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Billet de blog 13 janvier 2023

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I - Parce que nous sommes, nous aussi, la France

Le collectif « Nous aussi » a été créé dans des quartiers populaires de Clermont avec de nombreuses associations, unies pour dire « Nous sommes aussi la France » et combattre le racisme. Outre leurs actions culturelles et sociales, ce combat veut être celui des racisé·es, a fortiori par les diplomé·es issu·es de l'immigration. Voici ce qu'ils et elle nous disent.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Vous pouvez lire les deux autres volets de cet ensemble :

II - Nous aussi : du racisme bien-pensant aux moyens de le combattre

III - Nous aussi - "Viens comme tu es, n'oublie pas d'où tu viens"


Lors de la manifestation en solidarité avec le peuple iranien du 26 octobre 22, un nouveau collectif y participait, le collectif « Nous aussi » créé fin 2020. A cette occasion, le contact a été pris. J'ai proposé de rencontrer quelques membres ultérieurement ce qui a été réalisé le 7 décembre 22 au local partagé entre le comité régional Mosaïc Auvergne-Rhône Alpes présidé par Jean Baptiste MBOUNGOU et l'association « Toutes et tous ensemble » association créée voilà dix-sept ans sur les quartiers nord de Clermont-Ferrand (La Croix de Neyrat, la Gauthière, la Plaine) présidée par Noura BEGHOU. J'ai enregistré les propos des trois personnes présentes : Samit El Bakkali, Fatima-Zhara El Moumni et Lionel Ona.


Ils et elle se sont présenté·es :

Lionel ONA : « Journaliste, je travaille à « Radio Campus » et « Par ici l’Auvergne », une Web télé auvergnate. Je suis co-président du collectif « Nous aussi » et président de l'association loi 1901 « Afrik'horizons » qui a pour objectif de faire la promotion de la culture africaine en Auvergne. »

Fatima-Zahra El Moumni : « Danseuse-chorégraphe au sein de la compagnie Fat'Fil, je suis chargée de communication du collectif « Nous aussi », tout juste diplômée d'un master en management du sport. Je suis aussi secrétaire de Mosaïc et adhérente très active au sein de l'association « Toutes et tous ensemble » (2TE) »

Samir El Bakkali :

« Je suis le fondateur du comité régional Mosaïc Auvergne-Rhône-Alpes dont le président actuel est le Dr Jean Baptiste MBOUNGOU, fondateur également de l'association « Toutes et Tous Ensemble » (A2TE). Actuellement je suis co-président avec mon ami Lionel du collectif, toujours président de la fédération nationale Mosaïc […] Docteur en Volcanisme, de l’Université Blaise Pascal, mention très honorable avec félicitations du jury […] Je suis [élu] dans le groupe « communiste et citoyen », dans la majorité municipale, élu depuis les dernières élections.

Illustration 1
De gauche à droite, Lionel, Fatima-Zahra, Samir © Georges-André Photos

Pourquoi le collectif « Nous aussi »?

Samir : « Nous aussi a été créé suite aux remontées des actes et discours racistes, leur banalisation à la télé, à la radio, par les politiques et tout. Les responsables associatifs d'« Afrika horizon », « Toutes et Tous ensemble », « Mosaïc » , des associations de Saint-Jacques, Cler'monde association, l'association de théâtre « L'air de rien », des universitaires se sont contactés. Nous avons dit qu'il s'agit de quelque chose qui touche tout le monde, sans être dans l'objectif principal de chaque association mais là il s'agit d'événements qui touchent l'ensemble des citoyens et citoyennes, surtout issus de l'immigration. On va pas dire la diversité car tout le monde est dans la diversité, même vous et surtout on va faire quelque chose suite à des tags racistes affichés dans un lieu qui est pour nous l'église ou la mosquée du savoir c'est-à-dire l'Université qui rassemble tout le monde. L'Université ne fait pas de différence entre celui qui est athée ou musulman ou une autre religion. Les tags étaient partout : à côté de Saint Jacques, vers Aubières, au Cézeaux, à Polytech, à la Rotonde, à Gergovie....C'était «  Noirs, arabes rentrez chez vous » et même « Mort aux nègres » !

