On aurait rêvé que la gauche profite des cinq dernières années pour se refonder et s’unir face aux destructions de la droite macroniste et aux urgences sociale et climatique.
Sans évidemment être d’accord sur tout (il y a aurait toujours de la place pour le débat), cette gauche aurait réussie à fédérer les économistes (Piketty, Économistes Attérrés), les syndicats, les intellectuels, les ONG & associations qui défendent la justice et l’égalité, celles qui luttent pour l’environnement et la biodiversité.
Cette gauche se serait appuyée sur une société civile révoltée, celle qui manifeste pour le climat, les droits des travailleurs, le féminisme, l’anti-racisme, contre les violences policières...
Cette gauche serait arrivée confiante aux élections, et tous les meilleurs éléments de LFI et d’EELV seraient rangés derrière une candidature unique. Cette gauche aurait montré sa capacité à gouverner et à proposer une alternative au néolibéralisme qui nous précipite dans le mur pendant que les responsables s’autocongratulent.
Mais cette gauche n’existe pas (encore).
La gauche actuelle est complètement éclatée entre on ne sait plus combien de candidats, et cet éclatement va lui faire perdre l’élection présidentielle
Sans alliance il est quasiment impossible qu'un candidat de gauche soit au second tour. C’est d’autant plus navrant qu’en tant qu’électeur il est très difficile de comprendre les différences fondamentales entre les programmes de LFI et celui d'EELV. Ou qu’Éric Piolle et Sandrine Rousseau ne puissent pas travailler avec Clémentine Autain et François Ruffin. Ou que Fabien Roussel s’entête à vouloir faire 2,5% dans une élection aussi serrée. Ou qui est Pierre Larrouturou.
Ça donnerait presque des envies de vote blanc dès le premier tour pour sanctionner leur bêtise collective, leurs petits calculs quand l’urgence dans laquelle nous nous trouvons demandait plus de hauteur.
Mais on peut comprendre que réaliser ce fameux "union de la gauche" ne soit évidemment pas si simple. Et on imagine qu'il serait très différent selon qu'il soit porté par Jadot & Hidalgo, ou par Rousseau & Mélenchon… Donc qui pourrait l'initier et sur quelles bases ? Qui organise sans pour autant prendre le contrôle ? Comment se répartissent les pouvoirs ? Qui tranche lors des désaccords ? Et puis pour aboutir à quoi ?
Les partis sont avant tout au service d'eux-mêmes et de ceux qui les dirigent
Chaque parti possède son organigramme, ses ressources, ses financements, ses adhérents, son agenda, hérite d’une histoire, d’accords… Et s'ils s'unissaient, les mêmes questions posées autour de la répartition des postes et des pouvoirs se poseraient. Il est donc plus simple pour chacun de rester à sa place ou de réclamer que l'union se fasse derrière lui.
Dans le fonds un parti est comme une entreprise, qui doit fidéliser ses clients/électeurs, et en conquérir de nouveaux comme on gagne des parts de marché. En ce sens ils sont concurrents, même quand certaines de leurs propositions se ressemblent.
Il faut également faire avec les ambitions personnelles et les petits calculs. Le PS n'a plus rien à proposer depuis longtemps mais joue sa survie et celle de ses rentiers de la politique. Jadot met EELV en rang derrière sa petite personne alors qu'il est très loin d'y faire l'unanimité. Fabien Roussel se présente pour justifier l'existence du Parti Communiste. Mélenchon fait du Mélenchon : il est énorme en campagne et porte le meilleur programme, mais il fédère autant qu'il rebute (que l'image "clivante" qui lui colle à la peau soit justifiée ou non est sans importance).
Les "leaders" sont nécessaires pour représenter les partis, être identifiés par les électeurs et porter des campagnes. Mais ils sont également un frein à un potentiel union ou changement, car ils ont tendance à tirer la couverture, à organiser leur parti pour servir leur candidature. L'égo de quelques uns avant l'intérêt commun. Perdre et essayer "de se refaire" à la prochaine élection plutôt que de faire gagner les autres.
Que restera-t-il après la probable défaite à la présidentielle ?
Des partis en lambeaux qui vont continuer leur cirque pendant que les médiocres de droite (Macron ou Pécresse, c'est pareil) poursuivront leur oeuvre de destruction ? Est-ce que certains partis vont disparaitre ? Certains personnages auront-ils l'humilité de se mettre en retrait ? Est-ce que l'on va assister à une polarisation, avec d'un côté un "centre-gauche" réunissant Jadot et les décombres du PS, et de l'autre une gauche de transformation avec le reste d'EELV et LFI ?
On ne peut en tout cas qu’espérer que l’échec annoncé entrainera la mort des leaders charismatiques, pour laisser la place à un projet collectif social et écologique qui dépasse les petites logiques de partis et fédère la société civile.
Merci beaucoup & au revoir Jean-Luc, adieu le médiocre Jadot, bye-bye Roussel, à jamais le PS.
Et bonjour une nouvelle gauche unie autour de Manon Aubry, Clémentine Autain, Delphine Batho, Julien Bayou, Ugo Bernalicis, Manuel Bompard, Benoît Hamon, Bastien Lachaud, Aurore Lalucq, Danièle Obono, Mathilde Panot, Éric Piolle, Adrien Quattennens, Raphaëlle Rémy-Leleu, François Ruffin, Sandrine Rousseau, Aurélie Trouvé... et toutes les bonnes volontés quelque soit leur parti. On rêve que ça soit si simple.
On rêve surtout que ceux qui devront reconstruire la gauche dans les prochaines années sauront faire de la politique autrement. Dépasser les logiques de partis et les guerres d'égos, quitte à détruire les structures existantes pour en imaginer de nouvelles. Montrer aux français réfractaires que la politique n’est pas qu’une histoire d’opportunistes nuisibles façon LREM, LR & PS. Sinon quel espoir restera-t-il face au néolibéralisme et la destruction de tout bien commun, à l'explosion irréversible des inégalités, à l'extrême droite de plus en plus dangereuse et décomplexée, et à une crise climatique qui va rendre la planète invivable ?