jean-pierre thibaudat (avatar)

jean-pierre thibaudat

journaliste, écrivain, conseiller artistique

Abonné·e de Mediapart

1395 Billets

0 Édition

Billet de blog 20 juillet 2023

jean-pierre thibaudat (avatar)

jean-pierre thibaudat

journaliste, écrivain, conseiller artistique

Abonné·e de Mediapart

Odéon après Avignon. Alice au pays du réel

Après « Love », « Faith hope and charity » et « Un mort dans la famille », trois spectacles intenses explorant un lieu unique, avec « The confessions », Alexander Zeldin nous entraîne dans un périple entre l’Australie et l’Angleterre dont sa mère est l’héroïne. En nous surprenant, il nous ravit encore.

jean-pierre thibaudat (avatar)

jean-pierre thibaudat

journaliste, écrivain, conseiller artistique

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Scène de "The confessions" © Christophe Renaud de Lage

On avait découvert Alexander Zeldin à l’automne 2018, au Théâtre de l’Odéon et dans le cadre du Festival d’Automne, avec Love, un spectacle qui s’en tenait à un lieu unique : la salle commune d’un hébergement d’urgence dans une quartier de Londres (lire ici). Zeldin avait écrit après une très longue enquête et un travail d’improvisation mené avec une distribution mêlant amateurs et professionnels. On l’avait retrouvé trois ans plus tard avec Faith, hope ansd Charity où tous se passait dans une cantine pour pauvres condamnée à disparaître en raison d’une opération immobilière (lire ici). Puis, en février 2022 à l’Odéon (dont il est désormais artiste associé), avec Une mort dans la famille, cette fois avec une distribution française, mêlant encore une fois amateurs et professionnels. Tout se passait dans la salle commune d’un EHPAD (lire ici).

Le voici pour la première fois au Festival d’Avignon, après la création en juin au festival de Vienne et avant l’Odéon cet automne, avec The confessions. Plus de lieu unique, mais autant d’endroits clefs qui jalonnent une vie, pas n’importe laquelle : celle d’Alice, la mère de Zeldin, née en Australie en 1943. Le fils s’est entretenu des heures avec la mère. Alice lui a parlé de sa jeunesse corsetée en Australie, de ses rêves d’université, de ses parents qui croyaient bien faire en l’incitant à épouser un homme plus âgé qu’elle n’aimait guère, son divorce, son départ pour Londres, son émancipation ( la mère lisait Simone de Beauvoir, son écrivaine préférée), la rencontre avec un juif né en 1930, père du futur Alexandre, etc.

On parcourt cette vie depuis la fin du lycée, dans des cuisines, des chambres, une salle de bain, etc. et avec des retours en arrière. Une distribution réunissant neuf interprètes qui jouent tous les rôles. Pour le cheminement de ce spectacle, le francophone et francophile Zeldin, ex assistant de Peter Brook, fait référence à l’autrice britannique Rachel Cusk et à l’écriture d’Annie Ernaux. Il a aussi retrouvé pour l’occasion l’un des ses amis de jeunesse, le chanteur du groupe Foals, Yannis Philippakis qui signe la musique du spectacle. Comme à chaque fois, Zeldin n’arrive pas aux répétitions avec un texte définitif, loin de là, tout ses remodèle au gré des répétitions.

The confessions, récit plus classique d’une vie (même si la chronologie en est chahutée) entraîne un jeu de changements de décors à vue un peu comme des poupées gigognes ou encore l’usage de rideaux rouges. Un piège destiné à mieux nous entraîner dans les charivaris de la vie d’Alice. Comment de fille obéissante elle deviendra féministe militante, comment l’art peut être émancipateur. Alors on la suit depuis le bal des cadets à la fin de ses études, son échec à obtenir son diplôme alors que ses parents aux revenus modestes se sont serrés la ceinture pour elle, son repli sur le métier d’institutrice et un mariage avec un homme de la marine qui n’est jamais là. Et puis le début d’une autre vie qui commence par le divorce, la reprise des études, la rencontre avec des artistes, le départ pour Londres. Et ainsi de suite. Nommons à tous le moins les deux formidable actrices qui incarnent Alice aux différents âges de la vie, Eryn Jean Nowill et Almeda Brown.

Ce n’est peut-être pas le spectacle le plus incisif de Zeldin ; inégalable pour faire vivre le lieu d’une collectivité populaire, mais c’est assurément celui qui traverse le plus sa vie personnelle. La vie et l’amour y sont plus forts que la haine et la mort.

Après la création au Festival d’Avignon, à la Fabrica, le spectacle est  à l'affiche du Théâtre de l'Odéon-Théâtre de l’Europe, du 29 sept au 14 oct, puis Comédie de Genève du 8 au 12 nov, Théâtre de Liège du 15 au 18 nov, Comédie de Clermont-Ferrand, du 22 au 24 nov, Théâtres de la Ville de Luxembourg du 3 au 5 mai

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.