Environ 500 personnes se sont retrouvés pour HyVolution 2016 au Parc Floral de Paris, les 4 et 5 février 2016.
Et ça commence fort !
Le premier jour, à peine sorti du métro, c'est un taxi à hydrogène Hyundai IX35 FCell qui nous conduit jusqu'au Parc Floral de Paris, derrière le Château de Vincennes. Pour la première fois de ma vie, je fais un petit trajet dans une voiture à hydrogène. C'est un des taxis hype dont la première station à hydrogène vient d'être inaugurée en décembre par Anne Hidalgo, Maire de Paris, près du pont de l'Alma. Ils sont actuellement 5, mais ils devraient être 70 d'ici la fin de l'année.
En marchant vers le Parc Floral, je rencontre un représentant de Total qui me parle de l'hydrogène avec passion. Il m'explique que Total est aujourd'hui le plus grand producteur d'hydrogène au monde, un hydrogène indispensable à la purification des carburants fossiles. Il me parle des projets de Total en matière de fabrication de gaz à partir du compost, expliquant que le gaz est un maillon essentiel de la transition énergétique vers l'hydrogène.
Le second jour, j'arrive en voiture avec du matériel vidéo. En entrant dans le parking du Parc Floral, je tombe nez-à-nez avec la mythique voiture Mirai de Toyota, une voiture immatriculée en Belgique (cocorico pour le belge que je suis😉). En novembre 2014, dans une vidéo historique, Monsieur Toyoda, PDG de Toyota, avait présenté la Mirai comme la voiture du futur ("mirai" veut dire "futur" en japonais), une voiture qui marque un tournant dans l'histoire de l'automobile et dans l'histoire industrielle tout court. A la fin de la seconde journée, juste après avoir écouté la conclusion de HyVolution par Pascal Mauberger, j'ai eu la chance de pouvoir être accueilli chaleureusement par l'équipe Toyota pour essayer la Mirai. J'étais le dernier à essayer la Mirai qui a fait tous ces essais avec un seul plein d'hydrogène. C'est la première fois de ma vie que je conduisais une voiture à hydrogène. Une expérience fabuleuse! Cette Mirai est berline hyper confortable qui se conduit aussi facilement qu'une voiture automatique. Elle développe 150 ch. Ses accélérations feraient pâlir d'envie bien des voitures à essence ou au diesel. En roulant, j'ai pu poser des tas de questions à mon copilote de Toyota. On sait que la pile à combustible fut inventée au 19e siècle, mais que son développement n'a pas été possible à cause de la rareté du platine. Mon copilote Toyota m'a expliqué que la Mirai n'utilise pas plus de platine qu'une voiture à essence. Selon lui, la quantité de platine utilisée pour la pile à combustible de la Mirai est équivalente à la quantité qui se trouve dans le pot catalytique d'une voiture à essence ou au diesel de puissance équivalente à celle de la Mirai. Il m'a aussi rassuré quant au recyclage des batteries NiMH des voitures hybrides Toyota. Ce NiMH est parfaitement recyclé et ne contribue pas à polluer l’environnent. C'est important car le même produit NiMH se retrouve dans la batterie auxiliaire de la Mirai.
HyVolution, c'est d'abord et essentiellement l'occasion de tisser ou de renforcer des liens solides avec des gens qui deviennent parfois des amis en partageant la même passion pour l'hydrogène énergétique. Ce petit monde hydrogéné, c'est une communauté qui grandit sur un mode exponentiel. Pour ma part, j'ai enfin pu serrer la main de Jean-Patrick Teyssaire de Planète Verte avec qui je correspondais par courriel depuis longtemps, mais sans jamais l'avoir rencontré. J'ai salué aussi pour la première fois Mathieu Gardies, l'homme des taxis à hydrogène. Il m'a dit être rassuré de savoir que je n'étais pas un concept😉, tant il est vrai que j'ai peu de temps pour rencontrer les acteurs de l'hydrogène énergétique. Après la COP21-solutions, j'ai rencontré pour la seconde fois Shiva Vencat que j'avais encouragé via courriels à s'engager dans l'aventure de l'hydrogène énergétique. Il est fasciné par le fait que l'hydrogène est quelque part un jeu d'enfants comparé aux autres formes d'énergie. Ce bourlingueur du monde des affaires est un passionné des technologies en harmonie avec l'environnement. Je suis persuadé qu'il fera bientôt des merveilles dans la commercialisation de solutions industrielles de l'hydrogène pour des applications énergétiques. Travaillant dans le monde de l'aviation, j'ai eu la chance de rencontrer par hasard Philippe Boiteux d'Airbus. Il m'a expliqué que ce n'est pas demain la veille qu'un gros Airbus sera propulsé à l'hydrogène. En revanche, les équipements électriques auxiliaires sont susceptibles d'être alimentés à l'hydrogène, sans qu'il faille pour la cause produire une nouvel avion, car cela concerne seulement des aménagements à l'intérieur de l'avion. Par exemple, il serait aberrant de devoir démarrer le moteur d'un avion pour chauffer les repas des passagers. Là l'hydrogène énergétique pourrait jouer un rôle à moyen, terme..