Après ces actes racistes, constat de notre première réunion pour fonder le collectif, nous avons décidé de bouger ensemble. Nous n'allons pas attendre d'autres personnes qui ne sont pas touchées par le racisme comme nous le sommes au premier chef. « Nègres » et « arabes », ils ciblent une population bien précise, c'est pourquoi on doit bouger. On fait un combat parallèle à celui des femmes qui sont en train d'avoir pas mal de résultats, parce qu'elles ont compris qu'elles ne vont pas laisser ce combat à d'autres personnes. Les femmes sortent et revendiquent, nous aussi. Nous, le collectif, avons commencé par une belle manifestation place de Jaude, le 19 février 2022 suite à ces tags racistes. Elle a mobilisé à peu près 400 personnes. L'idée, c'était de dire Stop aux actes racistes. Médiacoop nous a contacté et est venu au rassemblement.

On a donc décidé de sortir, de manifester. Des syndicats n'ont pas suivi. Ils voulaient qu'on fasse des réunions et nous avons dit « Pas le temps, on n'attend pas, vous venez avec nous si vous voulez ». L'ensemble des partis politiques de gauche étaient là. Il y avait même « En marche » qui a envoyé quelqu'un ! Il y avait quelques syndicats et d'autres qui ne sont pas venus mais ils nous ont contacté après coup pour proposer des réunions et sortir pour contrer le racisme. Le rassemblement – je vais exagérer - en gros réunissait 80% des personnes de couleurs, « arabes » et « noirs » avec 20% d'autres compatriotes courageux et qui sont venus nous soutenir... Le collectif « Nous aussi » créé  fin 2020 rassemble des associations, des organisations et des personnes : Mosaïc, Toutes et Tous Ensemble, Afrik'horizons, Cler'monde, la CAAFA (confédération des associations africaines d'Auvergne), Harmonie Maghreb, « L'air de rien »...

On a constaté que les enfants des écoles et des collèges croient que dire : « issu de l'immigration », est comme une insulte. Les gens croient que dire « immigrés » est une insulte. Ce mot devient incompréhensible avec une connotation dégradante parce que vingt-quatre heures sur vingt-quatre c'est « immigration, immigration... ».

Un immigré c'est quelqu'un qui va bouger d'un milieu à l'autre pour travailler, pour vivre, pour participer à la vie citoyenne. Il y en a malheureusement qui fuit un milieu qui ne leur donne pas les capacités pour s'exprimer ou bien un endroit où il y a la guerre. Les ukrainiens sont appelés personnes déplacées, pas des immigrés... Immigrés c'est pour nous. C'est notre objectif principal aujourd'hui. Réagir au racisme c'est répondre d'une façon intelligente par des manifestations, par la culture, le théâtre, la danse, le musique, le débat.

Lionel : C'est important qu'on nous associe dès le début sur ces questions. Quand on organise des plateaux-télé ou des plateaux-radio sur ces questions là, on n'est pas présents, on ne nous associe pas, donc on parle de nous sans nous, alors que nous sommes les principaux concernés. C'est donc un des objectifs du collectif : dire que nous sommes là, c'est nous qui les subissons en premier. On peut en parler parce que si on est une partie du problème, on est aussi une partie de la solution.

Fatima-Zahra : Je rejoins Lionel et Samir sur le fait que nous sommes les premiers concernés au delà des connaissances, des cultures, du rôle de médiateurs, de re-création de liens, de sensibilisation et d'éducation par toutes les actions qu'on mène. On est les premiers concernés parce qu'on est aussi des acteurs locaux associatifs beaucoup dans les quartiers et qu'on y travaille beaucoup pour lutter contre le racisme, pour initier, sensibiliser, ouvrir le débat... quand des structures veulent lutter contre le racisme étant premiers concernés, il est important que nous faisions partie de ces actions ensemble. On peut aussi rapporter une base de données d'informations très intéressante à partir de ce que nous voyons avec les habitants.

Quelles actions dans la ville et les quartiers ?

