, le rejet de notre nation est une réédition de la particularité allemande ‘’».

Tirade que résume Elisabeth Lévy par : « Le messianisme est du côté des adversaires de l’AFD » (sic !)

De la versatilité du sieur Finkielkraut.

Faisons un petit crochet pour mieux cerner le personnage.

Ceux qui écoutent « Réplique » - l’émission d’Alain Finkielkraut sur France-Culture - ont déjà fait le rapprochement de ce « remplacement de la culture  de  l’autosuppression  par  la  volonté  de  survivre » avec  le  « remplacisme »  de  Renaud  Camus, adopté  et  cité  à  foison  par notre « menhir de  l’Académie Française ». Le « remplacisme » peut être résumé par ces deux phrases tirées  du  livre  de  Renaud Camus « Le Grand Remplacement » : « vous avez un peuple et presque en une génération vous avez à sa place un ou plusieurs autres peuples » (source : Renaud Camus, Le Grand Remplacement, p.165) « Les vieillards sont de souche, mais les nourrissons sont arabes, noirs et volontiers musulmans » (source : idem, p.48).

Remarque 1: Rappelons que Renaud Camus, hier encore, s’insurgeait contre la forte « concentration de juifs » au sein de France-Culture et avait été unanimement qualifié d’antisémite. Manifestement ses prises de position en faveur de la « pureté nationale » lui confèrent, aux yeux d’Alain Finkielkraut, le  titre  de  « juste ». Renaud Camus (pour faire court, allez à minute 8 :30 et suivantes lien: https://www.youtube.com/watch?v=b-6ozd_95jE )  -pour se faire pardonner sans doute - tourne  sa  liquette  et  déclare  péremptoirement  aujourd’hui détester « les arabes quand ils envahissent nos banlieues ». Mais cela  ne  perturbe aucunement notre Suétone du 21ième siècle (qui vient de publier son « Satyricon ») d’écrire (et de confesser sur  les  plateaux  de  télévision  urbi et orbi) adorer  les mâles  marocains  au  point  de  les aboucher, emboucher et plus « si affinités » dans les vapeurs  surchauffées  des  hammams  chérifiens  qu’il  hante  sans  modération. Certes, c’est son droit, mais on demeure tout de même dégoûté devant ce grand écart permanent et ce manque manifeste de retenue et de cohérence.

Remarque 2: Notons que cette « définition » de Renaud Camus ne résiste aucunement à un examen attentif ,à l’aune des données INED /INSEE. (Cf. Hervé Le Bras https://www.youtube.com/watch?v=KDOxOQenCbA)

Cette définition permet néanmoins à Alain Finkielkraut d’épancher sa haine des noirs et des arabes : « la France se caractérise par le nombre de mariages mixtes (…) On peut constater que la plupart de ces mariages croisent la nationalité française et la nationalité étrangère, sont des ethno-culturellement endogames : ce qui donne à la mixité, effectivement, un tout autre sens ».

Un certain nombre de mariages « beurs » ou « blacks » sont effectivement, « ethno-culturellement endogames ». Mais ramené aux populations respectives, ce type de mariage est encore plus fréquent chez les juifs. Et, en tant que juif, Alain Finkielkraut ne peut décemment pas se prévaloir de tels arguments. Il nous rejoue positivement un « remake » de la parabole biblique de « la poutre et de la paille ». Car il n’ignore pas que la judéité passe par la femme et que la responsabilité et la pression sociale sur les épaules de cette dernière sont autrement plus importantes que sur celles de la musulmane.

Bernard  Lazare   (juif lui-même et défenseur du capitaine Dreyfus)  souligne (source Antisémitisme p.281, 282 et 283)   : «  Nulle  religion  que  la juive ne fut  pétrisseuse  d’âme  et d ’esprit. Presque  toutes  les  nations  ont  eu  à  côté  de  leur  dogme  religieux, une philosophie, une morale, une littérature ; pour  les  israélites  la  religion  fut  à  la fois une éthique et une métaphysique, elle  fut  encore  plus : elle fut une loi. (…) Pour faire  partie de  la  nation, il  fallait  accepter  non  seulement  son  dieu  mais encore toutes les prescriptions légales qui émanent de lui. (…). Minutieuse et tatillonne (…), [cette loi était devenue la] manifestation la plus parfaite de la religion rituelle qu’était devenue la religion juive. Ces rites qui prévoyaient chaque acte de la vie (…) façonnèrent la cervelle du juif, et partout, en toutes les contrées, ils la façonnèrent de la même manière. (…) .La Loi créait des particularités ; ces particularités, les juifs se les transmettaient parce qu’ils constituaient partout une association très serrée, se tenant fort à l’écart (…) rebelle à la pénétration. (…) » .

Cela écrit, rappelons cependant - à ceux qui, toujours prompts, courent déjà sectionner l’arbre parce que l’Homme en descend à la suite du singe - qu’il y a juif et juif (comme, du reste, chrétien et chrétien, musulman et musulman et athée et athée).

Remarque 3: Après avoir pris soin de remplacer le mot juif par le mot musulman, ces caractéristiques propres au judaïsme, extraites du livre de Bernard Lazare ont été projetées presque mot pour mot sur l’Islam par les lobbies S.H.A.F. . Ayant définitivement postulé que les Français sont ignorants en matière d’histoire des religions, les professeurs Jean Fume et Bezkou Yon, experts dans l’art du bonneteau lexical, étaient, et sont toujours, convaincus que personne n’irait vérifier la validité de leurs affirmations. L’hubris ose tout et nous méprise tous.