Arrivé au Parc Floral, on se plonge d'emblée parmi les exposants qui cherchent surtout à vendre. On est invité à suivre les conférences tout au long de la journée. On a pas le temps de souffler. Les conférences sont entrecoupées par des ateliers plus intéressants les uns que les autres.
Officiellement, HyVolution a des références solides, qu'il s'agisse des partenaires, des sponsors, des conférenciers ou des exposants. Comme pour bien indiquer qu'on n'est pas dans un monde de marginaux ou d'illuminés, l’évènement est proposé « sous le Haut Patronage de Monsieur François Hollande Président de la République ». Dans les faits, qu'il me soit permis de mettre en exergue le rôle fédérateur de l'association française de l'hydrogène et des piles à combustibles (AfHyPac une association de profesionnels bénévoles dont le Président est Pascal Mauberger), ainsi que le dynamisme chaleureux de Planète-Verte (dont le Président est Jean-Patrick Teyssaire) qui excelle à enflammer de convivialité ce petit monde des pionniers de l'hydrogène. Ici comme ailleurs, il paraît indispensable que des leaders modestes mais reconnus et des organismes discrets mais fédérateurs catalysent la synergie et l'harmonisation des déploiements, afin de sublimer les contraintes de la concurrence commerciale et les questions d'ego.
Dans le bain HyVolution, les idées foisonnent de partout, avec comme une volonté d'aller de l'avant et de bâtir une vision commune. Voici plic-ploc quelques idées glanées au fil des discussions et reprises plus ou moins dans l'ordre chronologique. Qu'on me pardonne de ne pas rappeler qui a dit quoi, tant il est vrai que, dans un tel contexte, l'émergence des idées est souvent le fruit des interactions socio-cognitives. D'emblée, il faut noter aussi que ce n'est qu'un échantillon d'idées forcément partial et partiel, sachant aussi qu'il ne s'agit pas ici d'être exhaustif ou objectif.
- L'hydrogène est actuellement obtenu à 95% à partir du méthane contenu dans le gaz naturel. Il en résulte une production de CO2 équivalente à celle de la France. Moralité : il est temps de passé à l'hydrogène « vert » produit à partir de sources renouvelables.
- Une autre mauvaise nouvelle : paradoxalement, depuis la COP21, le prix de compensation du CO2 a baissé !
- Alors que la France est généralement un pays centralisé, les développements en matière d'hydrogène énergétique se font de manière décentralisée.
- Au Danemark, il est prévu de se passer du pétrole en 2050.
- Le problème de la voiture à hydrogène c'est celui de l'œuf et la poule. D'une part, la voiture ne se vend pas parce que l'hydrogène n'est pas disponible à la pompe. D'autre part, les stations à hydrogène ne se développent pas parce qu'il n'y a pas encore de voitures à hydrogène. Toutefois, Air Liquide a déjà installé 75 stations dans le monde et plusieurs sociétés spécialisées en fournissent également, notamment McPhy ou Hydrogenics.
- La ville de Paris a trouvé une parade au problème de l’œuf et la poule, tant pour sa flotte captive d'utilitaires que pour les déplacements des citoyens. Il s'agit d'installer une station à hydrogène et d'acquérir dans le même temps des véhicules à hydrogène. La ville de Paris a passé commande chez Idex-McPhy qui a livré en 2015 une station qui alimente des voitures électriques à prolongateur d'autonomie fournies par Symbio FCell (lire ici). Pour les taxis, la ville a encouragé la mise en place d'une station Air Liquide qui alimente des taxis Hyundai (lire et voir ici).
- De la même façon, le projet HyWay soutenu notamment par l'ADEME (lire ici) apparait un peu comme un précurseur de l'initiative de la ville de Paris pour des véhicules utilitaires. Il s'agit de fournir en même temps les stations et les voitures.
- Au plan sociétal, l'hydrogène énergétique s'impose en termes de santé publique, mais aussi pour atteindre une indépendance énergétique. Ce second objectif motive surtout les pays qui n'ont pas de ressources énergétiques fossiles (le Japon plutôt que la Russie).
- Pour calculer l'impact environnemental d'un carburant fossile, il faut calculer « from well to wheel » (du puits à la roue).
- L'hydrogène énergétique n'en est plus au stade des balbutiements de la R&D. Elle en est au stade du déploiement.
- L'hydrogène est au centre de l'intégration de deux mondes énergétiques : l'électricité et la mobilité.
- La ville de Londres possède déjà 8 bus à hydrogène.
- Pour qu'un marché de l'hydrogène se développe vite, surtout en matière de mobilité, il est crucial de partager des standards, en évitant de les multiplier comme c'est le cas pour les voitures électriques à batteries.