Fatima-Zahra : Je représente souvent ces associations au niveau du réseau égalité des droits, plutôt chargée par Mosaïc au niveau de la ville pour repérer les projets et les partenariats possibles mais aussi les rencontres à mettre en place avec les habitant·es des quartiers et les institutions pour participer aux débats, café-débats et toutes autres actions organisées par la Ville de Clermont. Donc plutôt un rôle de coordinatrice. Je suis danseuse-chorégraphe au sein de ma compagnie « Fat'Fil », avec pas mal de socio-culturel à côté de la création. Cette année, nous avons mené un projet avec le festival des « Transurbaines » : organiser tout l'été des semaines de stage de danse pour les filles entre 12 et 25 ans des quartiers nord, un partenariat entre le centre Nelson Mandela, le festival des « Transurbaines » et la compagnie Fat'Fil. Après des ateliers de tests, nous avons dansé pour quatre spectacles, deux fois au Centre à Mandela et à la Maison de la Culture (salle Jean Cocteau,1425 places) avec huit filles sur scène pour un spectacle de quinze minutes de danse Hip Hop avec une composition musicale Jazz « Rêv'el toi, I am somebody » . L'idée c'est que les filles puissent s'ouvrir et s'exprimer vraiment par rapport à l'altérité, par rapport au mieux vivre ensemble et comment exister avec le hip hop. Je parle avec beaucoup d'enthousiasme sur le projet Fat'fil mené avec les jeunes filles parce que c'est un acte à mes yeux qui lutte clairement contre le racisme de manière très positive. Il y a beaucoup d'apprentissages, beaucoup de déconstructions sur nos conditionnements ; une manière de dire et de montrer qu'il y a des intellectuels, des artistes, des militants d'expérience, des agents associatifs, des politiques.

Pour ce spectacle lire le volet III - Nous aussi - "Viens comme tu es, n'oublie pas d'où tu viens"

Lionel : Afrik'Horizon récolte des fonds pour l'association, « L'Auvergne pour un enfant » qui fait venir des enfants malades d'Afrique ou de pays en difficulté :  « Ce sont des enfants qui souffrent de lourdes pathologies cardiaques dont les pays ne disposent pas de plateaux techniques fournis pour pouvoir les opérer ou les traiter. L'association fait donc venir des enfants souffrant de ces pathologies pour des soins à Clermont-Ferrand. A Afrik'Horizons, nous avons organisé une soirée gala le 24 novembre dernier, à la maison de la culture pour récolter des fonds afin de soutenir cette association. L'année dernière, on a pu récolter plus de 3 000 € et cette somme a permis de faire venir un petit garçon du Népal. Il est venu, il s'est fait opéré, il a eu un suivi post-opératoire. C'est un garçon de sept ans qui, dans son pays, était obligé d'aller voir le médecin trois fois par semaine. Après son opération, il est rentré chez lui et n'a plus besoin d'aller voir le médecin […] Les chiffres sont donnés par l'« Auvergne pour un enfant » : pour une opération bénigne, seulement les frais médicaux, il faut compter à peu près 3 500 €, pour une grosse opération il faut aller jusqu'à 7 000€. C'est l'association qui paie entièrement, le déplacement, la prise en charge, les frais opératoires et le déplacement. C'est pourquoi pour nous, il était important de soutenir ! »

Samir : Les autres associations sont partenaires, comme Mosaïc et l'Association Toutes et Tous Ensemble, membre du collectif « Nous aussi ». Ils ont encouragé et soutenu l'action. Actuellement, le Collectif, Mosaïc et l'Association Toutes et Tous Ensemble sont partenaires pour travailler sur une exposition contre le racisme et monter un « racismomètre » : On va mesurer le racisme, c'est un produit qui va être distribué partout. Une échelle semblable existe dans les associations féministes avec le « violentomètre »... Existe aussi le « discriminamomètre », la ville soutient le projet. A l'origine de ce « violentomètre », c'est la ville de Paris, l'adjointe de la Mairie de Paris Hélène BIDAR, qui a monté cette action. Il y aura aussi des affiches, des témoignages et Mosaïc va solliciter l'espace à la Mairie pour exposer témoignages, photos, citations.

Mosaïc a organisé samedi 10 décembre son 9ème colloque avec le soutien de la ville, l'état et de plusieurs associations, une réponse forte par l'intermédiaire des associations dont la plupart des gens sont issus de l'immigration. L'objectif, c'est de sortir du quartier, de partir au centre-ville autour de ce sujet d'actualité : la place des jeunes dans la société et dire place des jeunes dit l'ensemble des jeunes, qu'ils soient issus de l'immigration, des quartiers populaires ou d'ailleurs parce que le problème aujourd'hui des jeunes est celui de l'ensemble des jeunes : ils ne se déplacent pas pour voter, ne sont pas impliqués. On ne leur donne pas beaucoup la parole. On ne croit pas trop à cette jeunesse Facebook qui ne ressemble pas à notre jeunesse à nous. C'est humain, on a cette peur, on croit que nous avons raison et que nous avons des leçons à leur donner. C'est pourquoi le thème de cette année c'est « la jeunesse » . L'année prochaine ce sera le 10ème colloque « la citoyenneté » avec trois tables rondes ; chaque année, un colloque.

Illustration 2
Tract collectif Nous aussi - Février 2022

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