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Billet de blog 17 avril 2021

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Madama a disparu, ses parents de cœur sont effondrés

Madama a disparu. Ses parents de cœur Véronique et Eric sont « sans nouvelle, effondrés et très mal de savoir [qu'ils]ne le verrons plus... Le choix qu'a fait Madama est son choix a lui, probablement terrifié par cette violence » (interview France Bleu). Eric est poursuivi pour outrage à agent et avec Véronique ont 135€ d'amende chacun. Vous avez dit acharnement ? Mais non voyons !

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En fin de billet, la déclaration d'Eric et Véronique le 14 avril au rassemblement du Puy-en-Velay avant même de se rendre-compte de la disparition de Madama le soir même en rentrant : tout est dit, à lire absolument.


Solidarité Madama

Illustration 1
Dessin Hélène MOREL © Hélène MOREL

Se lamenter ne sert à rien, vitupérer soulage très provisoirement, la solidarité soutient, pousse, lie.

Signer la pétition pour sa régularisation :   change.org/AidezMadama43

Voir le clip, écouter la chanson réalisée bénévolement par des artistes de Haute-Loire :   https://youtu.be/rSTxdp80Sf8

Ecrire pour régularisation au préfet de Haute-Loire, son adjoint, le directeur de la sécurité et de la citoyenneté, la directrice du service des étrangers. Cherchez vous trouverez . Si pas de mel, trouvé, LaPoste existe encore et arrive au Puy.

Consulter les dessins réalisés bénévolement par différents artistes : https://www.sudeducation.org/undessinpourmadama/

Les « dernières nouvelles » sont sur le compte Fb : facebook.com/soutienmadama


Depuis le 13 avril, jour de publication de notre billet « Madama : acharnement sous roche, famille d'accueil aussi ? », nous avons effectué les mises à jour de cette procédure et des événements qui se succèdent à vitesse accélérée. Aujourd'hui c'est une information-choc qui nous dit la conséquence d'une politique qui n'en a rien à faire de la volonté opiniâtre des jeunes majeurs à s'insérer, à travailler, à se reconstruire avec leurs familles d'accueil et leurs employeurs.

Madama a disparu. Ses parents de cœur Véronique et Eric sont « sans nouvelle, effondrés et très mal de savoir [qu'ils]ne le verrons plus... Le choix qu'a fait Madama est son choix a lui, probablement terrifié par cette violence » (passage en Centre de Rétention Administrative, OQTF confirmé par le TA qui vaut expulsion au Mali).

Quelles que soient les circonstances de cette disparition le pourquoi est assez évident : vous écouterez le court extrait d'interview d'Eric par France-Bleu du 15 avril dont est tirée la citation ci-dessus.

Qui sait quel choc psychologique a provoqué chez ce jeune cet internement et la menace d'un retour impossible au Mali ? Faut-il être grand clerc pour comprendre que ce qu'il a vécu dans ce pays qui l'a conduit à s'en échapper, peut déclencher une réaction de panique ou de désespoir. On ne joue pas avec les drames quand on ne les connaît pas et tout autant quand on a eu à en connaître. La réaction peut être auto-destructrice, désespérée. Qui veut prendre ce risque ? Certainement ceux qui veulent déraciner celui qui a pris racine en Haute-Loire, lui qui a été déraciné du Mali pour vivre.

Ainsi ce jeune inséré, au travail, a disparu. Terrible nouvelle : faudra-t-il un drame pour clore cette lamentable série de décisions qui marquent la volonté d'un préfet de s'acharner sur Madama, Eric et Véronique ? Il s'agit bien en définitive de cela : un acharnement contre ces trois personnes. Nous l'avions posé comme hypothèse sérieuse sous le titre : « Acharnement sous roche » dans notre billet. Aujourd'hui la chose est patente quoique légale. La légalité peut fort bien servir à s'acharner tant la palette des poursuites peut être étendue et déclenché à la tête du client.

