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Billet de blog 20 janvier 2024

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« Le repas des gens », un spectacle succulent

Faisant, contre mauvaise fortune, un très bon spectacle ayant le théâtre au cœur, François Cervantès signe « Le repas des gens », faux-vrai vin compris

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Illustration 1
"Le repas des gens", scène © Christophe Renaud de Lage

François Cervantes n’aime rien tant que de parler des gens aux gens. C‘est son métier, c’est son plaisir jamais assouvi, c’est ce qui fait qu’il écrit des pièces et qu’il ne finira sans doute jamais d’en écrire, puis il réunit des actrices et des acteurs pour les mettre en scène. Et puis arrive le moment où les gens du plateau (parfois il n’y en a qu’un.e), rencontrent les gens de la salle (en espérant qu’elle soit pleine). Cela fait des dizaines d’années que cela dure et que l’on (lui, nous) ne s’en lasse pas. Cela ne va pas sans complices et sans complicités. A commencer par la collaboration depuis 1986 ( date de la création par Cervantes, de la compagnie l’Entreprise ) avec l’actrice Catherine Germain. Lui, l’ingénieur de formation, elle, la fille de paysans, tous les deux tombés vite dans le théâtre, ce puits sans fond avec vue sur un ciel étoilé.

Ensemble (elle, seule en scène) ils ont créé Le sixième jour, un chef d’œuvre, où trône Arletti le clown de Catherine Germain, aussi troublant qu’indémodable. Un spectacle qui revient comme un refrain et qu'on redemande. Ces dernières années, Catherine Germain irradiait, avec d’autres, dans Face à Médée (lire ici), seule dans Le rouge éternel des coquelicots (lire ici), des pièces écrites et mise en scène pat Cervantes qui, lui, jouait seul Prison possession (lire ici).

Il y a trois saisons, François Cervantes avait écrit et mis en scène Le Cabaret des absents. Un spectacle composé de fragments de vie, de l’enfant Tagada au clown Arletti, tous les personnages, à un moment ou à un autre, se retrouvaient sur la scène du théâtre, un continuel délice (lire ici). Parmi ces personnages éphémères figurait un couple qui avait gagné une drôle de beau lot : un repas gratuit servi sur la scène du théâtre devant les spectateurs.

Devenu auteur associé au projet de Robin Renucci , directeur du théâtre de la Criée à Marseille, François Cervantès devait mettre en scène cette saison une nouvelle pièce réunissant un bon nombre de personnages et donc d’actrices et d’acteurs. Et puis, ce sont des choses qui parfois, arrivent, on ne s’accorde pas sur la marche des choses et tout s’arrête avant que cela commence. Mais les dates étaient retenues dans la programmation de la Criée, il fallait vite combler le vide. Alors François Cervantes a eu le belle  idée de repartir de cette séquence du Cabaret des absents, de ce dîner offert sur une scène à un couple jamais venu au théâtre, de développer ce canevas pour en faire une pièce à part entière.

Voici donc un couple, elle (Catherine Germain) et lui (Julien Cottereau) qui prennent place sur scène derrière une table où sont disposés deux couverts. Ils sont face au public, et le régisseur du théâtre (Stephan Pastor) va servir le dîner, plat après plat. Voici donc une actrice et un acteur des plus aguerris, jouant des personnages qui pénètrent sur une scène de théâtre pour la première fois de leur vie, qui découvrent ce qu‘est un théâtre puisqu’ils n’y sont jamais allés, et les voici ébahis, étonnés, troublés de voir le public devant eux venu les voir et auquel ils ne vont pas tarder à s’adresser. Et leur vie passe comme les plats. Loin des codes du théâtre, loin des effets de manche, un magnifique travail ont ne peut plus théâtral et l’air de rien à la fois, car au théâtre rien n’est plus vrai que le faux naturel. C’est, dans tous les sens, renversant .

Le repas des gens, jusqu’au 27 janvier au Théâtre de la criée. Puis du 29 juin au 21 juillet dans le cadre du festival Avignon off, au Théâtre des Halles

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