ouiautraindenuit (avatar)

ouiautraindenuit

Les trains de nuit : une mobilité d'avenir

Abonné·e de Mediapart

36 Billets

0 Édition

Billet de blog 4 mars 2023

ouiautraindenuit (avatar)

ouiautraindenuit

Les trains de nuit : une mobilité d'avenir

Abonné·e de Mediapart

L'Etat a oublié les trains de nuit Est-Ouest : nouvelle pétition !

Depuis 2021, l’État annonce la relance d'une dizaine de lignes de trains de nuit, principalement Nord-Sud. Les transversales Est-Ouest restent largement oubliées. C'est pourtant sur ces liaisons que les temps de parcours sont les plus longs. Une nouvelle pétition appelle à construire davantage de trains de nuit et rappelle l'urgence de décider dès 2023.

ouiautraindenuit (avatar)

ouiautraindenuit

Les trains de nuit : une mobilité d'avenir

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En 2021 le gouvernement a publié le Rapport « Trains d’Équilibre du Territoire » (TET). Celui-ci a confirmé la demande du collectif « Oui au train de nuit » (OuiTdN) de construire 600 voitures neuves de trains de nuit, en plus de rénover les voitures-couchettes Corail datant des années 1970-1980. Là où OuiTdN a proposé de créer 30 lignes de nuit, le rapport du gouvernement a confirmé la pertinence d'environ 25 lignes, avec déjà un manque sur les liaisons transversales.

Depuis, l’État reporte la décision d'investir et revoit l'ambition à la baisse d'année en année : fin 2021 il ne promettait plus que 300 voitures pour 10 lignes, sans apporter de justification pour cette réduction. L'investissement a ensuite été reporté à 2022 puis 2023-2024.

Le 24 février 2023 le nouveau rapport du Conseil d'orientation des Infrastructures (COI) a rappelé l'urgence de « statuer dès 2023 ». Ce rapport préconise en outre de scinder l'investissement en 2 phases, pour peut-être éventuellement ne réaliser que la première. La première phase de 520 M€ comprend 150 voitures destinées aux lignes existantes. Les 490M€ pour les 150 voitures destinées à créer les nouvelles lignes risquent d'être encore reportés à plus tard. Pourtant scinder les commandes en petits lots séparés augmente les coûts...

Face aux enjeux Climat et économies d'énergie qui s'affirment d'année en année, il conviendrait au contraire d'augmenter l'ambition. Le train de nuit est un outil efficace qu'il n'est plus possible d'ignorer : d'après le rapport TET le report de l'avion ou de la route sur le train de nuit permet d'économiser 95% des émissions de CO2. Il permet aussi d'économiser 80% de la consommation énergétique.

Illustration 1
Nouvelle pétition pour plus de trains de nuit

Augmenter l’ambition 

Le train de nuit n’est pas une mobilité anecdotique. Sur les trajets de 800 à 1500 km (voire plus), il n’existe pas d’autre transport terrestre confortable et sans perte de temps : le train de nuit peut (re-)devenir une référence pour les voyages longue distance. OuiTdN a montré que, si l’Europe investit, le train de nuit pourra devenir une alternative de transport disponible pour un passager aérien sur 2 et transporter ainsi 100 millions de passagers par an sur 350 lignes régulières en Europe ! C'est loin d'être un “marché de niche”.

Le train de nuit est de fait un outil pour modérer le trafic aérien (ADEME). Rappelons que les vols de loisir rassemblent les deux tiers des passagers aériens. Le tiers restant se répartit équitablement entre vols à motif professionnel et visites à la famille. Les passagers touristiques sont en hausse très notable (+100% entre 2008 et 2018) et le tourisme représente déjà 11% de l'empreinte carbone de la France (dont 77% pour les transports et 41% juste pour le transport aérien).