Voici l'acharnement répressif dont sont victimes Véronique et Eric :

Eric est convoqué jeudi 22 avril à 10h30 au commissariat du Puy-en-Velay en audition libre pour outrage à agent le 15 février 21 :  c'était pendant sa grève de la faim, le jour où ils furent empêchés d'entrer à la préfecture avec Madama, où il fait un malaise et a dû être transporté à l'hôpital.

Mais ce n'est pas tout, flêches sont faites de tout bois :

Dit Eric lui-même : « Lors du mouvement des intermittents ces derniers occupaient le cinéma [du Puy]et avaient organisé un petit spectacle. Une trentaine de personnes y assistaient, bien sages, dont Véronique, Moi et Madama qui sortait de l'école. La police est venue sur ordre du préfet et a contrôlé l'identité de presque tout le monde, a indiqué que personne ne serait verbalisé et qu'il fallait juste respecter les groupes de six. Véronique et moi nous sommes partis, sans être contrôlés. Effectivement personne n' a été verbalisé.... sauf Véro et moi qui écopons [chacun] de 135 euros ! Mais comme a dit le préfet, il y a plusieurs semaines, il n' y a pas d'acharnement. »

Il n'y a pas acharnement ? c'est quoi un acharnement ? La légalité au service de la Justice ? Chacun.e peut sérieusement en douter.

Lire ou relire les billets précédant sur cette histoire terrible, vous y trouverez des infos et évolution non reprises en détail chaque fois :

12 mars : Mobilisation pour le jeune Madama interdit de travail mais menacé d'expulsion

27 mars : Un titre de séjour pour tous les jeunes majeurs ex-ASE

13 avril : Madama : acharnement sous roche, famille d'accueil aussi ?

Mais lire aussi (lien donné par Zazaz que je remercie) "Madama : « un véritable gâchis humain »"

Madama et les autres : liens transmis par Zoë Zaam (grand merci) :

1-04-21 : "Audincourt : le jeune cuisinier Abakar expulsé vers la Guinée" France bleue

15-04-21 : "« Personne ne peut imaginer les humiliations que ces jeunes subissent dès qu’ils arrivent en France »" Bastamag

16-04-21 : "A Besançon, un nouvel apprenti se bat pour être régularisé" Médiapart

16-04-21 : "Moctar, apprenti boulanger malien menacé d’expulsion" RFI

Madama n'est pas le seul et bien plus nombreux que ces quelques liens ne le laisseraient supposer. Mais gagner sur chacun et un coin enfoncé dans cette politique cynique, stupide, électoraliste et criminelle. A-t-on fait des suivis des expulsé.es pour savoir s'ils et elles n'ont pas été tué ou violé d'une façon ou d'une autre ? Se laver les mains ne sert pas que contre le COVID-19 ! Les belles envolées,  déclarations et intentions  lénifiantes ne tiennent pas longtemps pour qui veut regarder la dure et cruelle réalité en face autant que sa bêtise.

Nous publierons la suite des évènements en complétant au fur et à mesure ce billet et en commentaire. Revenez-y


Comme vient de le préciser Serge Escalé en commentaire (grand merci à Serge pour cette précision d'importance ) :"Avant d'être nommé Préfet de Haute-Loire fin aout 2020, Eric Etienne était sous-préfet de Dunkerque, territoire de passage des migrants vers le Royaume-Uni qui vivent des situations sanitaires désastreuses. A la Grande-Synthe  en 2020, par exemple, il a pu se roder aux décisions brutales de l'Etat."

Déclaration du 14 avril d'Eric et Véronique
au rassemblement du Puy-en-Velay
(juste avant de s'apercevoir de la disparition de Madama le soir même !) :

"Cette déclaration s'adresse bien entendu à tous ces militant-es des droits humains qui se battent sans compter pour que des valeurs toutes simples comme la solidarité, la fraternité soient mises en œuvre

Mais elle s'adresse surtout à toutes ces personnes qui au travers de l'histoire de Madama et des nombreux autres ont pris conscience de la violence des politiques d'Etat. Elle s'adresse aux représentants de l'Etat dans les départements, formés probablement dans de grandes et belles écoles détachées de toutes réalité de terrain. Enfin, elle ne s'adresse pas aux invertébrés avachis sur leur canapé une bière à la main devant Cnews, s'imaginant faire partie d'une « race supérieure » parce qu'ils ont décrypté un site complotiste ou ont compris l'unique idée de Zemmour. Autrement dit tous les décérébrés qui nous ont inondés de messages racistes et abjects. J'ai espoir que nos combats anticipent la France de demain et non leurs meuglements infects. ( je retire meuglement par respect pour les vaches !).