- Il importe que la R&D à caractère plus fondamental prépare déjà la 2e génération des voitures à hydrogènes. Ces travaux doivent porter notamment sur l'amélioration des performances en matière d'électrolyse, de compression et de refroidissement.
- Pour innover rapidement, de grosses sociétés quelque peu figées doivent parfois créer des start-ups plus agiles. Par exemple, Air Liquide participe au financement de la société des taxis à hydrogène STEP qui vient de démarrer ses activités à Paris. Ces start-ups, il faut les accompagner pour éviter d'être envahi de produits venant d'autres continents.
- Pour les équipements hydrogène, on va éviter des cacophonies de normes comme celle des prises de recharge pour les voitures électriques, car pour les équipements hydrogène, tout est déjà normé au plan international.
- Au plan des directives européennes, l'hydrogène relève de deux grands volets: la sécurité et l'environnement.
- Le rendement intrinsèque d'une pile à hydrogène se situe entre 65% et 75%. C'est bien meileur que pour un moteur thermique, mais ce rendement peut être nettement plus élevé et même se rapprocher des 100% quand on peut utiliser les produits dérivés, à savoir la chaleur et l'oxygène.
- Il a été beaucoup question de "Power2Gaz" ou "Power2Hydrogen" au cours de ces 2 journées. Rien de bien nouveau pour cette approche déjà mises en œuvre par plusieurs industriels et qui consiste à transformer par électrolyse l'électricité en hydrogène injecté dans le réseau de gaz naturel. Cette approche est particulièrement pertinente quand le vent et fort ou quand le soleil est généreux au point que les capacités de production électrique dépassent la demande instantanée. Alors, au lieu d'arrêter les éoliennes, il est possible de convertir en gaz la quantité d'électricité qui dépasse la demande instantanée et ainsi de diminuer la facture de gaz naturel. Comme les équipements qui brulent le gaz ne supportent pas plus de 10% d'hydrogène, il est question aussi de combiner l'hydrogène produit par électrolyse avec du CO2 pour obtenir du méthane équivalent au gaz naturel. En d'autres mots, quand les capacités en électricité renouvelable dépassent la demande, les électrolyseurs démarrent et deviennent un client du réseau électrique pour alimenter le réseau de gaz.
- Au plan des projets européens, il importe que l'hydrogène soit explicitement et rapidement reconnu comme un "carburant alternatif".
- Les véhicules électriques à batteries ne sont guère promus à un grand avenir. Il suffit de penser qu'un camion de 40 tonnes ne pourra jamais être alimenté seulement avec des batteries... à moins d'en faire en camion de 70 tonnes, étant donné le poids des batteries nécessaires.
- A l'horizon 2050, Toyota ne vendra plus de véhicules uniquement à essence ou au diesel. L'objectif de Toyota (et sans doute de bien d'autres constructeurs automobiles) est de faire que tout le cycle de production de la voiture soit aussi décarboné, pas seulement ce qui sort du pot d'échappement.
- En matière d'hydrogène énergétique, le marché est en création et la créativité est la bienvenue. Par exemple, il serait bon de penser à développer des flottes de camions ou de tracteurs agricoles à l'hydrogène.
- Pour les amateurs de concepts abstraits ou centralisateurs, il faut agir en fonction d'écosystèmes. Je promets d'y revenir quand je serai plus convaincu de la pertinence d'un tel niveau d'abstraction qui risque d'être inhibant ou dilatoire, surtout à ce stade embryonnaire du marché de l'hydrogène où il s'agit de laisser une place primordiale à la créativité qui passe par des essais et des erreurs.
- Au final, ce sont surtout les consommateurs bien informés qui vont pousser à l'adoption de l'hydrogène, par exemple en demandant des voitures ou des systèmes de stockage d'énergie à hydrogène.
Profitant de HyVolution, j'ai enregistré une vidéo à propos de l'hydrogène naturel présentée par Alain Prinzhofer dont je venais de lire le livre. Cette présentation était donnée sur le stand de la société canadienne Petroma qui a découvert et qui exploite de l'hydrogène naturel au Mali. Cette vidéo, avec une introduction par Aliou Diallo, Président de Pétroma, et avec aussi quelques commentaires par une délégation officielle du Mali, sera mise en ligne dès que je trouverai le temps d'en faire le montage.
Enfin, telle une cerise sur le gâteau HyVolution, voici le diaporama de l’excellente présentation en anglais par Gérald Killman, le Vice-Président R&D de Toyota Europe qui, tout comme le PDG de Toyota, explique l'engagement de Toyota pour une nouvelle société où l'hydrogène devient synonyme d'énergie.
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P.S. Les commentaires sont ouverts pour corriger ou compléter cet article. Pour les participants à HyVolution 2016 qui souhaiteraient ajouter d'autres idées ou leçons à tirer, ils peuvent écrire soit directement en commentaire, s'ils sont adhérents de Mediapart, soit à Jean-Patrick Teyssaire de Planète Verte qui transmettra ces commentaires pour publication.