Le train de nuit permet de promouvoir des destinations plus proches, à l'opposé de l’avion qui, de par sa vitesse, encourage le touriste à choisir des destinations beaucoup plus lointaines. Le train de nuit offre donc un gain en économies d’énergie et en émissions doublement important : moins de kilomètres parcourus et moins de consommation par kilomètre. En Europe du Nord la demande pour les voyages en train de nuit augmente et la France gagnera à viser ce tourisme européen qui vient en train. Au vu des distances dépassant souvent les 1000 km, le train de jour ne suffit pas pour l'interconnexion européenne. Le train de nuit est d’ores et déjà un outil essentiel sur lequel investir. Cet investissement est d'autant plus pertinent et cohérent que l'Europe souffre d'une pénurie de voitures de trains de nuit.

Relancer les transversales Est-Ouest

L’État, souvent trop centralisateur, a validé surtout des trains de nuit Nord-Sud et surtout ceux au départ de Paris. De nombreux trains de nuit Est-Ouest manquent à l'appel. Il est donc nécessaire d’augmenter l’ambition pour reconnecter les régions éloignées les unes des autres, avec davantage de trains de nuit sur les transversales région-région.

C'est en effet sur ces liaisons que les temps de parcours en train de jour sont les plus longs. En train de jour la liaison la plus lente en France est Hendaye-Nice : elle demande dans le meilleur des cas 10 heures de voyage avec changement. Un tel voyage serait davantage attractif de nuit, confortablement installé pour dormir. Le rapport TET a bien validé la pertinence de certaines lignes transversales. Il a proposé de construire 150 voitures dédiées à ces services. Mais ce n'est pas suffisant. Il a "oublié" d'étudier certaines liaisons, comme cette liaison Hendaye-Nice, qui était pourtant une des dernières transversales survivantes dans les années 2010 et l'une des plus nécessaires. Les transversales "Est-Ouest" sont un angle mort de la vision de l’État sur les trains de nuit.

En poursuivant dans une logique centrée sur Paris, en 2022 l’État a supprimé encore d'autres transversales, pourtant proposées dans le rapport TET : Quimper-Lyon-Genève et Bordeaux-Lyon-Genève ont disparu des annonces. L'ambition a ainsi été réduite à 100 voitures pour les transversales. Le lot 1 proposé par le rapport COI reviendrait même à commander... 0 voitures pour les transversales : aucune transversale ne circule ni aujourd'hui, ni ne circulerait avant 2028 : il y a pourtant urgence à tester ce type d'offre qui a complètement disparu et qu'il conviendrait de relancer sans délais : en 2014 le train de nuit qui transportait le plus de voyageurs était la transversale Strasbourg/Luxembourg - Nice/Portbou.

OuiTdN propose au contraire de doubler l’ambition du rapport TET avec pour commencer 3 transversales multi-branches à relancer en priorité, soit un total de 300 voitures (en attendant la mise en place d'un réseau plus complet de 7 transversales tel que représenté sur la carte du début de l'article).

Le réseau TGV est déjà centré sur Paris et le train de nuit est idéal pour équilibrer et compléter l’offre. Rappelons que 80 % de la population vit hors Île-de-France et que les villes moyennes gagnent aujourd’hui en attractivité. Il existe bien sûr une demande de déplacements sur les transversales. Elle est aujourd’hui très mal couverte par le train, ce qui accentue l’idée que la voiture est indispensable pour les habitants des territoires périphériques. 

Le rapport TET a déjà confirmé que les trains de nuit région-région s’autofinancent mieux que les trains de nuit vers Paris. Et les chiffres historiques montrent aussi qu’ils sont davantage fréquentés. Négliger les transversales est donc une erreur qui ne découle pas d'une approche rationnelle, mais peut-être plus d'un réflexe centralisateur.

Le flux de voyageurs région-région est suffisant pour remplir un ou plusieurs trains quotidiens, mais souvent insuffisant pour construire une Ligne à Grande Vitesse, qui se justifie plutôt à partir de plusieurs dizaines de trains par jour. Pour cette raison aussi, le train de nuit, qui offre un horaire idéal en préservant les 2 journées complètes d’avant et après le voyage, est un outil bien adapté pour capter ces flux de voyageurs transversaux.

