Le Monde rapporte dans cet article ces propos hallucinants tenus par le président de la République devant un quarteron de courtisans le 21 février dernier à l’Élysée. Sa sortie sur « l’envoi de troupes au sol » en clôture de la conférence de soutien à l’Ukraine organisée à Paris le 26 février 2024 n’avait donc rien d’une formule dépassant quelque peu sa pensée.
Certes, la crédibilité de M. Macron sur la scène internationale est à peu près nulle tant il a dit tout et son contraire sur à peu près tous les sujets. Le Premier ministre portugais confiait récemment à des interlocuteurs français : « Votre président, il lance une idée et le temps que nous réagissions, il en a proposé trois en sens inverse ». Car c’est bien le même homme qui déclarait en juin 2022 qu’il ne fallait pas « humilier la Russie » et qui entend à présent contribuer à sa défaite en envoyant des troupes françaises - pardon, « des mecs » - à Odessa.
En février 2022, il se faisait fort de convaincre Vladimir Poutine de ne pas envahir l’Ukraine. N’avait-il pas séduit d’immenses personnalités telles que Christophe Castaner et Aurore Bergé ? Alors Poutine, le charismatique M. Macron n’allait en faire qu’une bouchée... Puis, pendant les mois qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine, il s’est vu en faiseur de paix et s’imaginait déjà obtenir le Prix Nobel de la paix. Résultat : « je ne dirais pas que c’était un échec mais ça n’a pas marché. » Dorénavant, le dirigeant d’un pays qui est parmi ceux qui ont le moins aidé l’Ukraine est prêt à envoyer « des mecs » à Odessa !
Hier soir, il martelait dans un entretien télévisé : « Si la situation devait se dégrader, nous devons être prêts et nous serons prêts. » On pourrait en sourire : qui peut croire qu’un pays incapable de fournir des masques à ses soignants et de produire un vaccin en 2020 serait « prêt » à affronter la Russie ? Son inconstance et son inconsistance ne doivent toutefois pas masquer sa fascination pour l’uniforme et la guerre et encore moins nous conduire à sous-estimer le danger que cela représente.
Le 14 mai 2017, le jour de sa prise de fonction, il remontait les Champs-Élysées en command-car, ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait fait. Le 21 juillet 2017, il se rendait sur la base aérienne d'Istres et c’est déguisé en uniforme de l’armée de l’air qu’il passa en revue les soldats. En octobre 2017, il fanfaronnait devant un de ses courtisans qui dressait de lui un portrait dithyrambique dans The Guardian : « Je ne suis pas fait pour diriger par temps calme. Mon prédécesseur l'était, mais moi je suis fait pour les tempêtes. » Dans un entretien paru en mai 2018 dans la NRF, il tenait ces propos stupéfiants : « Paradoxalement, ce qui me rend optimiste, c’est que l’histoire en Europe redevient tragique. »
En 2020, alors qu’il avait négligé toutes les alertes sur la pandémie de Covid-19 pendant des semaines, il annonçait le 16 mars le confinement dans une allocution où il répéta à cinq reprises : « Nous sommes en guerre ». Pendant des mois, il allait jouer au commandant en chef et présider des dizaines de conseils de défense. Le secret-défense était en effet de rigueur car il ne fallait surtout pas que l’ennemi - le virus - eût connaissance des plans du Général Macron (Maréchal lui conviendrait mieux eu égard à ses idées, mais le grade n’existe plus).
Une guerre contre un virus, c’est bien pour se faire la main. Mais une vraie guerre, c’est quand même mieux. Aussi, quand la Russie envahit l’Ukraine en février 2022, l’apprenti chef de guerre fut comblé. L’histoire en Europe redevenait tragique, enfin ! L’Élysée publia alors des photos du commandant en chef vêtu d’un sweat à capuche, barbe de trois jours et traits tirés. Si Zelensky est un acteur devenu président, Macron est un président qui fait du théâtre. En octobre 2023, nouvelle montée d’adrénaline. Le voilà qui se précipitait à Jérusalem pour proposer la constitution d’une coalition internationale pour bombarder Gaza. Proposition si incongrue que même son « cher Bibi » n’y accorda pas le moindre crédit.
Maintenant qu’on connait son intention d’envoyer « des mecs » à Odessa dans l’année qui vient, il convient d’interpréter différemment son obsession pour le Service National Universel, ces Chantiers de la Jeunesse macroniste. Dresser les jeunes de ce pays pour en faire de dociles travailleurs au service de ses amis oligarques, bien entendu. Mais aussi les préparer à devenir de la chair à canon.
Depuis 2012, Emmanuel Macron a été successivement conseiller de la présidence, ministre puis président de la République. Les ravages qu’il a commis sont impressionnants : destruction de l’industrie française, de l’hôpital public, de l’Éducation Nationale, du droit du travail et de l’assurance-chômage. Il a plongé des millions de gens dans la précarité et la pauvreté. Sous sa présidence, les libertés publiques et l’état de droit ont été systématiquement bafoués ; les manifestations ont été réprimées avec une violence inconnue en métropole depuis la guerre d’Algérie. Le cœur du programme du RN - la préférence nationale - a été en partie adopté par son gouvernement.
Toutefois, il semble que faire la guerre au peuple de ce pays ne suffise plus à M. Macron. Jouer au chef de guerre – la vraie - le démange. Il n’a pas encore eu la dose de tragique dont il a besoin pour soigner son égo. Lui aussi aimerait nous promettre du sang, de la sueur et des larmes. Et, qui sait, passer à la postérité comme celui qui aura mobilisé des troupes françaises pour affronter une puissance nucléaire ? « Les mecs » qu’il aura envoyé mourir au front en sirotant son whisky deviendront le temps d’une cérémonie aux Invalides des « héros » auquel il rendra hommage à grands coups de formules ampoulées.
Le personnage d’Emmanuel Macron fait immanquablement penser au mot de Marx sur Louis Napoléon Bonaparte, « le grave polichinelle qui ne prend plus l’histoire pour une comédie, mais sa propre comédie pour l’histoire. » A ceci près que le « grave polichinelle » de la rue du Faubourg Saint-Honoré est un immense danger pour ce pays.
« Malheur à toi, pays dont le roi est un enfant et dont les princes mangent dès le matin ! » Ecclésiaste 10:16.