Aujourd'hui avec Madama, on prend en pleine figure un véritable gâchis humain dont sont victimes des milliers de jeunes adultes en France. Lors de la déclaration du 17 février que j'avais faîtes, je me souviens avoir terminé en disant : « Nous n’avons pas voulu vous insulter mais force est de constater que la politique migratoire est d’une rare violence : celle de l’évaluation des êtres humains, de l’ emprisonnement en centre de rétention et des expulsions. ». Force est de constater pour ceux et celles qui suivent l'histoire de ces jeunes migrantes à quel point nous avions raison ! Aujourd'hui, une décision du tribunal administratif confirme la décision du préfet, en fait, elle confirme que vous avez respecté une procédure et des lois. Elle ne confirme pas que la procédure ou les lois sont bonnes, elle ne confirme rien de la vie des ces êtres humains, qui sont réduits dans les services préfectoraux à de simples cases et formulaires.

J'avais dit aussi que ces politiques contribuaient à fabriquer des clandestins. Le choix qu'a fait Madama, probablement terrifié par cette violence est peut-être celui là. Il risque de devenir comme des milliers la proie de patrons voyous et négriers adorant ratissé auprès de ces populations. Ce qui montre à quel point quand on fait un tel choix, l'impossibilité de retourner dans son pays.

Le parcours de Madama avec nous en France nous a balancé en pleine figure la violence de l'Etat en ce qui concerne le soi-disant accueil de ces jeunes. Cette violence, qui est certainement pour de nombreux et nombreuses migrant-es une véritable torture morale. Etre migrant-es aujourd'hui c'est être constamment suspecté, contrôlé, rabaissé, dominé, soumis, exploité, pressuré, déshonoré, berné, insulté, traqué et à la moindre petite réaction, à la moindre réclamation, c'est être menacé, arrêté, frappé, enfermé, humilié, expulsé.....Et tout cela par un pays et des personnes qui se revendiquent des droits humains ! La démonstration de cette violence institutionnelle serait bien trop longue à expliquer ici, mais il est possible qu'avec ma compagne, nous trouvions un moyen de la partager pour d'autres combats à mener.

Une des traductions de cette violence est le traitement de ces jeunes au travers de procédure administrative en totale méconnaissance de la personne, de son histoire, de son parcours. Si vous aviez accepté, M.Le Préfet, les nombreuses demandes de rencontres, et cela bien avant cette lutte, nous aurions pu vous donner quelques informations sur cette histoire de Madama. Madama nous en a confié quelques passages depuis sa naissance jusqu'à son arrivée en France. Cela relève de sa vie privée que nous n'avons pas à exposer ici. Mais, pour nous la connaissant, cela nous rajoute une souffrance à une autre. Mais certes, cela n'est pas votre problème... la loi est respectée ! Derrière, l'histoire de Madama que vous appelez « M.X » dans vos documents, il y a peut-être celle des « enfants-fantômes », celle d'après un rapport de l'UNICEF ou dossier d'Amnesty international, de 200 à 300 millions d'enfants qui naissent sans Etat-Civil. Des millions sont originaires d'Afrique Subsaharienne. Ils sont les principales victimes du travail infantile, des mariages précoces pour les filles, de la mendicité, des enfants-soldats. N'ayant accès ni à l'éducation, ni à la santé, ils ont un taux de mortalité plus élevé que la moyenne de pays aux taux déjà élevés. Exclus, marginalisés, ils sont les fantômes de la société. Certains, avec les mouvements migratoires actuels arrivent à s'extraire de cette invisibilité, et suivant un long voyage évitant, esclavage, viols.... arrivent en Europe, en France. On leur demande un Etat-Civil, ce qu'il essaie de faire sans frauder, ni tricher. Mais comment faire dans des pays ou très souvent l'administration est complètement désorganisée, voire inexistante dans les villages de naissance, avec des officiers d'état civil non formés et du matériel qui est celui que nous avions dans les années 50 ! Quand en plus dans ces pays au droit civil national se rajoute un droit coutumier ! Face à cela, on leur demande des documents qui doivent répondre à des critères européens ! En fait on leur demande l'impossible ! Ces enfants-fantômes, quand ils arrivent sur notre territoire, enfin sortis de l'ombre.... on les replonge immédiatement dans les ténébres. D'enfants de l'ombre, ils deviennent enfants-invisibles.