Illustration 2
Carte des transversales multibranches à mettre en œuvre prioritairement d’après OuiTdN pour connecter les régions éloignées les unes des autres

Desservir les zones de montagne

Certains territoires sont mal desservis par le ferroviaire. Le train de nuit peut participer à les revitaliser avec à nouveau des liaisons attractives. En particulier le Massif Central a besoin du retour des trains de nuit. Pour cela, l’Occitanie demande un train de nuit à trois branches pour desservir Aurillac et les chapelets de villes le long des voies ferrées Cévenole et Aubrac. Les Alpes ont aussi besoin de plus de trains de nuit.

En 2021, le rapport TET a estimé que le besoin pourrait aller jusqu'à 200 voitures pour les trains de nuit sur les radiales. En 2022, l’État a toutefois renoncé aux trains de nuit pour les Alpes du Nord et aux trains supplémentaires pour les renforts en période de pointe, comme par exemple sur Paris-Briançon l'hiver ou Paris-Nice l'été. En 2023, le rapport COI limiterait l'investissement, sur la phase 1, à 150 voitures, en abandonnant la création des nouvelles lignes.

OuiTdN propose de mieux desservir le Massif Central et les Alpes, avec la mise en circulation d'au moins 200 voitures pour les radiales.

Construire du matériel pour des liaisons internationales, aussi au départ des Régions

En 2021, le rapport TET envisageait 250 voitures pour les trains de nuit internationaux. Par contre en 2022, l’État avait déjà renoncé à tout investissement sur ces services. Il est vrai que les réglementations européennes de 2007 et 2016 -  les « paquets ferroviaires européens » - visent à limiter et encadrer strictement les subventions aux trains internationaux. Les trains de nuit ont été un angle mort dans l’élaboration de ces réglementations européennes, ce qui a visiblement contribuer à leur disparition sur cette période.

Depuis 2021, pressée par les ONG, l’Europe prend petit à petit conscience d’une évolution nécessaire. Et sans attendre l’UE, certains États trouvent des solutions : la Suède achète des trains de nuit pour les louer aux opérateurs. Elle propose aussi des subventions d’exploitation, car le ferroviaire et les transports en commun ne s’autofinancent que très rarement. Rappelons que la Grande Vitesse ne peut exister que grâce aux financements publics très importants pour la construction de l’infrastructure.

De son côté, la France compte à 100 % sur l’Autriche pour fournir le matériel roulant pour les nouveaux trains de nuit Paris-Vienne et Paris-Berlin. Elle laisse aussi l’Autriche financer seule la part des coûts de fonctionnement non couverte par la vente des billets.

Pour équilibrer la donne et sortir de la pénurie en matériel qui touche toute l’Europe de l’Ouest, la France gagnera elle aussi à construire des trains de nuit pour participer à relancer davantage de liaisons internationales. 

Ces trains ont aussi besoin d'une action de décentralisation : pour l’instant, l’État considère surtout les trains de nuit au départ de Paris. Cependant les trains internationaux manquent fortement aussi au départ des régions, tout particulièrement pour la moitié Sud de l’Hexagone : devoir voyager via Paris pour aller à l'étranger représente un détour souvent dissuasif. 

OuiTdN appelle à relever l’ambition avec un parc de 600 voitures. Point positif, l'investissement est à répartir entre la France, les pays voisins et les opérateurs ferroviaires. La part reposant sur l’État pourrait dans ce cadre être réduite à 100 voitures. Elle pourra être complétée par le parc de voitures couchettes récemment rénovées. Celui-ci sera en effet libéré par l'arrivée du nouveau matériel sur les lignes radiales.

