L’Histoire ne retiendra sans doute pas grand-chose de la conférence de presse qu’a donnée M. Macron le 16 janvier 2024, comme d’ailleurs de la plupart de ses interventions tant celles-ci évoquent plus souvent les Powerpoint d’un consultant que la vision d’un homme d’État. A défaut d’avoir comblé les historiens, son expression « réarmement démographique » aura fait la joie des plaisantins qui ont salué la naissance de France Semence ou encore l’annonce d’un nouveau numér’ovaire géré par France Fertilité.
Le président de la République que l’on a connu brillant épidémiologiste en 2020 s’est converti en démographe en ce début d’année 2024. La forte baisse du nombre de naissances en France en 2023 (-7% par rapport à 2022) est à l’origine de sa nouvelle spécialité scientifique. Selon l’INSEE, cette forte baisse s’explique principalement par une diminution importante du taux de fécondité (1,68 enfant par femme). M. Macron en a immédiatement identifié la cause : l’infertilité. Et il a annoncé qu’« un grand plan de lutte contre ce fléau sera engagé pour permettre justement ce réarmement démographique ». Un plan se doit d’être grand, évidemment, c’est le b.a.-ba de la communication politique et plus encore quand la communication tient lieu de politique.
Que d’autres causes qu’une infertilité croissante puissent expliquer la baisse de la fécondité ne semble pas avoir effleuré l’esprit de notre démographe d’un soir. Déserts médicaux, fermetures de maternités, manque de crèches, destruction des services publics de la santé et de l’éducation, chômage et précarité, dérèglement climatique, rien de tout cela ne semble jouer à ses yeux. Quant à la baisse de la fertilité (réelle), gageons qu’il ne s’interrogera pas sur la responsabilité des perturbateurs endocriniens contenus dans une multitude de produits pour le plus grand bénéfice des entreprises qui les conçoivent et les commercialisent. Dieu se rit du président qui déplore les effets dont il chérit les causes, aurait pu dire Bossuet.
Foin de ces arguties, les couples sont priés de procréer fissa … par un président qui s’est lui-même abstenu de le faire. Le démographe en chef envisage la création d’un bilan de fertilité pour les adultes âgés de 25 ans. Certains y verront une sorte de conseil de révision du « réarmement démographique » (voir ici pour les moins de 45 ans), d'autres un « contrôle technique ». Ce bilan sera remboursé par la Sécurité Sociale mais on peut compter sur la vigilance du gouvernement pour qu'un décret d'application en exclue les jeunes parents immigrés non-européens.
Selon M. Macron, il faut que les Françaises fassent plus d’enfants car le pays va manquer de bras dans l’industrie et l’agriculture en raison de sa démographie en berne. Se pourrait-il que la chasse aux chômeurs qu’il a promis d’intensifier ne suffise pas à combler les besoins des entreprises ? Faudrait-il en conclure que les « réformes du marché du travail » avaient en réalité un tout autre objectif, celui de faire pression à la baisse sur les salaires ? Quelque chose cloche dans cette affaire car même en supposant que la mobilisation générale des utérus commence à porter ses fruits dans neuf mois, les « bébés Macron » ne vont pas entrer dans la vie active avant les années 2040.
C’est là que le « réarmement démographique » rencontre la loi immigration. Les pays européens où le taux de fécondité est à un niveau très bas depuis de nombreuses années ont compris que la seule solution était d’accueillir plus d’immigrés. Même Giorgia Meloni, pourtant peu suspecte de sympathie envers les immigrés, a annoncé la régularisation de 450 000 travailleurs étrangers en Italie. Pas M. Macron qui a décrété que l’immigration est un problème et qui a fait voter la loi la plus xénophobe depuis le régime de Vichy.
Rien de bien étonnant ni de très nouveau en réalité. En 2020, M. Macron avait passé 45 minutes au téléphone pour apporter son soutien à Eric Zemmour qui avait été agressé dans la rue et lui avait demandé de lui fournir une note sur l’immigration. Comme le soulignait Marc Endeweld dans cet entretien sur QG, le président de la République « ne cesse d’être obsédé par ce que lui-même appelle le grand remplacement ». Et dans sa conférence de presse du 17 janvier, M. Macron a repris une formule qui était le slogan de campagne d’Eric Zemmour en 2022 : « Pour que la France reste la France. »
Le « réarmement démographique » et la loi immigration sont donc bien les deux facettes d’une politique réactionnaire et raciste. Pourrir la vie des immigrés Noirs ou Magrébins, même en situation régulière, harceler les réfugiés à Calais ou à la frontière italienne. Et, en même temps, enjoindre aux Françaises de faire des enfants, qui porteront l’uniforme à l’école puis lèveront les couleurs pendant le SNU en classe de seconde.
Faire des enfants « de souche » et chasser les basanés. « Pour que la France reste la France » : blanche, chrétienne, et exsudant par tous ses pores la haine de tous ceux qui sont différents par leur origine ethnique, leur couleur de peau ou leur religion. Maréchal, le revoilà.