Pourtant, il avait fallu, et il faut toujours, aux assemblées rabbiniques et au sionisme bien des efforts et des ruses pour agréger une communauté par sa religion centrée, comme le souligne Hannah Arendt, sur l’idée, rénovée, du mythe du peuple élu (source : Hannah Arendt, sur l’antisémitisme, les origines du totalitarisme, p.10)

D’évidence, ce qui est déjà très difficile pour embrigader une petite population relève de l’impossible quand on considère l’ensemble des cultures et coutumes des innombrables peuples (1, 6 milliard d’individus) ayant embrassé l’islam https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/270916/de-la-soi-disant-unicite-de-la-sharia-et-du-pseudo-monolithique-islam

Comment accommoder les restes de l’histoire récente de l’Allemagne au service du sionisme.

Pour le sieur Finkielkraut : Jürgen Habermas opposerait à l’Allemagne, « en guise d’expiation éternelle, le patriotisme constitutionnel ».
Or, le consensus «post-national» - dont le «patriotisme constitutionnel » est le corollaire - n’est pas particulièrement une proposition de Habermas- contrairement à ce que laissent penser Elisabeth Lévy et Alain Finkielkraut.

À la différence de ses aînés dits « bismarckiens », la jeune génération d’historiens, dite « génération Fischer », revendiquait une « identité post-nationale » : pour elle, la division de l’ancien Reich était justifiée par la monstruosité des excès du nazisme : pour le bien du monde et celui de l’Allemagne, il fallait accepter le verdict de l’histoire. Cette acceptation fut soulignée par le soutien quasi unanime à la politique du chancelier Willy Brandt (symbole de l’identité post-nationale par excellence), quant à l’apaisement des rapports de voisinage avec l’Union Soviétique et la reconnaissance solennelle des frontières héritées de la seconde guerre mondiale. L’adhésion des universitaires à la politique et à la démocratie de la RFA fut scellée par l’ « appel des 220 » (historiens, politistes et sociologues).

Nota : La classe politique, elle aussi, réclamait avec insistance la constitution d'une historiographie de l’identité nationale allemande. « L’identité post-nationale » - donc, le « patriotisme constitutionnel » - par la force des choses, s’imposa à tous ou presque.

Par ailleurs, l’identité  allemande  vue  sous l’angle de la « fierté patriotique fondée sur l’histoire » fut défendue par Michael Stürmer et non par Thomas  Nipperdey.  Cependant, l’affrontement  qui  devait opposer les  tenants  de  cette  mouvance - ultra  minoritaires - aux  partisans  d’un  « patriotisme constitutionnel » - défendu par la majorité des intellectuels de l’époque- n’a pas eu le temps d’avoir lieu. En effet, la réunification de  l’Allemagne  redistribua  les  cartes : le  « post-national » est  mort, vive  la « nation mémorielle » (au grand dam de François Mitterrand, du reste).
Observons la malignité du sieur Finkielkraut , tout à ses vaticinations et ses transductions pour le moins fallacieuses .La soi-disant « expiation éternelle » que Jürgen Habermas opposerait à l’Allemagne, (à savoir « le patriotisme constitutionnel ») n’est autre que la politique imposée à la RFA par l’Histoire( et les USA, le marteau d’Odin à la main ) qui dura de 1949 , date de création de la RFA , à 1989 , date de la réunification de l’Allemagne .Dans cette affaire , Habermas n’avait été qu’un témoin de l’Histoire. Par contre, ce dernier fut un acteur majeur parmi les partisans de l’instillation de l’exigence morale dans l’histoire ; il se distingua en proclamant que « l’affirmation intransigeante de la singularité de l’holocauste était un devoir absolu de l’Allemagne ».

Ceux qui ont suivi les émissions d’Alain Finkielkraut sur France-Culture depuis des décennies et sur les médias communautaires juifs peuvent témoigner que la shoa, c’est « son dada ». Pourquoi donc ce flétrissement de Jürgen Habermas qui pourtant postule l’holocauste « devoir absolu de l’Allemagne » ?

Serait-ce que ce qui arrange les thèses sionistes occulte avantageusement, aux yeux d’Alain Finkielkraut, le devoir de mémoire du juif qu’il est ?
Aussi  incroyable  que cela puisse paraître, l’homme  va  jusqu’au  blanchiment  des  thèses  de l’AFD - après  celles du FN – afin d’alimenter sa propagande  sioniste  visant  à  fragiliser  encore  et  toujours  une  minorité  française  déjà  durement  accablée. Erratique, velléitaire, usant  de l’approximatif  étayé  de  coups  de  menton  et  d’estomac, Il fait feu de tout bois. Pour nourrir sa propagande, il ose jusqu’à falsifier l’histoire allemande.

C’est vrai, ils exagèrent, eux aussi (aurait pu dire Coluche, goguenard): en leur permettant de rejouer, on attendait de la retenue de leur part mais, au lieu de cela, ils poussent l’outrecuidance jusqu’à gagner.

La suite dans le prochain épisode : d’où vient l’aversion d’Alain Finkielkraut pour Habermas ? https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/081117/finkielkraut-une-boucle-de-logique-episode-4

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