L'ignorance des autorités sa situation expliquent que l'on déclare à Madama que de retour au Mali - pays où il n'a plus personne ! - il pourra faire les mêmes études qu'à l'ISVT ! Je vois bien Madama arriver à Bamako, avec les 300 euros offerts généreusement par la France pour sa réinsertion, avec ses troubles cognitifs, taper à la porte d'une école et recommencer une scolarité ! Si la situation n'était pas aussi tragique on en rirait !

Enfin, cette lutte montre comment le préfet, représentant de l'Etat, juge les libertés fondamentales et notamment la liberté d'expression. Le premier exemple que je reprend fais suite à votre demande d’excuses publiques pour le terme « racisme d’état », qui n’a rien à voir avec « état raciste »  ce que vous semblez ignorer. Je cite le passage de la déclaration du 17 février :

« Parler de racisme d'état, de racisme institutionnel peut faire débat, nous le concevons et nous acceptons le débat. En revanche, il ne peut être nullement condamné et sanctionné par une demande d'excuse publique. La question que vous nous posez n'est pas : est ce que le racisme d'état est le bon terme, mais est ce qu'on à le droit de l'utiliser. Cela nous semble être un abus de pouvoir et une atteinte très dangereuse à la liberté d'expression. ». Nous n’avons accusé personne de racisme ! Néanmoins, les pratiques discriminatoires existent bien en France, aussi dans nos institutions. Le reconnaître c’est déjà un premier pas pour les combattre. Je me demande si un ressortissant Suisse, Anglais, Etats-Uniens ou un riche étranger devant faire les mêmes démarches subiraient la même suspicion sur ces papiers !

Le deuxième exemple est votre réponse à la pétition que vous ne trouvez pas crédible car les plus de 37 000 signataires ne connaissent pas Madama ! J’espère que les signataires des pétitions pour les Ouïgours les connaissent bien car on pourrait douter du massacre de ce peuple ! Les signataires de pétition seront heureux d’apprendre comment leur soutien est pris en compte !

Enfin, nous en avons appris aussi sur le fonctionnement de la justice. Les avocats qui ont plaidé pour Madama ont fait ce qu’ils pouvaient, sauf celui commis d’office lors de sa garde à vue qui d’après le compte rendu d’audition n’a ni souhaité voir Madama avant, ni consulter son dossier, ni intervenir ! Malheureusement, nous n’avons pas les moyens de mobiliser des cabinets d’avocats, de mener des investigations au Mali pour retrouver les traces de l’histoire de Madama. Les avocats ont fait ce qu’ils ont pu et je tiens à les remercier pour leur travail. En revanche, je remarque que quand on est accusé de violence, accusé par le parquet d’usage illégal de passeport diplomatique et d’avoir produit un faux pour obtenir un passeport de service, comme c’est le cas dans l’affaire Benalla… on reste en liberté et on peut continuer d’exercer une activité. Madama, lui, est profondément honnête, il n’a jamais fait de faux, demande juste une vie simple et tranquille….. et pour cela il est « accusé de troubles à l’ordre publique », est incarcéré en centre de rétention et peut-être expulsé dans un pays où il n’a plus rien ! Ce n’est plus une double peine pour des innocents, mais une triple peine !

Pour finir, tous nos remerciements aux soutiens."

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