Illustration 3
Evaluation du besoin de voitures de trains de nuit

Financer la construction des nouveaux trains, sans délais, dès 2023

Le 24 février 2023, le rapport du « Conseil d’Orientation des Infrastructures » (COI) a rappelé que les voitures couchette actuelles « ont près de 45 ans » et que la construction de trains neufs prend entre 5 et 8 ans. Il confirme que « les objectifs de décarbonation rapide et de réduction des consommations énergétiques plaident pour une augmentation des dessertes, en particulier de nuit » et que « la pertinence du développement d’un réseau de nuit paraît suffisamment étayée ».

Pourtant le ministère des finances ne cesse de retarder l’action : la construction aurait pu être lancée mi-2020 puisque l’État s'était engagé à finir les études du rapport TET avant fin juin 2020. Malheureusement, la publication du rapport a été retardée pendant 11 mois jusqu'en mai 2021. (Ce n'est pas une exception. Le rapport Philizot sur les petites lignes, prévu pour juin 2019, a lui aussi été longtemps repoussé pour finir très édulcoré : annoncé par le ministre des transports comme "très fouillé, fait un diagnostic région par région et ligne par ligne", il ne fera au final plus que quelques pages, sans détails, quand il sera enfin rendu public en février 2020. Le rapport du COI a aussi été retardé du 15 décembre 2022 au 20 février 2023). Fin 2021 la promesse a été faite de construire le matériel. Promesse réitérée fin 2022 et début 2023. Pour l'instant, ces annonces restent toujours non financées.

Plutôt que de retarder l’action, il est temps au contraire d’accélérer. Le statu quo actuel avec seulement quelques lignes n'est pas optimal : le rapport TET a montré qu'un réseau de 25 lignes présenterait un coût d'exploitation sensiblement équivalent aux 4 lignes actuelles. L'extension du réseau de nuit pour constituer un réseau cohérent est souhaitable pour les synergies, la visibilité et l'efficacité de l'offre.

Prévoir une commande extensible à 1200 voitures pour l’horizon 2035

Le ferroviaire se prépare 10 ans en avance. Avec les augmentations du coût de l’aérien (suppression des niches fiscales sur le kérosène, limitation des subventions aux aéroports, augmentation du prix du carburant), les voyageurs peuvent se reporter très rapidement sur le train de nuit, comme cela a déjà été le cas en Australie fin 2022. Le train de nuit est en effet la seule mobilité terrestre confortable pour les trajets de 800 à 1500 km. Il permet un voyage sans perte de temps en dormant. 

Il est donc nécessaire d’anticiper une forte croissance de la demande des voyageurs et nos évaluations estiment le besoin à 1200 voitures pour la France avant 2035 (et 10 000 voitures pour l’Europe). Il sera en effet nécessaire de doubler des lignes (jusqu’à 5 trains de nuit quotidiens circulaient sur Paris-Nice par le passé) et de diversifier les destinations au départ de chaque territoire.

Pour l'État, prévoir une commande extensible ne coûte pas plus cher, puisque ce n'est qu'une option non obligatoire. Par contre cela permet de sécuriser et d’accélérer l’approvisionnement dans le cas où la demande sera effectivement au rendez-vous. C’est d’autant plus pertinent dans le contexte actuel de pénurie de trains de nuit. Une commande extensible à 1200 voitures est donc à poser pour l’horizon 2035.

Illustration 4
Augmenter l'ambition pour les trains de nuit

Merci à tous de signer la pétition sur Greenvoice pour :

* la construction d’un parc de trains de nuit de 600 voitures-couchettes, avec une option d'extension à 1200 voitures.

* le lancement de cette production sans délais, dès 2023, pour une mise en service le plus tôt possible, avant 2030

* créer plus de trains de nuit région-région sur les transversales

* mieux desservir l’ensemble des territoires excentrés et territoires de montagne

* augmenter l’ambition pour les trains de nuit internationaux, avec également des trains de nuit au départ des Régions.

pétition sur Greenvoice

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.